PRESENTATION GENERALE

La protection de l'enfant qu'exige la CIDE, implique de lui assurer une bonne prise en charge dans l'espace judiciaire, c'est l'objectif d'intervention de la justice pour mineurs.

La Justice pour mineurs est aussi un outil de protection de l'Enfant, cela n'est pas à oublier.

La Justice pour mineurs se caractérise par une spécificité de ses règles entrainant un traitement spécial du mineur par les institutions judiciaires de prise en charge et dans la procédure. Son existence atteste d'un privilège de juridiction conféré à l'enfant par loi surtout en matière pénale, et permettant alors d'assurer la pleine mesure de mise en oeuvre du principe de spécialité qui la caractérise.

QU'EST QU'UNE JUSTICE POUR MINEURS ?

Etude des instances juridictionnelles de prise en charge du mineur, clarification de la notion de justice pour mineurs :

La notion de justice des mineurs ne recouvre pas, comme son nom pourrait le laisser supposer, un unique et entier secteur de la justice seul appelé à prendre des décisions concernant des mineurs, c’est à- dire des enfants de 0 à 18 ans. Les enfants face à la justice ne sont en effet pas présents devant un seul juge, c'est diverses formations judiciaires qui sont appelées à les recevoir.

Ainsi une grande partie des décisions prises par la justice et qui concernent des mineurs, ne relève pas, en effet, de la justice des mineurs mais d’autres juridictions de droit commun, par exemple :

NB: les appellations suivantes et les domaines de compétence cités en exemple varient selon les pays.

*Le juge chargé des affaires familiales pour tout ce qui concerne les décisionsrelatives à la séparation des parents(résidence de l’enfant, droits de visiteet d’hébergement, contributions àl’entretien et à l’éducation de l’enfant),la délégation de l’autorité parentale…

*Le tribunal de grande instance seul compétent en matière d’adoption ou de retrait d’autorité parentale par exemple…

*Le juge chargé des tutelles au tribunal d’instance qui a pour missiond’organiser la tutelle d’un enfantlorsque ses parents sont décédésou empêchés…

*Le tribunal correctionnel ou la cour d’assises qui peuvent avoir à connaître d’infractions commises à l’encontre de mineurs victimes : agressions sexuelles, viols, mauvais traitements à enfants…

C’est donc là qu’il faut être attentif à ce que tous ces juges en contact avec l’enfant lui assurent également les garanties que requiert sa protection.

 

Mais sur un fondement général de protection de l’enfance, l’entité désignée comme la justice des mineurs a d'abord eu deux domaines principaux d’intervention : prise en charge de L’ENFANCE DÉLINQUANTE et  de L’ENFANCE EN DANGER. Et elle peut aussi connaître également des tutelles aux prestations sociales et de la protection des jeunes majeurs qui participent aussi de la protection de l’enfance au sens large.

Aujourd'hui il lui est exigé d'avoir une prise en compte plus affirmée des mineurs victimes ou témoins.

Cette justice des mineurs est exercée, pour sa plus grande part, par des magistrats spécialisés: juge des enfants, substitut ou juge d’instruction chargé des affaires de mineurs ou magistrats de la chambre spéciale des mineurs ou de la chambre de l’instruction à la cour d’appel.

En font aussi partie tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, participent aux décisions ou en assurent l’exécution : avocat, greffier, travailleurs sociaux, psychologue ou psychiatre…

Car la justice des mineurs fonctionne dans une articulation étroite avec les services éducatifs appelés à évaluer la situation des mineurs et/ou à les prendre en charge.

Ouverte à l’intérieur vers d’autres disciplines et d’autres intervenants, la justice des mineurs est également tournée vers l’extérieur puisque ses intervenants participent aux différentes politiques publiques mises en place en direction des quartiers en difficulté, de l’enfance en danger ou de l’enfance délinquante.

 

Rappel maintenant de 7 caractères de la justice pour mineurs :

*elle donne une primauté de l’éducatif sur le répressif, et assume une mission globale de protection à l’enfant;

*elle garantit un privilège de juridiction tout au moins pour l’enfant présume auteur d’infraction;

*elle mobilise la présence des parents dans la procédure;

*elle exige une défense obligatoire pour l’enfant;

*elle garantit une phase d’instruction préalable et obligatoire:

*l’enfant est partie prenante de tout le processus qui veille au respect de son intérêt supérieur.

 

Pour appliquer ces différentes exigences formulées, il faut donc une organisation particulière de la justice pour gérer son contact avec l’enfant, et cela concernera  ses structures, ses procédures, le savoir-faire et le savoir être de de son personnel.

En effet la prise en charge des justiciables enfants (mineurs auteurs, victimes ou témoins) requiert en effet des aptitudes particulières de la part du personnel judiciaire ou autres, une technicité professionnelle et des stratégies opérationnelles particulières.

Pour le personnel judiciaire particulièrement il sera nécessaire d’aller au-delà des aptitudes classiques requises du magistrat. D’où la détermination encore de ces capacités spécifiques se décomposant en attitudes comportementales, en savoirs faire, puis en maitrise  professionnelle accumulé par l’expérience.

 

En Afrique cette Justice pour mineurs est un chantier ouvert.

Le cadre normatif et structurel (les règles et entités d'intervention, procédure) sont à construire, mais aussi la pratique comportementale de la prise en charge (les capacités des hommes, leurs méthodes d'intervention).

Préalablement même à cela, la théorie d'orientation du système n'est pas définie puisqu'aucune réflexion déterminant son fondement n'est produite, les législations étant basée sur un simple mimétisme; on copie par simple référence le droit de l'ancienne puissance coloniale. Ce qui enlève toute influence à la culture traditionnelle ambiante. Alors que cette culture dispose de modèles utiles auxquelles les populations restent attachées. La conséquence en résultant dès lors est un droit aux relents exogènes, complétement étranger aux populations, suscitant une faible adhésion de leur part sauf sous la contrainte de l'Etat.

Il serait donc fort intéressant et utile dans cette construction en cours, de promouvoir une réflexion sur le type de système adapté, apte à mettre en œuvre et faciliter cette osmose avec le tréfonds culturel ambiant.

REVUE DES EFFORTS D'HARMONISATION LÉGALE ET DE MISE EN PLACE D'UNE JUSTICE JUVÉNILE CONFORME A LA CIDE, EN AFRIQUE OCCIDENTALE

Me François M. Diassi

La construction de systèmes de justice juvénile en Afrique francophone: le constat de la nouvelle dynamique[1] qui s’amorce

Si depuis le 20 novembre 1989 la CIDE est quasiment ratifiée par la grande majorité des états africains, l’effectivité de la jouissance des droits consacrés n’est encore pas totale et complète pour l’enfant africain.

La situation de nombreux enfants africains est encore critique du fait, de facteurs socio-économiques liés au sous-développement, des problèmes démographiques, politiques, des conflits armés, de l’exploitation, des pratiques culturelles, traditionnelles néfastes, des catastrophes naturelles, et autres handicaps divers.

 

Mais qu’est ce qui justifie ces limites dans l’application de la CIDE?

C’est que cette ratification précitée, n’a pas aussitôt suscité une force directrice, un engagement politique[2] fort affirmé des états[3], pour un  dépistage précoce, puis action[4] à l’encontre de tout phénomène ou état de danger menaçant l’enfant[5].

Ensuite conséquemment, il  a manqué un cadre normatif quasi complet[6] pour asseoir un encadrement de l’enfance, ainsi que diverses structures[7] de prise en charge d’une politique de protection définie et conduite. Enfin les ressources humaines nécessaires[8] sont encore indisponibles face aux différentes attentes.

Tous ces problèmes structurels constituent donc de véritables facteurs, bloquant la naissance d’un système opérationnel de prise en charge de l’enfant.

Et dès lors les cadres fondateurs[9] d’un système de justice juvénile restent aussi indéterminés dans leur vision, principes et modes de fonctionnement.

Les ratifications opérées depuis 1989, se sont  donc suivies d’une période marquée par des professions de foi, des déclarations souvent peu suivies d’effets.

Il est toutefois notable actuellement que se lève progressivement mais lentement, le temps de l’action  impulsé par l’obligation de rendre compte, résultant des instruments juridiques ratifiés.

En effet l’existence d’un système juridique africain de droits humains, avec son dispositif de veille,  tout autant que les exigeantes recommandations du comité des NU relatif aux droits de l’enfant, contribuent maintenant à la naissance d’un nouveau réflexe de réaction contre les violations des droits des enfants, et d’actions ensuite pour la rectification des situations anormales de leur contexte de leur vie.

Car il a été créé actuellement en Afrique un dispositif légal en droits humains constitué par :

-       La charte africaine des droits de l’homme et des peuples,

-       La charte sur les droits et le bien-être de l’enfant,

-       Le protocole à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif aux droits des femmes,

-       Le protocole relatif à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.

Et ces instruments juridiques parmi lesquels figure la CADBE[10], constituent au niveau régional  des leviers, produisant progressivement une réflexion et une réaction aux entorses et violations faites aux droits consacrés.

En plus les états face au comité des NU relatif aux droits de l’enfant, sont appelés au niveau national  à devoir rendre compte de leurs obligations découlant de la ratification de la CIDE.

Dès lors toutes les exigeantes recommandations, émanant de toutes ces institutions de veille à l’application des droits de l’enfant, crée un nouveau réflexe de réaction en réponse, pour trouver les voies  d’une mise en œuvre des exigences de la CIDE.

Il résulte de tout cela d’une part, l’amorce d’une mobilisation politique, certes encore faible dans ses effets ; et d’autre part la réforme urgente des cadres légaux[11] comme autre exigence d’harmonisation requise conséquence de la ratification.

Cela révèle aussi un besoin d’évolution des états  sur cette thématique, ainsi qu’une attente de leur part, d’un soutien  nécessaire sur ce plan.

 

Une dynamique de mobilisation politique pour la mise en œuvre des droits de l’enfant, est donc timidement amorcée.

Dès lors partant ainsi des recommandations du comité des NU relatif aux droits de l’enfant, la réflexion est aussi entamée pour renforcer les capacités des états dans la mise en œuvre des droits.

A ce  titre 8 thèmes d’analyse ont retenus l’attention[12] : l’enregistrement des naissances, les violences contre les enfants, la santé, l’éducation, le travail et le trafic des enfants, la justice des mineurs, la garantie de prise en charge des enfants affectés par le VIH ou en état de migration, l’assurance de la participation des enfants et le rejet des discriminations ; s’y ajoutant enfin la  mise en place d’une autorité de surveillance du processus d’intervention et l’élaboration d’instruments de collecte des données.

Au-delà de cette réflexion susvisée, certains pays comme le Burkina Faso, le Cap Vert, la république démocratique du Congo, le Ghana, le Mali et le Sénégal, ont  en plus aujourd’hui adopté des stratégies et plans nationaux de protection sociale pour les enfants.

Et  à ce mouvement il faut ajouter encore, les travaux émanant de la CEDEAO[13] relatifs à des réflexions thématiques et résolutions prises dans un plan d’action sur la traite, le travail  des enfants et l’élimination de ses pires formes.

Dans la même logique toujours en 2012, faisant suite au rapport sur la situation des enfants en Afrique, un appel de l’Union Africaine articulé dans un plan pour la période 2013 – 2017, mobilise également les états africains sur des actions prioritaires à mener  à savoir:

  • la formulation de l’engagement politique à promouvoir et assurer le bien-être des enfants, en renforçant les capacités institutionnelles, en engageant et optimisant les ressources financières et humaines ;

  • ensuite la détermination d’une démarche opérationnelle pour renforcer le cadre juridique et politique, améliorer l’espérance de vie, lutter contre les discriminations  et l’exclusion, réaliser le droit à l’éducation et à la protection, renforcer la participation des enfants aux décisions les concernant, vaincre le VIH.

    Par tout cela il se formalise ainsi l’activation d’une volonté politique des états[14] pour une réelle dynamique de prise en charge des enfants dans le sens des exigences de la CIDE.

    Mais cela est à renforcer, car il reste beaucoup de chemins à parcourir pour constater par-delà cette volonté politique, la manifestation de tous ces vœux en actions[15] sur le terrain de vie des enfants.

    Il y a ensuite en complément au niveau national[16] le mouvement  en cours des harmonisations législatives, ainsi que la structuration des services, et la formation des ressources humaines. L’harmonisation comportant  d’une part l’élaboration de la loi mais aussi, son implémentation[17].

    Cependant cette construction progressive du nouveau cadre légal et institutionnel  doit être  particulièrement  accompagnée[18].

    Accompagnement en effet indispensable de cette harmonisation législative, pour assister les états dans les choix de solutions ou méthodes adaptées au contexte d’évolution ; et à ce titre l’expérience développée par les acteurs de terrain[19] est incommensurable.

    Car cette production législative en élaboration, doit notamment dans son contenu  manifester une réelle attention sur tous les points suivants:

  • Assurer une parfaite intégration dans la loi, de toutes les garanties fondamentales requises par la CIDE, dont notamment le droit à la participation de l’enfant, ainsi que son droit l’assistance, principes encore peu pris en compte. Egalement devra s’y ajouter la dimension genre en ses différents aspects, et  la lutte contre la discrimination sous toutes ses formes.

    Et c’est dans cette réflexion et production législative, que s’intègre aussi les choix marquant l’option  prise pour la mise en place  d’une justice restauratrice.

  • En plus le mouvement complémentaire de création de l’architecture institutionnelle faisant présentement défaut, doit aussi inclure la mise en place d’éléments structurels; car la réforme de la loi en ses principes, doit s’appuyer sur un éventail attendu de structures d’appui à son application. Et à ce titre toutes les structures nécessaires à procurer et faire respecter le droit à l’assistance de l’enfant, sont les plus urgentes à devoir être mis en place, pour rompre sa solitude[20] actuelle dans le traitement procédural.

  • Egalement il faut à ce niveau garder attention, aux conditions d’application de la loi, cela par des audits réguliers de la mise en œuvre  de la procédure légale et judiciaire. Car il est impératif de veiller à ce que les principes édictés soient réellement et correctement appliqués, notamment le respect de la présomption d’innocence pour assurer la garantie contre les détentions préventives systématiques ;  la mise en œuvre du droit à la participation et du droit à l’assistance durant le traitement procédural, la promotion vulgarisation des alternatives à l’incarcération.

  • Une réflexion pratique doit encore accompagner tout le processus de construction susvisé pour  aboutir à l’élaboration de protocoles d’action voire de trame, destinés à faciliter l’application de la loi ; car ceci est un manque, une carence dans le cadre légal actuel,  qui empêche  ensuite l’atteinte des résultats dans l’application, cela surtout  lorsque les ressources humaines n’ont pas atteint dans leur formation, l’optimum de leur efficacité.

  • Et c’est pourquoi il doit  enfin s’inscrire dans cette même dynamique  la planification de la formation des ressources humaines dans sa forme initiale et continue.

    C’est pourquoi au regard de toutes ces exigences ci-dessus relevées, il s’explique aisément que ce mouvement d’édification d’une nouvelle architecture légale et institutionnelle de mise en œuvre des droits de l’enfant, nécessite et appelle en appui/accompagnement, l’expérience indéniable des acteurs de terrain[21] ayant mené des actions pionnières dans cette construction du système de justice juvénile ; actions pouvant servir de sources d’inspiration.

     

    Mais ce mouvement susvisé ouvre aussi un autre large chantier, résultant de ce que l’action par la seule loi ne suffit pas à assurer la réussite du système.

    En effet la justice pour mineurs dans un fonctionnement social intégré, implique le refus du cloisonnement fonctionnel et la vision simplement professionnelle et technique de la solution du problème traité ; son action doit aussi intégrer et promouvoir l’intervention de la communauté. Rien en effet ne réussira sans l’implication de la communauté.

    Et c’est l’adhésion acquise des populations bénéficiaires par leur compréhension de la construction législative qui sera garante de l’effective application de la loi.

    Et cette adhésion commande aussi la bonne application des décisions résultant du système de justice juvénile.

    Ainsi l’intégration de tous ces nouveaux principes de la CIDE, peut certes se faire dans la loi, par voie d’adoption/harmonisation, mais c’est seulement ensuite l’adhésion/admission passant forcément par une voie plus difficile de travail pour l’acceptation/ compréhension de ces lois édictées, qui permettra d’espérer leur parfaite et complète exécution. C’est la voie naturelle du changement des attitudes et comportements.

    C’est pourquoi, dans cette recherche des moyens d’obtention de l’adhésion, il faut trouver les portes d’entrée, pour en créer les conditions.

    C’est l’intérêt de l’approche culturelle nécessaire à être développée pour l’implémentation de la CIDE, cela étant d’autant plus que la communauté a un rôle dans l’application de la loi.

    A ce même niveau d’intégration de la communauté à l’action, doit aussi s’installer toute la réflexion  sur la prévention, facilitée par la garantie des prestations sociales dues, car l’assurance de la disponibilité de ces prestations sociales est une garantie contre les risques de déviance.

     

    Enfin, il faut compléter le processus d’application des lois adoptées par la mise en place de mécanismes d’évaluation, pour apprécier l’état de mise en œuvre, relever les contraintes  rencontrées, rectifier et sanctionner les violations.

    Il faudra aussi contrecarrer les risques d’impunité, par  des recours renforcés à des mécanismes de veille pour l’application des droits de l’enfant (comité africain[22], plaidoyer pour l’adoption du 3ème protocole de la CIDE.).

    Voilà toute l’image du processus d’accompagnement pour les états dans cette œuvre de construction du système de justice juvénile.

     

    En conclusion :

    Partant de cette la dynamique ci-dessus décrite, il se révèle que bien des perspectives se dessinent de plus en plus pour garantir une application de la CIDE, mais le mouvement amorcé relevé,  est  encore à renforcer et accompagner :

    Et c’est tout l’intérêt d'une aide aux états en cette étape charnière de leur transition, d’abord par la compréhension améliorée des principes fondateurs de la justice juvénile, ce pour leur permettre ensuite  une meilleure détermination des voies stratégiques d’intervention,  enfin alors de pouvoir bien prendre en compte tous les enjeux d’action du futur.

    Il serait très utile que la réflexion produise, un plan de route guide pour l’action dans cette nouvelle dynamique.

     

    Une autre exigence dans cette nouvelle dynamique est aussi de favoriser une constante concertation entre les états et leurs partenaires, ainsi qu’avec les structures institutionnels émanant des instruments juridiques CIDE et CADBE, voire même celui MAEP[23] instauré dans le NEPAD.

    Il se révèle donc très nécessaire de travailler à cela pour :

    -       Asseoir une concertation nationale, zonale[24], et régionale mais avec meilleure association de la société civile à cette dynamique.

    -       ouvrir l’échange de bonnes pratiques[25] au niveau zonal, et ainsi produire une réflexion d’harmonisation sur les axes transversaux  d’action  favorisant des solutions zonales ou régionales harmonisées.

    -       Faire prendre en compte toute cette réflexion par le comité africain[26], pour une réflexion centralisation et exploitation afin de promouvoir  le développement d’une expertise de réflexion productrice de solutions académiques et pratique sur les casus.

    Me François M.Diassi


    [1] Il faut se réjouir qu’aujourd’hui en Afrique malgré les contraintes, beaucoup de chantiers au plan économique s’amorcent, mais cependant sur le plan social depuis la période des ajustements structurels, la gestion de la demande sociale encore en panne commence toutefois à susciter pour les états, un intérêt à agir ; à ce titre l’action propre à la garantie des exigences de la CIDE doit faire partie de ces défis nouveaux, mais la force du plaidoyer sur ce plan est encore minime.

    [2] Il n’y a généralement pas de politique définie et complète relative à la justice pour enfants, sauf de très rares exceptions, par exemple le cas intéressant du Burundi qui a produit un document d’orientation de sa politique pénale, où la justice juvénile est pris en compte ; au Bénin une réflexion pareille est en cours.

    [3] A ce titre par rapport au mode d’action, on sent plus de l’attentisme que de la prévention /anticipation, pour preuve, les actions préventives restent très minimes, on attend que l’événement malheureux se  passe et on réagit après sur l’instant et sans suivi.

    [4] Les réponses politiques, judiciaires  ou sociales aux problèmes sont très lentes à se mettre en place, et suppose le recours à des procédures complexes auxquelles les populations ne sont  ni habituées ni outillées à les mettre en œuvre, et un accompagnement  n’est souvent pas disponible, ce qui produit léthargie ou inaction.

    [5] La justice pour l’enfant est marquée par un constat de non accessibilité et de manque de couverture intégrale de tous ses services tout autant que par la faiblesse de la qualité de services, dont il n’est pas encore défini des normes minimum pour base dévaluation de ses prestations. Donc il est donc encore loin sa prise en charge sur tous les risques de vulnérabilité de l’enfant.

    [6] Là il est question certes du cadre légal, mais qui en plus manque d’être enrichi par des protocoles d’action, des directives et procédures spécifique en complément.

    [7] Souvent c’est à la faveur des programmes d’action cités (voir note de référence  3) que des services naissent mais dans un rayon d’intervention limité avec un personnel insuffisant.

    [8] Très faible présence par exemple d’assistants sociaux, d’avocats, de compétences spécialisées dans divers domaines nécessaires de prise en charge.

    [9] Pour la plupart et depuis la ratification de la CIDE, la lecture des différents codes ou lois applicables fait remarquer qu’ils  n’ont souvent fait l’objet que de faibles retouches (sauf dans un nombre très limité de pays qui ont créé de nouvelles lois) ;ce qui ne traduit pas une vision de réelle intégration des principes et modes d’administration d’une véritable justice pour mineurs.

    [10] C’est la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant.

    [11] Ce mouvement de réforme a commencé plus tôt sous la pression et avec l’exigence de l’élaboration des rapports des états au Comité des NU relatif aux droits de l’enfant.

    [12] En 2007, du 6 au 8 novembre, un séminaire a donc été organisé à Ouagadougou  pour réfléchir à la mise en œuvre des recommandations du comité des NU relatif aux droits de l’enfant formulées à l’endroit des pays francophone d’Afrique de l’ouest participants au dit séminaire (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Sénégal, Togo tous membres de la CEDEAO).

    [13] La CEDEAO est la communauté économique des états de l’Afrique de l’ouest. Elle dispose auprès de sa commission exécutive d’un responsable conseiller spécial protection actif sur les droits de l’enfant.

    [14] L’expression de cette volonté politique n’est pas inscrite au  même degré d’évolution dans  tous les états, mais cependant l’interpellation est bien perçue et les tentatives de réponse s’organisent.

    [15] Il est cependant aussi vrai que beaucoup de progrès ont été fait sur des prestations comme le droit à la santé, à l’éducation, et la protection de certaines couches vulnérables, mais c’est encore bien moins que les attentes.

    [16] Toutefois cette harmonisation n’atteint pas la même ampleur dans tous les états,  qui n’avancent pas non plus au  même rythme ni dans la même intensité, pour la prise en charge de cette thématique. C’est pourquoi toutes les législations nationales n’ont pas été harmonisées à l’instant présent, certains ont réalisés des réformes en profondeur avec des lois nouvelles, d’autres ont juste fait des retouches.

    [17] Il s’agit de toutes les actions à mener pour susciter auprès des populations bénéficiaires leur adhésion facilitant une correcte application de la loi. En effet la seule nature obligatoire de la loi ne peut garantir cette application. Cela justifiera des mesures d’accompagnement nécessaires.

    [18] Il y a une nécessité de large concertation des états sur ces aspects avec des organisations actives sur le terrain ONGs et autres acteurs de la société civile qui ont joué d’alerte et de veille, car ces organismes ont longtemps agi et appris avant que l’exigence d’action propre ne soit née et assurée par les états. Mais les ONGs doivent aussi s’organiser pour cette concertation entre elles aussi, dans un esprit d’émulation et non d’antagonisme  axé sur la défense d’intérêts propres, et agir alors en complémentarité, par échange d’expériences, de bonnes idées et pratiques ; car la division ne renforce pas. Comprenant cela des organismes comme l’UNICEF devraient aussi favoriser de pareils cadres de concertation dans une démarche mue par un esprit fédérateur des énergies.

    [19] L’expérience développée par des entités comme Terre des hommes est largement à prendre en compte dans cette réflexion. Mais Terre des hommes doit aussi capitaliser sur cette expérience d’accompagnement et mieux le valoriser pour sa connaissance et son partage.

    [20] Une des grosses faiblesses de la procédure judiciaire est le faible accompagnement procédural subi par l’enfant du fait de l’intégration incomplète des garanties juridiques requises par la CIDE, on peut citer à titre la non association des parents, l’absence d’assistant social avec son rôle méconnue, la non présence  voire inexistence de l’avocat.

    [21] En effet dans cette thématique des organisations ont précédé sur le terrain l’action des acteurs étatiques, ont suscité et accompagné leur intervention postérieure, accumulant une somme d’expériences de savoirs pratiques utiles à prendre en compte, dans un point de vue de réalisme et d’efficience. Il s’agit d’organisations comme Terre des hommes qui ont développé des solutions et formats d’action adaptées aux contextes d’intervention.

    [22] Voir la note ci-dessous relative au comité africain des droits de l’enfant.

    [23] L’union Africaine au titre de son programme du NEPAD, a créé le mécanisme d’évaluation par les pairs, outil de diagnostic participatif ouvert sur tous les domaines d’évolution des états et qui peut donc jouer un rôle.

    [24] Zonale parce qu’il existe des sous ensemble dans les différentes régions occupées par les états francophones (Afrique de l’Ouest, du Centre de l’Est).

    [25] Beaucoup de réflexions ont produit des solutions et méthodes qui restent confinées dans des espaces restreints alors que leur vulgarisation permettrait d’améliorer la prise en charge des bénéficiaires, il devient nécessaire de favoriser donc des espaces de concertation permettant ce type d’échanges selon un cycle périodique. A ce titre une évaluation/capitalisation est aussi souhaitable pour faire le point sur l’état d’avancement de la réflexion et de la mise en œuvre des procédés.

    [26] La CADBE de l’enfant adoptée en 1990 a créé au titre des mécanismes de surveillance de son application le comité africain des droits de l’enfant chargée d’une mission promotionnelle et protectrice à ce titre, et auquel les états doivent fournir des rapports sur les évolutions de la mise en œuvre de la charte. Il est inclus dans sa mission promotionnelle, la collecte et l’analyse des documents de son domaine d’intervention en vue de l’élaboration de de recommandations et même de règles. Ce rôle devrait permettre de faciliter ces échanges et cette production envisagée.

NOTES CONTEXTUELLES SUR LA JUSTICE DES MINEURS EN AFRIQUE OCCIDENTALE

UNE RETROSPECTIVE A LA SAVEUR D’UNE ACTUALITE RECENTE

 

Notez bien qu’il s’agit de notes qui furent écrites

pour la Préparation de l’atelier de capitalisation de TDH

Sénégal 9-13 octobre 2006, mais leur relecture aujourd’hui atteste de leur brulante actualité.

 

I/D’abord relevons quelques rappel sur le contexte général d’évolution de la justice juvénile en Afrique subsaharienne.

La justice juvénile en Afrique occidentale a évolué à partir de deux dates repères, à savoir d’abord des indépendances à l'année 1989, puis de 1989 à aujourd’hui.

Dans la première étape, elle a souvent été matérialisée par une législation très limitée.

En Afrique de l'ouest par exemple et dans certains pays anciennes colonies françaises, elle a été soit une copie de l'ordonnance française de 1945 ; ou bien dans d’autres pays elle ne sera constitué que de quelques bribes de règles éparses dans le code de procédure pénale ou pire par une absence totale de règles.

C'est donc vraiment l’avènement de la CIDE en 1989, qui va opérer un bouleversement, obligeant les Etats a être plus attentif à cette question de l'enfant dans la justice, selon les exigences même de la CIDE, et entraînant du coup ce besoin de renforcer sa prise en charge dans cette institution, là où souvent cette prise en charge était défectueuse ou ce souci même n'existait pas.

Mais en plus de cette demande normative de la CIDE, il se fera aussi jour dans cette période une augmentation croissante de la délinquance exacerbée par la paupérisation des populations, les troubles sociaux, et les conséquences désastreuses des politiques d’ajustement structurel, vécues dans les années 1980 à 1990.

Dès lors exigence ou pas de la CIDE, il devenait impossible de ne pas s’occuper de la criminalité juvénile croissante et la solution unique de l’incarcération organisée très souvent dans des conditions à la limite de l’humanité démontrait des limites indéniables en engendrant de plus de grosses inquiétudes quant à l’avenir compromis de ces jeunes que la prison écartait et mettait au ban de la société, mal préparée à leur resocialisation.

Ainsi sous la pression de tous ces facteurs handicapants, les états africains ont du réagir de 1990 à 2000, par diverses ratifications de la CIDE intervenues ici et là d’abord, et des pays, malheureusement pas tous, ont entrepris ensuite un toilettage de leurs textes de lois pour créer des règles nouvelles sur la question de l’enfant dans la justice, et de l’enfant délinquant en particulier.

Ce mouvement de législation nouvelle amorcée se poursuit encore à ce jour, sans régler véritablement toutes les questions posées.

Car au-delà de l’existence de la loi nouvelle, il est nécessaire en plus d’avoir des structures et des hommes à même de promouvoir les changements nécessaires pour assurer cette meilleure prise en charge de l’enfant en conflit avec la loi.

C’est ce niveau d’évolution globale qui tarde encore à se mettre en place eu égard au fait que la solution de ces problèmes de la justice juvénile n’est pas souvent une priorité d’action, vu les multiples difficultés auxquelles les états sont confrontés. 

Il est à noter cependant qu’en 1990 précisément le 11 juillet 1990 la 26 ème Conférence des Chefs d’Etat de l’OUA avait adopté la Charte Africaine des Droits et du Bien Etre de l’Enfant.

Mais malgré la valeur des principes de ce texte qui en plus de son incorporation des exigences de la CDE, réaffirme la nécessité des devoirs de l’enfant également, il ne s’en est pas suivi une réforme dans le sens des exigences de ce texte, et la justice des mineurs en Afrique n’en est pas plus évolué.

C’est plutôt l’effort de sensibilisation d’ONG internationales comme  le BICE, ou TDH ou encore faiblement celle de la société civile locale, qui pousse souvent à dépasser cette lenteur à agir pour faire naître le souci d’y accorder l’attention nécessaire.

C'est tout l'intérêt donc de ce travail de capitalisation qui permet de mesurer l’effort déjà entrepris à cet effet par TDH.

Car cela est encore à déplorer en Afrique, où on est également très pauvre dans l'effort de capitalisation des expériences et dans l'effort même d'évaluation de ce qui est fait ou tenté.

Et ce n’est donc que par ce travail encore entrepris  par TDH que l’état des lieux de la question peut être tracé pour que se définissent les axes nouveaux d’appui à l’effort de sensibilisation de tous les acteurs sur la question de le Justice juvénile.

Mais de plus aujourd'hui la capitalisation menée par TDH est un puissant moyen devant permettre aussi à TDH de retracer l'évolution historique sur la question de la justice juvénile dans les 10 dernières années.

Cette dimension historique ne doit pas être occultée.

Car elle assure plus de repères à l'action, tant à l'organisation TDH même, qu’aux partenaires étatiques et également aux partenaires multilatéraux dans la compréhension de la problématique qui est essentielle, pour mieux agir dans les orientations des politiques futures des états. C'est un point d'analyse stratégique très important que TDH détient entre ses mains. TDH détient ainsi un levier d'action régionale sur les domaines des droits de l'enfant.

Cette vision globale de la capitalisation du point de vue historique et de l’action de terrain devrait donc permettre de définir des axes d’influence plus dirigée vers les pouvoirs décisionnels, les incitant au vu de la précisions des faits relevés, à mieux réaliser en urgence les réformes institutionnels nécessaires à toute évolution plus favorable et rapide de l’action de la justice juvénile.

Il est aussi à prévoir dans une telle vision une ligne de plaidoyer plus intense en direction de la communauté comprise comme tous les groupes différents des structures institutionnels, ce pour les accompagner dans l’action préventive très nécessaire.

Mon sentiment en conclusion sur ce contexte général c’est de dire la nécessité d’une accentuation du plaidoyer sur les autorités institutionnelles pour une réforme plus rapide de la loi.

Et sur ce plan il me semble que pour gagner plus d’effet sur le bilatéral, il faut renforcer également l’axe multilatéral et prendre encore une dimension régionale d’où l’intérêt que tous les acteurs de ce niveau  affinent sur ces plans leur stratégie.

II/Ensuite, et quelles leçons ont été inspirées : 

a/Leçons apprises à titre général :

Nous avons retenu en faisant la rétrospective au titre de l’action personnelle, les constats suivants:

  • La justice des mineurs c'est d’abord une affaire de conviction, de sacerdoce, ce n’est pas une activité d'étape.
  • En y étant et en y agissant, il faut être sûr de s'armer de courage et de  persévérance face aux difficultés.
  • Il est nécessaire de développer un maximum d'imagination dans la recherche de solutions, en restant humble face aux réussites et opiniâtre en face des contraintes inévitables.
  • Il est nécessaire d’accepter la souplesse dans son action car rien ne peut y être figé, c'est un travail sur l'humain et cette donnée est à avoir toujours en tête.
  • La justice des mineurs doit être promue au rang d'activités d’éducation.
  • Dans l'activité dite formation, plus qu'une formation, (mot à souvent éviter pour ne pas créer des susceptibilités) la question est plutôt à voir comme une sensibilisation, car il faut arriver à susciter un éveil, une prise de conscience de la situation, puis ensuite, aider à faire naître une résolution  à lutter pour de véritables solutions; c'est en somme une flamme à allumer et à tout faire pour que la volonté soit pour celui chez qui cette flamme naît, qu'elle ne s'éteigne plus. Un tel travail suppose d'abord de la conviction véritable et sans faille pour celui  qui s'engage à ce rôle de facilitateur.

 

Dans la mise en œuvre de ce travail, que dire aussi relativement à l’ONG maître d’œuvre d’un programme MCL ?

A mon sens il est question d’une très bonne organisation, d’une stratégie bien pensée et qui s’évalue bien, chaque fois que nécessaire.

Mais il y a aussi des paramètres essentiels à prendre en compte, pour se garantir une bonne évolution de l’action. On pourra noter que:

  • Il n’y a pas de solution uniforme applicable avec succès partout, et il y aura souvent une dichotomie entre l’idéal de la loi et la pratique, enfin dans le personnel agissant dans la chaîne de justice juvénile, il y a toujours des modernistes face à des conservateurs.
  • Egalement aucun pays n’est semblable à l’autre, c’est pourquoi il faut partir de la réalité de chaque pays.
  • Une clé qui permet d’avancer, c’est d’arriver à faire que tous les acteurs se parlent pour finir par se concerter pour trouver et appliquer des solutions. Retenir que toutes les solutions ne sont pas forcément monétaires, souvent la conviction et la bonne détermination à agir créent des solutions, refuser la dérobade de l’absence de moyens pour justifier l’inaction.
  • Ne jamais négliger la formation des acteurs, qui doit obéir à une planification sérieuse. Réussir une formation c’est être sûr d’avoir gagné la conviction des participants. Mais ne jamais oublier que chaque formation est unique et est un moment particulier. Enfin encourager les formations en situation pendant que les acteurs sont sur le terrain car c’est là qu’ils ont la main.
  • Savoir bien analyser et sérier les problèmes qui sont divers et variés (certains sont de nature structurels, institutionnels et légaux ; d’autres de nature humaine comportemental, ou culturelle.)
  • Il faut donner une large part à l’image qui enseigne plus que tant de paroles, l’adage disant « il vaut mieux voir une fois, qu’entendre 100 fois ».
  • On ne peut espérer réussir qu’en agissant dans la durée, l’impatience ne résout rien.
  • Ne jamais s’isoler en tant qu’organisation oeuvrant sur cette question constituer autant que possible un réseau même si ce n’est jamais facile.
  • Ne pas omettre à rechercher la part de la communauté dans la solution et étudier les canaux permettant de l’atteindre.

 

b/Leçons apprises maintenant plus spécifiquement dans l’action :

Dans l’application d’un programme MCL il est nécessaire de distinguer deux voies d’action complémentaire, celle de l’action curative et celle de l’action préventive.

  • D’abord au titre de l’action curative

On peut tenter de répertorier quelques leçons apprises ou ébauches de solutions aux problèmes rencontrées dans les relations avec les différents membres de la chaîne de justice juvénile.

    1. Ainsi relativement au mineur : une difficulté majeure le concernant vient de la détermination de l’âge, question liée à l’absence d’acte d’état civil. A défaut donc d’une solution de principe théorique venant de le loi, il faut pour la pratique auprès des différents acteurs, opter pour une sensibilisation, une formation et un plaidoyer pour l’admission d’un expert médical en cas de doute sur cette question de l’âge. S’agissant de l’age de responsabilité ou d’irresponsabilité pénale également il faut une décision des autorités pour le règlement de cette question par la loi.
    2. Sur la prise en charge au niveau de la Police : l’objectif doit être d’obtenir une célérité d’action de la police ; il faut gagner en plus que la police joue un rôle de veille et d’alerte. On y parvient par une sensibilisation, une formation et un plaidoyer actif par la présence et le suivi rapproché. Il faut sortir la police de son isolement procédural et ouvrir sa collaboration avec les acteurs que sont particulièrement la famille et les travailleurs sociaux. Il faut sensibiliser à l’usage de solutions extrajudiciaires avec la caution du Parquet.
    3. Dans la relation avec l’institution judiciaire : le Parquet doit être notre première cible de plaidoyer, car il est la partie la plus difficile à convaincre, mais puisque c’est elle qui poursuit, en gagnant sa compréhension et sa magnanimité surtout son humanité, les chances sont accrues d’atténuer la rigidité du juge du siège, ce qui facilite d’autant le travail de l’avocat. L’outil est aussi la sensibilisation continue la formation et le plaidoyer actif avec une présence et une recherche assidue de collaboration avec ses services à toutes les étapes nécessaires ; en langage simple c’est un marquage serré à mettre en place. Le procureur doit être sensibilisé à plus admettre dans sa panoplie de sanctions, les mesures extrajudiciaires dont il doit être le garant pour la police et le promoteur pour le tribunal.
    4. les assistants sociaux : ils sont incontournables par leur présence nécessaire en amont comme en aval, de tout ce qui est à faire dans la procédure judiciaire comme dans la réinsertion ; la limite est leur insuffisance en nombre ou la nécessité de leur formation sur des aspects juridiques ce pour faciliter leur orientation dans l’institution judiciaire, ce qui leur permettra de mieux jouer le rôle d’alerte. Ils doivent se sentir collaborateur de tous les acteurs pour permettre d’obtenir par leur sensibilisation qui doit être leur cheval de bataille, la solution adéquate et rapide de la cause  du mineur.
    5. les avocats : ils sont dans leur rôle de défenseur mais en sachant que la justice juvénile reste spéciale et spécifique exigeant une compétence particulière à acquérir en formation. Nanti de cette conviction et présent dans le suivi nécessaire l’avocat doit s’assurer le soutien de l’assistant social pour le traitement des aspects sociaux de la cause et tirer de leur collaboration les moyens de convaincre le juge.
    6. la prison et le personnel de l’administration pénitentiaire : Malgré tout, il faut que l’institution comprenne que la sanction a aussi et surtout une vocation de réhabilitation. Cet objectif bien compris doit astreindre le personnel pénitentiaire à oeuvrer pour l’humanisation de la sanction afin de réaliser plus facilement la réhabilitation.

 

  • Quid maintenant de la voie préventive :

La dimension de l’action préventive est très utile et nécessaire à prendre en compte car il n’est pas possible d’entrevoir une solution de la délinquance juvénile sans une action soutenue de lutte contre ses causes les plus profondes qui ont leur racine dans chaque société. Et dans cette action il est illusoire de penser que l’état seul, quelle que soit sa bonne volonté puisse détenir la totale solution. Il est au contraire nécessaire de sensibiliser tous les membres de la communauté à cette question.

L’action préventive est concomitante et complémentaire à l’action curative.

Elle peut être bâti sur différents objectifs à définir par une réflexion ensemble sur l’état des lieux. Mais entre autres, il peut être relevé les lignes d’action suivantes:

  • Une réaffirmation du rôle de la famille et la responsabilisation accrue de cette entité.
  • La lutte contre la pauvreté qui fera de l’action MCL une action de développement.
  • La recherche et la sensibilisation sur les causes de déviance juvénile et la recherche de solutions aptes à leur éviter une tendance de criminalité infanto juvénile. Et la recherche aussi du rôle des structures communautaires et les voies et moyens de les amener à devoir prendre leur place dans la lutte  dans toute cette action.

En conclusion générale, il faut saluer dans les formations effectuées la réceptivité manifestée par les différents acteurs à la base et démontrée dans l’adaptation et dans l’acceptation des changements à mettre en œuvre même en l’absence des lois.

Il est notable de relever dans ce constat la bonne volonté d’évolution et l’état d’esprit très positif chez les policiers qui se révèlent être des avant- gardistes.

Le constat est que cependant les magistrats sont généralement très conservateurs et particulièrement les procureurs, mais qu’au bout du compte ils s’ouvrent eux aussi à la nécessité d’évolution.

Mais la grande joie est surtout de noter qu’à la fin des rencontres tous témoignent d’une conversion étonnante et pleine de zèle.

Tout l’effort reste donc de maintenir éveillé cette flamme allumée.

Nous constatons au final, que chaque rencontre de formation se termine comme un envoi où chaque  personne quelle que soit son niveau, est comme un missionnaire partant avec une bougie allumée qui lui est confiée à charge  pour lui  d’illuminer les personnes et le lieu de son exercice, et notre rôle de facilitateur restant d’aider pour que la bougie reste allumée contre vents et marée, c’est toute notre conviction dans ce travail.

Fait à Dakar ce 17 septembre 2006, mais relu et réadapté ce 12/12/2017

Par Me François Diassi

Avocat à la Cour.