Pour introduire...

Texte juridique novateur la CIDE installe une  vision et pratique nouvelle des relations avec l'Enfant. Son application implique forcément des bouleversements qui sont autant de défis à relever; il faut en être conscient et avoir le souci d'y réfléchir pour faciliter l'implémentation.

L'adhésion et la ratification réalisée par les états depuis quelques années est une étape, il y a cependant à la suite de cela des chantiers nécessaires à ouvrir, à savoir celui:

- de l'harmonisation, qui est de rendre les lois et réglements nationaux conformes aux principes de la CIDE;

- celui de la contextualisation, visant à adapter ces lois nouvelles au milieu de vie et à la culture ambiante pour favoriser l'adhésion communautaire; 

- celui de la spécialisation, pour asseoir l'acquisition des principes par les acteurs en charge de leur application tout autant que la modification de leurs pratiques d'intervention.

Tout cela dans une concertation permanente de toutes les structures en charge de cela, et pour un partage d'expériences aussi entre les acteurs voire entre les pays. Car les bonnes idées ayant abouti à de bénéfiques résultats ailleurs doivent servir de modèles de référence.

C'est nécessairement une période de grande réforme, de mutation qui doit voir le jour.

Et beaucoup de questions interpellent sur ce plan à savoir:

- Quels objectifs d'orientation pour les droits de l'enfant, la justice pour mineurs ?

- Quelle vision générale doit sous tendre l'action, et notamment la construction des lois sur ce plan dans notre espace africain ?

- Quel rôle de reflexion confier à ce titre aux structures régionales comme le comité africain des droits de l'enfant, ou la Comission Africaine des droits de l'homme ?

- Quelle réflexion attendre de la part de nos chercheurs sur toute cette thématique ?

Toutes ces questions appellent donc des réponses qui sont autant de défis nécessaires à relever pour asseoir une implémentation de la CIDE  dans l'espace africain.

A ce titre les institutions régionales créees devraient plus s'impliquer dans cette démarche de contextualisation en raison de leur position, donnant une vue panoramique de la problématique.

Elles pourraient ainsi orienter et appuyer les efforts des Etats par la production de notes de doctrine, à l'image du Comité des Nations relatif aux droits de l'Enfant, qui produit des avis thématiques.

Il faut en effet donner une dimension régionale à la réflexion et cela rentre dans la mission promotionnelle assignée à ces institutions. 

Quelques constats de départ dans l’implémentation de la CIDE sur le contexte africain:

Depuis le 20 novembre 1989, la CIDE est ratifiée par les états africains en grande majorité, mais sa mise en application n’est encore pas totale et complète. Or  l’application de la CIDE doit être une préoccupation majeure en raison de la  caractéristique de la population africaine marquée par sa jeunesse, donc majoritairement composée de  bénéficiaires de ces droits consacrés.

 Aujourd’hui aussi dans les états africains, la voie suivie pour implémenter la CIDE depuis ses ratifications, est essentiellement fondée actuellement sur une approche juridique.

Mais dans cette démarche s’élèvent plusieurs contraintes notamment :

  1. La faiblesse de l’harmonisation des cadres légaux à la suite des ratifications. Or l’harmonisation et la domestication des principes de la CIDE est primordiale dans l’implémentation et pour l’application correcte des droits consacrés. Il serait souhaitable de traduire cette harmonisation dans la production d’un code unique centralisant l’ensemble des textes de protection de l’enfant, ceci devant permettre de mieux faire comprendre le caractère spécial des droits de l’enfant, jusqu’ici perçu comme une dérogation du droit commun ce qu’il n’est pas. Il y a à noter toutefois que des efforts de législation existent  dans certains pays ;il y a aussi des chantiers en cours dans d’autres.
  2. A la suite de cette harmonisation susvisée, la mise en place des structures d’accompagnement du dispositif d’intervention est en attente. Car la loi doit forcément être renforcée dans son application par des structures d’appui aptes à réaliser son effectivité. Cela qu’il s’agisse de structures administratives ou judiciaires, ou sociales.
  3. A tout cela s’ajoute la formation des acteurs  pour l’intégration des procédures dans leur pratique ; certes elle est en cours, mais aussi les acteurs sont actuellement freinés dans leurs capacités et résultats  par l’absence d’harmonisation totale du cadre légal, au point qu’ils usent de voies palliatives pour faire bénéficier à l’enfant de certains droits consacrés. Et cette formation encore très orientée sur la sphère judiciaire doit aussi s’étendre vers les décideurs politiques[1] et administratifs, dont la non compréhension des principes de base de la CIDE, est aussi source de freins à l’action des acteurs de terrain et de proximité.
  4. Et au final, l’application des droits de l’enfant n’est pas installée et sous tendue par une vision nationale, une véritable politique nationale conçue avec identification d’objectifs globaux et spécifiques à atteindre, contrainte qui se traduit par une diversité d’intervention généralement non coordonnée, du fait de l’absence d’une structure en charge de ce rôle ; et l’absence aussi d’évaluation périodique des acquis ce qui limitent la visibilité des progrès et ne facilite pas la bonne planification des nouvelles perspectives.

 

Les deux grosses limites constituant des défis urgents de travail  sont  donc la finalisation de l’harmonisation du cadre légal, appuyée par l’instauration d’une vision politique nationale de mise en œuvre et application effective des droits de l’enfant.

Et la mise en place des structures d’accompagnement comme aussi la formation, s’intègre dans ce processus politique comme objectifs à réaliser.

Et ce défi de l’harmonisation est  propre aux états, pour devoir être  un point majeur  d’un plan d’action les concernant.

Mais ce travail fait sur l’approche juridique bien qu’important et normale, doit en plus en complément, être adjoint et développé avec une approche culturelle[2] pour appuyer à une meilleure implémentation de la CIDE. Cela est aussi du rôle de l’état et de la société civile.

Car aujourd’hui  la CIDE n’est pas un outil connu et compris par les populations africaines, appelé à vivre ses principes au quotidien.

Et  la CIDE n’est pas pour devoir s’appliquer seulement dans les espaces techniques ou professionnels (administrations, tribunaux, institutions…) mais également dans les familles, dans la communauté, car les enfants y sont présents.

Cette inculturation aura l’effet de permettre l’application de la CIDE par engagement et non par contrainte, parce que les acteurs concernés auront une claire compréhension de son contenu et l’intègreront alors dans leur vécu et action quotidienne.

A cet effet il y a donc à travailler sur  l’inculturation de la CIDE. Il ne s’agit pas d’une critique ou une réécriture des principes mais une recherche adaptation pour faciliter leur compréhension à partir des fondements culturels d’action des populations. Il faut travailler pour que se réalise la transition en cours, des institutions traditionnelles garantes du patrimoine culturel vers les nouvelles à venir intégrant ces principes de la CIDE.

C’est dans cette réflexion que l’on doit rechercher aussi les modes alternatifs traditionnels de prise en charge à proposer, notamment comme alternatives sur la question de privation de liberté.

C’est donc d’abord à un fort combat de sensibilisation à mener auquel on est appelé, dont il faut cependant revoir la méthodologie, qui devra différente de celle mise en œuvre jusqu’ici.



[1]Car le constat sur les terrains d’intervention  nous a mène à relever, que les autorités décisionnelles dans les administrations ont souvent une connaissance sommaire de la CIDE et de ses principes, ce qui peut constituer un handicap lorsqu’ils sont dans le devoir de prendre des décisions, sans maitriser l’impact sur l’application de la CIDE, où même que ces décisions soient inopportunes,  au point qu’elles puissent freiner l’action des acteurs subalternes intervenants à la base.

[2] La CIDE prend en compte dans ses préoccupations le respect des cultures des différents peuples du monde, il y a donc à puiser dans ces cultures la synergie existante entre les pratiques traditionnelles positives et les droits de l’enfant. 

L'implémentation de la CIDE en Afrique est marquée, par une spécificité culturelle à ne pas méconnaître ...

Dans l'espace africain le droit actuel dit moderne émanant de l'Etat, nait et s'applique selon une certaine vision et forme d'expression non conforme à la normale perception, que devrait en avoir les populations sur qui il est destiné à s'appliquer.

En effet l'évolution historique antérieure de naissance de l'Etat, a installé ces populations dans un modèle culturel, social et politique, qui reste selon leur perception exogène.

Car le modèle de gouvernance colonial induit une conception autoritaire et centrale de l’administration des territoires.

Puis ce modèle d’exercice du pouvoir a été maintenu après les indépendances sous des formes civiles et militaires se justifiant par la nécessité d’une unification et construction d’Etat nation.

Ainsi le droit formel actuel  tel qu'adopté par les lois émanant de l'Etat est imbu de ce poids contraignant, et rencontre alors dans son application des limites, dus à une certaine perception de réserve source de non adhésion aux principes qu'il véhicule.

Car sous ce modèle d'organisation les populations sont poussées presque forcées à entrer dans une modernité culturelle, sociale et politique jugée à nature forcément exogène.

Alors que malgré tout elles ont conservé un socle de solidarité (la tradition) ancré sur le monde rural et qui persiste malgré l’urbanité faisant que les groupes sociaux continuent de s’y reconnaitre.

Cette tradition consiste en un ensemble d'idées, de doctrines, de pratiques, de moeurs, de techniques, de connaissances, d'habitudes , d'attitudes transmises dans la communauté, de génération en génération. Ses racines fondent la vie rurale africaine, son contenu se transmettant aux membres de la communauté par l'éducation traditionnelle.

Cette ruralité repose dans son expression sur les familles et sur les règles sociales qui les régissent ; ainsi l’autorité y reste exercée par le chef, le conseil des anciens pour assurer la garantie du respect de la tradition. Voilà ce qui constitue la dimension communautaire de la vie africaine.

Les règles issues de cette ruralité déterminent toute l’évolution de la vie personnelle et sociale (selon des moments de vie comme le mariage, les naissances, les décès, etc...); c'est pourquoi le pouvoir de l’Etat ne peut les méconnaitre et tente de créer le lien par l’usage du clientélisme.

Il résulte donc de tout cela au plan du statut personnel, une admission non spontanée de ce droit émanant de l'Etat, car les populations restent installées dans une conception traditionnelle de vie formant ce socle, que le pouvoir de l'Etat ne peut méconnaître; mais au contraire il doit trouver intérêt à rechercher les voies de son intégration à ce système de pensée, pour susciter l'adhésion à ses règles.

En somme l'Afrique ne peut donc se couper de son commmunautarisme, qu'elle doit inclure dans la modernité pour évoluer. 

Cette situation ainsi décrite peut être encore plus clarifiée pour sa meilleure compréhension, à partir des observations descriptives suivantes du sens de la Tradition et de  son rôle.

- D'abord élucidons la source et la force de l'ancrage communautaire sur l'individu:

Poursuivant une visée d'intégration, la tradition cherche à faire de l'individu un membre socialement et culturellement intégré, qui participe activement à toutes ses activités. Elle a bâti pour cela des normes admises par tous, une sorte de convention collective acceptée qui crée un cadre de référence, définissant la communauté et la distinguant des autres. Dans ce cadre il est donc déterminé la place de l'individu ses droits et devoirs vis à vis de la communauté.

Préparé donc au respect d'un ordre social organisant sa conduite individuelle et collective l'individu membre de la communauté admet sa primauté sur sa personne.

  • Dans la Tradition il y a donc primauté de la communauté sur la personnalité juridique de l'individu 

Car contrairement au droit dit moderne qui consacre toute la personnalité juridique sur l'individu.

La perception africaine du droit lui adjoint au préalable son appartenance communautaire, dans laquelle il dilue spontanément sa capacité juridique personnelle. La conséquence en est que l'aspect communautaire domine sur l'individu; l'individu n'est reconnu qu'en tant qu'il est rattaché préalablement à sa communauté, avec les devoirs, et les responsabilités qui en découlent.

Ainsi les intérêts de la communauté passe avant celui de l'individu; au point que la pire des sanctions pour l'individu est d'être exclu de sa communauté. Il est ainsi difficile à un africain de se départir de ce lien.

  • Dans la communauté aussi la personnalité juridique de l'individu dépend de son statut interne. 

En effet énorme conséquence de ce rattachement communautaire, la personnalité juridique de l'individu dépend de son statut dans la communauté; et ce statut est évolutif selon les étapes de la vie de l'individu. Et ainsi la personnalité juridique gagne en force en termes de capacités avec l'évoultion en âge de l'individu, suivant les étapes de vie qui en fixe les échelons: enfance, adolescence, âge adulte, mariage,parentalité, vieillesse.

- Ensuite au delà du statut de la personne, d'autres observations sont relatives à certaines caractéristiques conférées à la règle de droit et à sa mise en oeuvre dans la vie sociale:

La vie sociale et communautaire est bâti sur la recherche d'un ordre social de vie apaisé, évitant autant que possible les conflits.

Dans l'hypothèse par exemple d'une résolution de conflit né de la vie communautaire; la sanction émanant de la règle de droit n'est en général pas préalablement établie, la normativité n'est pas fondée sur des règles préalablement écrites; la règle nait de la négociation, elle n'est pas fixée à l'avance, ce qui implique un long dialogue arbitré entre les parties. Ainsi donc le réglement du conflit vise  la restructuration des rapports entre l'auteur , la victime et la communauté. L'objectif est d'instaurer un équilibre entre les intérêts et les forces en présence et en interraction.

Egalement la résolution du conflit vise le futur et ne se focalise pas sur le passé. Et le contenu de l'accord a le souci de préserver les relations futures des parties considérées comme vitales pour la communauté.

C'est pourquoi la sentence ne se  décidera jamais sur l'urgence, on hésitera à la prononcer, tant que la certitude n'est pas acquise à l'adhésion, et tous les efforts seront tentés pour rendre la  situation acceptable par tous. La raison est que le jugement doit s'appliquer pour garantir le vivre ensemble à l'avenir, il faut donc que le tissu social soit réparé, et dès lors du temps doit être pris pour y arriver.

De cela il découle donc que les infractions considérées comme les plus graves, sont celles visant à mettre en danger le vivre ensemble, la collectivité. Et surtout lorsque ces infractions sont alors préméditées.

Enfin dans la forme pour l'expression du droit, il s'exige alors que la résolution du conflit se fasse publiquement au besoin avec la participation et l'avis du public. Car toute matière personnelle est aussi d'intérêt public, et concerne la communauté entière, d'où la nécessité de la participation publique.

Au vu donc de l'influence de toutes ces perceptions relevées, l'adhésion aux principes du droit moderne qui n'intègre pas cette vision, crée nécessairement une opposition source de limites à l'acceptation de la règle.

Il devient donc évident que par rapport au système juridique moderne, ses valeurs tel que la primauté de l'Etat sans donner place à la communauté, l'individualisme oubliant le lien communautaire, la personnalité juridique simplement individuelle, deviennent difficilement admissibles et peuvent même être source d'inadaptation rendant ce droit étranger aux populations et même source d'oppositions.

Nous vivons ainsi dans nos Etats africains en construction un manque d'articulation entre les différents ordres juridiques: celui émanant du droit moderne, face aux ordres extra étatiques, doù une pluralité d'ordres juridiques.

Cela produit la nécessité pour les sciences sociales d'avoir à résoudre un défi de taille qui sera d'en obtenir une synthèse historique, devant aboutir à la création d'un droit africain qui ne peut être la simple reproduction de modèles non compatibles avec les réalités et spécifités du milieu de vie. 

C'est pourquoi le travail nécessaire à faire est un mariage des positions, par l'option d'une endogénéité du droit, d'une inculturation du droit moderne, c'est à dire son adaptation entrainant une intégration de cette percetion traditionnelle, source d'un nouveau de types et dispositifs institutionnels d'action à créer.

Une question sous jacente découlant de toute cette réflexion et relative à  la prise en charge judiciaire de l'enfant, ouvre sur ce plan la question de choix du modèle de justice qui lui serait appliqué. Et il se révèle en partant des observations ci dessus les grandes similitudes de cette forme de pensée avec les principes de base de la justice restauratrice. Et ceci sera l'objet d'un point de réflexion futur.

Cependant cette donnée d'identité communautaire spécifique au contexte africain n'est pas une limite, mais doit être considérée  comme un atout, une force, parce qu'exprimant la capacité de l'Afrique à une symbiose des diversités pour construire l'unité; mais cette unité n'est faite d'exclusion, mais plutôt d'inclusion. Ce qui est une source d'enrichissement.

En effet la tradition n'est pas une institution figée, conservatrice, rétrograde et insensible aux changements. Elle se confond certes avec le passé, mais elle la transcende, et ne s'oppose pas au modernisme. Elle l'intègre par compréhension. Nous en avons des exemples visibles avec ce qui se fait dans la musique actuelle, où les sonorités traditionnelles se sont adaptées à l'usage des instruments modernes; et c'est aussi le cas avec le cinéma, le théatre, qui aujourd'hui produisent l'expression culturelle et transmettent les messages assumant à ce titre un rôle didactique. Mais là où des efforts importants sont encore à faire à ce titre, c'est au niveau de l'école, et des institutions, où des évolutions d'intégration des éléments positifs de la Tradition sont sérieusement attendues.

Alors tenant compte de ces aspects, le droit moderne et c'est son défi, doit travailler sa capacité d'intégrer la tradition dans sa vision et ses règles. Et l'idée importante en cela c'est comprendre que l'espace de la Tradition est bâtie sur le dialogue non la contrainte, méconnaître cela c'est créer d'ors et déjà les conditions du rejet et de la répulsion.

Cependant une grosse limite dans tout ce travail de mise en harmonie de la Tradition avec la modernité est à trouver dans la contrainte naissant des exigences de financement pour la réalisation de ces activités à essence culturelle et traditionnelle.

En effet l'obtention de ce financement est soumis à l'évaluation basée sur le critère de la rentabilité découlant de la loi du marché; il y a dès lors dès l'entame à se demander comment solutionner cette exigence d'obtention du financement soumis à la loi de l'économie du marché; et la réponse positive ou négative obtenue à cette question, devient la clé ou l'handicap pour faire avancer ou suspendre l'évolution d'une idée, ou d'une voie d'action.

C'est pourquoi donc la lutte aujourd'hui entre la tradition et la Modernité se situe également dans la contradiction à gérer relativement à la monétarisation des rapports qui affecte même la dimension essentiellement humaine, contrairement à la vision traditionnelle, qui ne fonde pas toutes ses interventions sur l'argent, et l'estimation préalable d'un coût. Car la Tradition donne en effet une certaine place à la gratuité, ce qui est tout à l'opposé de la vie présente.

Autrement dit tout revient à savoir quelles solutions trouver face à la monétarisation, relativement à des activités culturelles traditionnelles, que l'économie de marché qui prédomine présentement ne juge pas à priori rentables. Alors que les communautés concernées ne disposent souvent pas des moyens financiers d'action pour s'autofinancer, et que l'Etat quant à lui est soumis aux exigences des lois du marché. Et cela fait donc que la rentabilité devient le critère de détermination des orientations politiques. Et sur ce fondement se justifie souvent l'inaction, face à des attentes de la population pourtant de haute valeur humaine.

Ainsi voilà encore une des contradictions qui gênent le soutien à l'action d'harmonisation de la Tradition avec la modernité et sur laquelle des réponses doivent etre recherchées et trouvées pour garantir le progrès humain en Afrique.

 Me François Diassi

Mais qu'est ce que la communauté et quel rôle en attendre en cette matière des droits de l'enfant?

Fondée sur un partage de valeurs, la communauté existe par des règles d’organisation des relations des hommes qui la compose, entre eux et avec leur milieu de vie.

Ces valeurs de la communauté s'appuient sur le partage d’une langue commune, des ancêtres communs, des mêmes divinités, voire des mêmes ennemis ou antipathie. Le groupe communautaire avec ces marques identitaires partage aussi le même espace de vie, avec les mêmes activités quotidiennes. Cette identité particulière distinguera donc la communauté, et marquera sa spécificité.

En effet par la tradition qui est la marque et l'expression de cette identité, la communauté génère un individu parfaitement inséré dans sa vie sociale et communautaire selon un profil défini par l'éducation traditionnelle transmise, qui se charge  de le modéliser.

Cette éducation traditionnelle est ainsi transmise  de génération en génération dans nos sociétés depuis l'Afrique précoloniale jusqu'à aujourd'hui. Elle coexiste donc aujourd'hui avec l'éducation dite moderne introduite par la colonisation, sans être une éducation au rabais, archaique ou dépassée, et surtout elle ne s'oppose pas à l'éducation moderne.

Cette capacité d'adaption et d'intégration propre fait qu'elle s'enrichit des diversités et marque sa force par son esprit d'ouverture.

C'est ainsi que dans nos sociétés africaines, les différentes communautés qui la compose, bien que spécifiques ne sont pas en opposition, elles s’intègrent faisant de leur diversité un fondement de complémentarité de richesse à partager  pour vivre ensemble.

Ainsi le rôle social de la communauté est énorme particuliérement au plan traditionnel. Il est aussi essentiel de préserver cela.

L'enfant est donc membre d'une communauté, et au vu de la force d'emprise de la communauté sur l'individu, son action pour un appui à l'encadrement ou à la réhabilitation de l'enfant est fondamentale et essentielle.

Car la communauté par l'outil de la tradition a toujours eu la vocation de générer en son sein des individus parfaitement insérés dans la vie sociale et communautaire, modélisés en cela par l'éducation traditionnelle.

Elle cherche donc à faire de l'individu un membre intégré et accepté par le groupe, participant activement aux activités et à la vie du groupe s'y intégrant socialement et culturellement.

A cet effet tous les enfants étaient soumis  à un même type d'éducation, qui poursuivait un même idéal, les mêmes objectifs, à savoir faire de l'enfant l'homme de la famille, du clan, de l'ethnie. Cet homme était appelé à travailler, fonder une famille et lui assurer le bonheur, il devait obéissance à ses parents et aux ainés, se soumettait à la réglementation sociale du groupe, aidait les vieillards les faibles et les étrangers. Pour cela cet enfant doit connaître son milieu, sa société et s'y harmoniser car ayant le devoir de perpétuer les traditions de son clan et de son ethnie. Fondue dans cet image tout adulte servait d'exemple pour l'éducation des enfants.

Cette éducation était une formation de tout l'homme dans ses différentes composantes: physique, intellectuelle, sociale, économique, morale, culturelle, religieuse,philosophique, idéologique.

L'individu est ainsi moulé et intégré dans son environnement social  qui à son tour l'accepte parmi ses membres, il est modélisé culturellement produisant une personnalité expression d'une manière de vivre, de penser conforme aux valeurs cuturelles  de son groupe.

D'où il se justifie donc aujourd'hui pour la réhabilitation de l'enfant face à la justice, la nécessité d'associer la communauté à l'action menée par la justice formelle en la sensibilisant à ce rôle d'appui. Ce n'est d'ailleurs en fait que lui demander de jouer son rôle antérieurement dévolu, en somme réactiver ses aptitudes dans l'encadrement social. Mais cela demande une réflexion pour utiliser le bon canal de transmission du message garantissant en retour le reflexe d'une adhésion à la demande.

La communauté doit aussi intégrer et soutenir la nouvelle forme de parentalité à inventer dans notre contexte africain, où l'urbanité a complexifié l'action communautaire. Il faut renforcer son rôle à ce titre et pour cela se mettre à son écoute l'associer fortement aux décisions à prendre.

Il est à bien comprendre que nous sommes dans une phase de transition, et le socle des valeurs tradionnelles est une base de départ irremplaçable. Il faut donc une alliance éducative inclusive au bénéfice de l'Enfant.

Le modèle nouveau à construire ne peut l'être dans le rejet de ce socle des valeurs traditionnelles. Il sera donc nécessaire d'opérer un dosage, une réinterprétation judicieuse, une adaptation raisonnée des valeurs traditionnelles source d'unité, de discipline, de cohésion, de respect, de sacrifice...dans les processus de construction structurels, organisationnels, pedagogique  des systèmes nouveaux pour produire les bases d'influence sur le comportement des individus. 

En conclusion:

Nous comprenons que la société moderne où nous vivons présentement a perdu les clés du profil éducationnel à construire.

Ce qui n'était pas le cas de la société traditionnelle qui détenait son modèle, construit sur deux axes de travail, celui centré sur la construction identitaire de la personne et celui visant la construction sociale.

La société moderne urbanisée a rompu ce schéma, sans mettre en place un modèle de compensation compatible avec le vécu actuel.

Il est nécessaire donc de réinventer dans cette société moderne, le modèle supplétif à bâtir dans une base d'intégration de la tradition, et cela proviendra d'une réflexion multidisciplinaire autour et avec la part active de la communauté. Et ce modèle nouveau devra prendre en compte l'évolution de l'enfant dans sa prise en charge et son accompagnement avec la garantie d'un environnement de vie protecteur.

L'implémentation de la CIDE en Afrique implique la prise en compte de sa spécificité culturelle par les acteurs décisionnels et d'intervention

Aujourd'hui l'Etat a la responsabilité politique, juridique de la réglementation sociale. Les solutions qu'il doit trouver à ce titre relativement aux différents problèmes, sont politiques, juridiques, économiques, sociaux et éducationnel par rapport à l'enfant.

Pour faire des droits de l'Enfant une réalité, il est indispensable de placer les parents et leurs enfants dans des conditions d'existence indispensables à leur développement harmonieux, pour permettre  d'éduquer ces enfants dans les valeurs. Il faut une bonne santé mentale et physique, des conditions matérielles adéquates, une nourriture équilibrée. Ce qui justifie donc que la lutte contre la pauvreté est un des énormes chantiers de travail à ce titre, qui garantira par sa réussite la mise en oeuvre des droits consacrés par la CIDE. 

Au point de vue éducationnel les éducateurs à savoir la famille, l'école, la société comprise comme l'ensemble des communautés, doit éduquer les enfants aux valeurs et travailler à la formation et à la consolidation de ces valeurs selon un modèle à inventer et bâtir associant les éléments positifs de la tradition.

C'est le rôle des chercheurs et experts d'aider l'Etat à la détermination de ces éléments positifs de la tradition tout autant qu'à leur intégration dans le processus educatif. Ils le feront par un travail d'anthropologie culturelle et de sociologie juridique, qui doit être approfondie et systématisé. Mais les autorités étatiques ont aussi un devoir d'ouverture dans cet effort de mise en harmonie de ces deux systèmes moderne et traditionnel, pour tenir compte des découvertes et propositions des chercheurs, dans la construction des politiques nationales, ainsi rompre avec un mimétisme simpliste peu valorisant amplifiant la césure avec les communautés traditionnelles.

L'existence au plan régional de l'instrument juridique qui est la Charte Africaine des droits et du  Bien être de de l'Enfant est une étape utile fort importante dans ce processus de prise en compte de la spécificité culturelle africaine à intégrer dans la matière des droits de l'Enfant; mais la reflexion et la réalisation de cette vision doit être approfondie et plus valorisée, au plan du droit interne.

L'handicap dans ce processus au plan régional, est la faiblesse d'une évaluation sérieuse des acquis de départ, d'une concertation continue,d'une coordination des actions et d'une capitalisation des réussites pour permettre une projection ensuite vers des réformes plus rationnalisées. En somme il est à mettre en place un véritable système de gestion de cette thématique tant au plan régional que national. Cet espace de travail doit être plus investi par le Comité africain des droits de l'Enfant dans la dimension promotionnelle des droits inscrite dans ses compétences. C'est son rôle dans ce chantier de la contextualisation de la CIDE.

Au plan national plus particuliérement,  l’application des droits de l’enfant doit être installée et sous tendue par une vision nationale, une véritable politique nationale conçue avec identification d’objectifs globaux et spécifiques à atteindre. C'est le rôle de l'Etat au titre l'harmonisation légale, de la contextualisation et de la spécialisation des acteurs. 

Et également dans cet effort, l'accent doit aussi être mis dans la coordination nationale des politiques et interventions.

A ce titre particuliérement autant au niveau de l'intervention qu'au niveau de la conception des politiques, la question de la multidisciplinarité ne doit pas être occultée, car la mise en oeuvre des droits de l'Enfant appelle la nécessité d'interventions des spécialités diverses et cela en concertation aussi. Ces spécialités diverses doivent donc communiquer en amont comme en aval.

Et à tous les échelons de la décision, la question d'assurer la part active des communautés à l'action doit donc être un souci réccurent.

La CIDE et les exigences de sa mise en oeuvre...

La CIDE ouvre un énorme champ de perspectives pour l'enfant, car toutes nos pratiques dans la relation avec l'enfant doivent changer, ce qui comporte des défis à relever dans notre façon d'agir à tous les niveaux.

Les nouveaux droits conférés posent en effet des principes dont la mise en oeuvre influe sur pratique courante, par exemple avoir le souci en tout de l'intérêt supérieur de l"enfant, lui garantir son droit à la participation, lui assurer son droit au developpement sans entrave, bannir toute discrimination pouvant l'affecter; tout cela implique donc une façon d'agir et même de penser différente de la voie commune.

Et à cet effet la CIDE exige la mise en oeuvre complète de tous ces droits suivants:

Ainsi des différents articles de la CIDE, au nombre de 54,  il ressort donc pour l’enfant les groupes de droits suivants :

  • Ceux  relatifs aux droits civils et aux libertés de l’enfant : Art 7 ; 8 ; 12 ; 13 ; 14 ; 15 ; 16 ; 17 ; 37.
  • Ceux relatifs à un niveau général de santé et de bien-être : art 6 ; 18 ; 23 ; 24 ; 26.
  • Ceux relatifs aux droits familiaux : Art. 3 ; 5 ; 9 ; 10 ; 11 ; 12 ; 18 ; 19 ; 20 ; 21 ; 25 ; 27.
  • Ceux relatifs à l’éducation, aux loisirs, et aux activités culturelles : Art.28 ; 29 ; 31.
  • Ceux enfin relatifs à une protection spéciale : MCL art. 37 ; 39 ; 40 ; Enfants exploités : art. 32 ; 33 ; 34 ; 35 ; 36 ; Enfants dans des situations d’urgence : Art 22 ; 38 ; 39.

La finalité de la garantie de tous ces droits c’est assurer à l’enfant un environnement de vie protecteur.

Au vu de toutes ces exigences, il urge dès lors de réfléchir aux changements d'attitudes qui nous interpellent.

Toutefois la mise en oeuvre de ces droits consacrés doit cependant se faire dans un contexte particulier d'évolution des Etats africains marqué par les caractéristiques suivantes:

D'abord au plan démographique la population africaine a connu ces dernières décennies une explosion, et est ainsi fortement composée de jeunes, donc des cibles bénéficiaires des droits garantis par la CIDE; ce qui accroit l'urgence de leur mise en oeuvre.

Cependant cette accuité de la mise en oeuvre des droits consacrés, rencontre plusieurs contraintes qui en freinent l'action, dont essentiellement l'état de pauvreté née de la situation économique des pays et entrainant la faiblesse d'accès des populations aux services sociaux de base, du fait de l'insuffisance d'investissements des Etats sur ce volet faute de moyens.

 - La situation écomomique des pays est donc marquée la pauvreté, influant sur la qualité de la protection sociale des enfants.

Cette pauvreté des ménages résulte de la faiblesse de leurs revenus en raison du sous emploi, du chômage, ou simplement de l'absence d'activités rémunératrices. La conséquence en est une insécurité alimentaire, exacerbée encore lorsque cette situation économique difficile est fragilisée par les conflits ou les catastrophes liés à l'environnement.

Cette situation générale décrite influe donc forcément sur la qualité de la protection sociale due à l'enfant.

Et il s'ajoute que cette situation économique difficile est plus encore dégradée dans la zone rurale par plusieurs facteurs: pluviométrie defectueuse, pauvreté des sols, agriculture de rente négligeant les cultures vivières, tout cela étant source d'une insécurité alimentaire dans les campagnes.

Cela a donné naissance à des flux migratoires des campagnes vers les villes (phénomène de l'exode rural), source d'une mobilité des populations.  

Mais cette mobilité est aujourd'hui accrue,  et ne se limite plus d'ailleurs seulement au niveau national c'est à dire des campagnes d'un pays vers les villes, mais maintenant se déroule de pays à pays; cela étant justifié par l'état conjoncturel du pays hote caractérisée généralement par une forte croissance économique.

Et malheureusement ce flux migatoire affecte les enfants, etant en plus entaché d'une délinquance paticulière  bâtie sur l'exploitation économique n'épargnant pas les enfants, et qui est qualifiée  de traite ou de traffic.

Pour finir sur cette situation économique et toujours par rapport à ses caractères, il est à constater aussi que l''état de pauvreté des ménages s'exprime sous une double face selon la zone locale de vie, quelle soit urbaine ou rurale.

Il est en effet il est dit selon les statistiques que près de 33 % de la population africaine  est aujourd'hui urbanisée.

En conséquence selon que l'enfant est en milieu urbain ou rural, la forme de sa prise en charge différera en opportunités ou en déficit de moyens. Il sera question donc de veiller à ce que le type d'intervention le concernant, prenne en compte ces différences liés au milieu de vie, avec le souci de réduire une discrimination présentement très en défaveur de l'enfant en zone rurale.

- Au total donc cette forte demande sociale née de la situation socio économique de pauvreté ci dessus décrite, révèle donc de gros défis interpellant les Etats dans la prise en charge des enfants. 

Un des axes de travail sur ce plan est alors celui de la construction de l'armature institutionnelle de cette prise en charge en protection de l'enfant.

Mais ce qui est notable sur ce plan, c'est le constat de la faiblesse d'accès  aux services sociaux de base, souvent inexistants du fait des faibles capacités des Etats,  fortement frappés  par la crise économique récurrente.

A titre d'exemple, la faiblesse des services de la santé en termes de disponibilité ou d'accès produit la conséquence d'une forte mortalité infantile causée par diverses raisons (malnutrition et autres causes).

L'école pour sa part, même s'il a certes accompli des progrès en termes d'accueil  d'enfants à scolariser au niveau du cycle primaire en particulier, manifeste encore des disparités notables relativement au nombre des garçons encore plus important que celui des filles.

D'où l'urgence d'une amélioration de son service, en termes d'accès et de maintien des filles.

Mais en plus, un travail en profondeur est nécessaire sur la qualité de l'enseignement dispensée relativement à son contenu et à la formation même des enseignants.

Et à ce niveau la grosse question qui demeure est celle de savoir quel profil d'homme doit naître de cette action éducative?

Cette question non encore résolue pose toute la problématique du type d'éducation à dispenser, tout autant que se pose celle de la prise en compte des valeurs culturelles fondamentales dans ce contenu éducatif.

Et cet enseignement doit aussi intégrer la compréhension des droits de l'enfant, et sa transmission pour promouvoir leur expression en actes concrets dans la vie quotidienne.

La construction requise de l'armature institutionnelle de tous ces services sociaux de base,  et qui ne se limite pas à la santé et à l'éducation, est donc aujourd'hui un énorme défi pour les Etats.

Ces services doivent en effet consister en toute une panoplie de moyens d'intervention à créer et mettre en place, sur tous les aspects nécessaires pour agir au profit de l'enfant.

Ces services à caractère moderne dans leurs structures, doivent également intégrer les acquis sociaux fondamentaux d'édification de la société africaine, tirés de la tradition.

Et dans tout ce travail d'intégration de ces acquis, les Etats doivent s'appuyer sur des partenaires de taille, qui ont toujours été à la base de la sauvegarde de l'Enfant. Parmi ces acteurs le premier partenaire de l'Etat est la famille.

Il faut donc renforcer la famille en raison de son rôle juridique et social, mais aussi traditionnel.

Car en Afrique, le lien social de base dans la communauté reste la famille, dont la force a été le rempart de préservation des communautés contre toutes les agressions. C'est par la préservation de la famille et du lien social qu'il conserve, que la tradition trouve le moyen de se maintenir par l'action émanant des familles.

La communauté familiale détient encore sa force comme noyau dur dans les sociétés africaines. Elle a en effet su s'adapter aux évolutions, notamment à l'urbanisation croissante et même l'économie moderne de marché.

Et cette mutation de la famille lui permet même en zone urbaine d'être le creuset d'un certain nombre d'activités de l'économie populaire, au point qu'elle parvient à jouer le rôle de sécurité sociale pour ses membres. 

L'Etat doit donc renforcer la protection sociale de l'Enfant  en passant par les familles dynamisées dans leur rôle de sauvegarde, et de protection de l'enfant; ce qu'elles ont toujours fait; mais cela est encore à préserver, pour lutter contre toute entrave, ou source de sa fragilisation.

Il y a donc nécessité d'écoute et d'association des familles et plus largement de la communauté à tout processus d'intervention autour de l'enfant d'une part, d'autre part le besoin de création d'un cadre de concertation avec les familles et la communauté au plan local, régional, et national; enfin il y a la nécessité de sanctionner positivement l'action des familles pour susciter l'émulation.

En somme il faut construire une nouvelle parentalité qui conjugue les aspects modernes de prise en charge de l'enfant, d'avec les acquis traditionnels, et pour cela mettre en oeuvre un service d'accompagnements des familles, pour rompre leur isolement en milieu urbain.

Car sur ce plan d'ailleurs il est notable que la famille était moins isolé dans la vie rurale du fait de l'appui communautaire dont elle disposait, mais aujourd'hui en zone urbaine la famille est plus ou moins en déficit de cet appui communautaire et cela sans une compensation efficiente face aux nouveaux défis découlant de la vie urbaine.

C'est donc relativement à toutes ces sources de fragilisation que doivent être imaginés  et apportés des solutions à l'accompagnement des familles par les services sociaux à inventer et mettre en place. Une expérience intéressante d'institution "des maraines de quartier" est en cours à cet effet au sénégal, comme très bonne usage d'une coutume connue (apport de la tante à la famille), maintenant utilisée en ville en appui aux jeunes mères.

Il ne faut donc pas que soit rompu le socle de solidarité communautaire, qui doit cependant se transformer en une nouvelle forme à inventer dans un esprit de concertation entre l'Etat et les institutions traditionnelles. C'est cela qui qui les renforcera au plus grand bénéfice de l'enfant.

En conclusion la mise en oeuvre de toutes ces actions doit au mieux s'insérer  dans un cadre politique défini qui en guide l'orientation.

Car beaucoup de ces aspects de travail repertoriés sont repris dans les objectifs  des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté initiés par les institutions financières internationales (FMI et Banque Mondiale) et aussi dans le cadre l'atteinte des OMD fixés par les Nations Unies. 

Mais le constat encore regrettable est l'absence d'une vision centralisatrice de toutes ces politiques conçue dans un cadre qui devrait être l'élément fédérateur d'une action globale de protection et d'assistance à l'enfant.

C'est ce travail de coordination globale qui est soit embryonnaire, voire inexistant, produisant ainsi la conséquence d'une multiplicité d'actions menées, et dont le manque d'orientation centralisée réduit l'efficience. Les acteurs agissant de manière souvent incoordonnée et sans concertation, quelquefois en opposition, cela parce qu'il n'est pas déterminée pour eux une ligne de mire et un contrôle rationnalisé. Et cela est bien dommage dans l'execution des programmes en perte de synergie et d'efficience.

 

Diversité des fondements juridiques à l’intérieur d’un pays face aux normes internationales, étude de la question dans le contexte africain.

 

Introduction : L’AFRIQUE EN MUTATION, VIT UNE INTERRACTION ENTRE MODERNITE ET TRADITION SOURCE DE PLURALITE.

Le contexte africain, à tous les niveaux, individuel comme collectif, manifeste dans tous les espaces de vie, une interaction pour ne pas dire opposition entre la tradition et la modernité. Cela est observable sous différentes facettes, notamment  dans les modes de vie : à savoir régime alimentaire et cuisine, santé et médication, habillement culture et loisirs, espace de vie…etc.

Ainsi le cadre institutionnel d’évolution en est aussi marqué, tout autant que le droit applicable,  cela s’exprimant par une pluralité des ordres juridiques prévalant dans l’espace national.

Cette situation contextuelle contemporaine, s’explique par toute l’évolution historique et sociale des sociétés africaines.

En effet il est connu que toutes les sociétés  génèrent du droit, que le droit « habite » tout corps social : l’adage le dit si bien, « ubi societas ubi jus ». En Afrique donc la coutume[1] ou mieux le droit traditionnel[2], a dès lors toujours assuré la fonction juridique et sociale[3]. Et l’institution étatique née de l’histoire coloniale est venue se greffer dans cette architecture sociale créant un nouvel ordre juridique superposé. Conséquemment nos sociétés africaines contemporaines manifestent au plan juridique cette particularité plurielle, qui à l’observation permet d’y distinguer différents systèmes juridiques y prévalant. C’est ainsi que quelle que soit  la forme d’organisation sociale, il se révèle que nos différentes sociétés sont bâties sur une pluralité de systèmes juridiques.

1.PLURALITE JURIDIQUE DANS L’ESPACE NATIONAL AFRICAIN : AVEC UN DROIT MODERNE ET DROITS TRADITIONNELS.

Les populations dans les états africains en construction[4], vivent sous différents ordres juridiques, caractérisés par un manque d’articulation. Ainsi il existe un ordre juridique dit moderne émanant du droit étatique, lequel droit fait face à divers autres ordres juridiques considérés comme extra étatiques constituant les droits traditionnels.

Ainsi selon l’organisation politique économique sociale actuelle, l’Etat et ses diverses institutions,  émanation de l’ancien pouvoir colonial, est aujourd’hui porteur d’un droit considéré comme moderne, mais qui se donne cependant une vocation d’exclusion des différents autres ordres juridiques existants, à des fins d’uniformisation du cadre juridique national. Mais cette vocation d’uniformisation du droit est confrontée à des obstacles entrainant une coexistence non sans heurts entre les deux ordres juridiques.

L’espace juridique national est ainsi caractérisé par la coexistence quasi parallèle des droits traditionnels face au droit moderne. 

2.CONSEQUENCE DE LA PLURALITE, UNE COEXISTENCE NON  HOMOGENE DES DEUX ORDRES JURIDIQUES

Nonobstant cette tendance uniformisatrice du droit moderne, les droits traditionnels perdurent à côté du droit moderne, fonctionnant et régissant en plus grande proximité, les rapports de vie des individus et s’exprimant dans des groupes plus restreint d’essence communautaire.

Ces ordres juridiques extra étatiques sont particulièrement centrés sur des domaines relatifs à la famille et au statut personnel des individus ou leurs rapports civils ou économiques de proximité (contrats ou conventions généralement non écrits).

Et les règles du droit traditionnel s’appliquent sans interférence avec  ceux du droit moderne, tant que n’existe pas entre eux un espace conflictuel exigeant l’intervention étatique, ou en cas de faits infractionnels graves (blessures graves, crimes)[5].

Et ainsi le recours du droit traditionnel à cette intervention étatique, nait souvent d’une contrainte inévitable rendant cette intrusion nécessaire. La meilleure illustration de cette situation est la référence à la gestion de l’état civil : Exemple d’illustration de cela, le film et roman de Sembene Ousmane le « mandat », qui montre la difficulté d’un sexagénaire à ne pouvoir retirer un virement financier faute de carte d’identité nationale (question d’état civil).

Autres exemples d’illustration de l’usage du droit coutumier en statut personnel :

  • En zone rurale comme urbaine, la célébration du mariage se déroule en grande majorité devant l’autorité traditionnelle, sans usage des règles du droit moderne, d’où la persistance des mariages précoces.

  • Ainsi pour les naissances, mariage, décès… le recours à l’autorité administrative ne s’explique souvent  que par l’existence d’une contrainte insurmontable. Par exemple :

    • En cas de décès exigence d’un permis d’inhumer dans les cimetières communaux.

    • Pour la naissance aussi : la nécessité de démarches déclaratives née du facteur d’incitation créé par l’admission aux prestations sociales étatiques : santé, école  où il survient une exigence d’identification.

  • Enfin l’usage de formes alternatives de règlement des conflits, pour éviter le recours à l’autorité judiciaire étatique : par la médiation ou la conciliation.

Mais face à cette coexistence de ces deux ordres, l’Etat, tendrait vers une uniformisation du cadre juridique.

Cependant  la persistance des droits traditionnels et l’incapacité pour l’Etat d’obtenir l’extinction de ce système se justifie[6] en ce que la grande majorité des citoyens s’identifie socialement à ces règles, auxquelles ils restent fondamentalement attachées. L’Etat à défaut d’atteindre l’uniformité juridique, joue donc un rôle de tentative d’assimilation ou de répulsion selon son intérêt et la circonstance, développant à cet effet si nécessaire l’usage de stratégies clientélistes.

3.LA SOLUTION D’AVENIR, EST UNE SYNTHESE A BATIR ENTRE LES DEUX ORDRES

En effet à y réfléchir surtout dans une vision futuriste, l’intérêt se trouve dans une démarche d’intégration progressive des différents ordres juridique, mais non sous la contrainte. Car le refus de la contrainte  se justifie en ce que dans ses principes de fonctionnement le droit coutumier recherche toujours un ordre négocié, de dialogue. La contrainte crée la méfiance et engendre la rupture de dialogue entre les systèmes.

Et d’ailleurs dans cette démarche d’évolution et d’intégration,  les ordres juridiques  dits secondaires ont montré la voie en assimilant au besoin certaines règles du droit moderne étatique selon leur intérêt. Par contre c’est au niveau de l’Etat que le réflexe d’intégration est beaucoup plus prudent parce qu’il reste plus centré sur la défense de son autorité et de sa souveraineté. Ce chantier de travail d’intégration est cependant en cours et est de la responsabilité de l’Etat. Il lui appartient de mettre en place une stratégie tendant à créer avec  les communautés, un espace de dialogue et de complémentarité et non d’exclusion. Cela se traduit concrètement dans les actions suivantes à mener ensemble à cet effet : à savoir sensibilisation, concertation, formation, participation, analyse et décision commune, appui à l’exécution, évaluation. De par ce processus les lois nouvelles et mesures adoptées vont s’intégrer par une dynamique de contextualisation, au cadre et mode de vie des bénéficiaires, contrairement à l’option d’un parachutage qui n’engendre que réserve et répulsion sous la justification du caractère exogène des règles instituées, sans adhésion communautaire.

4.QUID DE L’ADMISION DU DROIT INTERNATIONAL DANS CE CONTEXTE DE PLURALITE JURIDIQUE ET DE L’ADHESION DES POPULATIONS A SES PRINCIPES ?                                                                                            

Face à ce pluralisme juridique national les normes du droit international qui intègrent cet espace se retrouve confrontées à la question d’une part de leur  intégration par le droit étatique par l’harmonisation légale : 1ere barrière : monisme ou dualisme, car la pratique judiciaire bute encore sur ce débat ; ensuite au-delà de cette étape, survient celui de leur adhésion /acceptation par les populations, post intégration par le droit moderne étatique. Cela ne peut s’obtenir que ce nous appelons le travail de contextualisation défini dans les développements précédents. Car l’écueil à ce niveau découle du  contenu normatif de la norme internationale, porteur généralement de principes fondateurs  qui sont souvent peu ou pas compatibles avec l’identité culturelle ambiante, ce  qui nécessite pour leur acceptation, un temps d’assimilation compréhension puis adhésion.

QUID dès lors des droits de l’enfant et de l’implémentation de la CIDE : il est d’abord à constater que les 10 droits fondamentaux de l’Enfant résultant de la CIDE[7], trouvent leur espace juridique de mise en œuvre principalement dans la famille, famille régie dans son fonctionnement par la forte influence du droit traditionnel tel que décrit ci-dessus. 

Il est en pratique question d’étudier dès lors, comment l’application des principes résultant de la CIDE, serait plus aisément admise sans contrainte ni  opposition par le droit traditionnel. Ce n’est que le travail de contextualisation ci-dessus défini, qui devrait permettre d’y arriver. Il passera essentiellement par une démarche de sensibilisation approfondie. Et cela est possible car la coutume a démontré dans le temps une forte capacité d’assimilation et d’adaptation, et ce qu’elle refuse c’est la contrainte. Le travail de contextualisation devrait donc être encouragé et jumelé à celui de l’harmonisation légale, car la forme d’intégration du principe nouveau dans la rédaction de la loi influe fortement sur le message à transmettre en sensibilisation. 

 

CONCLUSION

Partant donc  de tous ces développements, il est notable que  les sciences sociales en Afrique ont donc un défi de taille à relever,  à savoir réussir une synthèse historique qui permettrait de résoudre l’équation de l’intégration des ordres juridiques extra étatiques à l’ordre juridique étatique, dans une dimension de complémentarité.

 Par Me Mactar Diassi, Avocat et Consultant en Justice Juvénile



[1] Le terme de coutume autrefois en usage, comporte un aspect réducteur et condescendant auquel il est plus préféré aujourd’hui l’appellation droits traditionnels. En fait son usage s’est expliqué par le fait que ce droit traditionnel africain d’essence non écrite a exigé pour son application par l’autorité coloniale d’être écrit dans des recueils appelés coutumiers, comme fit le Roi de France au Moyen Age pour la rédaction la coutume.

[2] Aujourd’hui les recherches en sciences sociales admettent l’existence de droits traditionnels africains malgré la diversité des peuples. Voir sur ces deux notes 1 et 2 : les Cours d’histoire de Droit de Geneviève Chrétien Vernicos. Université Paris 8, Vincennes, 2001 – 2002.

[3] La gouvernance coloniale s’est fondé sur les contrôles des territoires et de leurs ressources, mais généralement beaucoup moins sur le gouvernement des hommes, laissant libre champ à la coutume de perdurer sur ce domaine pour une prise en charge des populations, et de leur vécu.

[4] L’état africain n’a pas encore atteint sa pleine maturité de fonctionnement.

[5] La communauté exprime son emprise sur l’individu et le groupe à différents niveau famille, famille élargie, chef communautaire. Rien ne dépasse ces niveaux et ne se transfère à l’autorité étatique, sans passer par cette voie première. L’accent est mis sur la solution amiable pour assurer la paix et l’harmonie dans la communauté.

[6] Ces règles constituent un socle bâti autour des solidarités familiales, de la référence au village, aux terroirs aux traditions et célébrations ; et les mutations sociales, économiques, les évolutions culturelles nouvelles ne peuvent réduire le poids de leur ancrage. Car rompre la solidarité de la famille, du village, du clan, relève de la dissidence périlleuse et douloureuse.

[7]On synthétise et retient généralement à partir de tous les droits consacrés par la CIDE, 10 droits fondamentaux :

  • (1) le droit à l’identité et à la nationalité,
  • (2) le droit à une alimentation suffisante et bien équilibrée,
  • (3) le droit à la santé et aux soins,
  • (4) le droit à l’éducation et à la formation,
  • (5) le droit de vivre dans une famille aimante,
  • (6) le droit aux loisirs,
  • (7) le droit à la protection contre toute violence et exploitation,
  • (8) le droit de ne pas faire la guerre, de le subir, d’être secouru, d’avoir un refuge,
  • (9) le droit à la liberté de pensée,
  • (10) le droit à l’expression de son opinion et la participation aux décisions qui le concerne.

La mise en œuvre de ces droits repose en grande part sur la famille, fortement marquée dans son action par la coutume.

 

La spécificité culturelle africaine manifeste une proximité avec les principes de la justice restauratrice...

La gestion de la demande de justice est un objectif primordial d'action dans la construction d'un pays. Elle contribue à favoriser l'harmonie sociale. Nos pays africains dans la construction de leur développement économique et social sont en pleine recherche d'un système de justice assurant cette évolution sociale harmonisée. Mais ce parcours d'évolution n'est pas aisé et est jalonné de multiples difficultés, et contradictions à solutionner.

Le noeud central d'interrogation dans cette construction systémique est de savoir si l'architecture judiciaire et ses procédures à mettre en place doit s'appuyer simplement sur 'un modèle de fonctionnement fondé sur le mécanisme hérité de la période post coloniale, et bâti selon les principes du droit dit moderne (justice formelle); ou faudra t il aller plus au delà, et entrevoir une ouverture de ce système judiciaire actuel, à une intégration de pratiques juridiques tirées du vécu culturel fondateur des sociétés et communautés africaines (justice informelle).

Il se trouve ainsi posé la question du choix intégrateur ou non des méthodes et procédures de la justice dite informelle à la justice formelle ou moderne.

La question se pose parce que cette justice moderne dans son intervention ne garantit pas dans sa forme, ses methodes, et sa pratique usuelle l'objectif d'harmonie sociale  qu'elle a le devoir d'assurer aux populations par son service. Diverses situations expriment cette disharmonie: règles méconnues, procédures couteuses, cérémonial incompris, sanctions culturellement inadaptées (prison). C'est donc pour la solution de ces causes de disharmonie que nait le besoin de recherche d'une voie d'intégration progressive des principes d'action de la justice informelle à cette justice formelle.

En effet la justice informelle a toujours existé et selon des caractéristiques profondément ancrées dans le vécu des populations qui s'y reconnaissent comme marque identitaire.

Car dans l'Afrique précoloniale le système de justice qui prévalait visait moins à chatier les malfaiteurs, mais plutôt cherchait à rémédier aux conséquences de leurs actions sur les victimes. Les sanctions étaient alors de nature compensatoires plutôt que punitives. L'une des principales fonctions du droit africain précolonial était de rétablir l'équilibre social communautaire. Tout cela s'expliquait par la conception sociale de vie communautaire, dont le postulat de départ faisait dépendre l'humanité de chacun à l'humanité de l'autre, car "ce sont les personnes qui font qu'une personne est une personne"; on dit par exemple au Sénégal que "l'homme est le remède de l'homme". Par conséquent face à une infraction, un trouble de l'ordre social, on tente de réparer les dommages, de rémédier aux torts commis, de réparer le préjudice subi par la victime. Il y a donc une attention à la victime, et ainsi la réparation exige que l'on prête attention à ceux qui souffrent, car elle reste impossible si une des parties du litige est lésée. 

Cependant la colonisation a entrainé le remplacement d'une partie du droit africain d'alors appelé coutumier, par un système basé sur la rétribution culturellement inadapté. Et ce système comporte ses limites.

Ce tableau suivant en démontre la différence de finalité à  titre comparatif et illustratif :

Fait justificatif des poursuites, parties intervenantes et objectif poursuivi

Approche de la justice pénale traditionnelle

Approche de la justice pénale moderne

Définition du Crime ou délit

Préjudice causé aux victimes et à leur famille dans un cadre communautaire

Infraction à la loi

Parties concernées

Victimes, auteurs des faits, collectivité et autorités sociales

Auteurs, autorités judiciaires

But recherché

Dédommagement et remise en état du tissu social

Réduire l’incidence future de la criminalité, assurer la réinsertion sociale, le châtiment, la dissuasion

visée, finalité

Garantir la Paix sociale

Assurer l’ordre même par la contrainte

Il ne résulte donc pas du fonctionnement de la justice moderne, ce souci permanant de la gestion de la qualité des rapports sociaux, qui constituait par contre la finalité même de l'action de la justice traditionnelle.

C'est pourquoi face aux limites relevées de la justice moderne, il s'impose de trouver par une recherche nécessaire les voies d'intégration des mécanismes juridiques et culturels compatibles, bénéfiques tirées de la justice traditionnelle.

Une possibilité d'assurer le mariage de ces deux modèles de justice est d'user à cet effet des principes de la justice restauratrice ou réparatrice. En effet la justice réparatrice en tant que théorie vise à rémédier aux défaillances du système judiciaire actuel afin de trouver de nouvelles façons d'administrer la justice.

Et cette justice dite réparatrice est un modèle qui a dominé la justice pénale dans l'histoire universelle depuis toujours. C'est pourquoi elle recèle de parfaites lignes de convergence avec la justice traditionnelle africaine. Et présentement d'ailleurs  on constate le retour aux pratiques de justice réparatrice qui sont incarnées dans les pratiques traditionnelles.

Car la justice réparatrice vise l'équité sociale en  se préoccupant de la nature des rapports sociaux qui existent entre les particuliers, les groupes, et les collectivités, avec l'objectif de raccomoder le tissu social, en se concentrant pour cela sur l'infraction, le contexte, et les causes de celui ci. Le souci est alors de préserver la dimension sociale, en visant l'avenir des relations en explorant les voies de transformation qui garantissent la paix. La justice traditionnelle africaine dispose donc de ressources parfaitement compatibles avec cette vision.  

En effet les mécanismes sociaux traditionnels en Afrique offrent des ressources importantes et utiles relativement à la gestion des conflits; et c'est pourquoi il nait un intérêt d'user de ce fort potentiel pour créer par exemple un cadre de réconciliation par le processus de la justice dans des sociétés sortant de conflits. Dans l'évolution donc de certaines de ces sociétés  sortant de conflits il a ainsi été estimé que les systèmes de justice traditionnelle peuvent être adoptés et adaptés afin d'élaborer des réponses appropriées conduisant à asseoir une réconciliation sociale.

Il a été nécessaire pour cela de rechercher une combinaison créative des principes de la justice formelle d'avec celle de la justice traditionnelle; une expérience pratique de la formule en matière de justice transitionnelle, a été tentée par exemple au Rwanda avec les "gaccaca".

Il est donc avéré que les mécanismes de justice informelle sont donc fort utiles pour consolider la paix post conflit, faciliter la réintégration, et tout le processus curatif cela grâce à une forte implication de la communauté. 

Mais ces ressources de la justice traditionnelle sont encore utilisables de manière plus généralisée dans le système judiciaire formel  et il doit être poursuivi la recherche à ce titre pour y arriver. 

La limite certes est que ces pratiques traditionnelles de résolution des conflit ne sont actuellement réglementées, organisées formellement bien que maintenues au fil du temps par l'adhésion des populations. Techniquement elles se réalisent en la forme de conciliation, médiation, arbitrage, bons offices...Elles sont en usage dans des litiges familiaux (mariage, divorce, garde des enfants, succession), litiges de voisinage; surtout lorsque la justice formelle est inexistante, ou n'apporte pas satisfaction.

Mais en réalité ils résolvent la grande grande majorité des litiges, car ils sont plus accessibles que les mécanismes formels, se réalisent à moindres frais, et sont plus adaptés aux particularités culturelles, produisant en plus plus d'impact sur les femmes et les enfants. Par rapport aux enfants d'ailleurs ces pratiques peuvent aisément servir de palliatifs comme alternatives à la poursuite contre les enfants en conflit avec la loi, et ainsi répondre favorablement au changement d'attitude culturelle en ce qui concerne les enfants et la justice.

Tout cela fait qu'il se justifie la nécessité de rechercher les voies d'intégration de ces pratiques de la justice informelle dans la justice formelle, par une recherche de solutions d'harmonisation entre les deux systèmes.

La voie d'un meilleur accès à la justice et d'une protection accrue des droits commande cette dynamique, par l'invention d'un s'ystème d'intégration des deux mécanimes de justice formelle et informelle, assurant: (1) un échange et un apprentissage sur les méthodes réciproques, (2) une coopèration entre les acteurs des deux systèmes, (3) une répartition des tâches rationnelle et adaptée, (4) une ouverture et une disponibilité à travailler ensemble pour faire face aux nouveaux défis.

Les autorités étatiques manifestent encore de la friliosité sur cette voie, mais la recherche doit les aider à s'affermir dans cette voie. En afrique de l'ouest une expérience intéressante est en cours, celle des maisons de justice, qui peut paraitre une voie nouvelle d'ouverture du système formel vers l'intégration plus généralisée des pratiques comme la concilitation et la médiation.

Mais le constat est qu'il y a encore un énorme chantier de travail ouvert sur cette question.

Synthèse des règles standard d'un traitement judiciaire du mineur en conflit avec la loi

Revue des règles mises en place par la CIDE pour la prise en charge judiciaire adéquate d'un mineur en conflit avec la loi, par Me François Diassi

Me Diassi Eclairages sur l'usage de la détention préventive et des alternatives

Une sensibilisation pour un usage accentué des alternatives à l'incarcération des mineurs par Me Diassi

La Justice restauratrice notion intérêt et influence de l'Afrique

Voir cette contribution de Me Diassi en sensibilisation sur l'intérêt et l'influence de l'Afrique pour un usage prononcé de la Justice restauratrice en Afrique

Les solutions alternatives exigées par la CIDE dans la prise en charge judiciaire pénale favorisent l'usage des pratiques issues de la justice informelle

Les articles 37 et 40 de la CIDE comporte l’exigence de promouvoir la déjudiciarisation des litiges concernant l’enfant en conflit avec la loi comme alternative.

Cette déjudiciarisation, s’explique par le souci d’une humanisation des rapports, et par la volonté de trouver, une solution non judiciaire et contentieuse au litige, qui a amené l’enfant devant l’autorité.

La déjudiciarisation s’entend techniquement, par tout effort ou procédé entrepris en vue d’empêcher que le litige ait une solution contentieuse, par la voie de la procédure légale et judiciaire classique.

Et alors, tout devra être tenté pour aboutir à un règlement non judiciaire et amiable.

Mais il est nécessaire pour qu’elle réussisse, d’avoir au préalable, l’accord ferme du plaignant à cette solution, parce qu’il aura été sensibilisé à cette démarche et procédure, mais qu’au préalable la loi institue aussi le procédé.

Un procédé possible de déjudiciarisation, à titre d’exemple est la médiation pénale.

Ainsi, pour des infractions mineures (du type de rafles, vols simple, bagarres, violences, coups et blessures avec une faible incapacité …), si un enfant est en cause, il est plus souhaitable de rechercher autant que possible une solution extra judiciaire du litige. Un choix possible de déjudiciarisation par la médiation pénale, est alors utilisable  pour certaines catégories de ces infractions.

Mais quel intérêt pratique justifie l’usage de la médiation pénale dans la procédure,  comme alternative à la poursuite et à la détention ?

* Il y a un gain économique à cela, car la gestion de la prison coûte cher à nos états, qui n’ont aucun intérêt à promouvoir la solution uniquement carcérale, qui ne contribue qu’à accroître la surpopulation des prisons et aussi à affecter un si lourd budget à une population inactive économiquement parlant.

* Il y a un intérêt de maintien de l’ordre social dans la communauté grâce à la contribution de la victime à cet effort. En effet, lorsque la victime acquiesce à une conciliation, elle contribue à faire taire la rancune, l’esprit de vengeance, en privilégiant le pardon ou l’acceptation positive d’une solution amiable de résolution du conflit. Ce geste le rend acteur d’une resocialisation du délinquant, qui aussi ne regarde plus alors la victime, comme la cause de son exclusion de la société ; et dès lors, s’il comprend bien les conséquences de l’acte posé, il doit alors voir, l’importance de l’effort à accomplir pour ne pas à nouveau défaillir.

* Il y a un intérêt enfin pour le délinquant qui est bien plus alors, appelé à agir pour sa propre réhabilitation, surtout si les mesures définies pour cela sont bien respectées par lui, sous la triple sanction et surveillance de la victime, du civilement responsable, de la communauté, et de l’Etat.

Si cependant la voie de la médiation pénale doit être recherchée, il faut déterminer les conditions légales et cadre de sa réalisation. Toutefois sa mise en œuvre implique la collaboration plus accrue, entre policiers rompus à la nécessité de faire respecter les rigueurs de la procédure pénale, d’avec les éducateurs aptes à écouter, à entendre, les moyens d’asseoir un accord entre les parties momentanément opposées.

Quid maintenant de la manière d’y arriver ?

Cela se fera surtout grâce à l’intervention du travailleur social.

Cette intervention du travailleur social se conçoit, d’abord par une écoute de l’enfant, cela dès à partir de sa première audition par le fonctionnaire d’autorité en charge du dossier. Cette écoute est fort importante pour sa sécurisation affective.

L’action du travailleur social se poursuivra ensuite, par une prise de contact avec la famille de l’enfant, pour son information et pour l’observation de sa situation ; ce qui peut renseigner sur la véritable personnalité de l’enfant et sur les causes probables d’une tendance à la délinquance.

L’action enfin s’étendra par un contact avec la victime de l’infraction, ce pour mesurer le degré de tension sociale qui a résulté du trouble né de l’infraction, et le travailleur social pourra alors évaluer la mesure de l’effort à accomplir pour tenter une médiation / conciliation

En définitive, l’exigence d’une telle collaboration entre policiers et travailleurs sociaux, résulte des recommandations persistantes des règles internationales (article 37 et 40, règles de Beijing), qui souhaitent la création de structures policières spécialisées comme les brigades de mineurs, cadres factuels de collaboration possible entre travailleurs sociaux et policiers, et d’exercice de l’assistance nécessaire à l’enfant.

Au total avec cette forme d'intervention et en s'inscrivant dans le sillage d'une volonté d'intégration des acteurs de la justice informelle à ce processus, il reste juste nécessaire aussi d'y accentuer procéduralement la part active d'action de la communauté. De telles ouvertures ouvrent des champs de collaboration pour le plus grand bénéfice de l'enfant.

Quelques points pratiques urgents à améliorer dans la prise en charge judiciaire pénale des mineurs...

Au plan de la domestication des principes et de l'harmonisation légale dans la prise en charge judiciaire des mineurs, les urgences suivantes sont à améliorer:

D'abord plus généralement dans toutes les procédures applicables à l'enfant les principes suivants fondent les décisions à prendre: le respect de l'intérêt suoérieur, de la non discrimination, la garantie du droit à la participation et droit au développement.

Le traitement qui lui sera ensuite applicable respecte en tout sa dignité, son âge et vise sa nécessaire réintégration sociale.

Une telle pratique induit une  spécialisation des intervenants. 

De manière plus spécifique maintenant les règles suivantes devront être respéctées. 

*Pour l'enfant en conflit avec la loi:

- améliorer dans la phase policière, les formats d'interpellation et de privation de liberté comme l'arrestation, la garde à vue, la mise en détention, en garantissant toute l'assistance qui lui est due à cette étape.

- Assurer et garantir la présence des parents, à la police durant toute la procédure judiciaire.

- Garantir l'assistance juridique: par la présence de l'avocat à assurer et améliorer.

- Respecter les attitudes spécifiques requises durant l'interrogatoire.

- Garantir et améliorer l'accompagnement psycho social par la présence des travailleurs sociaux.

- Garantir et améliorer la gestion de la confidentialité.

- Promouvoir l'usage des alternatives.

- Assurer et garantir le respect des principes de base et des conditions matérielles de la gestion de la détention des mineurs.

Tout cela nécessitera une formation des différents intervenants pour leur permettre de faire preuve de la technicité requise pour l'audition, l'accompagnement spécifique, l'attention à l'état du justiciable et enfin pour bénéficier des aménagements infrastructurels à apporter dans la juridiction.

*Pour l'enfant victime ou témoin, c'est toute une méthodologie nouvelle d'intervention qui est à construire. Pour avoir une idée à ce sujet, lire notre article dans la rubrique sur le droit sénégalais la note intitulée "statut des mineurs victimes ou témoins", il y est examiné au détail les exigences des recommandations à respecter en ce sens.

Mais notons pour aide mémoire ces points pratiques d'insuffisances à améliorer:

+ Enfant  témoin:

- Garantir la présence des parents dans son accompagnement judiciaire;

- Assurer son accompagnement psycho social;

- Améliorer la prise en charge en audition par les diférents intervenants concernés;

- Lui apporter l'assistance au moment du témoignage;

- garantir une gestion de l'audince tenant compte de son intérêt supérieur.

+Pour l'enfant victime:

- Assurer la garantie de sa protection dès la révélation des faits (veiller à son droit à la sécurité);

- Assurer la présence des parents s'ils ne sont pas la cause du trouble, garantir le soutien psychologique à l'enfant.

- Améliorer toute la prise en charge durant l'audition quelle que soi l'étape procédurale.

-Améliorer la prise en charge psycho social  d'accompagnement durant la procédure.

- Garantir l'assistance juridique.

- Assurer la gestion et la protection de la confidentialité. 

- Assurer la gestion adaptée de l'audience dans le respect de son intérêt supérieur.

Il ressort de tout cela un renforcement de capacités nécessaire pour les acteurs, fondé sur de nouvelles dispositions d'actions, de nouvelles attitudes et comportements d'intervention, qu'appelle la pratique du cadre légal rénové selon les prinipes de la CIDE.

Il faut donc pour cela entamer un énorme chantier de la spécialisation des acteurs.

Bien cordialement,

diassi francois