Contribution réflexion sur la Lutte contre extrémisme violent

Le traitement des enfants par la Justice juvénile dans les conflits armés et terrorisme et ses limites

La prise en charge judiciaire des mineurs touchés par l’extrémisme violent et les conflits armés est inscrite dans celle de la prise en charge pénale des mineurs.

Les justificatifs du caractère obligatoire du traitement de l’enfant par la Justice Juvénile

La CIDE adoptée le 20 /11/1989 est le premier instrument juridique international avec force contraignante relatif à l’enfant. Elle contient des règles spécifiques au traitement des mineurs en conflit avec la loi qui sont tirées de ses articles 37 et 40, qui aussi constituent en plus les fondements de la Justice juvénile

A ces règles se réfèrent aussi l’art.17 de la Charte Africaine Des Droits et du Bien Être de l’Enfant, portant sur le même objet.

La justice pour mineurs ainsi institué est basée sur un fondement général de protection de l’enfance, avec deux domaines principaux d’intervention : la prise en charge de L’ENFANCE EN CONFLIT AVEC LA LOI et d’autre part de L’ENFANCE EN DANGER.  Il lui est encore exigé d'avoir une attention plus affirmée aux mineurs victimes ou témoins[1].

Toute cette attitude découle des 4 principes fondamentaux définis[2] de la CIDE, qui sont ainsi combinés[3] pour garantir la protection de l’Enfant face à toutes sortes d’handicaps, et l’assurer pour que toute décision prise le concernant, soit respectueuse de sa dignité, favorise son bien-être, et assure la recherche de sa réintégration sociale (art.40.1 CIDE).

C’est pourquoi la justice juvénile conforme à la CIDE devient impérative pour assurer cette prise en charge pénale pour tous les enfants concernés si la situation s’impose et sur le fondement de l’article 39 de la CIDE

 

-        A ce titre que dit l’article 39 de la CIDE pour garantir cette spécialité d’intervention par un personnel spécifique

Il rappelle que dans n’importe quelle situation, « Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour faciliter la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale de tout enfant victime de toute forme de négligence, d’exploitation ou de sévices, de torture ou de toute autre forme de peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants, ou de conflit armé. Cette réadaptation et cette réinsertion se déroulent dans des conditions qui favorisent la santé, le respect de soi et la dignité de l’enfant. »

Ce traitement spécial exige de tout intervenant, le devoir de respect en tout de la dignité de l’enfant, et que, les enfants soient traités avec attention, sensibilité, équité et respect tout au long de la procédure, avec en plus une attention plus particulière à leur situation personnelle, leur bien-être et leurs besoins spécifiques ; dans le plein respect de leur intégrité physique et psychologique.

 

C’est pourquoi en cas de survenance de faits qualifiés de terrorisme la nécessité s’impose d’assurer le traitement des cas des mineurs associés aux faits de terrorisme, et de donner la réponse appropriée qui garantit le respect de leurs droits fondamentaux.

Ainsi la protection et l’assistance sont donc dues à tous les enfants touchés par cette situation de conflit armé et terrorisme quelle que soit la forme de lien avec ladite situation.

En conformité avec l’art. 39 précité, le droit international humanitaire[4] requiert leur protection contre les conséquences néfastes de la guerre, mais il est à relever que par souci de protection les enfants sont reconnus comme des victimes dans ces conflits armés.

Toutefois dans ce contexte le droit international humanitaire n’interdit pas pour autant l’inculpation de l’enfant en conflit à la loi et la mise en cause de sa responsabilité pénale également.

Car en s’intéressant particulièrement à la participation de l’enfant aux hostilités, ce dernier a pu par cette participation au conflit commettre des atteintes importantes aux droits humains des autres personnes et toutes autres sortes d’infractions. Il pourrait dès lors pour ces faits, être soumis à des poursuites pénales.

 

D’où la question, du traitement de la responsabilité pénale des enfants associés aux activités de terrorisme.

C’est pourquoi pour garantir la protection conforme à la CIDE, cette prise en charge pénale implique l’intervention par la Justice des mineurs et qui devient impérative pour l’enfant, quelle que soit sa situation.

 

Il s’impose donc l’application obligatoire des règles de la justice pour mineurs plus particulièrement sur les ECL en lien avec le terrorisme mais aussi à tout type d’enfants de ce contexte quelle que soit le profil juridique.

Et cette justice des mineurs est exercée, pour sa plus grande part, par des magistrats spécialisés[5].

Mais en font aussi partie tous ceux qui, participent aux décisions ou en assurent l’exécution : avocat, greffier, travailleurs sociaux, psychologues ou psychiatres…

Tel est le cas parce que la justice des mineurs fonctionne dans une articulation étroite avec les services éducatifs[6] appelés à évaluer la situation des mineurs et/ou à les prendre en charge.

 

Conséquemment les ECL dans le contexte du terrorisme doivent donc bénéficier de la garantie de cette protection.

Au-delà de l’article 39 de la CIDE, ce principe d’intervention obligatoire de la justice juvénile est encore renforcé par les Principes de Paris.

-        Que disent les « Principes de Paris[7] » de Février 2007[8] pour renforcer le recours à la justice juvénile.

Ces Principes de Paris » de Février 2007 relatifs aux enfants associés aux forces armées et aux groupes armés renforcent le principe de l’intervention obligatoire de la justice juvénile[9].

 

Il découle de ces lignes directrices un double statut juridique, celui de victime appelant la nécessité de protection et aussi celui d’auteur de l’infraction instaurant le devoir de répondre sur la responsabilité pénale découlant du fait infractionnel.

 

Cette réponse engage tous les acteurs d’une part à prévenir le recrutement, et la participation des enfants aux conflits armés, d’autre part aussi à assurer leur extraction de l’emprise des groupes armés, ensuite leur protection et accompagnement pour leur réinsertion. Ces principes susvisés s’offrent ainsi comme guide pour agir selon ces objectifs ainsi définis.

Et à ce titre pour le traitement de cette responsabilité pénale il est également disposé que : « Chaque fois que possible, on veillera à recourir à des méthodes autres que les poursuites judiciaires (comme la déjudiciarisation), conformément à la Convention relative aux droits de l’enfant et aux autres normes internationales applicables à la justice pour mineurs. »

Dans le même sens de ce texte s’inscrit également le mémorandum de Neuchâtel.

 

-        Le Mémorandum de Neuchâtel

En effet en 2015 le 27 septembre, le Mémorandum de Neuchâtel adopté renforce encore cette exigence d’intervention obligatoire de la justice juvénile.

Au total l’ECL[10] présumé auteur d’infractions associées à l’activité de terrorisme ne peut être exclu du champ des garanties légales reconnues et conférées par la CIDE pour le traitement de la cause découlant de sa responsabilité pénale.

Et les normes internationales de la justice pour mineurs lui sont applicables dans la procédure pénale pour le traitement de son cas, lequel traitement doit être instruit selon les règles définies par les articles 37 et 40 de la CIDE, dans le respect de l’âge de l’enfant, de sa vulnérabilité, et la recherche de sa réinsertion, de sa réhabilitation par des mécanismes de justice réparatrice.

 

Mais cependant la justice juvénile fonctionne selon des règles spécifiques nécessaires à connaitre, et avec un format d’intervention particulier qui catégorise ses justiciables selon un profilage spécifique.

 

 

IDENTIFICATION DES TYPES DE PROFILS DES JUSTICIABLES DE LA JUSTICE JUVENILE

En effet en Justice juvénile il existe d’abord les filtres juridiques pour caractériser les justiciables mineurs, et la définition par usage des profils juridiques, déterminent la forme de leur prise en charge légale. Ce profilage est fait à partir des faits de la cause et il y a ainsi 4 profils type à distinguer :

-        L’enfant en conflit avec la loi est celui qui est suspecté de la commission d’une ou des infractions, et se trouve attrait en justice pour répondre actes incriminés.


-      L’enfant témoin Il est témoin parce que lorsque la loi a été violée :

  • il a vu ou entendu ce qui  s’est passé,
  • ou qu’il sait quelque chose qui peut aider à connaitre la vérité sur ce qui s’est passé,

Et ce témoignage de l’enfant, cette relation des faits, sera nécessairement recueilli par la justice, appelant ainsi la présence de cet enfant devant elle. Mais ce qu’il a vu, entendu ou vécu, entraine pour lui très probablement des états émotionnels lourds, c’est pourquoi son accompagnement sera donc forcément nécessaire dans ce milieu judiciaire.

 

-        L’enfant victime est celui qui a subi une ou des infractions commises sur sa personne, par une ou des personnes, majeures telles que ses parents ou des tiers, ou bien même d’autres mineures. Cet enfant souffre alors des conséquences préjudiciables de ces faits ou abus délictueux, dont l’origine peut être interne à la famille, et émaner d’un ou des titulaires de l’autorité parentale, ou être externe à la famille et provenir d’une personne tierce.

 

-        Enfin l’enfant en danger, est celui qui est considéré comme présentant « un risque vécu » pouvant l’entrainer vers la délinquance, soit en raison de son comportement, ou de l’endroit où il vit ; l’exemple pouvant être donné étant celui des enfants en rupture familiale et vivant dans la rue.

 

C’est donc sous ce profilage d’analyse que les enfants touchés par l’extrémisme violent ou les conflits armés seront classés pour être traités par la justice juvénile soit comme ECL, témoin, victime ou en danger.

Mais le système de Justice juvénile a l’heure actuelle a ses faiblesses qu’il importe de connaitre pour aider à les rectifier, pour en tirer le meilleur usage pour les bénéficiaires…notamment ceux touchés par l’extrémisme violent.

 

 

 

Mais quel état caractérise le système de Justice Juvénile ; et quelles améliorations y sont nécessaires 

Partant, des facteurs socio-économiques liés au sous-développement, des problèmes démographiques, politiques, de conflits armés, d’exploitation, des pratiques culturelles traditionnelles néfastes, des catastrophes naturelles, et autres handicaps divers, on peut affirmer que la situation des enfants africains est encore critique et de même leur prise en charge judiciaire est inadéquate.

 

le constat est donc que malgré la ratification de la CIDE par quasiment tous les états africains, l’effectivité de la jouissance des droits consacrés est encore incomplète pour l’enfant africain.

L’explication est qu’après les ratifications opérées depuis 1989, une période léthargique s’en est  suivie marquée par des professions de foi, des déclarations peu suivies d’effets.

Alors qu’après l’adoption de la CIDE doit venir aussi le défi de l’implémentation par l’application de ses principes dans de nouvelles lois. On peut recenser dès lors les limites.

 

Relevé des limites[11] du fonctionnement de la Justice Juvénile

Tous ces problèmes structurels relevés ci-dessus constituent de véritables facteurs bloquant la naissance d’un système de justice juvénile efficient opérationnel, et ces limites persistent.

 

Depuis 1989 jusqu’en 2000 les Etats sont restés tributaires de leurs vestiges du passé.

Et cela se traduit par une absence de structures de prise en charge adaptées, de personnels qualifiés, de lignes directrices, et de politique nationale d’orientation.

 

De manière générale les systèmes les systèmes de justice juvénile sont en construction dans tous les différents pays, avec des difficultés d’implémentation : nées de de l’absence de l’harmonisation des cadres légaux nationaux d’avec les principes standards devant régir cette justice juvénile.

 

Ce n’est qu’après 2001 que le changement, va être impulsé par 2 situations nouvelles accélérateur des réformes à savoir :

-  d’abord les nouvelles exigences résultant de l’adoption de nouveaux instruments juridiques de renforcement du corpus légal des droits humains dans l’espace régional africain[12] ou de l’Afrique de l’ouest[13].

Parmi ces instruments juridiques figure la Charte Africaine des Droits et du Bien Être de l’Enfant ; et ces instruments constituent des leviers, produisant une base légale de réaction aux entorses et violations faites aux droits consacrés[14].

 

- mais le deuxième levier est surtout la redevabilité des Etats résultant de l’obligation de rendre compte aux organes de veille du traité sur l’application de la CDE[15].

 

Il en est de même relativement à la CADBE devant le comité africain d’Experts pour les droits de l’Enfant.

 

En conséquence les exigeantes recommandations du comité des NU relatif aux droits de l’enfant, vont contribuer à la naissance d’un nouveau réflexe de rectification des situations anormales de violations des droits des enfants.

A cela s’ajoute que diverses politiques publiques vont renforcer ce reflexe et produire un impact sur le système de justice juvénile par les nouvelles lois pénales adoptées.

Une dynamique politique pour la mise en œuvre des droits de l’enfant, va donc timidement s’amorcer.

 

Il résulte de tout cela, une mobilisation politique, encore faible dans ses résultats, mais se traduisant par la réforme d’harmonisation des cadres légaux nationaux avec la CIDE.


On peut donc examiner les limites constatées de cette prise en charge selon les thèmes d’analyse suivants :

 

LIMITES DU CADRE LEGALA L’ECHELLE NATIONALE DES ETATS.

Ainsi à la suite des actions régionales[16], il y a forcément à faire en complément au niveau national les harmonisations législatives, la structuration des services, et la formation des ressources humaines.

 

Car Pour appliquer ces différentes exigences de la justice juvénile, il faut donc une organisation particulière de la justice pour gérer son contact avec l’enfant, dans ses structures, ses procédures, le savoir-faire[17] et le savoir être de de son personnel judiciaire.

Et le personnel judiciaire devra aller au-delà des aptitudes classiques du magistrat, ainsi développer des capacités spécifiques se décomposant en attitudes comportementales, puis en maitrise professionnelle accumulé par l’expérience.

La ratification implique ainsi la nécessaire application des Standards internationaux adoptées et leur suivi évaluation. Et l’harmonisation comporte donc l’élaboration de la loi mais aussi, son application.

 

Des pays ont donc entamé leur réforme de la justice juvénile depuis 1999[18]

 

Mais sur le volet application de la loi plusieurs lacunes sont relevées et doivent être réformées.

La prise en charge doit être améliorée, par la facilitation de l’accès aux services par tous les bénéficiaires surtout pour les enfants victimes, témoin ou en danger.

 

il demeure aussi nécessaire la fourniture des moyens matériels logistiques, infrastructurels et humains.

 

PARTANT DE LA, IL FAUT DONC UNE REFORME AU NIVEAU INSTITUTIONNEL

Dans cette construction du nouveau cadre légal et institutionnel conforme à la CDE, il doit être particulièrement apportée une réelle attention sur tous les points suivants à savoir :

  • D’abord assurer une intégration complète dans la loi, de toutes les garanties judiciaires fondamentales requises par la CDE, exemple le recours aux alternatives, les formats de l’audition…
  • Ensuite adopter l’architecture institutionnelle adéquate par la mise en place des éléments structurels de la prise en charge comme : les services sociaux judiciaires, et toutes les structures nécessaires pour l’assistance de l’enfant, qui sont urgentes à mettre en place, pour rompre sa solitude dans le traitement procédural.
  • Enfin assurer une évaluation des conditions d’application de la loi, cela par des audits réguliers de la mise en œuvre de la procédure légale et judiciaire, la création de référentiel de mesure de la qualité du service, pour veiller à ce que les principes édictés soient réellement et correctement appliqués,
  • Également élaborer des protocoles d’action, destinés à faciliter l’application de la loi[19],l’élimination de toutes les disparités régionales, pour garantir des services uniformes pour tous.
  • Mais surtout inscrire dans toute cette dynamique la planification de la formation des ressources humaines dans sa forme initiale et continue.

 

REFORME NECESSAIRE AUSSI SUR LA PRISE EN CHARGE AU NIVEAU PROCEDURAL[20]

Le système légal se caractérise ainsi par une faible spécialisation du droit, de la procédure notamment avec la perte du bénéfice du privilège de juridiction dans les cas suivants : 

-        CAS DU MINEUR VICTIME DONT L’AUTEUR DU PREJUDICE EST MAJEUR

le constat est que pour certains profils de justiciables mineurs, par exemple : Les enfants victimes, si les auteurs du préjudice subi sont des majeurs, sont très souvent assujettis et traités selon les règles du droit commun[21], et leur traitement devient alors un accessoire à celui des dits majeurs ; cela signifiant que les garanties de protection exigées par la CIDE ne sont pas respectées à leur égard. Et en pareil cas : ils perdent le bénéfice du privilège de juridiction spécifique garanti, par la justice juvénile.

Il s’ensuit plusieurs conséquences pratiques qui affaiblissent la prise en charge :

  • Les mineurs et leurs représentants légaux en qualité de partie civile, en charge de la mise en mouvement de la procédure, vont comparaitre sans maitrise de l’information, sans assistance juridique (sauf à leurs frais) ; et sauf intervention du juge dans cette situation, les structures socio judiciaires, vont leur faire défaut pour toute assistance préalable. Ainsi avec cet handicap les mineurs et leurs représentants légaux, souffrent alors de la méconnaissance des procédures et du dispositif possible de la prise en charge.
  • Ensuite les mesures d’investigation en usage dans les juridictions de droit commun sont  non adaptées à l’enfant, ni encadrées comme il sied, produisant souvent un traumatisme supplémentaire. De même les personnels en charge de l’audition (police, parquet, juge d’instruction…), ne disposent pas d’une formation adéquate pour le recueil de la parole de l’enfant. Et encore les salles d’audience ne sont pas adaptées, et la publicité de l’audience applicable en droit commun, produit des atteintes graves à la dignité[22] et à la confidentialité[23] : Toutefois il a été relevé que parfois le huis clos est ordonné par le Président du tribunal lorsque la victime est un enfant.
  • Et si ce type d’enfants est en zone rurale sa situation à ce titre est encore plus catastrophique.

NB : Quid de l’enfant témoin ?... Il est aussi assujetti comme l’enfant victime au droit commun, si le mis en cause est un majeur, ce pour les mêmes raisons juridiques sus évoquées. Et il subit dès lors toute l’absence d’assistance psycho sociale formalisée qui en découle.

Alors que pour les mineurs victimes : le droit à la sécurité doit être garanti, de même que la présence des parents et le soutien psychologique, de même la prise en charge en audition sur l’aspect psycho social, l’assistance juridique également ; enfin la protection de la confidentialité doit être assurée ainsi qu’une gestion adaptée de l’audience juridictionnelle.

Les mêmes dispositions sont quasiment à prendre pour le mineur témoin.

 

 

 

-        CAS DU MCL EN CAS D’ATTRIBUTION EXCLUSIVE DE JURIDICTION DE COMPETENCE EN RAISON DE LA MATIERE : RISQUE DE PERTE DU PRIVILIEGE DE JURIDICTION.

Pour les MCL[24] quant à eux ils bénéficient de la procédure spécifique[25] sauf lorsque les juridictions spéciales résultant des lois adoptées pour le traitement des faits de terrorisme s’octroient une compétence exclusive.

Mais en plus les points suivants méritent aussi d’être améliorés[26] : prise en charge à la police (format d’interpellation et arrestation, interrogatoire), organisation de la garde à vue, présence des parents et accompagnement psycho social des travailleurs sociaux, présence de l’avocat, garantie de la confidentialité sur toute la procédure, enfin la réforme de la gestion de la détention (principes de base et conditions matérielles) et l’usage plus accentué des alternatives à l’incarcération.

-        LE FAIBLE USAGE DES MESURES ET PEINES ALTERNATIVES, ABUS DE LA DETENTION PREVENTIVE FACE AUX DURES CONDITIONS DE LA DETENTION

À ce titre très grosse limite sur les structures carcérales, les conditions de détention et sur la mise en place des peines alternatives de substitution.

En effet il est manifeste la prison en Afrique n’est pas conforme aux normes standards[27].

L’emprisonnement dans la pratique va porter atteinte à plusieurs autres droits humains, lorsque les conditions matérielles minimales de base de la détention ne sont pas respectées[28].

Et bien trop souvent ces détenus, sont de petits délinquants (incarcérés en majorité pour des infractions de vols nés de la délinquance du besoin).

C’est d’ailleurs au vu donc de ces conditions déplorables des prisons qu’il a été émis plusieurs recommandations[29] dans la Déclaration de Kampala du 19 et 21 septembre 1996 sur la détention en Afrique,


ENFIN LIMITES SUR LE PLAN DES RESSOURCES HUMAINES


Au vu de la complexité des exigences de la prise en charge la formation est incomplète ou fait défaut.

A ce niveau des structures de formation des personnels existent, mais la difficulté réside dans l’insuffisance des ressources allouées par rapport aux besoins de la formation, l’absence des moyens logistiques pour les agents sur le terrain, l’insuffisance de personnels qualifiés comme formateurs, l’absence d’une politique globale, cohérente de la formation.

 

Voilà toute l’image actuelle du processus de construction du système de justice juvénile africain.

 


Une réaction s’impose au vu de ce Tableau, car l’Afrique compte aujourd’hui plus 200 000 000 de jeunes âgés de 15 à 24 ans soit plus 20 % de la population. Et le continent connait en plus une croissance rapide de sa population.

Les politiques publiques sont donc interpellées sur la prise en charge adéquate de ce potentiel humain, et la gestion de la justice juvénile s’intègre sur ce volet nécessaire, ce qui contribuera à exiger l’amorce des réformes d’harmonisation des législations nationales avec la CDE.

 

Les états sont interpellés surtout parce que à travers l’Agenda 2030 des Nations Unies sur le développement durable adopté le 25 septembre 2015, ledit programme fixe 17 objectifs et la justice en général est concerné par l’ODD n°16 à savoir : justice, Paix et Institutions efficaces. En Afrique il y a l’Agenda, 2063 et surtout 2040 avec son aspiration n°8 consacré à la Justice juvénile, mais cela peine à faire produire les résultats escomptés.

Les états africains sont donc tous engagés sur ce processus.

Mais face à ce diagnostic quelles recommandations formuler.

 

 

AU TOTAL SUR UN POINT PRATIQUE IL FAUT TRAVAILLER AU MEILLEUR ACCES A LA JUSTICE ET ASSEOIR UNE ASSISTANCE JURIDIQUE DE QUALITE

Et pour cela des améliorations importantes doivent se faire pour assurer le progrès du système.

Surtout sur les contraintes structurelles qui handicapent son fonctionnement efficient des corrections sont à apporter notamment : pour garantir l’égalité des chances et l’inclusion par l’évitement de toute discrimination :

• les disparités et inégalités d’accès aux services sociaux de base qui persistent entre le milieu rural et zones urbaines,[30] sont à corriger pour favoriser l’égalité des chances, et garantir l’inclusion sociale.

• Sur le même registre des ressources humaines :

-         il y a la distribution équitable du personnel relativement à la gestion des ressources humaines au-delà de l’insuffisance générale en nombre en termes de ratio d’intervention,

-        la distribution du personnel entre les services centraux et les services externes et sa répartition géographique est déséquilibrée.

-        Et ainsi pour beaucoup de services institutionnels intervenant, un fort pourcentage se concentre sur les capitales, et faiblement dans les autres régions à l’intérieur des pays, ce qui met en cause soit la possibilité de fournir les services prévus et même dans la qualité requise. Cette faiblesse de ressources humaines doit être résorbée étant donné le peu relevé au niveau national, et pour garantir l’efficacité et la qualité des services, il faut assurer le recrutement et la revalorisation des effectifs.

• La formation demeure un objectif majeur pour tous les acteurs, pour garantir un bon niveau de préparation, pour les magistrats, les éducateurs spécialisés qui sont considérés comme les mieux outillés sur la thématique ; donc leur formation continue et initiale des autres agents de la justice dans la prise en charge est aussi à parfaire. 

• Les limitations en ressources budgétaires handicapent davantage sérieusement la capacité des services au niveau local ; souvent sans moyens de transport et avec un budget restreint, ce qui empêchent ces services d’avoir un réel rayonnement et une influence au-delà des chefs-lieux de régions ou départementaux d’implantation.

 

Enfin le cadre légal enfin doit enfin poursuivre son harmonisation pour intégrer toutes les catégories de profils de justiciables à prendre en charge, déterminer et leur garantir un paquet de services standard minimum quelle que soit le type de bénéficiaire, et sa situation de localisation.

Et aussi plusieurs directives existent sur les ODD, ou les Agendas politiques de l’Union Africaine, de la CEDEAO, mais sont insuffisamment exploitées en termes de programmes d’actions.

 

-      CE QUI PEUT ETRE RETENU COMME BONNE PRATIQUE

Il ne sert à rien d’avoir les meilleures lois parfaitement rédigées, si en réalité, elles souffrent d’une réelle inapplication.

IL FAUT TRAVAILLER SUR LA DYNAMIQUE DE L’APPLICATION (KOFFI ANNAN)

L’ancien SG des NU feu Koffi Annan disait à l’occasion des 60 ans de la DUDH en 2008 que : « Si les soixante dernières années se sont concentrées sur l’élaboration d’un corpus de règles destinées à protéger les DH...il est temps d’entrer dans une nouvelle ère, orientée vers la mise en œuvre ».

En conclusion et autrement dit il est temps de tout faire pour l’application effective des droits consacrés.

Me Mactar DIASSI le 11/11/2022

 

 



[1] Voir les règles minima des NU de protection des enfants victimes et témoins d’infractions criminelles, et les lignes directrices en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels adoptés par le Conseil Economique et social dans sa réslution2005/20 du 22 juillet 2005.

[2] Intérêt supérieur, non-discrimination, droit à la participation, surtout droit au développement art. 2 à 6 de la CIDE.

[3] A cela s’ajoutent les 4 caractères de la CIDE : 1/elles portent sur tous les domaines de droits ; 2/les droits consacrés ont une portée universelle, et s’appliquent à tous les enfants, dans toutes les situations ; 3/les droits sont inconditionnelles pour s’appliquer; 4/les droits sont essentiels, indivisibles, interdépendants, et égaux.

[4] Le DIH est un ensemble de règles qui pour des raisons humanitaires, cherchent à limiter les effets des conflits armés. Il protège les personnes, qui ne participe pas ou ne participent plus directement ou activement aux hostilités, et restreint le choix des moyens et méthodes de guerre. Il est appelé, droit de la guerre ou des conflits armés.

[5] Comprenant : les juges des enfants, substitut ou juge d’instruction chargé des affaires de mineurs ou magistrats de la chambre spéciale des mineurs ou de la chambre d’accusation à la cour d’appel

[6] La justice des mineurs est également tournée vers l’extérieur puisque ses intervenants participent aux différentes politiques publiques mises en place en direction des quartiers en difficulté, de l’enfance en danger ou de l’enfance délinquante.

 

[7] Il résulte d’abord de ce texte les définitions suivantes :

-         Un “enfant associé à une force armée ou à un groupe armé” est toute personne âgée de moins de 18 ans qui est ou a été recrutée ou employée par une force ou un groupe armé, quelle que soit la fonction qu’elle y exerce. Il peut s’agir, notamment mais pas exclusivement, d’enfants, filles ou garçons, utilisé comme combattants, cuisiniers, porteurs, messagers, espions ou à des fins sexuelles. Le terme ne désigne pas seulement un enfant qui participe ou a participé directement à des hostilités.

-         Les “forces armées” sont des forces armées nationales d’un État.

-         Les “groupes armés” sont des groupes distincts des forces armées au sens de l’article 4 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

 

[8] Ces principes ont été adoptés lors de la conférence « libérons les enfants de la guerre » ayant réunie 109 pays qui les ont les ont adoptés comme lignes directrices.

[9]Ce texte dispose que : « Les enfants accusés d’avoir commis des crimes de droit international alors qu’ils étaient associés à des forces armées ou à des groupes armés doivent être considérés principalement comme les victimes d’atteintes au droit international, et non pas seulement comme les auteurs présumés d’infractions. Ils doivent être traités d’une façon conforme au droit international, dans un cadre de justice réparatrice et de réinsertion sociale, conformément au droit international, qui offre une protection particulière à l’enfant à travers de nombreux accords et principes. »

 

[10] ECL : enfant en conflit avec la loi

[11] Les limites sont de 3 ordres : absence d’harmonisation, faible qualité de la procédure, absence de formation qualifiée du personnel

[12] -  La charte africaine des droits de l’homme et des peuples, adoptée le 27 juin 1981 entrée en vigueur le 21/10/1986, qui protège les individus dont les enfants ; ratifiée par le Sénégal par la loi n°82-04 du 15/06/1982.

-       La charte sur les droits et le bien-être de l’enfant (CADBE,) adoptée en juillet 1990 entrée en vigueur le 29/11/1999 après ratification par 15 états (art.47) : voir ci-dessus.

-       Le protocole à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif aux droits des femmes, (Protocole de Maputo) adoptée le 11/07/2003 entré en vigueur le 25/11/2005 ; il intéresse les filles dont les droits sont aussi pris en compte, relativement au mariage précoce, ou à l’interdiction des pratiques culturelles néfastes, ratifié par le Sénégal par la loi n°2004-35 du 08/01/2005.

-       La Charte Africaine de la Jeunesse, entrée en vigueur en 2009, applicable aux personnes de 15 à 35 ans, instrument complémentaire à la CADBE ; ratifiée par le Sénégal par la loi n°2009-08 du 09/01/2009.

-       Le protocole relatif à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples adoption le 10/06/1998 entrée en vigueur 25/01/2004.

 

[13] En Afrique de l’ouest, par le traité portant création de la CEDEAO et son protocole sur la libre circulation, le droit de résidence et d’établissement de 1979.Par ailleurs la stratégie de la CEDEAO en matière migratoire est décrite dans l’approche commune de la CEDEAO sur la migration de 2008, et complétée ensuite par la vision 2020 de la CEDEAO qui reconnait l’importance des protocoles sur la libre circulation pour l’intégration régionale. Et sur ce mouvement il faut ajouter le plan d’action sur la Traite, le travail des enfants et l’élimination de ses pires formes. Ces outils constituent un cadre légal de renforcement des lois de protection de l’enfant.

[14] Les citoyens disposent donc de moyens de défense, et la société civile africaine s’est ainsi trouvée renforcée dans son rôle de donneur d’alerte, et ses moyens de plaidoyer obligeant les états à une réaction circonstanciée.

 

[15] En effet les états sont obligés de rendre compte de leurs obligations découlant de la ratification de la CIDE par la démonstration de la réelle application des règles de la CIDE. Ils doivent déposer tous les 5 ans des rapports en attestant devant le comité des NU relatif aux droits de l’enfant.

 

[16] Plus spécifiquement sur la thématique du terrorisme des réformes sont enclenchées sur le cadre légal régional mais elles seront plus caractérisées par un Focus sur le sécuritaire, en restant en faible dans l’outillage des ressources institutionnelles de la prise en charge.

Pour l’exemple : ainsi les règles résultant la convention de 1999 de l'OUA sur terrorisme et le plan d'action de 2002 portent la création du centre africain de recherche sur le terrorisme et leurs activités sont plus centrés sur la lutte sécuritaire.

Il a ainsi résulté de cette réflexion et de ces outils la production d'une loi modèle sur le terrorisme. Mais cette mouture   de la loi modèle reste aussi centrée sur le domaine sécuritaire sans prendre en compte des dispositions relatives à la prise en charge notamment des mineurs.

Toutefois on peut malgré tout cela citer sur ce mouvement de renforcement du cadre légal régional, les travaux de la CEDEAO et les résolutions prises dans un plan d’action sur la traite, le travail des enfants et l’élimination de ses pires formes.

Ces outils renforcent le cadre légal de protection de l’enfant en Afrique de l’ouest, qui demeure encore faible sur l’application effective.

La dimension qualitative la prise en charge par la production d’un référentiel de mesure comme des standards minimum de vérification du respect des garanties et des exigences de la CIDE et de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant demeure faible.

Tout cela cependant formalise une volonté politique régionale de mobilisation des états pour une prise en charge des enfants dans le sens des exigences de la CDE.

Mais cela est encore à renforcer, car il reste beaucoup de chemins encore à parcourir pour la manifestation des règles de la CIDE sur le terrain de vie des enfants.

 

Dans la même logique toujours en 2012 au plan politique et opérationnel, faisant suite au rapport sur la situation des enfants en Afrique, un appel de l’Union Africaine articulé dans un plan pour la période 2013 – 2017, a mobilisé également les états africains sur des actions prioritaires à mener à savoir notamment : L’engagement politique à promouvoir et assurer le bien-être des enfants, en renforçant les capacités institutionnelles, en engageant et optimisant les ressources financières et humaines ;

 

[17] En effet la prise en charge enfants (auteurs, victimes ou témoins) requiert en effet des aptitudes particulières de la part du personnel judiciaire ou autres, une technicité professionnelle et des stratégies opérationnelles particulières.

[18] Liste des pays ayant harmonisé ensuite la législation nationale avec la CIDE par l’adoption d’une loi à cet effet : Tunisie (harmonisation 1995) ; Mali (harmonisation 2001) ; Burkina Faso (harmonisation 2002) ; Afrique du sud (harmonisation 2005) ; Mauritanie (harmonisation 2005) ; Burundi (harmonisation 2005) ; Cap Vert (harmonisation 2007) ; Togo (2007) ; RDC (harmonisation 2009) ; Niger (harmonisation 2012) ; Algérie (harmonisation 2015).

[19] Car ceci est un manque, une carence dans le cadre légal actuel, qui empêche ensuite l’atteinte des résultats dans l’application, cela surtout lorsque les ressources humaines n’ont pas atteint dans leur formation, l’optimum de leur efficacité.

 

[20] NB : nous aurions pu insister sur les faiblesses d’application de chaque garantie mais le temps imparti, fait défaut.

[21] Tel semble même être le cas au Sénégal avec les organes et juridictions spéciales crées par la loi 2016-30 du 8/11/2016 bénéficiant d’une compétence exclusive d’attribution de la matière en raison de la nature juridique de l’infraction de terrorisme. Il s’agit d’un point de réforme impérieux.

[22] Aboutissant notamment à la publication d’informations devant normalement être protégées par la loi (par exemple par la presse surtout sur internet, où les faits sont traités en toute banalité et même sans cacher l’identité de l’enfant).

[23] Tout ceci est contraire à l’article 39 de la CIDE.

[24] Mais cette même situation de perte du privilège de juridiction peut être leur cas avec les nouvelles lois sur le terrorisme de création de juridictions spéciales.

[25] Avec la grosse limite soulevée voir note n°13

[26] Sur tous ces points relevés c’est le droit commun qui est actuellement applicable d’où l’urgence de leur réforme, surtout avec l’adoption de nouvelles lois sur le terrorisme qui installent des juridictions spéciales avec octroi de compétences juridictionnelles exclusives pour instruire et juger les justiciables présumés liés aux faits de terrorisme.

[27] VOIR : La Déclaration de Kampala sur les conditions de détention en Afrique 19 et 21 septembre 1996, reprise dans la résolution 1997/36 de l’ECOSOC relative à la coopération internationale pour l’amélioration des conditions de détention, publié par PRI en 2008 ;

[28] Le constat est que dans de nombreux pays africains, les détenus sont :

a)                privés de tout, même les matelas peuvent faire défaut.

b)                Ils vivent dans des cellules très surpeuplées,

c)                sont mal vêtus et insuffisamment nourris.

d)                Ils sont particulièrement vulnérables aux maladies et sont mal soignés.

e)                Ils ont des difficultés à garder le contact avec leurs proches.

De telles conditions peuvent mettre leur vie en danger.

Et dès lors soumettre les détenus à de telles conditions : revient à leur refuser toute dignité humaine ; et le vécu dans ces conditions équivaut aussi à un traitement inhumain et dégradant.

 

[29] Recommandent :

1 Que les délits mineurs soient réglés selon les pratiques coutumières, pour autant que ces procédures soient conformes aux principes relatifs aux droits de l’homme et que les intéressés y consentent ;

2 Que, chaque fois que possible, les délits mineurs soient réglés par la médiation et qu’une solution soit élaborée entre les parties intéressées sans avoir recours au système de justice pénale ;

3 Que le principe de la réparation par le travail ou de la compensation financière soit appliqué en tenant compte de la capacité financière du délinquant ou de ses parents ;

4 Que le travail effectué par le délinquant constitue si possible une compensation pour la victime ;

5 Que le travail d’intérêt général et autres mesures non privatives de liberté soient autant que possible, préférés à l’incarcération ;

6 Que l’on étudie la possibilité d’adapter les modèles de mesures non privatives de liberté qui ont donné de bons résultats en Afrique et de les appliquer dans des pays où elles ne le sont pas encore ;

7 Que l’opinion publique soit informée des objectifs de ces peines de substitution à l’emprisonnement et leur mode de fonctionnement.

 

Introduction sur la notion de vulnérabilité de l'enfant et l'obligation d'agir pour sa protection

La CIDE exige une protection générale à l’enfant, mais confère en plus une protection spéciale à certains types d’enfants.

Cette exigence de protection spéciale a une justification.

Elle s’explique par le fait que les enfants du point de vue physique sont plus vulnérables que les adultes, aux conditions dans lesquelles ils vivent. Et qu’ils sont aussi plus intensément touchés par les interventions ou par l’inaction des gouvernements, qui peuvent quelquefois développer une faible réactivité à leur égard relativement à leurs besoins, la non urgence résultant de ce qu’ils n’ont pas le droit de vote ni d’influence politique et peu de pouvoir économique.

La vulnérabilité se définit comme un degré élevé d’exposition de la personne à une nuisance, produisant l’effet de lui faire perdre ou empêcher d’atteindre une situation de bien-être du fait d’une capacité réduite à pouvoir se protéger ou se défendre des adversités.

La vulnérabilité de l’enfant est le risque de compromission du développement physique, psychique et social harmonieux de l’enfant comme résultat de l’exposition à des situations de nuisance.

 Dès lors en pareil cas la protection de l’enfant s’impose, et doit être impulsé, afin de lui assurer un développement sain.

Cela n’est d’ailleurs là qu’une application des principes du droit au développement et de l’intérêt supérieur de l’enfant, exigeant à tous de devoir mettre fin à toute situation de vulnérabilité, qui serait une menace, ou état de vie anormal subi par l’enfant. 

Formes diverses de mise en vulnérabilité de l'Enfant

La CIDE exige une protection générale à l’enfant, mais confère en plus une protection spéciale à certains types d’enfants.

Cette protection spéciale a une justification.

Elle s’explique naturellement, par le fait que les enfants du point de vue physique sont plus vulnérables que les adultes, aux conditions dans lesquelles ils vivent.

Egalement aussi parce que les enfants sont de plus, plus intensément touchés par les interventions ou par l’inaction des gouvernements,

Et parce qu’ils n’ont pas le droit de vote ni d’influence politique et peu de pouvoir économique, cela peut susciter une faible réactivité à leur égard, et relativement à leurs besoins.

Dès lors leur protection s’impose, et doit être impulsé, afin de leur assurer un développement sain.

C’est d’ailleurs une résultante de l’application des principes du droit au développement et de l’intérêt supérieur de l’enfant, exigeant à tous de devoir mettre fin à toute situation de vulnérabilité, qui serait une menace, ou état de vie anormal subi par l’enfant.     

Identifions donc les formes de vulnérabilité pouvant affecter l’enfant, et les moyens juridiques de protection existant  à son profit.

Sur ce plan, nous le savons, la famille est normalement investie du premier rôle de sauvegarde  de l’enfant. C’est la première cellule sociale de protection de l’enfant.

Mais remarquons aussi que les situations source de vulnérabilité pour l’enfant  peuvent provenir de son environnement familial. Cela découle généralement de l’affaiblissement du rôle d’encadrement familial, affectée dans sa structure et son organisation.

Mais également lapauvreté croissante de la société et des familles, devient la source de fragilisation de la famille puis de l'enfant, car ce sont surtout ces enfants  issus de ces milieux pauvres, vivant dans une situation précaire, qui constituent le lot le plus grand, de l'enfance en danger ou en état de vulnérabilité.

Dès lors dans ce contexte de pauvreté croissante, les enfants sont loin d’être épargnés, car l’enfant est aussi parfois considéré par sa famille, comme une richesse sociale et économique, une sécurité sociale des vieux jours de ses parents.

Et ainsi cette famille s’autorise alors, à obtenir de lui une exigence de travail inadapté à sa condition et son âge, exigence créant des situations de vulnérabilité, qualifiable d’état d’exploitation.

Quelquefois aussi cette famille est inexistante pour divers motifs et l’enfant alors, est encore plus en état de vulnérabilité.

Deux constats majeurs peuvent découler de ces observations :

  • L’enfant peut donc être exploité en étant  exposé à accomplir des travaux inappropriés pour sa condition et son âge ; ou encore plus simplement être exploité sous différentes autres formes.

  •  Au-delà de l’exploitation, l’enfant peut aussi subir des faits préjudiciables  comme simple victime

L’enfant victime étant celui qui a subi une ou des infractions commises sur sa personne, par une ou des personnes majeures telles que ses parents ou des tiers, ou bien mineures.

(NB : cette victime deviendra une partie civile lorsqu’elle exerce les droits qui lui sont reconnus en cette qualité devant la juridiction compétente).

 

Cet enfant souffre alors des conséquences préjudiciables de ces faits ou abus délictueux, dont l’origine peut être interne à la famille, et émaner d’un ou des titulaires de l’autorité parentale, ou être  externe à la famille et provenir d’une personne tierce.

 

NB : En s’intéressant à l’élément matériel de ces types d’infractions, on constate que leur fondement est constitué par des abus (mauvais usage de position ou de pouvoir de l’auteur de l’abus).

Il a été généralement relevé comme types d’abus répréhensibles[1] subis par ces enfants victimes: l’exploitation sexuelle,  le mariage précoce, la mutilation génitale féminine/excision, les sévices sexuels, les sévices physiques/violence, la maltraitance, la violence familiale, la négligence … 

 

Mais retenons toutefois que si la loi a conféré bien des droits à la famille, cela tant sur la personne que sur les biens de l’enfant, la loi s’est aussi préoccupée de faire éviter que ces droits, ce pouvoir confié aux parents, ne soient des moyens d’exploitation tyrannique de sa faiblesse.

Ainsi cet être fragile est-il protégé contre toute violence, de toute nature qui pourrait provenir, aussi regrettable que cela puisse être, de sa famille, de ses parents, voire de toute autre personne.

Et cette protection de l’enfant existe au plan civil comme au plan pénal, et elle se trouve renforcée par la CIDE, ou d’autres instruments juridiques internationaux, lui venant en appui.

 

Au total, du fait donc de ces situations de vulnérabilité relevés, il est ressorti l’exigence d’une protection spéciale due à l’enfant, à travers des instruments juridiques visant à l’en à assurer , ce en plus et au-delà de la CIDE.

Distinguons donc ces différentes situations sources légales de protection et les instruments leur servant de fondement.

 

La convention n°182 de  l’OIT : pour la protection contre les pires formes de travail des enfants

La dite convention, réprouve  et sanctionne, tout ce qui peut être qualifié de « pires formes de travail pour l’enfant ». 

Ainsi par l’expression " les pires formes de travail des enfants ", il est  compris :

a) Toutes les formes d'esclavage ou pratiques analogues telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans les conflits armés ;

 

b) L'utilisation, le recrutement ou l'offre d'un enfant à des fins de prostitution, de production de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques ;

 

c) L'utilisation, le recrutement ou l'offre d'un enfant aux fins d'activités illicites, notamment pour la production et le trafic de stupéfiants, tels que les définissent les conventions internationales pertinentes ;

 

d) Les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s'exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l'enfant.

 

Toutes ces situations ainsi décrites sont assimilables à une exploitation de l’enfant.

Mais il importe de bien déterminer la notion même d’exploitation.

 

Et  sur ce plan, la CIDE,  sans définir formellement la notion de l'exploitation des enfants,  incite toutefois les Etats à  protéger les enfants, cela  par référence à diverses situations prévues aux articles suivants :

Art. 19: protection contre toute forme de violence ; art. 32: protection contre l’exploitation économique, art. 34: protection contre l’exploitation sexuelle ; art. 36: protection contre toutes autres formes d'exploitation ; art. 39:protection requise pour les victimes d'exploitation.

L’intérêt de toutes ces dispositions tient à leur nature contraignante, s’imposant à tous les états parties à la CIDE, les poussant à  devoir agir et mettre fin à la source de la situation d’exploitation, soit  à titre préventif voire curatif. Cette obligation trouve en renforcement des moyens d’action découlant des instruments juridiques complémentaires ci-dessous analysés.

 

Dans un souci de clarification, avant d’étudier la mise en œuvre des instruments juridiques susvisés, il importe  de définir encore le contenu de cette notion d’exploitation, pour en cerner tous les contours.

On distinguera alors en général, l’exploitation économique, ou sexuelle d’avec  d’autres formes d’exploitation.

  • L'exploitation économique : correspond donc à celle subi par des travailleurs domestiques et migrants, au travail des enfants, au travail forcé (dont le travail en servitude).

  • l'exploitation sexuelle : consiste à exploiter une personne surtout à des fins sexuelles, de prostitution, de spectacles pornographiques ou de production de matériel pornographique ;

  •  les autres formes d'exploitation, regroupent des activités comme le trafic d'organes et de tissus humains, les pratiques illégales qui engendrent des atteintes à la liberté de mouvement, l’implication dans des activités illégales.

     

    Toutes les trois catégories d’exploitation ci-dessus déterminées, constituent des violations de droits  fondamentaux de l’être humain tel que prévu par les instruments juridiques spécifiques, comme la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (Nations Unies, 1948), également par la Convention relative aux Droits de l’Enfant ( CIDE Nations Unies, 1989), et par la convention de l’OIT susvisée, et cela justifie leur sanction particulièrement si l’enfant en est victime.

     

    Mais analysons  plus en détail encore ces différents concepts maintenant relativement à l’enfant :

     

L’EXPLOITATION ECONOMIQUE DES ENFANTS :

L’exploitation économique des enfants peut revêtir des formes diverses, telles que le travail domestique, le travail forcé et le travail en servitude, l'exploitation sexuelle à des fins commerciales, le travail dans l'industrie et les plantations, les métiers des rues, le travail familial et le travail des filles.

 

Mais il est très important – mais pas toujours facile – de faire une distinction entre le travail des enfants en général et le travail infantile comme méthode d'exploitation.

Car  dans les pays régis par des systèmes sociaux, où la tradition et les normes sociales n’empêchent pas, voire encouragent, un engagement de l’enfant au sein de la communauté ; la frontière entre le travail en tant qu’initiation à la vie sociale de l'enfant et l’exploitation peut s’avérer très difficile à établir.

Il s’agit de faire de faire admettre que ce n’est le travail qui est interdit mais l’exploitation de l’enfant dans et par le travail.

C’est la réflexion qui va donc  pousser à devoir identifier certains critères très utiles  pour déterminer si un enfant  est exploité ou pas.

 

Ainsi en 1997, l’UNICEF a fixé neuf critères pour identifier une situation d’exploitation d’un enfant. Et alors  le travail des enfants relève de l'exploitation s'il implique:

  1. un travail à plein temps à un âge trop précoce;

  2. trop d'heures consacrées au travail;

  3. des travaux qui exercent des contraintes physiques, sociales et psychologiques excessives;

  4. un travail et une vie dans la rue, dans des conditions peu salubres et dangereuses;

  5. une rémunération insuffisante;

  6. l'imposition d'une responsabilité excessive;

  7. un emploi qui entrave l'accès à l'éducation;

  8. les atteintes à la dignité et au respect de soi des enfants, comme l'esclavage ou la servitude et l'exploitation sexuelle;

  9. un travail qui ne facilite pas l'épanouissement social et psychologique complet.

    Voir : UNICEF, La situation des enfants dans le monde, 1997, in http://www.unicef.org/french/sowc97/what.htm

     

    Quid maintenant d’une autre forme d’exploitation :

L’EXPLOITATION SEXUELLE D’ENFANTS

L’exploitation sexuelle d'enfants peut revêtir différentes formes, comme la pornographie enfantine, la prostitution des enfants, le tourisme sexuel impliquant des enfants, l'enlèvement à des fins sexuelles, le mariage précoce ou forcé.

 

La base de l’exploitation sur ce plan, est l’inégalité dans les relations de pouvoir ou  de situation économiques entre l’enfant et l’adulte.

 

La limite pour réaliser où commence l’exploitation s’explique par l’intention de l’auteur qui en est la source ; car l’exploitation sexuelle n’est pas le résultat du contact que l’on peut avoir avec un enfant par tendresse.

Les auteurs concernés planifient leur acte, ils cherchent et arrangent des occasions favorables, en somme se déterminent.

Et dans la matérialité, l’exploitation sexuelle commence quand des adultes sont conscients – ou devraient l'être - de satisfaire leurs besoins – ou de les faire satisfaire – sur le corps d’un enfant.

 

Pour le droit international, l’exploitation sexuelle des enfants constitue une violation des droits de ceux-ci, notamment leur droit d'être protégés contre toute forme de violence. 

En outre, l’article 34 de la CIDE stipule que « Les États parties s'engagent à protéger l'enfant contre toutes les formes d'exploitation sexuelle et de violence sexuelle.

A cette fin, les États doivent prendre en particulier toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour empêcher :

a) Que des enfants ne soient incités ou contraints à se livrer à une activité sexuelle illégale;

b) Que des enfants ne soient exploités à des fins de prostitution ou autres pratiques sexuelles illégales;

c) Que des enfants ne soient exploités aux fins de la production de spectacles ou de matériel à caractère pornographique ».

AUTRES FORMES D’EXPLOITATION DES ENFANTS :

Les mineurs peuvent aussi être utilisés pour ou dans des activités telles que le trafic d’organes, ou pour commettre sur eux des pratiques illégales ou  le leur faire accomplir  Examinons ces différents cas :

 

  • Le trafic d’organes: 

    Les enfants sont particulièrement touchés par le trafic d’organes : on enlève, tue et dépèce des enfants de leurs organes sains pour les fournir à des populations plus riches. Parfois pour cela, on fait passer clandestinement les mineurs à l’étranger, où l’on procède, dans des cliniques discrètes, au prélèvement d’un rein, d’un œil…. Ensuite on restitue l’enfant à sa famille ou on le confie à une institution charitable qui accueille des enfants devenus handicapés.

  • La vente ou l’enlèvement en vue d’adoption

    Il existe aussi des mineurs qui sont vendus ou bien enlevés en vue d’adoption d’apparence légale. Pour répondre à la demande des couples désireux d’adopter un enfant, certains n’hésitent pas à enlever des bébés ou de très jeunes enfants, ou encore à les acheter à des mères totalement démunies. Ces enfants sont ensuite vendus fort cher à des couples que le désir d’enfant risque parfois d’aveugler.

  • Les enfants forcés à commettre des infractions

Les enfants peuvent même être forcés par contraintes physiques et/ou psychiques à commettre des infractions allant du vol simple au vol avec effraction, coups et blessures, violences graves, port d'armes, trafic de stupéfiants, etc. Des réseaux relativement bien organisés savent utiliser la docilité des enfants pour toutes sortes de trafics, en particulier après avoir facilité une immigration illégale qui rend leur situation des plus précaires, les gardant ainsi à leur merci.

  • Les enfants soldats

Recrutés par des armées régulières ou des milices lors de guerres civiles et de guérillas, les enfants soldats sont blessés, souffrent de la faim et de la peur en permanence. Ceux qui tentent de s’évader sont battus ou tués. Beaucoup sont contraints de participer à des massacres et/ou assurer des tâches auxiliaires (porteurs, messagers, cuisiniers, …). Les filles, quant à elles, servent souvent d’esclaves sexuelles.

En conclusion toutes ces formes ci-dessus qui constituent la matérialité d’exploitation pouvant être subi par l’enfant

 

Au total l’exploitation – a fortiori celle des enfants – est un phénomène particulièrement grave, en même temps difficile à combattre.

C’est un corollaire de la société de consommation, dans laquelle la valeur de l'argent passe avant le respect de la dignité humaine.

Et la mondialisation économique laisse présager que sa pratique n'est pas prête d'être enrayée.

Toutefois la difficulté ne doit pas amoindrir l’ardeur pour lutter contre ces situations.

Ainsi les conditions propres à créer une situation d'exploitation restent très difficiles à détecter.

Mais il  faut multiplier les efforts pour la déceler, pour permettre ensuite de protéger efficacement les victimes et être en mesure de lutter contre ce fléau si répandu dans le monde de nos jours.

C’est à cet objectif qu’œuvre surtout la convention n°182 de l’OIT.

 

Cadre d’application de la Convention n°182 de l’OIT :

 

En tenant compte de l’examen conceptuel ci-dessus, il est  exigé des Etats parties  à la dite convention n°182 de l’OIT,  de devoir prendre toutes mesures immédiates, efficaces tendant à assurer l’interdiction et l’élimination des pires formes de travail des enfants.

 

Ainsi ces actions à prendre devraient être précédées par un état des lieux, visant une claire détermination de tout ce qui localement pourrait avoir une telle nature, et ensuite avertir de la prohibition de l’exercice de telles activités.

Après cet état des lieux, c’est tout un programme de mise en œuvre de ces engagements de l’Etat qui est exigé, selon le dispositif d’action suivant :

  • Déterminer une claire définition dans les règles nationales de la nature de ces types d’activités prohibées ;

  • Déterminer le lieu et le cadre d’exercice de tels types d’activités s’ils existent ;

  • Mettre en place des mécanismes appropriés de surveillance de l’application des dispositions prises, donnant effet à la convention ;

  • Mettre en place des programmes visant à éliminer ces types de travaux, surtout lorsque des enfants en sont sujet.

  • Prévoir des sanctions pénales ou autres en appui aux interdictions posées, à l’exercice de tels travaux.

  • Asseoir un programme de sensibilisation et d’accompagnement assurant :

  1. L’empêchement à l’engagement d’enfants pour ces types de travaux ;

  2. L’aide directe pour soustraire les enfants présents dans ces types de travaux ;

  3. Asseoir la garantie de l’éducation de base, et la formation professionnelle aux enfants tirés de ces travaux.

  4. Identifier parmi eux les sujets à risque, et tenir compte particulièrement du cas des filles.

L’exploitation dans ces formes ci-dessus identifiées, peut en plus se réaliser dans la mobilité des victimes, ou l’extension du champ spatial d’action des auteurs, ou encore dans la collaboration frauduleuse pour en faciliter la commission. Pour donc conduire toute la lutte contre ce phénomène dans ses différents aspects, et pour contrer ces agissements un instrument juridique complémentaire, à la Convention de l’OIT susvisée  a été adopté, c’est le Protocole de Palerme. C’est un instrument directement lié à une convention mère, celle des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.

Instruments juridiques complémentaires de la CIDE pour la protection spéciale de l’Enfant

 

 Le Protocole de Palerme du 15 novembre 2000, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

Autre instrument juridique de protection de l’enfant contre l’exploitation complémentaire à la convention n°182 de l’OIT 

L’exploitation décrite dans l’analyse de la convention n°182 de l’OIT, a pris une ampleur et une forme s’appuyant une mobilité voire une transnationalité. De plus les auteurs ont installé l’action dans des réseaux entrainant la nécessité d’une collaboration internationale pour entraver le phénomène. En effet son ampleur lui a donné aujourd’hui toute la nature et le contenu d’une traite des êtres humains.

Et les abus de droits humains fondamentaux subis par les personnes victimes de la traite, principalement les femmes et les enfants, suscitent une grande inquiétude.

Ainsi au cours de ces dernières années le monde a intensifié de façon significative la discussion sur le problème de la traite. Les ONG, les gouvernements, les Nations Unies et autres ont donc essayé de trouver une réponse à ce problème.

Afin dès lors de clarifier la définition exacte de ce qui constitue le trafic et pour intensifier les efforts pour le stopper, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté le 15 novembre 2000 le Protocole visant à empêcher, supprimer et punir le trafic des personnes, surtout des femmes et les enfants.

Couramment (appelé  protocole sur le trafic ou aussi protocole de Palerme, d’après la ville où il a été signé par les gouvernements) ; ce Protocole est directement lié à la Convention des Nations-Unies contre la criminalité transnationale organisée.

Dans le  même temps, l‘ONU a aussi adopté un Protocole contre l’introduction clandestine de migrants par terre, mer et air, faisant une distinction entre les migrants que l’on aide illégalement à passer les frontières (en contrebande), et ceux qui sont piégés ultérieurement dans une forme d’exploitation, généralement après avoir été contraints ou dupés.

D’un point de vue pratique il faut voir aussi ce protocole de Palerme, comme aussi un instrument complémentaire de la convention n°182 de l’OIT. Examinons en donc le contenu :

Analysons d’abord c’est quoi le trafic, dans sa définition et ses  implications  ?

C’est l’article 3 dudit protocole  qui assoit cette définition et déclare que :

(a) L’expression ”traite des personnes” désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes.

Et tout cela s’exerçant par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation.

 

Et dans cette dite notion de l’exploitation, il doit être compris aussi, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, ainsi que le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes.

 

(b) Il est enfin admis que le consentement d’une victime de la traite des personnes dans les formes de l’exploitation ci-dessus envisagée, et telle qu’énoncée à l’alinéa a) du présent article, est indifférent lorsque l’un quelconque des moyens énoncés à l’alinéa (a) a été utilisé pour agir;

 

(c) Egalement et en plus, le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil d’un enfant aux fins d’exploitation sont considérés comme une “traite des personnes” même s’ils ne font appel à aucun des moyens énoncés à l’alinéa a) du présent article;

 

d) Enfin le terme “enfant” désigne toute personne âgée de moins de 18 ans.

Ce Protocole sur le trafic donne ainsi la première définition claire du ‘trafic des personnes’ dans le droit international.

Cette définition a donc été développée à l’origine, pour déterminer quels adultes transférés de l’autre côté des frontières pouvaient être considérées comme des victimes de trafic et donc recevoir une aide.

Cela contrairement aux immigrants irréguliers, qui ne sont pas concernés par ses dispositions, et peuvent être systématiquement expulsés. 

En tant que protocole lié à une convention sur le crime transnational, la définition ci-dessus, théoriquement, s’applique seulement au trafic au-delà des frontières et aux cas impliquant un groupe criminel organisé, défini dans la Convention en tant que “groupe structuré comptant 3 personnes ou plus”.

Mais cette définition qui représente un consensus international récent sur ce qu’est le trafic des personnes, peut aussi dans la pratique, être employée pour évaluer si des cas spécifiques constituent un trafic ou non.

Ainsi au titre de cette évaluation, la dite définition peut être utilisée pour savoir si une situation est assimilable ou non à un trafic au sens de cette convention, par exemple :

  • lorsqu’ un enfant est victime de « trafic » par une seule personne, plutôt que par un gang ;

  • ou bien si tel en est le cas lorsqu’il est transféré dans une autre partie du même pays plutôt qu’au-delà de la frontière.

Toutefois cette définition requiert encore davantage d’explication afin de clarifier ses implications.

Car en ce qui concerne les adultes de plus de 18 ans, elle requiert la présence de trois éléments différents pour être considérée comme un trafic :

  • Leur recrutement par un intermédiaire quelconque (ou “leur transport, transfert, hébergement ou accueil”);

  • L’utilisation de moyens de contrainte  de ces personnes, (à savoir : “la menace de recours à la force ou à d’autres formes de contrainte”… etc.);

  • Leur exploitation ultérieure – ou une intention de les exploiter – de certaines façons, telles que par la prostitution d’autrui, d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes). 

Toutefois dans les cas d’enfants, le Protocole sur le trafic mentionne qu’il n’est pas nécessaire pour un enfant d’avoir été contraint ou dupé pour que son cas soit considéré comme un trafic.

Il ’est donc simplement suffisant  de savoir qu’une personne de moins de 18 ans a été recrutée ou déplacée loin de chez elle, afin d’être exploitée selon ces manières spécifiques définies, pour que l’enfant concerné soit considéré comme une victime de trafic.

Mais il est   à souligner  que  la liste des formes d’exploitations citées dans le Protocole sur le trafic est analogue, mais pas identique, aux listes figurant dans  les traités internationaux adoptés  interdisant les pires formes du travail des enfants et la vente des enfants.

Il est à penser qu’il faut toutefois en faire en lecture en complémentarité.

Enfin il est à noter que la définition de trafic donné dans ce Protocole est très vaste dans le cas des enfants, car insinuant que tous les cas où les enfants sont recrutés et emmenés loin de chez eux pour être exploités sont des cas de trafic.

Toutefois, le Protocole sur le trafic ne fait aucune référence au trafic concernant les adoptions (bien que plusieurs conventions régionales y fassent référence).

Cette omission n’empêche pas les ONG d’employer le terme ‘trafic’ dans le cas d’adoptions impliquant la vente de bébés ou d’autres violations sur  les adoptions entre pays, et décrite comme une adoption commerciale. 

 

Maintenant quelles exigences pour l’application du Protocole de Palerme ?

La Convention contre le crime organisé transnational est entrée en vigueur en septembre 2003 et le Protocole sur le trafic le 26 décembre 2003, après avoir été ratifié par 40 pays, le nombre requis minimum.

Les Etats signataires s’engagent dès lors à prendre des mesures pour punir les trafiquants, empêcher le trafic et protéger les victimes de trafic.

Toutefois dans cette protection, Il y a  à dire que  le Protocole est clair sur ce qui constitue l’élément matériel du trafic,  et  la façon dont les gouvernements devraient coopérer pour attraper les trafiquants, mais il est beaucoup plus vague en ce qui concerne les modalités de la protection même des enfants (ou adultes) qui ont été victimes de trafic.

Cela s’explique par le fait que la convention dans son objectif, est conçue pour stopper une catégorie particulière de crime transnational, plutôt que pour protéger les droits des victimes de ces crimes. 

Mais  en ce qui concerne les décisions à prendre vis-à-vis des adultes ou enfants qui ont été victimes de trafic à partir de l’étranger – surtout si ils doivent être renvoyés chez eux – le Protocole sur le trafic demande toutefois aux autorités d’un pays une souplesse dans les mesures qui “permettent aux victimes de trafic en personnes de rester sur son territoire, temporairement ou de façon permanente…”.

Il formule également les mesures que les Etats devraient prendre afin de faciliter le rapatriement des victimes de trafic “sans délai excessif”, mais manque de suggérer que le rapatriement n’est approprié que s’il est volontaire.



[1]Cette énumération n’est pas une liste d’infractions mais constituent des faits source possible d’infraction : ainsi par exemple, l’exploitation économique est un des éléments matériel de l’infraction de traite des personnes, comme aussi l’exploitation sexuelle.

La defense des droits des enfants victimes

l’enfant peut se retrouver face à la justice suivant diverses postures.

Il peut s’agir de régler des dysfonctionnements ou de sanctionner des violations de la loi  entravant le développement de l’enfant, dans la famille ou bien hors de la famille.

L’intervention de la justice est alors, un appel à assumer son rôle de protection de l’enfant.

 

Cas possible d’intervention de la justice, celui auprès de l’enfant victime :

Il s’agit de l’enfant subissant les conséquences préjudiciables d’infractions commises sur sa personne.

Ces infractions peuvent résulter d’abus[1], et les présumés auteurs de ces infractions peuvent être un ou des titulaires de l’autorité parentale, ou une personne tierce.

C’est le cas par exemple de l'enfant victime de maltraitance ou d’abus sexuels par le ou les titulaires de l'autorité parentale en principe ses père et mère, ou son tuteur.

Et dans cette première hypothèse, le juge saisi peut recevoir la constitution de partie civile du titulaire de l'autorité parentale non auteur des faits incriminés, ou d’un tuteur ou d’un administrateur même désigné ad hoc, pour la défense des intérêts de l’enfant.

Car il existe un principe général de l'incapacité du mineur édicté que dans un but de protection, faisant que l'enfant ne peut exercer ses droits qu'au travers de l'action de son représentant légal, c'est-à-dire le ou les titulaires de l'autorité parentale, ou le tuteur désigné.

Cependant sans être fondé sur un abus, le préjudice subi par l’enfant, peut émaner  simplement de faits de nature infractionnelle quelconque, exemple des blessures involontaires suite à un accident de circulation.

 

Dans toutes ces situations donc, que ce soit dans la famille ou hors d’elle, certains enfants  peuvent, être victimes de quelqu’un qui a violé la loi à leur égard.

Ces enfants viennent alors devant la justice pour que cette personne, adulte ou enfant, soit punie. Mais plus important encore, ces enfants demandent la réparation de leurs droits et une compensation, souvent financière, pour les aider à se reconstruire[2].

 

La justice devra alors assurer un rôle de veille, de sauvegarde, de correction ou rectification des situations débilitantes ayant motivées sa saisine, et assurer la protection des droits de l’enfant.

Et dans cette première hypothèse, la présence de l’avocat est nécessaire en représentation et assistance pour la défense des intérêts de l’enfant. L’avocat intervenant est alors choisi par celui qui assume l’autorité parentale[3]


 [1]Il a été généralement relevé comme types d’abus répréhensibles subis par ces enfants victimes: l’exploitation économique, ou sexuelle,  le mariage précoce, la mutilation génitale féminine/excision, les sévices sexuels, les sévices physiques/violence, la maltraitance, la violence familiale, la négligence, les violences basées sur le genre…etc. 

[2]Au Sénégal le cadre légal n’a pas encore formalisé le respect de toutes ces exigences dans des règles spécifiques applicables aux mineurs victimes ou témoins. Voir notre exposé consacré à ce thème.

[3]L’assistance doit être comprise comme une assistance juridique et une assistance multiforme.



 

 

Role de l'avocat auprès des enfants victimes ou témoins

les mineurs victimes et témoins d’actes criminels, jouissent  aussi de garanties spécifiques édictées et fondées sur 10 exigences suivantes, résultant des lignes directrices tirées de la résolution 2005/20 du 22 juillet 2005 du Conseil économique des NU[1]:

  1. Le droit d’être traité avec dignité et compassion ;

  2. Le droit d’être protégé contre la discrimination cf : art 2, art 39 CIDE

  3. Le droit d’être informé cf : art 37, 40, 39 CIDE

  4. Le droit d’être entendu et d’exprimer ses opinions cf : art 12 CIDE

  5. Le droit à une assistance efficace cf : art 6, 37, et 40 CIDE

  6. Le droit à la vie privé cf : art 37, 40 CIDE

  7. Le droit d’être protégé contre les épreuves pendant le processus de justice cf : art 6, 37, 40, 39 CIDE

  8. Le droit à la sécurité cf : art 6 CIDE

  9. Le droit de bénéficier de mesures préventives spéciales cf : art 3, art 39 CIDE

  10. Le droit à la réparation

La plupart de ces exigences  trouvent également  leur fondement dans les articles ci-dessus rappelées de la CIDE[2].

Et le rôle de l’avocat ressort aussi de ces exigences, par l’obligation d’assistance[3] efficace, requise pour ces enfants victimes ou témoins.

En intervenant donc, l’avocat doit  s’assurer de l’application de ces règles, au bénéfice de son client, et surtout que soit assuré leur respect par tous les autres intervenants :

  • Ainsi pour l’enfant victime il devra :

    • Veiller à sa sécurité et protection adéquate par rapport au suspect mis en cause; veiller à ce que les informations sur la procédure soient disponibles.

    • S’assurer que les techniques d’investigation ou d’audition en usage soient adaptées, et que les unités spécialisées compétentes existantes selon le cas, seront intervenantes,

    • lutter à entraver tout risque de discrimination, respecter et faire respecter la confidentialité.

    • Veiller à ce que les locaux garantissent la protection du mineur.

  • Et pour l’enfant témoin :

    • Veiller à l’existence d’espaces adaptées, garantissant la qualité de sa protection, au respect de son droit à l’information, à la garantie des prestations de base (comme la réception des notifications, des traductions, et le respect de toutes mesures limitant les désagréments liées au devoir de témoigner)

    • Veiller à la confidentialité, à la garantie de présence d’une personne accompagnante.

[1]Depuis novembre 1985 les NU ont adopté « la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir » et pour les enfants victimes il s’en est suivi les « Lignes Directrices » sus évoquées dans l’objectif d’aider au réexamen des lois, procédures et pratiques nationales afin d’y faire contribuer au respect  des droits et à la protection des enfants victimes ou témoins d’actes criminels.

[2] Il est à noter aujourd’hui, le droit international a évolué pour exiger une meilleure prise en charge de la victime, en faisant ressortir que la sanction du coupable, ne soit pas seulement rétributif, mais gagne un aspect restaurateur. C’est pourquoi la prise en charge tient plus compte de l’accompagnement dans tout le processus judiciaire. Pour l’enfant cela s’est traduit concrètement par la mise en place de « lignes directrices » d’orientation de la procédure, impliquant un accompagnement judiciaire adapté.

[3]Il est aussi admis dans certaines législations (droit français), que le mineur doué de discernement puisse choisir lui-même l’avocat,  mais ce fait n’est pas courant en droit sénégalais, toutefois l’avocat peut être commis d’office pour la défense des intérêts de l’enfant.