Blog professionnel dédié aux droits de l'Enfant
De 1996 à aujourd'hui Me Diassi s'est fortement impliqué dans les activités de formation en justice juvénile.
Cela a débuté d'abord sous le mandat du BICE en République Démocratique du Congo (Zaire à l'époque) en 1997 et 2000, au Mali en 1997,en Guinée en 1998.
Ensuite dès 1999 avec Terre des hommes dans ses différents pays d'intervention (Guinée, Mauritanie, Burundi, Burkina Faso, Bénin).
Il est heureux de constater aussi que dans plusieurs de ces pays les cadres légaux de prise en charge judiciaire des mineurs ont évolué par un effort d'harmonisation tendant à domestiquer les principes de la CIDE dans la loi nationale. L'action de sensibilisation même pionnière dans certains pays (RDC, Mali, Guinée), n'a donc pas été vain.
Ce parcours lui a donc permis de réunir un capital expérience, qu'il reste nécessaire de partager. Ce travail aussi n'est pas statique, mais toujours mouvant, et il y a donc besoin que la réflexion partage de tous, aide à parfaire les idées, pour l'intérêt de tous ceux peuvent en bénéficier.
En effet les droits de l'Enfant en général, la justice pour mineurs en particulier exige une spécialisation par la formation, et ce chantier est largement ouvert dans nos pays africains. Et les efforts entamés à ce titre mérite aussi une réflexion capitalisation, afin de mieux cerner les contours d'une bonne gestion de cette activité fondamentale dans cette thématique.
Cette présente rubrique ouvre le champ à ce partage.
Les droits de l'enfant, la Justice pour mineurs est une matière marquée par un principe de spécialité,
Agir dans ce domaine implique forcément le devoir de s'imprégner des principes et modalités d'action véhiculés par la thématique.
C'est pourquoi les acteurs y intervenant sont appelés à devoir subir une formation. Cette formation doit obéir à une méthode, une forme, qui doit s'adapter à un contexte, ainsi qu'aux besoins qui commandent sa mise en oeuvre, et enfin aux bénéficiaires.
Celui qui doit conduire cette formation doit aussi être moulé dans une pratique spéciale, appelée à se parfaire, et se moduler suivant les demandes et les besoins qui l'interpellent.
Cette rubrique consacrée à la formation est donc un espace de partage sur cette question majeure de la matière des droits de l'Enfant.
Le pourquoi de ces formations :
Il faut savoir que ≪ vouloir bien faire ≫ n’est pas toujours le ≪ savoir bien faire ≫; d’où la nécessité d’enrichir la pratique, par la capitalisation de l’expérience.
Et la prise en charge judiciaire relative aux mineurs s’appuie sur l’amélioration continue des connaissances et pratiques professionnelles.
Les objectifs généraux de la formation seront donc:
- Susciter l’acquisition de nouvelles connaissances (ou leur rappel) sur les droits de l’enfant.
- Susciter la prise de conscience sur les responsabilités envers les enfants, dans l’exercice des fonctions de prévention, protection ou sanction,
- Promouvoir un changement de comportements fondé sur le respect de la légalité, et l’amélioration de la pratique professionnelle, s’insérer dans une approche de construction d’un système.
La méthode d'intervention en formation sera alors la suivante:
Viser à faire retenir aux participants les messages clés relatifs aux droits fondamentaux de l’enfant, et à les motiver à les mettre en pratique.
Et pour retenir ces messages et en reconnaître la portée dans leur propre travail:
- On se limitera à peu de messages, mais qui seront clairement délivrés et précis.
- On cherchera à générer l’engagement actif des participants par des méthodes participatives,
- On fera toujours sentir le lien de connexion à créer entre les principes et normes apprises, d'avec la pratique professionnelle et le contexte du travail.
Ainsi et à ces fins, différentes techniques seront donc utilisées au cours de la formation.
Mais aujourd'hui, quel état des lieux contextuel faut il dresser de tous ces efforts de formation, c'est cela l'objet des développements qui suivent.
En effet beaucoup d'efforts a été fait à ce titre et tant reste encore à faire, toutefois la compréhension de l'état des besoins actuels par une saine évaluation des efforts passés est une exigence primordiale pour asseoir une réorientation de ce qui sera nécessaire à faire encore pour l'avenir.
C'est donc la réflexion sur cet état des lieux rétrospectif qui fait l'objet des développements suivants.
Vue panoramique[1] sur les formations en Droits de l’Enfant en Afrique Francophone[2]
La mise en pratique des principes émanant de la CIDE rend nécessaire une maitrise de ses concepts et une pratique professionnelle conforme aux normes édictés.
A cet effet, la formation des intervenants devient une activité nécessaire et incontournable, qui cependant n’a pas aussitôt été résolument pris compte par les états en Afrique francophone.
En effet l’observation dans ces dernières décennies, de l’évolution des activités de formations en droits de l’enfant, destinées aux acteurs, permet de relever les constats suivants ; il est ainsi notable de la part des états de la région d’Afrique susvisée :
C’est donc à ce niveau que situe dans les pays, la gestion de ce besoin général de formation au bénéfice des acteurs, et tous les états ne sont pas au même niveau de réactivité dans sa prise en charge.
Quels défis dès lors pour l’avenir sur cette question de la formation des acteurs :
En effet face aux impératifs de la prise en charge des mineurs, les besoins actuels des acteurs du terrain sont particulièrement des outils de maîtrise de l’intervention à savoir:
En effet l’essentiel du besoin, tient d’abord à la connaissance du « comment faire ? Telle ou telle chose… ». Et il faut aller à l’essentiel de manière claire et pratique.
Il s’agit là de nouveaux chantiers à ouvrir, car une telle réflexion doit pouvoir faciliter l’implémentation des principes dans la recherche des voies de leur incorporation à la tradition ambiante pour une appropriation plus généralisée de la CIDE par le plus grand nombre. Il faut ouvrir un vrai chantier de contextualisation des principes, au vu des moyens limités des pays. Les états doivent y jouer un rôle de facilitation, tout autant que les structures régionales créees en appui, Comité africain des droits de l'enfant, et autres.
Fait à Dakar ce 31 octobre 2013
Par Me François M. Diassi
[1] Le choix de ce terme est justifié par le fait qu’il a été difficile d’inscrire les réflexions de cette note dans étapes temporelles bien déterminées, cela parce l’évolution diffère selon les pays concernés, et des rythmes propres à chaque ; il ne s’est pas agi d’une évolution linéaire, c’est un regard circulaire d’observation qui a permis de noter les points saillants.
[2] Les pays sujets à cette observation vont de la Mauritanie, au Golfe de Guinée, mais les plus directement concernés sont : le Sénégal, le Mali, la Guinée Conakry, le Bénin, la Cote d’Ivoire, le Burkina Faso, le Niger…
[3] Cette étape peut être temporellement fixée en 1990 et 2000.
[4] Terre des hommes à ce titre s’est beaucoup impliquée, en Guinée Conakry, en Mauritanie et même hors le contexte ouest africain au Burundi
[5] Temporellement cette étape vise 2000 à 2010
[6] C’est le cas de la Mauritanie, du Mali, de la Guinée, du Bénin…qui ont réformé leur Code de Procédure Pénale, pour la prise en charge des mineurs, d’autres états ont simplement institué de nouveaux organes judiciaires à ce titre Le Sénégal quant à lui a une position spéciale pour avoir intégré le dispositif de prise provenant de la loi française de 1945, bien avant l’adoption même de la CIDE .
[7] Ce format devient d’ailleurs l’outil le plus usité pour ces formations parce qu’ayant démontré son utilité..
[8] Au vu de l’apport de ce format de formation il serait très hasardeux de décider leur extinction, au risque pour les acteurs perdre cet espace de remise en question, de remobilisation et de construction de synergie d’intervention.
[9] Des ONGs comme Terre des hommes ont développé un capital expérience en ce domaine utile à ne pas méconnaitre, par les nouveaux intervenants.
[10] Voir les développements sur ce plan contenus dans notre précédente note relative à l’implémentation de la CIDE.
Quelques constats dans l’implémentation de la CIDE sur le contexte africain:
Depuis le 20 novembre 1989, la CIDE est ratifiée par les états africains en grande majorité, mais sa mise en application n’est encore pas totale et complète. Or l’application de la CIDE doit être une préoccupation majeure en raison de la caractéristique de la population africaine marquée par sa jeunesse, donc majoritairement composée de bénéficiaires de ces droits consacrés.
Aujourd’hui aussi dans les états africains, la voie suivie pour implémenter la CIDE depuis ses ratifications, est essentiellement fondée actuellement sur une approche juridique.
Mais dans cette démarche s’élèvent plusieurs contraintes notamment :
Les deux grosses limites constituant des défis urgents de travail sont donc la finalisation de l’harmonisation du cadre légal, appuyée par l’instauration d’une vision politique nationale de mise en œuvre et application effective des droits de l’enfant.
Et la mise en place des structures d’accompagnement comme aussi la formation, s’intègre dans ce processus politique comme objectifs à réaliser.
Et ce défi de l’harmonisation est propre aux états, pour devoir être un point majeur d’un plan d’action les concernant.
Mais ce travail fait sur l’approche juridique bien qu’important et normale, doit en plus en complément, être adjoint et développé avec une approche culturelle[2] pour appuyer à une meilleure implémentation de la CIDE. Cela est aussi du rôle de l’état et de la société civile.
Car aujourd’hui la CIDE n’est pas un outil connu et compris par les populations africaines, appelé à vivre ses principes au quotidien.
Et la CIDE n’est pour devoir s’appliquer seulement dans les espaces techniques ou professionnels (administrations, tribunaux, institutions…) mais également dans les familles, dans la communauté, car les enfants y sont présents.
Cette inculturation aura l’effet de permettre l’application de la CIDE par engagement et non par contrainte, parce que les acteurs concernés ont une claire compréhension de son contenu et l’intègre dans leur vécu et action quotidienne.
A cet effet il y a à travailler sur l’inculturation de la CIDE. Il ne s’agit pas d’une critique ou une réécriture des principes mais une recherche adaptation pour faciliter leur compréhension à partir des fondements culturels d’action des populations. Il faut travailler pour que se réalise la transition en cours, des institutions traditionnelles garantes du patrimoine culturel vers les nouvelles à venir intégrant ces principes de la CIDE.
C’est dans cette réflexion que l’on doit rechercher aussi les modes alternatifs traditionnels de prise en charge à proposer comme alternatives sur la question de privation de liberté.
C’est donc d’abord à un fort combat de sensibilisation à mener auquel on est appelé, dont il faut cependant revoir la méthodologie, qui devra différente de celle mise en œuvre jusqu’ici.
Me François Diassi
[1]Car le constat sur les terrains d’intervention nous a mène à relever, que les autorités décisionnelles dans les administrations ont souvent une connaissance sommaire de la CIDE et de ses principes, ce qui peut constituer un handicap lorsqu’ils sont dans le devoir de prendre des décisions sans maitriser l’impact sur l’application de la CIDE, où même que ces décisions soient inopportunes, au point qu’elles puissent freiner l’action des acteurs subalternes intervenants à la base.
[2] La CIDE prend en compte dans ses préoccupations le respect des cultures des différents peuples du monde, il y a donc à puiser la synergie existante entre les pratiques traditionnelles positives et les droits de l’enfant.
Notre constat personnel est que depuis les années 1990 après les ratifications de la CIDE, les états ont fait face grâce à l'appui des ONGs à l'étape première, de l'harmonisation légale. Progressivement à cette étape, il a été adjoint maintenant le travail sur la spécialisation des acteurs. Il reste nécessaire d'approfondir ces deux voies majeures, et en plus pousser pour qu'elles soient accompagnées par celui de la contextualisation associant les populations à l'effort, pour obtenir une implémentation plus profonde des principes de la CIDE.
Un autre constat que nous relevons et qui contitue une grosse limite c'est que la production intellectuelle si elle existe (elle est encore tres minime sur cette thématique), en plus reste sans contact avec les populations.
C'est un peu l'image d'une recherche développement dont les inventions ne sont pas expérimentées en productions réalisables. Le lien de connexion entre la recherche et les bénéficiaires est quasi nulle, on fait plein d'études, de séminaires avec des conclusions qui restent dans les tiroirs car les canneaux de vulgarisation n'ont été valorisées ou opérationnalisées.
Il serait donc utile de trouver de formes de laboratoires d'expérimentation de toutes ces idées, des unités de réflexion et discussions thématiques pour produire ces voies d'action.
Les institutions internationales devraient s'investir dans ce type de réflexion et d'intervention.
Bien cordialement,
diassi francois
Derniers commentaires
25.04 | 19:41
Bonjour Maître Diassi, je vous ai retrouvé par le biais de maman, Hélène Faye, une de vos anciennes élèves de l’Immaculée.
13.11 | 20:44
bien ce blog j’apprécie beaucoup
23.09 | 14:48
Merci pour l'appréciation Cher Père KIHM; avec l'assurance de mon excellent souvenir et amitié.
21.09 | 14:42
Heureux de lire ces pages de "vie" qui évoquent toute une recherche dans le service des autres et le dépassement de soi...
Un vieux "complice" Francis KIHM