Pour introduire...

En évoluant dans la compréhension d'une matière peu à peu des certitudes jalonnent nos pas. Nous découvrons par la pratique l'expérience qui nous enrichit, par notre confrontation avec les difficultés du chemin sur le travail à accomplir. Et ces acquisitions deviennent alors d'utiles lumières d'inspirations, qui nous aident pour pour un plus fort engagement contre les défis inévitables dans l'action future. Telles sont donc les leçons apprises, très uiles à être à relevées et partagées. Mais elles sont aussi mouvantes car jamais figées ne l'oublions pas.

En cette thématique donc des droits de l'Enfant et particuliérement de la justice juvénile, une longue action menée en Afrique francophone, sur une diversité de contexte, face à une variété de défis, nous a forcément appris des leçons utiles, qu'ensemble ici nous reprenons en revue.

Pour moi travailler pour les droits de l'homme et particulier celui de de l'Enfant, c'est contribuer à la construction d'une part d'humanité. Ce qui est une forte source de motivation.

Ce chantier des droits de l'enfant, deviendra nécessairement pour l'avenir un espace de grandes réformes et de mutations. Les leçons du passé seront alors des jalons utiles sur la route.

 

Très bonne lecture...

Souvenirs des premiers pas dans notre parcours en Justice juvénile, avec des rencontres et actions marquantes...

Mes débuts d'action en Justice Juvénile en 1995 à Dakar au Sénégal.

L'appui à la réhabilitation d’enfants en conflit avec la loi , l’action du BICE au Sénégal.

 En 1995 quand je rencontrai pour la 1ère fois dans le bureau du Père Gérard Vieira au SPEM à Dakar, Monsieur Horst Buchmann, futur délégué du BICE pour l’Afrique, je ne pouvais  me douter de tout ce que j’allais vivre depuis ce jour.

En effet depuis septembre 1996,je suis happé et mis avec le Bureau International catholique de l’Enfance dans une exaltante aventure pleine d’enseignements, de rencontres riches et variées, mais aussi d’espérance.

Le BICE a commencé à cette date au Sénégal en me donnant le mandat de lui diriger, une expérience d’accompagnement d’enfants dit en conflit avec la loi ou privés de liberté.

Mais qui sont ces enfants là ?

Il s’agit de personnes mineures qui pour avoir enfreint la loi pénale par la commission d’actes délictueux se sont donc retrouvés dans les mailles de la justice et conséquemment pour certains donc en prison.

Les actes généralement commis sont répertoriées comme vol, petites filouteries de toutes sortes, bagarres (coups et blessures) vagabondage, mendicité, prostitution et bien plus rarement des délits de sang.

Essentiellement ce sont des faits liés à une délinquance du besoin causés par la pauvreté, la précarité, la déliquescence du milieu de provenance. Et généralement la famille  ayant longtemps été absente ou inexistante à leurs cotés pour diverses raisons, ces enfants se sont trouvés dans ces situations à risques pleines de facteurs et germes d’une criminalité potentielle. C’est généralement le tableau de vie que nous offre nos « clients ».

Ainsi après analyse de cette situation , il importait plus de tenter d’ apporter des solutions plus réhabilitatrices parce éducatives que seulement répressives, parce qu’au bout du compte alors exclusives et dangereuses pour cette cible.

L’action donc du BICE dans une démarche consensualiste avec l’Etat va alors tenter de mettre en place une forme d’accompagnement largement inspirée de cette conviction fondamentale ci dessus énoncée.

Mon équipe et moi, fûmes chargés de traduire  ces idées dans les faits. Nous avons donc entamé notre action en septembre 1996.

A ce titre partant de ce constat, qu’avant le BICE, l’Etat avait tenté et réalisé bien des actions pour la prise en charge de ce phénomène, nous nous sommes donc convaincus qu’il ne servait à rien de chercher à alors remplacer l’Etat dans son action normale sur ce plan, mais plutôt à l’appuyer, le seconder, le redynamiser lorsque les moyens d’agir lui font défaut.

Tel fût le credo qui a sous tendu partout notre action et que nous avons traduit en ces trois mots : « présence, attention , soutien ».

Armé de cette foi en ces convictions précitées, nous fîmes d’abord et rapidement un état des lieux qui nous a permis de constater la nécessité d’agir vite pour solutionner déjà les problèmes suivants :

-          l’amélioration des conditions de la détention ;

-          la sensibilisation et la formation du personnel et des autorités en charge ;

-          l’appui psycho social et l’aide à la réinsertion, de notre cible.

A partir de ce moment, l’amélioration des conditions de détention a été un objectif de travail plus qu’important et primordial.

Car même si tentons tout pour éviter à l’enfant un contact avec le milieu carcéral, nous ne pouvons garantir que la sanction pénale de son acte lui évitera d’y entrer ; ce d’autant que la décision de sanction émane du juge.

Or il ne sert à rien de critiquer les conditions qu’il risque d’y trouver, sans tenter d’agir préalablement à ce que ces conditions soient pour l’enfant respectueuse de son état ou ne soient une cause probable de récidive ou d’endurcissement dans la criminalité.

Donc pour nous il fallait tout faire pour qu’un lieu où un enfant pourrait être détenu, présente tous les aspects nécessaires au respect de sa dignité d’homme et surtout de son état d’enfant et   de surcroît, qu’un tel lieu le mette à l’abri de toute influence néfaste pour lui, aujourd’hui et à l’avenir.

Pour cela nous nous sommes battus pour que l’exigence d’une séparation partout de tout mineur incarcéré avec les adultes soit respectée. Et partout où l’Etat ne l’a pas fait, le BICE a bâti sur fonds propres des pavillons destinés aux mineurs dans les conditions qui respectent leur état.

A ce jour donc au Sénégal dans les régions administratives le BICE a construit 4 pavillons neufs (à Kaolack, Diourbel, Tambacounda, et Kolda) et réhabilités 3 autres (Saint louis, Louga, et Dakar) existants auparavant.

Et cette action sera poursuivie pour être réalisée partout où le besoin existe notamment à Fatick et Ziguinchor.

La construction a été accompagnée d’une action sur l’équipement consistant en la fourniture de nattes et de matelats, en même temps que de petits ustensiles nécessaires à une vie normale.

Au delà de l’action sur l’environnement de vie, nous avons étendu l’accompagnement à un appui psycho social pour faciliter la stabilisation affective.

Et à ce titre les moments d’écoute ont été développés et rendus réguliers, pour permettre à chaque enfant accompagné d’avoir un interlocuteur sur le chemin de la réhabilitation.

Nous avons associé le personnel de l’Etat, en charge de ces enfants, à une formation à cette activité d’écoute, afin de mettre en avant en eux, le souci de privilégier toujours l’action réhabilitatrice à celle de la répression simple. A cette formation ont pris part, les agents de l’administration pénitentiaire, les éducateurs spécialisés, des policiers, des magistrats de tribunaux pour enfant.

Toute cette action là, ainsi relatée, est bien sûr associée à une assistance judiciaire, pour la défense des intérêts de ces enfants devant les tribunaux chaque fois que nécessaire.

 

Au total, aujourd’hui nous sommes bien avancés dans cette dynamique au point d’être un interlocuteur écouté et respecté par nos partenaires d’action et particulièrement par les autorités de l’Etat.

Notre volonté maintenant est qu’au delà de cette option de recherche des moyens curatifs aux maux ainsi constatés, nous visions à étendre notre action aussi, vers la réinsertion des enfants accompagnés et surtout la prévention par la maîtrise autant que possible des facteurs criminogènes.

C’est encore là un grand challenge devant nous, mais nous ne désespérons pas de pouvoir faire et réussir quelque chose, tant notre provision d’Espérance est grande ; laquelle Espérance est le moteur de notre action présente et future.

Par Maître François DIASSI

Avocat, Coordonnateur à l"époque du BICE/SENEGAL 

Ce Texte fût écrit le 10 avril 2002, quelques mois avant la fin de ce projet exaltant.

NB: C'est aussi l'action  de ce programme menée au Sénégal qui justifiera ma décoration au grade de Chevalier dans l'Ordre National du Lion.

En effet ce programme du BICE au Sénégal s'est arrêté depuis 2002. Il a laissé des acquis par les réalisations faites dans les maisons d'arrêts, il a transformé la vision et la forme d'action des acteurs concernés (administration pénitentiaire, éducateurs, autorités décisionnelles cela étant marquées par divers témoignages reçus à ce titre), il a créé un déclic incitant d'autres intervenants à agir. Et c'était cela l'objectif, à savoir donner aux autres l'envie de faire pour faire demeurer les oeuvres. Car nous ne sommes que des instruments, il faut juste que l'étincelle passe par une graine, que la Providence nous charge de planter, et après il faut laisser l'oeuvre continuer, l'esprit ouvert à d'autres interpellations. L'oeuvre peut evoluer ensuite sous diverses  formes peu importe, l'essentiel est que quelque chose ait démarré.

Fidèle à cette idée, après l'action menée j'usqu'en 2002 au Sénégal, d'autres chantiers nous ont donc appelé.Et encore aujourd'hui par la Grâce de DIEU, nous répondons présent.

La photo d'illustration est celle du Frère Gérard Vincent venu sur mandat au Sénégal pour animer la session de formation à l'écoute, moment important pour les acteurs du terrain. Il a été rappelé à Dieu, que Dieu l'acceuille en son Paradis.

 

  • Pour la formation à l'écoute des intervenants

    Témoignage de satisfaction après la session de formation à l'écoute organisée sous la direction du Frère Gérard Vincent

  • Sur l'amélioration des conditions de vie carcérale

    Autre témoignage de satisfaction émanant des autorités de l"Administration pénitentiaire du Sénégal, au vu des réalisations.

Vue panoramique des Centres de sauvegarde de Cambérène et de Pikine à Dakar, lieux de prise en charge des mineurs.

Des leçons apprises dans l'action en Justice juvénile...

En 2006  quand Terre des hommes organisait son atelier de capitalisation à Dakar, que pensions nous à l'époque de la Justice Juvénile ...

Note rédigée en préparation de l’atelier de capitalisation

au Sénégal 9-13 octobre 2006

Permettez moi en participant pour la 2ème fois à un atelier de capitalisation de Terre des hommes, de partager avec vous ces quelques notes.

Il s’agit pour moi de quelques idées nées de recherches sur le sujet qui nous préoccupe.

I/Dès lors, quelques rappels d'époque sur le contexte général d’évolution de la justice juvénile en Afrique subsaharienne.

Ces dernières années l’histoire de la justice juvénile en Afrique a évolué à partir de deux dates repères, à savoir d’abord des indépendances à l'année 1989, puis de 1989 à aujourd’hui.

Dans la première étape, elle a souvent été matérialisée par une législation très limitée.

En Afrique de l'ouest par exemple et dans certains pays anciennes colonies françaises, elle a été soit une copie de l'ordonnance française de 1945 ; ou bien dans d’autres pays elle ne sera constitué que de quelques bribes de règles épars dans le code de procédure pénale ou pire par une absence totale de règles.

 

C'est donc vraiment l’avènement de la CDE en 1989, qui va opérer un bouleversement, obligeant a être plus attentif à cette question de l'enfant dans la justice, selon les exigences même de la CDE, et entraînant du coup ce besoin de renforcer sa prise en charge dans cette institution, là où souvent cette prise en charge était défectueuse ou ce souci même n'existait pas.

Mais en plus de cette demande normative de la CDE, il se fera aussi jour dans cette période une augmentation croissante de la délinquance exacerbée par la paupérisation des populations, les troubles sociaux, et les conséquences désastreuses des politiques d’ajustement structurel, vécues dans les années 1980 à 1990.

Dès lors exigence ou pas de la CDE, il devenait impossible de ne pas s’occuper de la criminalité juvénile croissante et la solution unique de l’incarcération organisée très souvent dans des conditions à la limite de l’humanité démontrait des limites indéniables en engendrant de plus de grosses inquiétudes quant à l’avenir compromis de ces jeunes que la prison écartait et mettait au ban de la société, mal préparée à leur resocialisation.

 

Ainsi sous la pression de tous ces facteurs handicapants, les états africains ont du réagir de 1990 à 2000, par diverses ratifications de la CDE intervenues ici et là d’abord, et des pays, malheureusement pas tous, ont entrepris ensuite un toilettage de leurs textes de lois pour créer des règles nouvelles sur la question de l’enfant dans la justice, et de l’enfant délinquant en particulier.

Ce mouvement de législation nouvelle amorcée se poursuit encore à ce jour, sans régler véritablement toutes les questions posées. Car au-delà de l’existence de la loi nouvelle, il est nécessaire en plus d’avoir des structures et des hommes à même de promouvoir les changements nécessaires pour assurer cette meilleure prise en charge de l’enfant en conflit avec la loi.

C’est ce niveau d’évolution globale qui tarde encore à se mettre en place eu égard au fait que la solution de ces problèmes de la justice juvénile n’est pas souvent une priorité d’action, vu les multiples difficultés auxquelles les états sont confrontés. 

Il est à noter cependant qu’en 1990 précisément le 11 juillet 1990 la 26 ème Conférence des Chefs d’Etat de l’OUA avait adopté la Charte Africaine des Droits et du Bien Etre de l’Enfant.

Mais malgré la valeur des principes de ce texte qui en plus de son incorporation des exigences de la CDE, réaffirme la nécessité des devoirs de l’enfant également, il ne s’en est pas suivi une réforme dans le sens des exigences de ce texte, et la justice des mineurs en Afrique n’en est pas plus évolué.

 

C’est plutôt l’effort de sensibilisation d’ONG internationales comme TDH ou encore faiblement celle de la société civile locale, qui pousse souvent à dépasser cette lenteur à agir pour faire naître le souci d’y accorder l’attention nécessaire.

 

C'est tout l'intérêt donc de ce travail de capitalisation qui permet de mesurer l’effort déjà entrepris à cet effet par TDH.

Car cela est encore à déplorer en Afrique, on est également très pauvre dans l'effort de capitalisation des expériences et dans l'effort même d'évaluation de ce qui est fait ou tenté.

Et ce n’est donc que par ce travail encore entrepris  par TDH que l’état des lieux de la question peut être tracé pour que se définissent les axes nouveaux d’appui à l’effort de sensibilisation de tous les acteurs sur la question de le Justice juvénile.

 

Mais de plus aujourd'hui la capitalisation menée par TDH est un puissant moyen devant permettre aussi à TDH de retracer l'évolution historique sur la question de la justice juvénile dans les 10 dernières années.

Cette dimension historique ne doit pas être occultée.

Car elle assure plus de repères à l'action, tant à l'organisation TDH même, qu’aux partenaires étatiques et également aux partenaires multilatéraux dans la compréhension de la problématique qui est essentielle, pour mieux agir dans les orientations des politiques futures des états. C'est un point d'analyse stratégique très important que TDH détient entre ses mains. TDH détient ainsi un levier d'action régionale sur les domaines des droits de l'enfant.

 

Cette vision globale de la capitalisation du point de vue historique et de l’action de terrain devrait donc permettre de définir des axes d’influence plus dirigée vers les pouvoirs décisionnels, les incitant au vu de la précisions des faits relevés, à mieux réaliser en urgence les réformes institutionnels nécessaires à toute évolution plus favorable et rapide de l’action de la justice juvénile.

Il est aussi à prévoir dans une telle vision une ligne de plaidoyer plus intense en direction de la communauté comprise comme tous les groupes différents des structures institutionnels, ce pour les accompagner dans l’action préventive très nécessaire.

 

Mon sentiment en conclusion sur ce contexte général c’est de dire la nécessité d’une accentuation du plaidoyer sur les autorités institutionnelles pour une réforme plus rapide de la loi.

Et sur ce plan il me semble que pour gagner plus d’effet sur le bilatéral, il faut renforcer également l’axe multilatéral et prendre encore une dimension régionale d’où l’intérêt que tous les acteurs de ce niveau  affinent sur ces plans leur stratégie.

 

II/Ensuite quel a été mon action personnelle dans la justice juvénile, et quelles leçons ont été inspirées :

D’un point de vue général, me concernant la Justice Juvénile, c’est pour moi le constat d’un bilan de 20 ans de  vie de barreau dont 10 années de cette période, consacrées à cette question en action judiciaire, en formation, en recherche, appui et conseils.

 

J’ai d’abord été lié dans cette action par le fait  d’une expérience personnelle acquise lors de l’application d’un programme MCL sur le terrain au Sénégal, puis ensuite par une sollicitation à agir en qualité de consultant dans des formations à faire pour les personnels en action dans la chaîne de justice juvénile, ce dans différents pays d’application d’un programme de cette nature.

Ainsi après avoir animé des formations en RDC du 12 au 21 mars 1997,puis au Mali du 31 octobre au 10 novembre 1997,en mars 1998 en Guinée et encore du 24 au 29 juillet 2000 en RDC ;j’ai agi ensuite à cet effet pour TDH dans les pays suivants ;

  1. Mauritanie : 2 au 10 mai 1999, 26 et 29 juin 2000, à Nouakchott, juin 2001 à Nouadhibou et 22 au 25 mai  2006 à Nouakchott.
  2. Guinée : 21 au 25 février 2000.
  3. Burundi : 20 au 21 mai 2002, 1er au 5 juin 2004,26 au 30 septembre 2005, 12 au 16 décembre 2005, 24 au 28 avril 2006.

Ces formations ont eu l’effet de provoquer la rencontre et le dialogue des acteurs de la chaîne de justice juvénile par l’usage de la méthode participative. Il en a découlé pour eux une plus grande détermination à agir et un échange de bonnes recettes, toutes choses entraînant  des résultats notables sur le terrain malgré les difficultés liées à d’autres facteurs qui peuvent freiner quelquefois le bénéfice des avantages obtenues.

Entre temps un fort moment aura aussi été le premier atelier de capitalisation vécu avec TDH à Lyon.

 

Ainsi grâce à toutes ces actions menées qui ont produit un capital d’expériences et de contact sur la question, de la justice juvénile ; ponctuée  en plus de recherches personnelles et de réalisations de terrain ; je peux  donc évaluer et dépasser les limites de la simple réflexion théorique d’abord,  et alors  tenter de recenser les leçons sont apprises de toute cette expérience.

  

a/Leçons donc apprises à titre général :

 

J'ai retenu en faisant la rétrospective au titre de l’action personnelle, les constats suivants:

  • La justice des mineurs c'est d’abord une affaire de conviction, de sacerdoce, ce n’est pas une activité d'étape.
  • En y étant et en y agissant, il faut être sûr de s'armer de courage et de  persévérance face aux difficultés.
  • Il est nécessaire de développer un maximum d'imagination dans la recherche de solutions, en restant humble face aux réussites et opiniâtre en face des contraintes inévitables.
  • Il est nécessaire d’accepter la souplesse dans son action car rien ne peut y être figé, c'est un travail sur l'humain et cette donnée est à avoir toujours en tête.
  • La justice des mineurs doit être promue au rang d'activités d’éducation.
  • Dans l'activité dite formation, plus qu'une formation, (mot à souvent éviter pour ne pas créer des susceptibilités) la question est plutôt à voir comme une sensibilisation, car il faut arriver à susciter un éveil, une prise de conscience de la situation, puis ensuite, aider à faire naître une résolution  à lutter pour de véritables solutions; c'est en somme une flamme à allumer et à tout faire pour que la volonté soit pour celui chez qui cette flamme naît, qu'elle ne s'éteigne plus. Un tel travail suppose d'abord de la conviction véritable et sans faille pour celui  qui s'engage à ce rôle de facilitateur.

 

Dans la mise en œuvre de ce travail, que dire aussi relativement à l’ONG maître d’œuvre d’un programme MCL ?

A mon sens il est question d’une très bonne organisation, d’une stratégie bien pensée et qui s’évalue bien, chaque fois que nécessaire.

Mais il y a aussi des paramètres essentiels à prendre en compte, pour se garantir une bonne évolution de l’action. On pourra noter que:

  • Il n’y a pas de solution uniforme applicable avec succès partout, et il y aura souvent une dichotomie entre l’idéal de la loi et la pratique, enfin dans le personnel agissant dans la chaîne de justice juvénile, il y a toujours des modernistes face à des conservateurs.
  • Egalement aucun pays n’est semblable à l’autre, c’est pourquoi il faut partir de la réalité de chaque pays.
  • Une clé qui permet d’avancer, c’est d’arriver à faire que tous les acteurs se parlent pour finir par se concerter pour trouver et appliquer des solutions. Retenir que toutes les solutions ne sont pas forcément monétaires, souvent la conviction et la bonne détermination à agir créent des solutions, refuser la dérobade de l’absence de moyens pour justifier l’inaction.
  • Ne jamais négliger la formation des acteurs, qui doit obéir à une planification sérieuse. Réussir une formation c’est être sûr d’avoir gagné la conviction des participants. Mais ne jamais oublier que chaque formation est unique et est un moment particulier. Enfin encourager les formations en situation pendant que les acteurs sont sur le terrain car c’est là qu’ils ont la main.
  • Savoir bien analyser et sérier les problèmes qui sont divers et variés (certains sont de nature structurels, institutionnels et légaux ; d’autres de nature humaine comportemental, ou culturelle.)
  • Il faut donner une large part à l’image qui enseigne plus que tant de paroles, l’adage disant « il vaut mieux voir une fois, qu’entendre 100 fois ».
  • On ne peut espérer réussir qu’en agissant dans la durée, l’impatience ne résout rien.
  • Ne jamais s’isoler en tant qu’organisation oeuvrant sur cette question constituer autant que possible un réseau même si ce n’est jamais facile.
  • Ne pas omettre à rechercher la part de la communauté dans la solution et étudier les canaux permettant de l’atteindre.

 

b/Leçons apprises maintenant dans l’action plus spécifiquement :

Dans l’application d’un programme MCL il est nécessaire de distinguer deux voies d’action complémentaire, celle de l’action curative et celle de l’action préventive.

  • D’abord au titre de l’action curative

On peut tenter de répertorier quelques leçons apprises ou ébauches de solutions aux problèmes rencontrées dans les relations avec les différents membres de la chaîne de justice juvénile.

 

    1. Ainsi relativement au mineur : une difficulté majeure le concernant vient de la détermination de l’âge, question liée à l’absence d’acte d’état civil. A défaut donc d’une solution de principe théorique venant de le loi, il faut pour la pratique auprès des différents acteurs, opter pour une sensibilisation, une formation et un plaidoyer pour l’admission d’un expert médical en cas de doute sur cette question de l’âge. S’agissant de l’age de responsabilité ou d’irresponsabilité pénale également il faut une décision des autorités pour le règlement de cette question par la loi.
    2. Sur la prise en charge au niveau de la Police : l’objectif doit être d’obtenir une célérité d’action de la police ; il faut gagner en plus que la police joue un rôle de veille et d’alerte. On y parvient par une sensibilisation, une formation et un plaidoyer actif par la présence et le suivi rapproché. Il faut sortir la police de son isolement procédural et ouvrir sa collaboration avec les acteurs que sont particulièrement la famille et les travailleurs sociaux. Il faut sensibiliser à l’usage de solutions extrajudiciaires avec la caution du Parquet.
    3. Dans la relation avec l’institution judiciaire : le Parquet doit être notre première cible de plaidoyer, car il est la partie la plus difficile à convaincre, mais puisque c’est elle qui poursuit, en gagnant sa compréhension et sa magnanimité surtout son humanité, les chances sont accrues d’atténuer la rigidité du juge du siège, ce qui facilite d’autant le travail de l’avocat. L’outil est aussi la sensibilisation continue la formation et le plaidoyer actif avec une présence et une recherche assidue de collaboration avec ses services à toutes les étapes nécessaires ; en langage simple c’est un marquage serré à mettre en place. Le procureur doit être sensibilisé à plus admettre dans sa panoplie de sanctions, les mesures extrajudiciaires dont il doit être le garant pour la police et le promoteur pour le tribunal.
    4. les assistants sociaux : ils sont incontournables par leur présence nécessaire en amont comme en aval, de tout ce qui est à faire dans la procédure judiciaire comme dans la réinsertion ; la limite est leur insuffisance en nombre ou la nécessité de leur formation sur des aspects juridiques ce pour faciliter leur orientation dans l’institution judiciaire, ce qui leur permettra de mieux jouer le rôle d’alerte. Ils doivent se sentir collaborateur de tous les acteurs pour permettre d’obtenir par leur sensibilisation qui doit être leur cheval de bataille, la solution adéquate et rapide de la cause  du mineur.
    5. les avocats : ils sont dans leur rôle de défenseur mais en sachant que la justice juvénile reste spéciale et spécifique exigeant une compétence particulière à acquérir en formation. Nanti de cette conviction et présent dans le suivi nécessaire l’avocat doit s’assurer le soutien de l’assistant social pour le traitement des aspects sociaux de la cause et tirer de leur collaboration les moyens de convaincre le juge.
    6. la prison et le personnel de l’administration pénitentiaire : Malgré tout, il faut que l’institution comprenne que la sanction a aussi et surtout une vocation de réhabilitation. Cet objectif bien compris doit astreindre le personnel pénitentiaire à oeuvrer pour l’humanisation de la sanction afin de réaliser plus facilement la réhabilitation.

 

  • Quid maintenant de la voie préventive :

La dimension de l’action préventive est très utile et nécessaire à prendre en compte car il n’est pas possible d’entrevoir une solution de la délinquance juvénile sans une action soutenue de lutte contre ses causes les plus profondes qui ont leur racine dans chaque société. Et dans cette action il est illusoire de penser que l’état seul, quelle que soit sa bonne volonté puisse détenir la totale solution. Il est au contraire nécessaire de sensibiliser tous les membres de la communauté à cette question.

L’action préventive est concomitante et complémentaire à l’action curative.

Elle peut être bâti sur différents objectifs à définir par une réflexion ensemble sur l’état des lieux. Mais entre autres, il peut être relevé les lignes d’action suivantes:

  • Une réaffirmation du rôle de la famille et la responsabilisation accrue de cette entité.
  • La lutte contre la pauvreté qui fera de l’action MCL une action de développement.
  • La recherche et la sensibilisation sur les causes de déviance juvénile et la recherche de solutions aptes à leur éviter une tendance de criminalité infanto juvénile. Et la recherche aussi du rôle des structures communautaires et les voies et moyens de les amener à devoir prendre leur place dans la lutte  dans toute cette action.

 

En terminant cette analyse permettez moi de saluer les évolutions extraordinaires constatées dans certains pays suite à beaucoup d’efforts entrepris, c’est le cas aujourd’hui de la Mauritanie.

Et le Burundi aussi malgré des difficultés nous semble amorcer à son rythme des évolutions dignes d’intérêt.

 

En conclusion générale, il faut saluer dans les formations effectuées la réceptivité manifestée par les différents acteurs à la base et démontrée dans l’adaptation et dans l’acceptation des changements à mettre en œuvre même en l’absence des lois.

Il est notable de relever dans ce constat la bonne volonté d’évolution et l’état d’esprit très positif chez les policiers qui se révèlent être des avant- gardistes.

Le constat est que cependant les magistrats sont généralement très conservateurs et particulièrement les procureurs, mais qu’au bout du compte ils s’ouvrent eux aussi à la nécessité d’évolution.

Mais la grande joie est surtout de noter qu’à la fin des rencontres tous témoignent d’une conversion étonnante et pleine de zèle.

Tout l’effort reste donc de maintenir éveillé cette flamme allumée.

Nous constatons au final, que chaque rencontre de formation se termine comme un envoi où chaque  personne quelle que soit son niveau, est comme un missionnaire partant avec une bougie allumée qui lui est confiée à charge  pour lui  d’illuminer les personnes et le lieu de son exercice, et notre rôle de facilitateur restant d’aider pour que la bougie reste allumée contre vents et marée, c’est toute notre conviction dans ce travail.

 

Fait à Dakar ce 17 septembre 2006

Par Me François Diassi

Avocat à la Cour.

NB: Il est surprenant que ce texte écrit en 2006 garde à ce jour sur plusieurs points de l'action, une étonnante actualité sur ses recommandations. Il y a certes du chemin parcouru, mais il reste encore tant à faire. C'est là aussi une leçon apprise.

En guise de conclusion sur ce point...

Nous avons commencé à agir dans cette thématique en 1995, d'abord sur l'énorme chantier de travail de l'harmonisation de la CIDE avec le cadre légal des pays.

L'orientation de l'action  sur ce plan se justifiait, au vu de l'état du cadre légal applicable non encore abrogé ou modifié. Et pour sa mise en conformité avec les principes édictés par la CIDE, il fallait instamment dans les pays, conduire d'abord une sensibilisation, et un renforcement de capacités des acteurs, cela pour permettre une première appropriation des principes de base de la CIDE.

C'est ce qui a caractérisé les activités des premières formations réalisées dès 1997, en RDC Congo, au  Mali et en Guinée notamment.

Nous noterons que l'action gagnera ensuite de la profondeur pour s'orienter, autant sur le chantier de l'harmonisation, qu'en plus sur celui sur celui de la spécialisation des acteurs, avec la volonté d'installer la dynamique sur la vision de la construction des systèmes de justice juvénile. C'est le résumé de cette époque de travail qui est relaté dans dans la rubrique à suivre intitulé "Mes défis de route".

Le cheminement n'a pas été facile, mais il est très instructif à bien des égards.

Et une conviction acquise dans ce travail de construction est le respect dû aux acteurs et à la tradition et culture ambiante.

En effet, il est certes utiles de rechercher des sources d'inspiration sur des réussites intervenues ailleurs, car rien ne sert de réinventer la roue, mais en tous cas  il faut se départir d'un mimétisme simpliste, car ces solutions s'appliquent sur des hommes vivant sur terreau d'origine, qui forcément influe sur leur personnalité, et ce fait là ne peut être gommé; mais doit être largement pris en compte par les intervenants en formation.

Il faut donc plutôt travailler à faire émerger des solutions endogènes qui seront plus adaptées, et auront la chance de perdurer dans leur application.

Donc toujours agir dans le strict respect des us et coutumes du lieu d'intervention, de la culture ambiante. il faut donc dans ce respect, aider les acteurs à penser par et pour eux mêmes, dans la quête des solutions aux problèmes qu'ils rencontrent. Bannir en soi les préjugés de départ.

Nous réféchirons plus largement sur cet aspect en examinant les défis relatifs à l'implémentation de la CIDE dans l'espace et le contexte africain (voir la rubrique Droits de l'Enfant).

Images du premier atelier de capitalisation de Terre des hommes à Lyon on y voit Mme Renate Winter, Mr Bernard Boeton, Feu André Dunant, et moi même.

Le groupe des participants à l'atelier de capitalisation de Lyon

Bien cordialement,

diassi francois