La pirogue image symbolique pour le Sénégal dont le nom fait référence à cette pirogue "notre pirogue" où nous sommes passagers...

Reception de la CIDE dans l'environnement juridique senegalais

Revue des règles générales de protection de l’enfant en vigueur dans le droit sénégalais

Le Sénégal a développé un cadre légal interne assez complet pour la protection des enfants.

Le pays a quasiment signé et ratifié toutes les conventions internationales et protocoles concernant les enfants. 

Ainsi au plan normatif interne, la Constitution du 7 janvier 2001 fonde la reconnaissance des droits de l’enfant et leur opposabilité à l’Etat garant de leur respect ; cela notamment en ses articles 17 à 22. Il y est aussi clairement admis, l’importance de la famille, et l’obligation de l’Etat et des communautés d’appuyer les parents dans leurs responsabilités envers les enfants.Dans cette optique comme signe fort de l’engagement de l’Etat, la CIDE[1] ratifiée a été incorporée dans le préambule de la Constitution de 2001, comme instrument auquel l’Etat affirme son adhésion rendant ainsi toutes ses dispositions juridiquement contraignantes.

Le Sénégal n’a pas encore formellement créé un code spécifique de l’enfant[2] mais plusieurs textes légaux et réglementaires traitent de manière quasi complète de la protection de l’enfant.  Au titre des textes législatifs les plus pertinents[3] , on peut citer:

  • Le Code de la famille (loi n°72-61 du 12 juin 1972), en vigueur depuis cette date, et souvent modifiée pour intégrer toutes nouvelles dispositions nécessaires sur la protection des enfants.

Le code de la famille est la loi fondamentale de référence sur toute la matière juridique du statut personnel, relative à personnes physiques majeures comme mineurs. Ses dispositions vont donc intéresser l’enfant globalement qu’il soit indemne de tout risque ou en danger, ou bien menacé, ou sous l’emprise d’une vulnérabilité quelle d’elle soit ; pour lui garantir les droits reconnus. C’est dans ce texte de loi que se trouvent institués les différents droits relatifs à l’identification juridique des personnes humaines (nom, domicile,…) ; les règles applicables au mariage (formation du mariage, régimes matrimoniaux, divorce, successions, donations, libéralités, testaments, filiation, la parenté, alliance, incapacités relatives à la protection des mineurs et majeurs incapables). Cette loi complète la CIDE dans ses dispositions susvisées, surtout relativement à toutes ses exigences à mettre en œuvre quant aux droits de statut personnel reconnus à l’enfant par cette convention.

  • Le Code du travail de 1997, existe également et fixe relativement à l’enfant l'âge minimum du travail à 15 ans.

Le Sénégal a en effet ratifié en 1999, la convention de l’OIT sur l’âge minimum du travail des enfants, fixé à 15 ans. Il se trouve ainsi posé une règle d’incapacité de l’enfant à pouvoir s’engager par un contrat de travail, ou même d’apprentissage, en dessous de l’âge légal admis par la loi. Plusieurs textes réglementaires complémentaires spécifient ensuite les dérogations admises et leurs conditions d’application. Au-delà de l’âge d’admission au travail, il existe aussi des interdictions relatives aux conditions d’exercice du travail lorsqu’un enfant est concerné. Le Sénégal a aussi ratifié en 2000 également, la Convention de l’OIT d’interdiction des pires formes de travail des enfants. 

  • Le Code de Pénal[4] et le Code de Procédure Pénale[5].

Leurs dispositions prévoient des sanctions sévères contre toutes formes de violences de sévices ou d’exploitation à l’égard de l’enfant. Il se trouve ainsi protégé relativement à son intégrité physique par diverses catégories d’infractions pénales prévues punissant les auteurs. On peut distinguer comme types d’infractions : l’infanticide (art.285 et s. du CP[6]) ; l’avortement (art.305 du CP) ; la non déclaration de naissance, la non déclaration à l’Officier de l’Etat civil d’un enfant trouvé, le délaissement d’enfant, l’abandon de famille (art 350 CP). Les blessures et violences faites à un enfant (articles 298 à 299 du CP) ; et les enlèvements d’enfants ; la mendicité (art.245 et s du CP) ; le vagabondage[7] (art.241 et s. du CP).Il s’ajoute à cela la loi n° 99-05 de 1999 modifiant le CP, et qui a interdit l'excision (art 289 CP), le harcèlement sexuel (art.319 CP), viol (320 CP), la pédophilie et les agressions sexuelles, ainsi que toutes les formes de mutilations sexuelles, les violences sexuelles et la corruption de mineurs (art 320 ter du CP). De même la loi n ° 2005-06 du 10/05 2005 modifiant aussi le CP, qui interdit la traite des êtres humains et assure la protection des victimes.

Le Code de Procédure Pénale ensuite complète l’application du Code Pénal et relativement à l’enfant, et contient les dispositions relatives au jugement des actes des auteurs d’infractions susvisées, ou de celles d’enfants présumés auteurs d’infractions, tout autant que des décisions portant mesures d’assistance aux enfants en danger.

Au total donc une base normative[8] existe, avec des procédures permettant à l’autorité judiciaire compétente, de prendre les décisions assurant un environnement assez protecteur à l’enfant. Cependant, nonobstant tous ces efforts, la mise en œuvre de certaines des dispositions de ces lois[9] susvisées, se heurte quelquefois à deux contraintes principales résultant :

  • i) soit des longs délais de publication des décrets d’application ; ce qui retardent l’intégration des dispositions  adoptées au droit positif sénégalais; faisant ainsi que bon nombre de lois déjà votées ne sont pas encore totalement appliquées.

  • ii) soit des traditions [10] : en effet la culture traditionnelle et les coutumes étant très fortes au Sénégal ; une contradiction avec les normes juridiques modernes peut en résulter. Cela peut faciliter la persistance de pratiques traditionnelles néfastes comme le mariage précoce, l’excision, la mendicité. Mais pour améliorer cette situation, la Direction des Droits de la Protection de L’Enfance et des Groupes Vulnérables du Ministère de la Femme de la Famille et de l’Enfance, a mis en place un plan d’action, basé sur la promotion du dialogue avec les autorités religieuses et les leaders d'opinion ; la sensibilisation du public et des autorités à différents niveaux, ce pour induire l’idée de la nécessité de protéger les enfants. L'UNICEF et d'autres ONG soutiennent fortement ce processus.

Formellement la conception des lois et textes réglementaires relatif à l’enfant est confiée au sein du Ministère de la Justice à la Direction des Affaires Criminelles et des Grâces et la Direction des Affaires Civiles et du Sceau ; qui avec le concours d’autres directions  prépare les projets de texte y compris ceux concernant la justice pour mineurs.

Une structure chargée de la Formation judiciaire existe également dans le Ministère de la Justice à savoir le Centre de Formation Judiciaire (CFJ) chargé de la formation initiale des intervenants du système judiciaire (magistrats, greffiers). Toutefois Les Présidents des tribunaux pour enfants ne suivent pas une formation spécialisée sur la justice des mineurs[11]. Mais certaines formations continues ont été proposées par le biais d’un projet de renforcement de la protection juridique des mineurs (RPJM) et ont eu lieu chaque année, comprenant notamment une session sur la justice pour enfants à laquelle tous les intervenants entrant en contact avec les mineurs sont invités à participer. Cette structure est également en collaboration avec l’IDE de Sion (Suisse), dans ce même registre de la formation.

Par Maitre François Diassi

[1] Convention Internationale relative aux droits de l’enfant

[2] Le processus  de création est en cours

[3] On peut encore citer d’autres législatifs à ce titre, par exemple le Code de la Nationalité, le Code des Obligations civiles et commerciales..etc. ; ainsi que plusieurs autres textes réglementaires….

[4] Loi n°65-60 du 21 juillet 1965 plusieurs fois modifiée.

[5] Loi 65-61 du 21 juillet 1965 portant Code de Procédure pénale.

[6] Code Pénal.

[7] NB : S’agissant du vagabondage il s’agit plutôt de délits d’état que le Comité des NU sur les droits de l’Enfant, recommande d’extraire de l’arsenal pénal.

[8] Le Sénégal enfin sur le plan formel a réalisé en décembre 2008, une compilation des différentes dispositions juridiques relatives aux enfants, qui étaient réparties entre différents textes et lois. Cela pour permettre d’accroître la transparence et l'accessibilité à ces dispositions juridiques relatives aux enfants, et ainsi faciliter l'application des textes et règlements relatifs à la protection des enfants. Il semble que ce soit la première étape vers la création d’un Code de l’Enfant, dont le processus d’élaboration est en cours.

[9] On légifère beaucoup au Sénégal mais l’application des textes est quelquefois limitée, ou souffre d’handicaps de contraintes à ce niveau.

[10] C’est le cas de la loi sur la mendicité.

[11] Cela pose le besoin d’une formation continue en direction du personnel judiciaire.

DESCRIPTION DU SYSTÈME DE JUSTICE JUVÉNILE SÉNÉGALAIS...

Le Sénégal a construit un système juvénile assez proche des standards requis mais exigeant des  évolutions souhaitables pour sa mise en conformité avec tous les principes de la CIDE. La force du dispositif comparativement à divers pays dans l'espace africain, tient à l'existence d'un fort volet d'accompagnement psycho social de certains justiciables mineurs (enfants en danger ou en conflit avec la loi) dans l'espace judiciaire. Les travailleurs sociaux présents et formés jouent un rôle déterminant, ce qui n'est le cas ailleurs.

Nous allons donc dresser une vue panoramique de ces aspects socio judiciaire dans la prise en charge des mineurs en danger ou en conflit avec la loi, avant d'en relever les points appelant des besoins de modification, notamment une amélioration du dispositif pour l'accompagnement judiciaire des mineurs victimes ou témoins.

Le travail de l'harmonisation légale avec la CIDE en cours doit en conséquence être parachevé sur tout le système de protection. Et tout autant également la formation des acteurs.

Mais il ne suffira pas de changer les lois, à cela doit aussi s'ajouter un travail de contextualisation forcément attendu pour susciter et obtenir l'adhésion des populations aux principes édictés.

PANORAMIQUE DU SYSTEME SENEGALAIS DE PROTECTION SOCIO JUDICIAIRE DE L’ENFANT EN DANGER OU EN CONFLIT AVEC LA LOI

Introduction :

  • Le contexte socio économique du pays marqué par la pauvreté est une source de fragilité et de vulnérabilité pour les enfants issus de milieux défavorisés

Le Sénégal est la 3ème économie de la sous-région ouest africaine après le Nigeria et la Cote d'Ivoire.

Le Sénégal est un pays agricole, activité occupant 60 % de la population active.

Malheureusement, la dégradation de l’environnement, du fait de la sécheresse, et la crise des systèmes production restés traditionnels, ne favorisent pas le développement agricole.

Au plan de l'économie moderne (industrie et services), la détérioration des termes de l’échange, un endettement croissant, un processus de restructuration économique par les programmes d’ajustement structurel, et la dévaluation du franc CFA, ont compromis les équilibres macro-économiques du pays.

Cependant il existe des secteurs économiques en expansion comme la pêche, la production minière de phosphates, et le tourisme avec près d'un million de visiteurs par an.

Les politiques d'ajustement structurel, mis en œuvre pour replacer l'économie dans un sentier de croissance, n'ont pas pu faire décroitre les déficits sociaux.

Ainsi dans les zones urbaines, le chômage résulte d'une chute de l'emploi au niveau du secteur industriel.

Et la prédominance d'un secteur informel, mais avec des activités peu rémunératrices, ne produit qu'un faible pouvoir d'achat des populations. Le contexte socio- économique reste encore défavorable, entraînant un état de pauvreté réel, avec des degrés et des formes plus ou moins aigus de dégradation de la qualité de la vie, pour les individus et les communautés.

Cette pauvreté touche 54 % de la population, avec 32 % des ménages vivant avec moins d'un dollar US/jour, et 75 % des ménages pauvres en zone rurale.

Cette pauvreté, au Sénégal, résulte principalement de trois causes :

  • ·les ressources des populations sont faibles ;
  • ·les profits de la croissance ne sont pas répartis avec équité ; car malgré un taux de croissance économique en hausse, il est estimé que 58 % des ressources nationales est contrôlé par 20 % de la population constituant les ménages les plus riches.
  • ·Les besoins essentiels des milieux populaires sont insuffisamment couverts. Car au regard des indicateurs de développement humain, l'accès à l'éducation, la santé, à l’eau, à l'assainissement et à l'électricité, est encore faible.

Les constats suivants sont notables: pour l'éducation, faible taux de scolarisation, (seul 58 % des enfants d'âge scolaire vont à l'école); pour la santé, l'accès aux soins est limité par le coût élevé des soins, mais aussi par l'insuffisance et la dégradation des infrastructures sanitaires, la faiblesse des plateaux techniques ainsi que le manque de personnel. Et les politiques d'ajustement structurel ont réduit les investissements en santé même si la tendance est à la hausse depuis 2002.

Au total, les dépenses publiques allouées aux services sociaux demeurent faibles.

Cette pauvreté croissante, devient la source de fragilisation de la famille puis de l'enfant, car ce sont ces enfants vivant issus de ces milieux pauvres et dans une situation précaire, qui constituent le lot de l'enfance en danger.

  • La défaillance du système traditionnel communautaire de prise en charge de l'enfant, contribue à amoindrir les possibilités de solution à la déviance latente.

Cette fragilisation s'explique: comment ?

Il faut noter que dans la plupart des traditions ouest africaines, c'est un encadrement socio-éducatif communautaire auprès de l'enfant, qui assurait les solidarités collectives et s’occupait de ne laisser aucune place à la déviance, grâce à la surveillance de tous les membres de la communauté, partenaire actif de la famille.

L’enfant dans ce cadre, grandit évolue et s’intègre dans son environnement socio culturel, encadré par des mécanismes de contrôle et de régulation, soucieux de son développement progressif, dans le respect de son âge et de ses capacités. Mais du fait de la sécheresse, et de l'appauvrissement des campagnes, cet équilibre traditionnel a été rompu par l’exode rural, en direction des villes.

L’urbanisation croissante de la société, va donc isoler les familles de la communauté traditionnelle, rompre les règles de régulation et laisser l’enfant à lui-même, sous un plus faible encadrement.

Car dans cet environnement urbain, les familles sont sujettes à des difficultés économiques croissantes, et vont relâcher la prise sur l'enfant, étant plus préoccupés à assurer leur subsistance.

Ainsi, les ménages urbains confrontés aux difficultés économiques, deviennent moins sensibles aux besoins et aux demandes de leurs enfants, et moins capables à les assumer ;la pauvreté, le dénuement accentuant la dilution de l’autorité parentale.

Ce contexte socio-économique nouveau, entraîne aussi à pousser les enfants à se prendre en charge le plus tôt possible, pour devenir une source de revenus pour la famille.

Les enfants devenant ainsi travailleurs, ou se retrouvant dans la rue, vont avec la perspective du gain facile, tenter d’exercer une activité lucrative pour la satisfaction de leurs besoins de base et d’une partie de celle de leurs familles.

Certains moins chanceux, sont happés par le risque d’un comportement illicite. De là débute donc les facteurs d’inadaptation sociale, dont l'accélération conduit ensuite à desdéviances.

Voilà ce qui explique que la réalité de la pauvreté, a lien un de causalité, tant avec l'état de dangermoral pouvant ensuite menacer l'enfant, et aussi avec les comportements délictueux imputables à la délinquance juvénile.

Dès lors sous quelle caractéristique se présente cet enfant en danger moral?

I/ description de la cible enfance en danger et des facteurs de risque causes de cet état:

Il est d'abord utile de préciser au départ, que dans la société traditionnelle sénégalaise l'enfant est un don de Dieu; il perpétue la lignée.

Mais qu'aujourd'hui, l'urbanisation ayant entraîné la destruction des systèmes lignagers, la dissolution des liens sociaux et familiaux traditionnels, sa prise en charge collective par la communauté, ne s'exerce plus (voir nos développements ci-dessus).

Et du fait de la pauvreté des ménages déjà expliqué, ce contexte de rareté des ressources matérielles, transforme l'homme en première force de travail et espoir de revenus, ce qui par conséquent fait de l'enfant une richesse sociale et économique; il constitue la sécurité sociale de ses parents pour les vieux jours.

L'analyse de la situation des enfants ne peut donc se faire, sans prendre en compte le contexte socio-économique décrit ci-dessus.

Et l'état des enfants dans ce contexte, sera tributaire du niveau social de sa famille.

La situation de danger également sera aussi une conséquence de cet état de la famille.

Dès lors dans ce contexte de pauvreté, les enfants sont loin d’être épargnés.

Et malgré toute la considération dont ils jouissent dans la société Sénégalaise, il est indéniable qu’ils sont les plus nombreux et les plus vulnérables parmi, les victimes de la pauvreté.

Un ménage considéré comme pauvre compte en moyenne, 11 personnes, dont neuf enfants de moins de 14 ans.

A/Les Facteurs de risque et causes de la situation de danger pour l'enfant:

Pour mieux comprendre les causes, il faut se référer aux caractéristiques suivantes de la société sénégalaise à savoir:

  • ·une forte islamisation;
  • ·l'existence de la famille élargie, caractérisée par une nombreuse progéniture;
  • ·l'existence de la polygamie, favorisant une nombreuse progéniture.

Dès lors, si à cela s'ajoute un faible pouvoir d'achat, des déséquilibres peuvent s'annoncer dans la famille et autour de l’enfant.

Partant de là, dans l'analyse des causes de la situation de danger, on distingue donc deux types de causes : des causes spécifiques à l’état de la famille et des causes plus générales.

- Les causes spécifiques à l’état de la famille, sont la résultante de ses dysfonctionnements :

En effet la famille demeure pour l’individu, un rempart de protection et d’épanouissement.

Dès lors ses dysfonctionnements, entraînent chez ses membres et l'enfant, des effets négatifs, conséquences du relâchement voire de la démission de la famille, dans son rôle d’encadrement et de sauvegarde.

On peut observer que, les familles exposant le plus les mineurs à un état de danger, ont les caractéristiques suivantes; elles sont disloquées ou inexistantes, l'autorité familiale est relâchée, d’où les constats suivants:

  • · existence d’enfants orphelins ou sans soutien ;
  • ·existence d’une mère célibataire : vivant une grossesse non désirée, et manifestant un manque d’intérêt pour l’enfant ;
  • ·père polygame : famille nombreuse, avec une absence de suivi des enfants ;
  • ·parents acculés par le travail : entraînant un relâchement des liens familiaux ;
  • ·abandon de famille par l’un des parents.
  • ·des familles vivant en dessous du seuil de la pauvreté, minées parfois par l’alcoolisme d’un des membres, généralement le père.

- Causes Générales : Les causes générales sont la résultante d'un fonctionnement du système social ou économique défectueux, ou du comportement anormal de l'individu face à l'équation sociale. Ces causes sont plus ou moins liées à des phénomènes sociaux qui trouvent leur source en ville, ou à la périphérie des grandes villes.

Nous citerons : la pauvreté, l’exode rural, la faiblesse ou l’absence d’instruction ou d’éducation, l’abandon des valeurs morales ou sociales, l’impressionnant taux de déperdition scolaire, le manque de maîtrise du processus de développement accéléré des villes, le désœuvrement et le chômage, la précarité de l’environnement socioéconomique, la drogue, et l’alcoolisme.

Au regard de toutes ces causes, les facteurs de risques de danger pour l'enfant sont donc divers.

Et l'état de danger peut se manifester soit dans les signes expressifs de l'état physique, émotionnel de l'enfant: au plan de sa survie, son développement, son éducation, ou sa protection; ou bien découler de son action.

Dans tous les cas également, la situation de l'enfant est tributaire du niveau socio-économique de sa famille en ressources et sources de revenus.

Et cet état de vulnérabilité est rendu aussi encore plus grave, par la situation globale insuffisante de couverture par l'État, des besoins des enfants, par l'accès aux services de base.

Enfin le phénomène d’urbanisation rapide et non maîtrisé des villes africaines, fait que c'est l’environnement de la rue, qui devient le cadre privilégié de vie et d’action de milliers d’enfants et de jeunes.

 B/Typologie des sujets à risque

Les manifestations les plus visibles de l’état de danger sur ces enfants, sont donc le développement: de la mendicité, du phénomène des enfants des rues, des enfants travailleurs et de la délinquance juvénile.

On peut donc distinguer comme types d'enfants en danger ou état de vulnérabilité:

  • ·les enfants travailleurs ou état d'apprentissage
  • ·les enfants mendiants
  • ·les enfants de la rue
  • ·les enfants victimes de conflits ou de déplacements
  • ·les enfants handicapés
  • ·les enfants affectées par le sida et d'autres affections
  • ·les enfants victimes d'abus
  • ·les enfants en conflit avec la loi

 Analysons leurs différentes situations:

  • ·les enfants et jeunes travailleurs :

Ils constituent le gros de la troupe, des enfants et jeunes dans la rue, estimés à environ 500 000 enfants, de 15 à 17 ans, selon les sources du BIT, ou de l'UNICEF.

Ces enfants et jeunes, en quête de ressources économiques, travaillent dans la rue ou au service des familles, pour assurer leur survie personnelle et celle de leur famille.

Leur activité économique quotidienne, ne s’exerce pas en solitaire, mais à l’intérieur d’un réseau.

Ces enfants et ces jeunes gardent des liens avec la famille même à distance.

  • ·Les enfants et jeunes en rupture:

Ce sont des enfants et jeunes qui assurent leur survie par l’exercice de petits métiers dans la rue, autour des marchés, mais très souvent, la relation avec la famille est marquée par la rupture.

Ces enfants illustrent les cas de dysfonctionnement des familles urbaines ou de la périphérie des villes.

Ils vivent donc d’expédients ou s’adonnent à des activités illicites; ils sont souvent sortis précocement de l’école élémentaire, ou sont en difficulté scolaire, ou n’ont jamais été à l’école, et n'étant pas en apprentissage d’un métier.

Ils sont en quête d’argent, et se livrent alors à toutes sortes d’activités.

Leur nombre est difficilement quantifiable.

La société considère cette catégorie comme une menace pour l’ordre social et la sécurité publique.

  • ·Les enfants et jeunes mendiants :

La mendicité est une activité qui caractérise un grand nombre d’enfants et de jeunes.

Ce fait de mendicité « agresse » le regard de l’étranger qui débarque à Dakar, capitale du Sénégal.

Ces mendiants sont estimés à environ 50 000 enfants.

Relativement à la forme de la mendicité, on distingue en particulier :

  • ·les enfants mendiants sous la surveillance d’un parent, habituellement la mère qui peut être proche ou à distance ; c’est le cas d’enfants dont la famille est à la rue, ou bien le cas d’enfants qui passent la journée dans la rue pour mendier avec unparent qui les accompagne, mais le soir, regagnent le logis familial.

Il y a ensuite les enfants issus de familles pauvres, chargés par les parents d’aller mendier. L’anonymat de la ville favorise beaucoup ce type de mendicité. Le spectacle est désolant autour des mosquées, le vendredi jour de la grande prière hebdomadaire musulmane.

  • ·Les enfants et jeunes des écoles coraniques, appelés « talibés » :

Les talibés sont des enfants confiés voire abandonnés à des marabouts, maître d’écoles coraniques, sous le prétexte de leur instruction coranique et de leur éducation musulmane. Ils constituent le groupe le plus important des enfants mendiants au Sénégal.

Ils sont obligés de mendier dans la journée, pour assurer leur survie et avoir de l'argent à remettre au marabout, leur maître d’école coranique.

Au Sénégal, la mendicité est un phénomène urbain et lié à un environnement, socio- culturel musulman.

Ces écoles coraniques qui regroupent les talibés en régime d’internat, ont fait de la mendicité un moyen d'assurer la survie de ces écoles coraniques.

Mais elles compromettent bien des droits fondamentaux de ces enfants.

En effet, ces enfants entre autres, sont maltraités, sous alimentés, et leur épanouissement compromis.

Ces enfants en allant mendier peuvent recevoir les restes de repas, mais en plus certains maîtres d’écoles coraniques peu scrupuleux exigent d’eux qu’ils rapportent un montant forfaitaire d’argent chaque jour, sous peine de châtiments corporels. Cela peut pousser ces enfants au vol.

Dans ce contexte, des enfants font des fugues et sont à coup sûr, des victimes de la délinquance juvénile.

  • ·Par rapport encore à la mendicité des enfants, il y a lieu de distinguer, les enfants qui mendient à l’insu de leurs familles pour disposer d’une certaine autonomie financière, ou pour la satisfaction de leurs petits besoins de loisirs ; cette mendicité est ponctuelle.
  • ·Notons enfin qu'aussi, parmi les mendiants on retrouve une catégorie d’enfants, rejetés à la rue par la famille ou en fugue, recueillis par des délinquants plus grandset plus aguerris, pour former des bandes qui, entre autres, se livrent à la mendicité.

Le 15 avril 2010 l'ONG américaine Human Rights Watch avait dénoncé dans un rapport cette situation scandaleuse, d'exploitation et de maltraitance des enfants.

Suite à cela le 9 septembre 2010, pour la première fois au Sénégal, 7 maîtres coraniques ont été pénalement condamnés pour avoir fait mendier des enfants.

Le Gouvernement manifeste la volonté d'agir pour mettre fin à cette pratique néfaste, mais l’opposition de la classe maraboutique est réelle pour entraver le processus de coercition tenté par l'Etat, pour mettre fin à ce douloureux phénomène. 

  • ·Les enfants désœuvrés dans les quartiers, ou enfants dans la rue :

Dans les villes singulièrement à Dakar, beaucoup d’enfants et de jeunes sont livrés à eux-mêmes, dans une oisiveté ou un désœuvrement démoralisant et inquiétant pour l’avenir.

Certes des associations de quartiers ou des initiatives, dans un cadre formel ou non formel, tentent de faire face à ce phénomène; mais on est encore loin de trouver des solutions heureuses pour le plus grand nombre.

L’avenir de paix sociale et politique des villes sénégalaises, se fera entre autres, en termes de capacité à juguler ce mal du désœuvrement du plus grand nombre.

  • ·les enfants victimes de conflit ou déplacement de sinistrés:

Il n'y a de législation spécifique à cette catégorie, mais ces enfants bénéficient de la protection normative générale applicable à l'enfant. Leur présence découle des situations nées du problème sénégalo mauritanien en 1989, ou du conflit en région sud du Sénégal (rébellion en Casamance) ou Bissau guinéen (instabilité politique dans cet état).

  • ·les enfants handicapés ou affectées par le sida ou d'autres affections:

Ces enfants handicapées constitue une catégorie diverse, comprenant: les handicapés moteurs, aveugles, sourd muets, les handicapés mentaux.

Par rapport à eux, la difficulté découle du faible nombre des organismes publics de prise en charge, et aussi de la durée de prise en charge.

Les enfants affectées par le sida bénéficient d'une prise en charge par le programme national de lutte contre le sida.

Mais il existe d'autres affections débilitantes sans prise en charge publique directe, entraînant des charges énormes pour les familles: il s'agit de la drépanocytose, du cancer, de l'hémophilie et du diabète.

  • ·les enfants victimes d'abus:

Cette catégorie est aussi diverse et regroupe les victimes des mariages forcés ou précoces, des mutilations génitales comme l'excision.

Toutes ces pratiques sont réprimées par la loi notamment le code pénal (voir les développements à suivre.

  • ·les enfants en conflit avec la loi

Par rapport à cette catégorie, il faut d’abord préciser qu’en Droit Sénégalais, la majorité civile

et pénale est à l’âge de 18 ans.

La responsabilité pénale débute à 13 ans, et en dessous de cet âge l'enfant est pénalement irresponsable.

La législation pénale distingue au plan terminologique : l’enfance délinquante, et l’enfance en danger (moral, matériel ou social).

L’enfant dit délinquant a commis au moins une infraction.

Mais l'enfant en danger (moral, matériel ou social), vit un risque social sans la commission d'une infraction.

Le lot le plus important des enfants en état de vulnérabilité, s'insère dans ce groupe qui peut dès lors bénéficier de l'action socio judiciaire de l'État, dont nous préciserons plus tard les modalités.

Par rapport à l'enfant en conflit avec la loi, le fait indéniable est que cette délinquance juvénile, porte la caractéristique d'une délinquance née du besoin.

Les infractions généralement commises, sont les suivantes :

- Le vol : Il est la conséquence de la nécessité de survivre, et concerne 42,27 % de cette catégorie d'enfants (statistiques 2006, rapport DESPS).

Ces vols résultent d’actes de filouterie (tenter de voyager sans titre de transport; entrer à des manifestations de loisirs sans billet, etc.) ; de vol à la tire, à l’étalage ou dans des lieux de travail.

Pour ce type de délit, on peut noter une ferme volonté de réussir chez les auteurs, par la tendance à l’organisation, à la planification et à la spécialisation dans les types de vol.

-Les violences : Ils constituent 13,33 % (rapport susvisée).

L’expression de la violence revêt particulièrement deux formes, d’abord verbale, elle peut dégénérer ensuite en violence physique (coups et blessures) lors des bagarres, de règlements de compte ou durant l'acte de vol.

- Le vagabondage (5,47 % rapport susvisé): il résulte de l’oisiveté et du désœuvrement, conséquence de l’exode rural, du décrochage scolaire ou de la non scolarisation.

Ainsi, abandonnés à eux -mêmes, des enfants et des jeunes, de ville ou en ville sont portés à l’errance, et peuvent alors se voir imputer le délit de vagabondage.

Ils sont alors l’objet des rafles policières.

Chez les filles, le vagabondage est lié très souvent à la prostitution.

- La drogue, l'usage de stupéfiants (2,05 % rapport susvisé): il concerne des adolescents, qui s’y adonnent sous des formes diverses, par l’usage d’amphétamines ou autres types de drogues, ou des compositions originales de leur invention.

- La prostitution (0,57 % rapport susvisé): c'est un moyen de se procurer très vite de l’argent, elle est très répandue auprès des jeunes.

La prostitution se développe de plus en plus, en milieu scolaire (collèges lycées), et dans les

villes particulièrement dans les quartiers populaires, minés par la pauvreté.

Elle permet à de nombreuses filles d’assurer la survie de leur famille.

Il existe aussi la prostitution masculine auprès de touristes femmes ou hommes (homosexualité).

Les filles prostituées, en général ne sont inquiétées que par suite de rafles de la police, ou lorsqu’elles se rendent coupables d’autres délits tels que les racolages trop flagrants ou des bagarres. La prostitution n'est pas interdite aux femmes majeures, qui doivent seulement se prémunir d’un carnet sanitaire.

Le délit qui les concerne et justifiant la poursuite, n'est donc pas la prostitution mais le défaut de carnet sanitaire. Le problème est que donc les mineurs qui se prostituent en cas d'arrestation, ne peuvent légalement obtenir le carnet sanitaire, et doivent bénéficier seulement de mesures de protection.

- Le viol (2,62 % rapport susvisé) : c’est un délit dont la répression est difficile, car la victime, souvent par pudeur et par peur, hésite ou renonce à se déclarer.

 

Il existe d'autres infractions mais celles relevées ci-dessus, sont les plus courantes.

En tous cas lorsque survient la commission d'une infraction, c'est la police qui intervient par les officiers de police judiciaire pour en faire le constat, rechercher les auteurs, procéder aux arrestations auditions et déferrement au parquet.

Ce rôle de la police même pour le mineur, est resté classique.

Mais cette intervention de la police, peut gagner en célérité dans le traitement du dossier, au regard de la minorité.

Et en cas de garde à vue pour le mineur, il est interdit de le maintenir dans le local prévu pour les adultes.

Toutefois toutes les garanties juridiques de la minorité, seront plus manifestes devant le Procureur de la République près le Tribunal pour Enfant.

Cela sera examiné ci-dessous.

En conclusion sur cette partie, il faut dire que la typologie des enfants vulnérables, et ayant besoin de protection comprend plusieurs groupes.

Et la vulnérabilité prend sa source dans la pauvreté, la maladie, l’insuffisance nutritionnelle, les inégalités sociales de toutes sortes, l’absence d’éducation…etc.

Mais dans la lutte pour la réduction des inégalités et l’atténuation des vulnérabilités, l’Etat joue un rôle très important, car étant le premier responsable de la conception, et de la mise en œuvre des politiques et des programmes.

Toutefois il ne peut agir seul, et doit le faire avec les familles, la communauté, la société civile, les partenaires au développement (ONGs, et organisations internationales).

Ainsi donc pour s’assurer que les enfants pauvres et vulnérables, bénéficient des programmes de protection sociale, et qu’ils aient les mêmes chances de développement, il faut agir sur les causes et manifestations de la vulnérabilité.

Et tous ces acteurs cités doivent se mobiliser à cet effet. Comment donc le font-ils ?

II/ Les tentatives de solution à la prise en charge de l'enfant, en état de vulnérabilité.

Ces solutions de prise en charge intéressent d'abord globalement, l'enfant sans distinction dans son état, puis sont ensuite spécifiques à certaines catégories d'enfants.

On distingue une action de l'État, de ses partenaires, mais aussi s'y ajoute celle des familles et de la société civile.

A/DU POINT DE VUE DE L’ETAT :

Du point de vue de l'État 3 types de réponse sont apportés : la réponse politique, la réponse normative, et l’action institutionnelle.

  • ·la réponse politique:

Au point de vue politique, l'action de l’Etat existe.

En effet compte tenu du fait que 50 % de la population sénégalaise est pauvre, et que les mécanismes de protection sociale existants ne profitent qu’à moins de 20 % de la population, et pas toujours au plus pauvres et vulnérables ; le pays a donc développé une stratégie nationale de protection sociale.

L’objectif majeur de cette stratégie nationale de protection sociale, est de lutter contre la pauvreté et de redistribuer les fruits de la croissance économique.

Toute cette politique est fondée sur la mise en œuvre du document stratégique de lutte contre la pauvreté, communément appelé le DSRP.

La mise en place de ce cadre stratégique, fait aujourd’hui de la protection sociale, un domaine prioritaire d’action pour l’Etat.

Dans cette vision politique, l’action d'encadrement et de protection sociale de l'enfance; est appuyée par la création de différents Ministères (pas moins de 5), traitant de la cause de l'enfance. Il s'agit du Ministère de la Famille et de l'Enfant, du Ministère de la Solidarité Nationale, du Ministère de l’Education Nationale, du Ministère de l'Intérieur, du Ministère de la Justice.

Également en appui des mécanismes d'action pluri sectoriels ont été mis en place comme:

  • ·un plan national d'action pour l'enfant adopté en 1991;
  • ·un comité national de suivi des objectifs du sommet de l'enfance.

Les collectivités publiques territoriales décentralisées, comme les communes et les communautés rurales, sont aussi impliquées dans cette action.

Cette action en faveur de l’Enfance, est particulièrement portée au sein du Ministère de la Famille et de l’Enfant, par sa Direction de la Protection des Droits de l’Enfant, qui a un rôle de développement des politiques en faveur de l’Enfance, en même temps que leur coordination.

Mais cette action politique est encore très limitée du point de ses effets, à cause de la faiblesse des moyens mis en œuvre, par rapport aux besoins.

D'autre part elle se caractérise souvent par sa ponctualité (intervention sur l'instant ou sous la pression médiatique), son absence de durée, et souffre enfin d'un manque de concertation préalable, de coordination avec tous les acteurs concernés.

  • ·la réponse normative:

Du point de vue des textes de lois, la protection de l’Enfant, est un souci de l'État du Sénégal, si l’on considère tout l’arsenal juridique mis en place à cet effet.

Au plan international tous les instruments légaux de protection de l'enfant ont été ratifiés.

Au plan interne depuis la Constitution, suivis par différentes lois nationales, la base normative de protection est d'une richesse exemplaire.

La nouvelle Constitution de 2001, au-delà de la reconnaissance des droits de l'enfant, impose même l'opposabilité de leur respect à l'Etat, qui est responsable de la protection des enfants contre l'exploitation, la drogue, l'abandon moral et la délinquance (voir articles 17à 22).

Le texte de référence suivant la Constitution en matière de protection de l'enfance, est le Code de la Famille, qui dispose et garantit tous les droits fondamentaux de l'enfant (relativement à son statut personnel) et ce depuis 1972.

Le Code du Travail détermine la protection sociale, en définissant l'âge minimal d'accès au travail, les types admis de travaux et la durée du travail.

La protection pénale est assurée par le Code pénal et le Code de Procédure Pénale. C'est ainsi que toutes les infractions sanctionnant les atteintes à la vulnérabilité de l'enfant, sont prévus et sanctionnés: l'infanticide (art 285 et s. CP), l'avortement (art. 305 CP), les violences de toutes sortes contre un enfant (articles 298 et s. du CP); (art. 338 et s.) pour la non déclaration de naissance, la non déclaration à l'officier d'état civil d'un enfant trouvé, le délaissement d'enfant, l'abandon de famille (art.350 CP), la mendicité (art. 245 et s. CP) et le vagabondage (art. 241 et s. CP).

Des peines très sévères ont été prévus pour les infractions relatives au viol sur mineur (art. 320 CP), à l'attentat à la pudeur (art.319 CP), pédophilie (art. 320 bis CP et s.), proxénétisme sur mineur (art.322 CP).

 

Le Code de Procédure Pénale organise en plus, toute l'action institutionnelle judiciaire et pénale, de prise en charge de l'enfant en danger moral ou en conflit avec la loi.

  • ·l'action institutionnelle :

Il s’agit de celle des services étatiques de prise en charge de l’enfance.

Il faut distinguer alors deux types d’action institutionnelle, à savoir l'action sociale, différente de l'action socio judiciaire et pénale.

L'action sociale est générale dans sa visée, orientée vers le mineur sans distinction, pour la satisfaction de ses besoins, et quel que soit son état.

C’est donc tout enfant manifestant le besoin de prise en charge, et de la compétence de ces services, qui est concerné.

L'action judiciaire et pénale est spécifique au mineur en danger moral, ou en conflit avec la loi, et vise sa réorientation, sa resocialisation.

Cette action généralement implique la saisine du Tribunal pour Enfant.

Examinons ces deux types d’action :

a/l'action sociale:

Elle résulte globalement de l'action de l'État par ses services appropriés et compétents, dans la gestion du besoin ciblé, cela en relation avec les familles.

Elle est une traduction de l’option politique définie ci-dessus, à savoir une protection sociale accrue en vue d’améliorer la prise en charge des besoins des groupes vulnérables.

Il y a donc une multiplicité de services administratifs qui sont ainsi affectées à l'action de protection de l'enfance.

On peut globalement citer, les services du Ministère de la Solidarité nationale chargés de l'assistance aux orphelins, également du placement et suivi des enfants déshérités dans les institutions d'éducation; et de l'encadrement des daaras c'est-à-dire, écoles d'enseignement coraniques.

Ceux aussi du Ministère de la Famille et de la petite enfance actives dans l’exécution des politiques en direction de l’Enfance, le plaidoyer pour les droits des enfants, et la gestion des cases de touts petits (éducation pré scolaire).

Ceux du Ministère de la fonction publique du travail et de l'emploi, s'occupant de l'amélioration de la situation des enfants travailleurs, par l'application des normes de protection édictées par le Bureau International du Travail.

Et enfin l'action des services des Ministères de la Santé et de l'Éducation.

Toute l’action de tous ces services, s’insèrent dans la stratégie politique nationale de protection sociale, fondée sur le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté.

Mais il faut globalement dire que toutes ces structures de l'État, sont limitées dans cette prise en charge, qui ne réduit pas à souhait , les états de vulnérabilités constatées, lesquels états encore perdurent.

La difficulté de ces services résultent, de l'insuffisance des ressources par rapport aux besoins, l'insuffisance ou l'absence des moyens logistiques de leurs agents, l'insuffisance de personnels qualifiés, l'absence généralement d'une politique globale cohérente. 

b/l'action socio judiciaire et pénale:

Cette action est spécifique.

Elle s’intéresse particulièrement au mineur en danger moral ou en conflit avec la loi, et vise sa réorientation, sa resocialisation.

D’une part elle s’appuie sur l’action combinée du Tribunal pour Enfant et de la Direction de l'Éducation Surveillée et de la Protection Sociale (DESPS).

D’autre part sur celle de l'Administration Pénitentiaire.

Ces structures appartiennent au Ministères de la Justice.

En effet c’est une option politique de l'État, d’assurer un cadre de sauvegarde à l’enfant en difficulté, et singulièrement à l’enfance délinquante.

Aujourd’hui, la visée dans cette action est préventive et éducative, avec la création de services spécialisés pour la prise en charge des mineurs en danger moral, ou en conflit avec la loi.

Car le Sénégal a été placé sous l'empire de l'ordonnance française 45 /174 du 2 février 1945, qui fût encore applicable jusqu'en 1965 après l'indépendance.

L’option éducative de ce texte est encore la ligne directrice de l’action.

Le Code de Procédure Pénale sénégalais, a donc été adopté par la suite dans le même esprit, à savoir:

  • · la spécialisation des acteurs de cette prise en charge ;
  • ·la prééminence de l'éducatif sur le répressif,
  • ·la condamnation pénale admise, que lorsque les circonstances et la personnalité du jeune délinquant l’exigent.

C’est pourquoi dans cet esprit, le Tribunal pour Enfant a une vocation spéciale éducative, dans la prise en charge de l'enfant.

Cette visée particulièrement éducative de cette juridiction, se manifeste d'une part dans l'action de ses différents organes, d'autre part dans l'extension du champ des justiciables bénéficiant de son action, à savoir les mineurs et certains jeunes majeurs.

1/Description de la Prise en charge judiciaire par le Tribunal pour Enfant

Au Sénégal c’est le Code de Procédure Pénale qui règle la question de la présence de l’enfant devant une juridiction pénale.

  • · DISTINCTION DES TYPES DE JUSTICIABLES DU TRIBUNAL POUR ENFANT :

Cette compétence régit d'abord les mineurs et les jeunes majeurs de 21 ans (art 565 du Code de Procédure Pénale).

Les mineurs concernés sont les enfants âgés de 14 à 18 ans.

Les jeunes majeurs ceux âgés de 18 à 21 ans.

Les mineurs en conflit avec la loi parce qu’ayant commis une infraction, sont donc justiciables de ce Tribunal pour Enfant.

Le mineur en danger moral n’ayant commis aucune infraction, quel que soit son âge et jusqu’à 21 ans, est pris en charge par le Tribunal pour Enfant.

Il y a danger moral, lorsque l’enfant vit un risque social, source de vulnérabilité dans sa protection, ou un risque social pouvant engendrer la commission d'une infraction.

L'article 594 du Code de Procédure Pénale définit le mineur en danger moral, comme celui dont la santé, la moralité ou l'éducation sont compromises.

C'est donc une visée de protection préventive et corrective, qui conduit l'action du Tribunal à cet égard.

Le résultat est la mise en place d'une assistance éducative.

Sa saisine est alors faite sur simple requête au Président du Tribunal pour enfant, présentée par les représentants légaux, le Procureur ou même, la personne chez qui le mineur a été trouvé, ou enfin par un service spécialisé, judiciaire ou administratif.

C’est pour ainsi dire toute personne qui a connaissance de cet état de danger.

Le Président du Tribunal pour Enfant peut également se saisir d'office art.595 Code de Procédure Pénale.

Dès sa saisine, il prend toutes mesures de protection nécessaires, fait procéder à une enquête sociale, et statue ensuite selon sa procédure spécifique ci-dessous définie.

Au-delà du mineur en danger moral, la compétence du Tribunal pour Enfant s'étend ensuite aux mineurs de 18 ans (13 à 18 ans), auxquels il est imputé une infraction qualifiée crime ou délit.

Ces mineurs ne sont donc pas déférés aux juridictions pénales de droit commun mais sont justiciables des Tribunaux pour Enfants.

En d’autres termes, c’est le Tribunal pour Enfant, qui est compétent pour connaître de toute infraction pénale qualifiée crime, ou délit dont pourrait se rendre coupable le mineur âgé de 18 ans.

Il est d’emblée précisé à l’article 567 du Code de Procédure Pénale, l'option plus éducative que répressive du Tribunal pour Enfant.

Cette juridiction prononce donc des mesures appropriées de protection, de surveillance et d’éducation.

Et une condamnation pénale seulement, si les circonstances de l’affaire et la personnalité du délinquant paraissent l’exiger.

Ces mesures et condamnations également peuvent toujours être modifiées, pour être adaptées, ce qui constitue une particularité juridique de ce Tribunal, qui n'est pas dessaisi après sa décision, et conserve le suivi du mineur pour promouvoir sa réinsertion. Cf : art 591 Code de Procédure Pénale.

Toutefois il est à préciser que la condamnation pénale, ne peut s’appliquer qu’aux mineurs âgés de plus de 13 ans, ce qui consacre l’irresponsabilité pénale à l’égard de l’enfant de moins de 13 ans.

Il est finalement à préciser que les contraventions commises par les mineurs de 18 ans, sont déférées devant les tribunaux départementaux, dans les conditions du droit commun.

En pareil cas le mineur reconnu coupable âgé de 13 ans, ne peut faire l’objet que d’une admonestation.

Entre 13 ans révolus et moins de 18 ans il est passible de la même peine qu’un majeur ; à moins que le tribunal n’estime suffisant de lui faire une simple admonestation.

Toutefois dans ce dernier cas, si le Président du tribunal départemental estime qu’une mesure de surveillance est utile dans l’intérêt du mineur, il peut transmettre le dossier au président du Tribunal pour Enfant pour qu’il statue à cet effet.

  • · PRESENTATION, COMPOSITION ET MODE DE SAISINE DU TRIBUNAL POUR ENFANT

Le Tribunal pour Enfant, siège auprès de chaque Tribunal Régional avec la même étendue de compétence territoriale que cette dernière.

Organiquement il est composé d’un Président, d’un Juge d’instruction, d’un Procureur.

Il dispose de larges pouvoirs pour apporter le traitement le plus adapté au cas du mineur.

Le Tribunal pour Enfant est présidé par un magistrat spécialement désigné par le Président du Tribunal Régional pour juger les mineurs. Son rôle sera étudié dans le cadre du fonctionnement du Tribunal.

  • · Rôle du Procureur:

Le parquet est représenté par un substitut du Procureur de la République du Tribunal Régional, qui cumulativement à ses fonctions dans ladite juridiction, est chargé des poursuites et du règlement des affaires concernant les mineurs.

Par ce biais le Parquet, qui a l’opportunité de la poursuite, peut à tout stade de la procédure, saisir le Président du Tribunal pour Enfant aux fins de prendre toutes mesures nécessaires au règlement de l’affaire.

Il peut aussi décider selon la gravité des faits, et la personnalité du délinquant mineur, de saisir le juge d’instruction.

Mais le Procureur peut aussi recourir à la médiation pénale relativement aux faits reprochés au mineur, dans le sens de l’article 32 du Code de Procédure Pénale (déjudiciarisation /diversion).

En pareil cas, le médiateur pénal dans la mesure du possible doit être spécialement qualifié pour les problèmes de jeunesse.

Dans le cas du choix de cette médiation, le Procureur de la République peut disposer des services de la Maison de Justice. C’est un espace créé par la loi, pour asseoir un traitement de proximité, rapide, diversifié, adapté, des litiges de la vie quotidienne, et de certaines infractions pénales.

Ceci permet ainsi une prévention de la délinquance, la prise en charge des personnes en difficultés, la régulation des conflits et le maintien de la paix sociale.

Ces Maisons de Justice ont été depuis 1999, et sont une voie innovante, d'aide à la diversion pour des délits mineurs, si la personnalité du mis en en cause, ne rend pas nécessaire une prise en charge institutionnelle judiciaire, plus adaptée à sa situation.

Le Procureur peut également, dans le cas d’un délinquant primaire avec l’accord de la partie civile, s’il en existe, adresser des admonestations à l’intéressé, à la famille, sans engager ensuite de poursuites (déjudiciarisation /diversion).

Le Procureur peut enfin par simple requête saisir le Président du Tribunal pour Enfant, lorsque le mineur déjà jugé depuis moins d’un an, a encore commis un délit dans le ressort du même Tribunal.

A ce moment, l’enquête sur les faits nouveaux est joint au dossier de l’ancienne procédure déjà jugé, et transmis avec la requête au Président du Tribunal pour Enfant, ceci afin de lui permettre de prendre sur l’instant, toutes mesures utiles à l’égard du mineur, dans l’attente de l’arrivée à l’audience du Tribunal Pour Enfant, de la nouvelle procédure en cours.

C'est encore là, une illustration de la vocation corrective et d'anticipation conférée à ce Tribunal.

  • · Rôle et compétence du juge d'instruction:

Également un juge d’instruction du Tribunal Régional désigné par le Président de cette juridiction, est rattaché au Tribunal pour Enfant, pour instruire les affaires concernant les mineurs.

Lorsqu’il est saisi notamment par le Procureur de la République ou par la partie civile, ce magistrat effectue toutes diligences et investigations utiles, pour parvenir à la manifestation de la vérité, mais aussi à la connaissance de la personnalité du mineur, et à la détermination des moyens appropriés à sa rééducation.

Il procède par les formes ordinaires d’action du juge d’instruction. Mais il doit donc (obligation et non faculté), par une enquête sociale : recueillir des renseignements sur la situation matérielle et morale de la famille du mineur, sur son caractère et ses antécédents, sa fréquentation scolaire, son attitude à l’école, sur les conditions et la manière dans laquelle il a vécu et a été élevé. En l’absence d’un service spécialisé pour effectuer la dite enquête, le juge d’instruction désigne à cet effet, toute personne qualifiée à ce titre en qualité d’expert.

Le juge d’instruction pourra ordonner un examen médical, ou médico-psychologique s’il

y a lieu, et décider du placement du mineur dans un centre d’accueil ou d’observation.

Mais il peut aussi en motivant sa décision, et suivant l’intérêt du mineur, faire le choix de n’ordonner aucune de ces mesures, ou ne prescrire que l’une d’entre elles.

A la fin de l’instruction, le juge suivant les circonstances, rendra soit une ordonnance de renvoi du mineur prévenu de délit ou accusé de crime devant le Tribunal pour Enfant, soit en cas de disqualification des faits reprochés en contravention, renvoi alors devant le

Tribunal de simple police compétent, soit enfin décider d’un non-lieu.

Il pourra dans ce dernier cas, au-delà de sa décision, admonester le mineur, choisir de le remettre à la personne ayant l’autorité parentale sur lui, ou à une autre plus digne de confiance, ou prescrire le placement du mineur en liberté surveillée, ce jusqu’à un âge ne pouvant excéder 21 ans accomplis.

Dans l’hypothèse d’un renvoi aux fins de jugement, le juge prévient les parents tuteurs ou gardiens connus de poursuites en cours.

A défaut du choix d’un défenseur par le mineur ou son représentant, le juge d'instruction fait commettre d’office un avocat par le Bâtonnier.

Depuis 2008 cette défense par avocat, est facilitée par la mise en place effective de l’aide juridictionnelle.

Le juge d’instruction décide de la garde provisoire de l’enfant, jusqu‘à son jugement en le confiant :

- soit à ses parents, ou à son tuteur, ou à celui qui en avait la garde, ou à une personne que le juge estime digne de confiance ;

- soit à un lieu d’accueil public ou privé habilité à cet effet ;

- soit à un établissement hospitalier ;

- soit à un établissement ou une institution de formation professionnelle, ou de soins publics ou privés habilité et agréé.

Cette garde provisoire peut aussi être exercée sous le régime de la liberté surveillée.

Également il est à noter que la mesure de garde est toujours révocable et révisable, mais

s’applique dès qu’elle aura été décidée.

Lorsque la mesure de garde entraîne des frais, le juge peut par l’ordonnance la prescrivant, indiquer de faire supporter une partie des dits frais, par la personne responsable du mineur.

Et lorsque cette personne exerce une profession, un emploi public, le simple avis donné del’ordonnance prise par le juge à l’employeur de ladite personne, permettra le paiementdirect par celui-ci, au profit de la personne ou de l’organisme habilité, de la part de fraisainsi imposée, et cela jusqu’à rétractation de la mesure prise par le juge.

Il est à noter enfin que le placement provisoire d’un mineur âgé de plus de 13 ans, dans une maison d'arrêt n’est pas autorisé, sauf si cette mesure paraît indispensable et s’il y a impossibilité de prendre une autre disposition. Et en pareil cas le mineur doit être retenu dans un quartier spécial, ou un local spécial et soumis à l’isolement de nuit.

Par rapport au mineur de 13 ans cependant, une telle mesure ne pourra être prise par le juge d’instruction, que par ordonnance motivée et s’il y a prévention de crime. Voir art. 576 Code de Procédure Pénale.

  • · FONCTIONNEMENT DU TRIBUNAL POUR ENFANT :

Le Tribunal pour Enfant est présidé par un magistrat, spécialement désigné par le Président du Tribunal Régional pour juger les mineurs.

Le Président du Tribunal pour Enfant quand il siège, peut s’adjoindre comme assesseurs ayant voix consultative, des compétences susceptibles d’éclairer sa décision, à savoir : la personne ayant diligentée l’enquête sociale, le représentant du centre d’observation ayant rédigé le rapport versé au dossier, et toute autre personne qualifiée.

Chaque affaire est jugée séparément, et seuls sont admis à assister aux débats, les témoins de l’affaire, les parents, le tuteur ou le représentant légal de l’enfant, les avocats, les représentants des services ou institutions s’occupant des enfants, les délégués à la liberté surveillée (Principe de confidentialité à respecter).

Le Tribunal peut même si l’intérêt du mineur l’exige, dispenser ce dernier de comparaître à l’audience.

En pareil cas le mineur est représenté par un avocat, par son père, sa mère ou son tuteur, s’ils sont présents.

Et d’ailleurs à tout moment, le président peut ordonner que le mineur se retire, pendant tout

ou partie de la suite des débats.

Le Tribunal pour Enfant statue après avoir entendu le mineur, les témoins, les parents,

le tuteur ou le gardien, le Ministère Public et le défenseur.

Il peut entendre à titre de simple renseignement, les co-auteurs ou complices majeurs.

Le jugement est rendu en audience non publique, en la présence du mineur, et toute publication de son contenu et des débats est pénalement sanctionnée.

A l’égard du mineur âgé de 13 ans, si la prévention est établie, le Tribunal prononce par décision motivée, l’une des mesures suivantes :

- remise du mineur à ses parents, à son tuteur, à la personne qui en avait la garde ou à une personne digne de confiance ;

- placement dans une institution ou un établissement public, ou privé d’éducation ou de formation professionnelle habilité ;

- placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité ;

-placement dans un internat approprié aux mineurs délinquants d’âge scolaire.

Les mêmes mesures sont prévues pour le mineur âgé de plus de 13 ans, sauf qu’à la différence d'être placé, dans un internat approprié aux mineurs délinquants, lui doit l’être, dans une institution publique d’éducation surveillée ou d’éducation corrective.

Pour le mineur âgé de plus de 13 ans, en plus des mesures précédentes et si sa personnalité l'exige, il peut faire l’objet d’une condamnation pénale, tel qu’en dispose l’article 567 du Code de Procédure Pénale.

Cependant quelle que soit la mesure adoptée, la décision du Tribunal doit déterminer le nombre d’années d’application de ladite mesure, laquelle période ne doit excéder l'âge de 21 ans accomplis.

Enfin toujours relativement à cette décision et quelle qu’elle puisse être, la liberté surveillée peut y être adjointe.

Et la mise en liberté surveillée peut même à titre provisoire, précéder la décision sur le fond, ou même être assortie aux mesures avec une ou plusieurs périodes déterminées de mise à l’épreuve.

Mais en quoi peut consister concrètement cette liberté surveillée ?

Il s’agit d’assurer une surveillance, et une action éducative, sur le mineur, sa famille ou la personne investie de sa garde, afin de favoriser son amendement.

Cette mission est assurée par un délégué à la liberté surveillée, désigné dans chaque affaire, par la décision plaçant le mineur sous ce régime.

Il exerce cette mission, sous l’autorité du Président du Tribunal pour Enfant et sous le contrôle du conseiller délégué à la protection de l’enfant, dirigeant le service dénommé AEMO, Service d’Action Éducative en Milieu Ouvert.

Dans les tribunaux où un tel service n’existe pas encore, le Président du Tribunal pour Enfant peut sous sa direction, confier ces tâches à des délégués à la liberté surveillée, qui seront des personnes choisies par lui, en raison de leurs aptitudes particulières et de leur honorabilité.

Dans chaque affaire, le délégué est désigné par la décision plaçant le mineur sous le régime de la liberté surveillée.

Chaque fois que le régime de la liberté surveillée est décidé, le mineur, ses parents, son tuteur, la personne qui en a la garde sont avertis du caractère et de l’objet de cette mesure et des obligations qu’elle comporte.

Dans son rôle, le délégué désigné doit visiter le mineur en liberté surveillée, fournir des rapports sur sa conduite au Président du Tribunal.

Il doit plus encore le faire, en cas de mauvaise conduite, de péril moral ou d’entrave systématique à sa mission de surveillance, ou lorsqu’une modification de placement ou de la garde lui parait utile.

Les parents, le tuteur, le gardien, même le patron de l’enfant (s'il est en apprentissage) ont aussi l’obligation d’informer sans retard le délégué, de toute situation quelle qu’elle soit, intéressant l’enfant : absence non autorisée, maladie, décès.

Si un défaut de surveillance est révélé, de la part des parents ou du titulaire de la garde, ou si des entraves sont posées à la mission du délégué, le Tribunal pour Enfant peut condamner, les responsables, à une amende de 20 000 f à 30 000 f et à un emprisonnement de 2 mois ou plus, ou à l’une de ces deux peines seulement.

Il est à noter que la mesure relative à la liberté surveillée, peut toujours être révisée par le Tribunal pour Enfant.

En effet lorsque le mineur en dépit de cette mesure, manifeste une mauvaise conduite opiniâtre, de l’indiscipline constante et un comportement dangereux, le Tribunal peut prononcer une condamnation pénale, si le mineur avait plus de 13 ans au moment des faits ayant entraîné la poursuite, ce tel que prévu par l’art 567 du Code de Procédure Pénale.

Toutefois si après une telle décision, il se manifeste des signes concrets et sincères d’amendement, cette décision pourrait être rapportée, et la condamnation pénale commuée en mesure de rééducation et de surveillance. Voir art 591 Code de Procédure Pénale.

Ces procédures visant la révision sont initiées, soit à la requête du Ministère Public, ou des éducateurs spécialisés ou assistants sociaux, chargés de la surveillance du mineur, soit par le mineur, ses parents, tuteur, ou gardien, soit décidée d’office par le Tribunal.

Toutefois les parents, le tuteur ou le mineur lui-même, ne peuvent former une demande de remise ou de restitution de garde, que lorsqu’une année au moins s’est écoulée, depuis l'exécution de la décision plaçant le mineur hors de sa famille.

Et ensuite s’il est justifié de l’amendement de l’enfant et de l’aptitude de la famille à assurer son éducation.

En cas de rejet, la même demande ne peut être renouvelée qu’après l’expiration du délai d’un an.

Mais en tous cas et dans toutes ces hypothèses, le Président du Tribunal pour Enfant peut s’il y a lieu, ordonner toutes mesures nécessaires.

Il peut par exemple par ordonnance motivée décider que le mineur soit conduit à la maison d’arrêt, dans les conditions prévues à l’article 576 du Code de Procédure Pénale.

Le mineur en ce cas doit comparaître ensuite dans le plus bref délai, devant le Tribunal pour Enfant à la diligence du Procureur de la République.

Dans le cas où l’une des mesures indiquées ci-dessus, entraînerait des frais, le jugement rendu peut déterminer la part sur ces frais, qui sera dévolue à la personne responsable du mineur.

Et le simple avis donné du jugement à l’employeur de ladite personne, ou à son organisme payeur, vaudra saisie-arrêt et permettra le paiement direct par ce débiteur, au profit de la personne ou de l’organisme habilité à recevoir le dit paiement, et ce jusqu’à l’avis donné de la rétractation de la mesure.

Enfin les décisions du Tribunal pour Enfant peuvent dans tous les cas, être assorties de l'exécution provisoire nonobstant opposition ou appel.

  • · Les voies de recours en Appel ou en cassation, devant la Chambre Spéciale de la Cour d'Appel ou devant la Cour de Cassation

Le droit d’appel ou de recours en cassation, est exercé soit par le mineur ou son représentant légal.

Les règles sur le défaut et l’opposition, sont applicables aux jugements rendus par le Tribunal pour Enfant.

Il faut noter que l’appel des décisions du Tribunal pour Enfant, est jugé par une Chambre spéciale de la Cour d’Appel, dans les mêmes conditions qu’en première instance.

Au niveau de la Cour d’Appel, un Conseiller est désigné par le Premier Président de la Cour d’Appel, en qualité conseiller délégué à la protection de l’enfance.

Ce conseiller préside la Chambre spéciale ou en est le rapporteur.

Il peut jusqu’à ce qu’intervienne l’arrêt de la Cour, prendre en cause d’appel par provision, toutes mesures nécessaires et décider notamment que le mineur sera conduit à la maison d’arrêt, dans les conditions prévues à l’article 576 du Code de Procédure Pénale.

Les recours en cassation contre l’arrêt de la Cour, sont soumis aux règles ordinaires.

2/LA PRISE EN CHARGE SOCIO JUDICIAIRE PAR LES INSTITUTIONS D'APPUI au Tribunal Pour Enfant:

Pour asseoir sa politique de sauvegarde de l’Enfance, en danger moral ou délinquante, l'État intervient également par des services administratifs ayant en charge cet objectif.

Ces services agissent en complément et appui, à l’action judiciaire exercée par le Tribunal pour Enfant.

Ces services sont la Direction de l'Éducation Surveillée et de la Protection Sociale d’une part, la Direction de l’Administration Pénitentiaire d’autre part.

a/La Direction de l'Éducation Surveillée et de la Protection Sociale (DESPS) :

La Direction de l'Éducation Surveillée et de la Protection Sociale est le service socio judiciaire d'encadrement des mineurs.

Il constitue le soubassement structurel de l'action socio judiciaire de l’Etat.

Son action est loin d’être récente, car la prise en charge de l’enfance délinquante, au Sénégal, a commencé déjà à l’époque coloniale, avec la création de l’école pénitentiaire de Thiès, en 1888.

Depuis cette date, d’autres établissements dans le même objectif, ont vu le jour : 1912 Orphelinat de Richard Toll ;1916 Station agricole de Bambey ; 1927 Maison d’éducation Pénitentiaire de Carabane; 1953 Centre de rééducation de Nianing, devenu CAS (Chantier d’adaptation sociale en 1981); 1957 Centre d’accueil et d’observation pour mineurs inadaptés (CAOMI 1 devenu CPS en 1981 ); 1965 CAOMI 2 devenu CAS en 1981 puis CS en 1986 ; 1966 Création du Service de l’Education Surveillée, par décret n° 66- 416, du 10- 06 -66, mais existence de fait depuis 1962;1969 Centre de sauvegarde de pikine ( Dakar ) Chantier d’adaptation sociale de Sébikotane ; CAS en 1981 ; 1972- Centre de sauvegarde de Kandé (Ziguinchor ) ;1974 Création du service de l’action Educative en milieu ouvert ( AEMO) à Dakar ; 1975 AEMO de Thiès, 1978 à Saint - Louis et Kaolack ;1988 à Diourbel, 1990 à Louga, 1991 à Tambacounda, Ziguinchor ;1981 Centre de Sauvegarde de Thiès, en 2000 création du centre polyvalent de Diourbel.

La transformation du service de l'Éducation Surveillée existante depuis 1962, en une direction du Ministère de la Justice en 1977, l'a été pour asseoir et affirmer la politique définie à ce titre, et réaliser encore plus, la coordination des différents services existants.

Cette politique va se matérialiser dans l'action sur le terrain, dans les régions administratives du Sénégal.

Ainsi au sein du Ministère de la justice, la Direction de l'Éducation Surveillée et de la Protection Sociale, a une mission d’assistance, de protection, de stabilisation, de formation, de réinsertion sociale des jeunes âgés de moins de 21 ans, délinquants ou en danger moral ou social.

Cette action s'inscrit dans une perspective de développement de la personne, avec une dimension multiple :

- la Prévention : par une action prophylactique spécifiée, basée sur des stratégies d’intervention inter- relationnelles, de traitement des pathologies socio- familiales.

- la Réadaptation sociale et familiale dirigée vers les jeunes, les familles et l’environnement, par l’accueil, la protection et la stabilisation du comportement.

- l’Assistance, la Protection des familles et de l’environnement social.

- la Réinsertion socio - professionnelle par une formation socialement stabilisante.

La DESPS est placée sous l’autorité d’un magistrat, et comprend, des services centraux et des services extérieurs.

Les services centraux sont constitués de 4 divisions subdivisées en 9 bureaux :

- Division administrative et financière ( DAF ) comprenant : le Bureau du personnel ; le Bureau des infrastructures ; le Bureau de la gestion.

- Division de l’action éducative et de la protection sociale, comprenant : le Bureau de la coordination de l’action éducative ; le Bureau des œuvres et associations ; le Bureau de la prévention de la réinsertion sociale et du développement communautaire.

- Division des Etudes, Recherches, Statistiques, et Formation comprenant : le Bureau des archives, et de la documentation ; le Bureau des Etudes, Recherches et Formation ; le Bureau des statistiques.

L’intervention des services extérieurs, est fondée sur une décision judiciaire et se réalise sous contrôle judiciaire.

Cette décision judiciaire émane du Tribunal pour Enfant.

Ces services, offrent des activités spécialisés de protection sociale, de rééducation et de formation, pour réparer les carences éducatives décelées auprès des jeunes de moins de 21 ans, qui leur sont confiés.

Ils assurent auprès de ces jeunes, de leurs familles et de l’environnement familial, une double mission de prévention et de réadaptation familiale et sociale. L’action est réalisée par des travailleurs sociaux (éducateurs spécialisés et assistants sociaux) qu’elle mandate.

Dans son action auprès de l’enfance délinquante, ou en danger moral ou social, la DESPS fait le choix de ses méthodes d’intervention à savoir :

- psychopédagogie spécialisée à l’Enfance, et à l’adolescence inadaptée ;

- accueil en institution spécialisée ;

- observation du comportement ;

- dynamique de groupe, guidance ;

- activités psychothérapeutiques socio-éducatives ;

- technique d’expression manuelle et artistique ;

- formation et ergothérapie ;

- réinsertion, postcure, conseiller familial/médiation, gestion des conflits.

Ainsi en en fonction du besoin de service identifié, le choix de la structure adaptée à sa réalisation est faite.

Ces services extérieurs spécialisés de la DESPS comprennent :

* Les services de l’action éducative et de la protection sociale en milieu ouvert (AEMO) :

Auprès de chaque tribunal régional existe un service AEMO, organisé au moins en trois

bureaux : Le Bureau de la protection sociale ;Le Bureau de l’action éducative ;Le Bureau de la Liberté surveillée.

Les services AEMO répondent à une mission multidimensionnelle, en offrant des services de proximité, dans le milieu naturel de vie du mineur et des jeunes de moins de 21 ans.

Ces misions consistent :

- en l’observation, l’orientation, la rééducation, l’insertion et la réinsertion postcure, d’internat en milieu ouvert, voire parfois en animation pédagogique en prison ;

- en la protection, le placement scolaire ou professionnel et la prévention de la délinquance juvénile, par l’action sociale exercée par les services de sécurité et judiciaire ;

- en l’enquête sociale préalable aux procédures judiciaire pénale, ou en matière familiale (en cas d’adoption ; de garde des enfants, en cas de divorce), ou dans le cadre de la protection du mineur, ce pour indiquer les moyens de préserver l’intérêt supérieur de l’enfant.

A travers le Sénégal, les services de l’AEMO (source rapport DESPS année 2006) sont actuellement structurés en 11 coordinations régionales, et bénéficient de 10 structures d’appui, à savoir : 2 centres d’adaptation sociale, 4 centres polyvalents et 4 centres de sauvegarde.

Examinons donc ces structures d’appui à l’AEMO.

* Les institutions d’internat ou milieux fermés ou (Centre d'Adaptation Sociale CAS) :

Ces établissements par divers procédés et méthodes psycho- éducatifs appropriés, offrent des services spécialisés, aux mineurs délinquants de moins de 21 ans, placés en leur sein, par ordonnance de garde provisoire.

C'est le cas dans le Centre d’adaptation sociale (CAS) situé à Dakar, dans celui de Nianing et de Sébikotane.

Il se réalise dans ces centres un traitement de la délinquance juvénile par la stabilisation du comportement, l’adaptation et la réadaptation sociale, la formation et la réinsertion professionnelle et sociale.

Il existe dans ces établissements plusieurs sections techniques de formation, et une coopérative de production.

* Les centres de sauvegardes en milieux fermés, ou en demi- pension (CS) :

C’est sur décision judiciaire, par ordonnance de garde provisoire, que ces centres accueillent des mineurs de moins de 21 ans délinquants ou en danger moral ou social, au sens juridique de l’art 593/594 du code de procédure pénale, et 293 du code de la famille.

Les CS, par une action psycho- pédagogique stabilisatrice, assure la formation scolaire et professionnelle par des activités socio-éducatives appropriées, favorisant l’éducation des mineurs confiés par les services judiciaires.

Ils doivent aussi, prévenir la délinquance juvénile auprès des jeunes des quartiers environnants, lorsqu’ils développent des comportements réfractaires ou en marge des formes ordinaires d’encadrement éducatif ; et résorber les facteurs facilitateurs de désœuvrement et d’inadaptation.

Cela explique l’idée d’action de sauvegarde.

*Les centres polyvalents (CP) de création récente, ces établissements accueillent aussi des mineurs placés sur décision judiciaire.

Ils comprennent :

- une section d’accueil ;

- une section d’observation ;

- une action éducative en milieu ouvert.

On y trouve aussi des classes d’enseignement général et de perfectionnement, des filières techniques de formation, des ateliers d’ergothérapie, une coopérative de production, des activités physiques, sportives et de loisirs, ouvert à d’autres jeunes du quartier, dans le cadre de la prévention ou de la lutte contre le désœuvrement.

Les inspections régionales de la DESPS:

Ces services en plus d’assurer la représentation de la DESPS, coordonnent les activités des établissements et unités d’une région administrative donnée.

Pour conclure sur ce point, il faut noter que globalement l'action de ces structures de la

DESPS, rencontrent les difficultés suivantes: difficultés à retenir les mineurs dans les centres de formation professionnelle, jusqu'à la fin du cycle de 3 ans; absence de moyens de faire face à la fugue des enfants; difficultés à insérer les sortants des centres de formation professionnelle faute de marché d'emploi, ou de débouchés des produits de leur propre ateliers ; manque de suivi des mineurs après le séjour au centre ; difficultés à soustraire les enfants du milieu de la rue.

Toutes ces difficultés s'expliquent par la faiblesse des moyens affectés à l'activité de la postcure.

Mais il n'est pas inutile encore pour mieux faire, de réadapter la formation des équipes, au vu des mutations des formes de la délinquance et de la société.

b/La Direction de l’Administration Pénitentiaire, autre structure de l’action socio judiciaire

Sous l’autorité du Ministère de la Justice, la DAP gère la politique carcérale et les établissements pénitentiaires.

L’administration pénitentiaire est structurée en services centraux et régionaux.

Au niveau central, sous l’autorité directe du Directeur il y a cinq divisions, deux services et un secrétariat, ci-dessous listés :

- division du contrôle et des enquêtes ;

- division du Personnel ;

- division des Finances ;

- division du Matériel ;

- division de la législation, des statistiques et de l’instruction ;

Deux services :

- un service médico-social ;

- un service des ateliers et des exploitations agricoles ;

Un secrétariat.

Dans chaque région administrative, un chef de service régional, habituellement le régisseur de la prison de la capitale régionale, est le représentant du Directeur de l’Administration pénitentiaire.

Il assure alors un contrôle, sur les autres régisseurs de la région.

Le personnel de l’Administration Pénitentiaire est formé à l’Ecole Nationale de Police ; il est un corps para militaire et hiérarchisé à 3 degrés :

- Au bas de l’échelle, est le gardien de prison, qui assure la surveillance des détenus et participe au maintien de la discipline et de l’ordre dans la détention.

- A l’échelon moyen, est l’agent administratif, dévolu aux tâches administratives et de gestion des services centraux.

Il peut éventuellement être régisseur d’une prison moyenne.

- A l’échelle supérieure, se trouve le contrôleur qui assume des tâches de conception, d’administration et de gestion.

Il est cadre de l’administration pénitentiaire, et peut avoir, la direction de prisons plus importantes, ou de services centraux ou régionaux.

On demande beaucoup d’abnégation et de dévouement à ce personnel de l’Administration Pénitentiaire, sans pour autant lui donner les conditions minima pour assurer pleinement sa mission en milieu carcéral.

Le taux journalier de prise en charge d'un détenu était trop faible, 500 f /jour soit à peine 1 dollar US /jour.

La prise en charge des mineurs par la DAP en ses différents aspects:

*La population carcérale mineure

Elle est encore infime au Sénégal, et particulièrement à l’intérieur du pays, dans les régions.

L’effectif ne dépasse pas environ 1000 enfants par an.

A Dakar, la prison des mineurs, ne dépasse pas 60 personnes dans le mois.

Et la durée de présence ne dépasse pas trois mois de détention en moyenne, surtout en préventive, sauf certains cas complexes et extrêmes.

Cela s'explique par l'option plus éducative que répressive, qui n'entrevoit l'option carcérale qu'à titre extrême.

Mais aussi grâce au caractère révisable des décisions du Tribunal pour Enfant.

Conséquemment cela maintient très bas, le niveau de cette population carcérale mineure.

En dehors de Dakar, cette population est constituée de garçons, et très rarement de filles.

Si chez les garçons, le délit dominant est le vol à 95%, chez les filles par contre, c’est à 99%, la prostitution. Cette prostitution des filles mineures est particulièrement liée à une situation de pauvreté de la famille.

Quant à la séparation mineurs /adultes, on distingue plusieurs cas de figure :

La Maison d’Arrêt et de Correction (MAC) de Hann dans la capitale Dakar, est un établissement où la séparation est totale et effective.

Cet établissement n’accueille que des mineurs.

Dans d’autres MAC, la séparation est relative, des quartiers pour mineurs existent dans au moins 5 MAC, ou à défaut une cellule est affectée aux mineurs.

Selon les cas en journée, les mineurs peuvent être mêlés totalement ou partiellement aux adultes. Quant la séparation n'est pas totale, pour des raisons d’exigüité des locaux pénitentiaires, lesmineurs sont mêlés aux adultes mais regroupés dans une chambre commune, et confiés à desadultes qui ont la confiance de l’administration de l’établissement.

Quant cela arrive les régisseurs dénoncent cette situation mais ne peuvent faire autrement pour le moment. D’une manière générale, il faut reconnaître que les prisons sénégalaises n’ont pas d’infrastructures très fonctionnelles, car les bâtiments à l’origine n’étaient pas destinés à être des lieux de détention.

*Les conditions de détention des mineurs

Examinons-les successivement :

  • · Alimentation

Avec le montant de 500 f par jour pour la prise en charge d'un détenu, il ne faut pas s’attendre à des miracles de la part de l’administration pénitentiaire, au niveau de l’alimentation.

C’est pourquoi lorsque la famille habite dans la ville de détention du mineur, et si les relations ne sont trop mauvaises, elle peut lorsqu’elle en a les moyens, envoyer un supplément alimentaire au détenu.

A défaut il est sûr donc qu’à la longue, le détenu peut souffrir de carence alimentaire.

C’est pour prévenir cette carence que certains organismes de la société civile s’impliquent.

La cuisine est faite par des détenus volontaires, dont il faut admirer le dévouement.

Certaines maisons d'arrêt disposent d'un jardin potager.

  • · Hygiène

L’administration pénitentiaire n’a pas les moyens d’offrir à chaque détenu une tenue pénale.

Les mineurs peuvent recevoir des vêtements, par les familles, mais peu d’entre eux en bénéficie, du fait de la pauvreté de la famille ou de la rupture des liens du mineur avec celle-ci.

La distribution de savon est faite, pour une hygiène corporelle et vestimentaire ; mais cela est insuffisant, d’autant plus qu’il revient à chaque détenu de laver ses vêtements.

Quand on sait cependant, ce dont dispose l’administration des établissements pénitentiaires pour l’entretien et l’hygiène, nous reconnaissons l’ingéniosité de tous dans les prisons, pour avoir un environnement de survie correct dans le domaine de l’hygiène.

Partout, la literie est réduite à la natte, sauf par exemple à la MAC Hann ou à la MAC

Thiès, ou on note que chaque mineur dispose effectivement d’un matelas.

Les installations sanitaires bien que sommaire, permettent aux détenus, de satisfaire de leurs besoins au moment voulu et dans les conditions minimales.

Les détenus ont aussi accès aux robinets d’eau courante, pour boire et se laver à tout moment dans la journée.

Mais les blocs sanitaires en général ont besoin d’être améliorés.

C’est une urgence, pour la plupart des MAC.

  • · Santé

Les lieux de détention dispose d’un local d’infirmerie, et d’un personnel soignant.

En cas de besoin les détenus sont conduits vers les formations médicales de la ville, où ils sont examinés par un médecin.

Ce n’est qu’à l’hôpital le Dantec, à Dakar, qu’il y a un pavillon spécial pour les détenus.

Les infirmeries des prisons se plaignent du manque de médicaments.

  • · Contacts extérieurs et familiaux

Dans les prisons visitées, les détenus ne reçoivent pas à titre individuel les informations quotidiennes de la radio, ou de la télévision, ou par la lecture quotidienne de journaux du jour.

Il existe une salle collective pour accéder à la télévision, et certains disposent d’un poste radio.

Il existe aussi des salles de bibliothèques mais leurs dotations en livre et en revue sont insuffisantes.

L’administration pénitentiaire souhaite que les jeunes aient la visite dans leurs familles. Cela est bon pour le moral du détenu, mais il faut motiver les familles à prendre goût à s’occuper de leurs enfants en prison.

Cela exige un long travail d’approche.

La recherche de la famille est laborieuse lorsque le mineur refuse de collaborer.

Recréer des liens entre le mineur et sa famille n’est pas toujours aisé. Lorsque cette famille n’a jamais existé c’est impossible.

Mais la MAC Hann à Dakar, bénéficie des services de deux éducateurs spécialisés, affectés auprès de la DAP.

Ailleurs, c’est un éducateur spécialisé, du bureau de la liberté surveillée de l’AEMO local, qui est chargé d’aider à rétablir les contacts entre les mineurs en prison et leurs parents ou tuteurs.

Lorsque les associations ou ONG interviennent auprès des prisons, leurs équipes d’éducateurs peuvent aussi rencontrer des mineurs en détention et participer à la recherche de leur famille.

  • · La formation, les études, le travail

La MAC Hann à Dakar et la MAC Thiès, respectivement en collaboration avec des ONG, ont réussi à mettre en place, des structures permettant la formation scolaire ou professionnelle, au travail productif.

Ailleurs, les souhaits ne sont pas encore réalisables, faute de financement.

Les mineurs ne sont pas soumis à un travail obligatoire et l’introduction des activités de travail productif, leur permettrait d’avoir un pécule pour satisfaire quelques-uns de leurs besoins de première nécessité, tout en combattant sainement, le désœuvrement en détention.

  • · Activités cultuelles

Les mineurs en prison ont la possibilité de satisfaire aux exigences de leur vie religieuse.

Dans toutes les prisons visitées, les prêtres catholiques aumôniers passent régulièrement.

Et on peut signaler que par les aumôniers catholiques, la mission catholique est un partenaire efficace pour les prisons.

Des imams également assurent l'éducation religieuse musulmane et la prière du vendredi.

  • · Activités physiques

Les activités sportives lorsqu’elles peuvent être organisées dans l’enceinte de la prison, sont accessibles aux mineurs qui y prennent part, particulièrement le football.

Dans certaines prisons cependant, la superficie de l’établissement ne permet pas, l’organisation de telles activités.

Par ailleurs, dans certaines régions, la chaleur du climat à certaines périodes de l’année, fait que les détenus sont dans la cour et non enfermés dans des chambres, durant le jour (Tambacounda, Kaolack, Ziguinchor).

  • · Activités culturelles

Certaines prisons ont une bibliothèque mais se pose le problème de leur approvisionnement en livres, revues, magazines et journaux, dans des thèmes bien adaptés aux mineurs.

Signalons aussi que la lecture n’est souvent pas une activité très connue des mineurs, avant leur détention, il importe dans ce cas d’éveiller leur goût de lire et de développer, leur capacité de lecture.

L’administration pénitentiaire a le souci de la pratique d’activités socio-éducatives en détention, non seulement par les mineurs, mais par l’ensemble des détenus.

Des gardiens de prison sont formés à la pratique de certaines activités socio-éducatives et culturelles pour en être des animateurs auprès des détenus.

  • · Les garanties juridiques et les procédures administratives :

Par les éducateurs spécialisés chargés du dossier d’enquête sur la personnalité du mineur, les parents ou tuteurs sont informés de toute la procédure auprès du Tribunal pour Enfant.

Le bureau de la liberté surveillée ( BLS) est chargé de veiller sur les conditions de détention de mineurs et d’en rendre compte au juge pour les enfants.

L’agent du BLS passe régulièrement chaque semaine voir les mineurs.

D’une manière générale, des mineurs sous ordonnances de garde provisoire auprès du régisseur peuvent voir leur séjour en prison se prolonger, du fait de la difficulté à pouvoir retrouver rapidement leurs parents ou tuteurs, ou la personne civilement responsable.

Il faut signaler à ce niveau, la difficulté logistique qu’ont les agents de l’éducation surveillée, (AEMO), par manque de moyens de transport adéquat.

A noter aussi le cas d’enfants étrangers des pays limitrophes, dont on ne peut prendre contact avec la famille. (cas des migrations /mobilité des enfants).

Au total l'administration pénitentiaire, malgré ses moyens limités, développe une prise en charge carcérale appuyée sur un effort d'encadrement, pour réduire le désœuvrement en prison.

Et les gardiens pour cela assurent une activité dépassant une simple surveillance.

Contre la faiblesse des moyens mis à disposition par l’Etat, ses agents développent des partenariats d'appui avec les organisations de la société civile.

c/La brigade des mineurs de la Police (Ministère de l'Intérieur) art. 607 CPP dernière structure de l'action socio judiciaire:

Par une loi du 27 février 1985, il a été institué une brigade spéciale de protection des mineurs en danger, dont les agents assermentés sont habilitées, concurremment avec les officiers de police judiciaire, à conduire ces mineurs devant le Président du Tribunal Départemental, le Procureur de la République ou le Président du Tribunal pour Enfant du plus proche du lieu de découverte.

Ces agents ont le droit de pénétrer, de jour et de nuit en tous lieux, s'ils sont amenés à penser y trouver des mineurs en danger, en raison d'indices sérieux et précis.

Au total donc, pour conclure sur l'action institutionnelle socio judiciaire de l'Etat, il est à observer qu'elle manifeste, une ampleur et une diversité à la mesure du phénomène.

Sur ce plan il est réel, que le rôle de chaque acteur est bien défini et maîtrisé par lui-même.

Mais une faiblesse est aussi évidente, en ce que les acteurs ne disposent pas en plus de l’activité courante dans leur service, d'un cadre formel pour asseoir une collaboration avec les autres acteurs, ce qui produirait une concertation très bénéfique notamment entre les forces de sécurité (police), les éducateurs, et les juges ; ce qui améliorerait d'autant plus, la prise en charge des enfants.

Et encore cette prise en charge, rencontre des limites fondées sur son coût élevé (coûts de construction et de fonctionnement des centres), ce qui se manifeste par l'insuffisance des structures et des moyens d'accueil.

C'est pourquoi face à toutes ces difficultés, d'autres acteurs apportent nécessairement leur concours dans toute cette action.

B/L'ACTION DES AUTRES ACTEURS NON ETATIQUES EN COMPLEMENT DE CELLE DE L'ETAT

En matière de protection sociale de l’enfance et de la jeunesse, au vu l'ampleur des besoins, l’action de l’État par les services publics, ne peut suffire pour appuyer, renforcer, suppléer celle des familles, de la communauté, dans leurs capacités éducatives, leur rôle de guide, pour l'orientation de l’enfant, du jeune déviant ou délinquant.

D'autres acteurs agissent nécessairement en appui à l'État à ce titre.

On peut parmi ces acteurs, les partenaires bilatéraux ou multilatéraux de l'Etat d'une part, et d'autre part les organisations nationales de la société civile.

1/LES PARTENAIRES AU DEVELOPPEMENT DE L’ETAT

La communauté étatique internationale, représentée par les différentes chancelleries présentes au Sénégal, œuvre sur la thématique de l'enfance, par des programmes decoopération bilatérale.

Il s'y ajoute aussi différentes organisations de coopération multilatérale constitués par les organisations internationales très présentes sur la thématique, comme : l'UNICEF,l’UNESCO, le FNUAP, le PAM, le CICR, le HCR, le BIT.

Tous apportent leur appui à l'État et aux organisations locales de la société civile aussi.

2/LA SOCIETE CIVILE, LES ONGS

Il est alors heureux de voir que dans la société civile aussi, des initiatives privées tant des ONG que du milieu associatif populaire ou communautaire, agissent pour relever le défi, d’appui à l’enfance en situation particulièrement difficile.

Nous pouvons noter, l’action de certaines ONGs et associations œuvrant selon diverses thématiques concernant cette cible :

  • · pour les enfants en détresse ou abandonnés: il existe des structures appartenant à des congrégations religieuses, ou encore celles des villages SOS.

Leur caractéristique est leur faible nombre, avec donc une faible capacité d'accueil.

  • · Pour les enfants handicapés: globalement la plupart des déficiences disposent d'une structure de prise en charge, mais leur nombre est encore insuffisant.

Il y a donc un déficit de structure; une faible décentralisation, une faible capacité d'accueil, un personnel qualifié insuffisant.

  • · Lutte contre la pauvreté: c'est un domaine d'action très investi mais les moyens nécessaires sont insuffisants au regard des besoins ; il s'y ajoute les problèmes organisationnels, de gestion et de suivi de ces structures.

Et ces structures sont de plus, fort dépendantes des bailleurs de fonds, d'où l'instabilité de leurs programmes.

  • · Le travail des enfants: plusieurs services sont offerts pour l'amélioration des conditions de vie et de protection des enfants concernés, mais la pauvreté des familles est un frein à leur action, et les parents refusent de s'impliquer, vu l'absence de ressources financières en compensation.
  • · Les enfants en situations difficiles (dans la rue): les organisations qui s'impliquent sont confrontées à la mobilité des cibles et au refus de retourner en famille. Les organisations souffrent de manque de moyens, de problèmes logistiques, de matériel de prise en charge adapté.
  • · Le domaine de la santé et de l'éducation: les organisations à l'œuvre dans ce domaine sont confrontées au manque de moyens financiers et logistiques, tout autant que l'insuffisance des compétences.
  • · Les enfants en zone de conflit: l'insécurité incite à une faible présence des organisations, les actions sont plus spontanées et marquées par un manque de professionnalisme.

 III/Les forces et les faiblesses du système de protection de l’enfance en danger

Du point de vue des forces on peut relever les 3 axes suivants:

1. Un engagement politique affirmé de l'Etat, pour agir à l'encontre de tout phénomène d’état de danger pour l’enfant, par une action se traduisant par la diversité des structures crées et chargées de la mise en œuvre de la politique de prise en charge définie.

2. D'autre part la mise en place d’un cadre normatif quasi complet, qui manifeste des avancées juridiques fortes et réelles, dans l'encadrement de l'enfance en état de vulnérabilité, ce sur les divers aspects de sa prise en charge.

3. Enfin des ressources humaines sont également rendus disponibles et une pratique professionnelle usuelle maîtrisée, pour faire face aux attentes.

 Cependant il y a encore des difficultés dans l’action du système :

En effet malgré tout, des limites freinent l'action et résultent:

  • · d'une faiblesse des ressources financières et des moyens matériels et humains, nécessaires pour faire face, à l'ampleur des besoins multiformes de la cible.
  • · Une difficulté à appliquer totalement et entièrement, la législation adoptée, au regard de certaines pesanteurs socio culturels.
  • · Une faiblesse dans l'organisation et la coordination des différentes interventions, pour donner plus de cohérence et d'impact à l'ensemble des initiatives.
  • · Une formation encore insuffisante des acteurs sur toutes les problématiques nées de l'état de vulnérabilité, et des solutions adaptées à devoir appliquer.
  • · Une absence de maîtrise sur les politiques économiques permettant d'endiguer la pauvreté et ses effets, cause majeure de l'état de vulnérabilité.

Tout ceci illustre qu’il y a encore beaucoup à faire.

 Que donc en conclusion Générale:

Le Sénégal comme pays en développement, est confronté à diverses situations sociales, cause d’un état de vulnérabilité de l’enfant.

Mais résolument un cadre diversifié a été mis en place, pour promouvoir de manière toujours plus progressive, un environnement protecteur pour ce type d’enfant.

Ce cadre comporte encore de grandes limites, mais des actions sont à l’œuvre de la part de tous les acteurs concernés, pour asseoir une stratégie nationale de protection sociale, dont l’aboutissement sera une réduction accrue de la pauvreté, et conséquemment des états de vulnérabilité l’enfant en résultant.

La conscience et la détermination locale du pays pour agir, sont réelles sur cet objectif, avec le soutien de la communauté internationale, selon le souhait de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, ceci pour le grand bien des enfants.

Me François Diassi

NB: Ce texye a été rédigé en 2010.

Une visite à l'école nationale des travailleurs sociaux du Sénégal, un espace de formation assurant une qualification performante du personnel intervenant sur le volet psycho social.

ETAT DES LIEUX SUR LES ASPECTS NÉCESSAIRES D'HARMONISATION LÉGALE AVEC LA CIDE.

 

PRISE EN CHARGE JUDICIAIRE PENALE DES MINEURS AU SENEGAL : ETAT DES LIEUX EN AVRIL 2013

A.    ASPECTS INTRODUCTIFS

Depuis le 20 novembre 1989 date d’adoption de la CIDE[1]l’enfant est installé dans un nouveau statut juridique, qui lui reconnait des droits et lui confère aussi la qualité de sujet de droits.

Cette nouvelle situation juridique le concernant découle de la Convention Internationale relative aux droits de l’Enfant (CIDE).

Elle s’explique aussi naturellement, par le fait que les enfants du point de vue physique ou psychologique, sont plus vulnérables que les adultes, aux conditions dans lesquelles ils vivent.

 

Et sont plus intensément touchés par les interventions ou par l’inaction des responsables ou autorités.

Car parce qu’ils n’ont pas le droit de vote ni d’influence politique et peu de pouvoir économique aussi, leur situation leurs besoins, peut susciter une faible réactivité.

 

Dès lors et partant de là, leur protection s’impose, et doit être impulsé même par des garanties légales, afin de leur assurer un développement sain.

 

C’est d’ailleurs ce qu’exige l’application des principes du droit au développement et de l’intérêt supérieur de l’enfant contenus dans la CIDE, exigeant à tous de devoir mettre fin à toute situation de vulnérabilité, qui serait une menace, face à un état de vie anormal subi par l’enfant.         

 

La CIDE est ainsi donc le premier instrument juridique international relatif à l’enfant, avec force contraignante. Sa ratification est source d’obligation pour l’Etat partie.

 

L’exigence posée par ce traité, est que les États parties veillent à ce que dans leur territoire :

  • tous les enfants, sans discrimination, bénéficient de mesures de protection et d'une assistance spéciales;
  • aient accès à des services comme l'éducation et les soins de santé;
  • puissent développer pleinement leur personnalité, leurs facultés et leurs dons; grandir dans un cadre heureux, aimant et compréhensif;
  • soient informés de leurs droits et puissent participer d'une manière accessible et active à leur réalisation.

 

Par ces droits des enfants  consacrés, la CIDE s’offre d’être une référence commune, un étalon, qui permet d'évaluer les progrès de mise en œuvre des normes relatives aux droits de l'enfant.

Mais une fois ces droits acceptés et mis en vigueur par la ratification, les gouvernements doivent harmoniser leur législation, leurs orientations et leurs pratiques avec les normes de la Convention; faire de ces normes une réalité pour tous les enfants; et s'abstenir de toute action susceptible d'empêcher l'exercice de ces droits ou de les violer.

 

Tout cela explique les exigences de protection justifiant  la mise en œuvre d’un cadre légal  national harmonisé avec la CIDE et ses autres conventions et textes complémentaires.

Au titre de cette harmonisation cette revue découlant de cette présente étude, tente d’identifier les efforts du Sénégal au titre de la domestication légale de ces normes.

 

 B.    ANALYSE DES PROFILS JURIDIQUES DE JUSTICIABLES MINEUR ET DE L’ETAT DE LEUR PRISE EN CHARGE AU SENEGAL

Partant donc de la CIDE, l’enfant est un sujet de droits, droits qui essentiellement garantissent sa protection du fait de sa spécificité.

 

C’est en effet un enfant,  et pas un petit adulte, c’est un être humain en devenir, pour cela il a donc droit  à une croissance à un développement et conséquemment ses difficultés et ses erreurs dans ce chemin de sa croissance, ne doivent en aucune façon le condamner.

 

C’est cela qui explique son droit à une protection, un traitement spécifique en tout ce qui le concerne.

 

Et ce statut juridique particulier de l’enfant appelé minorité, lui confère des garanties légales et judiciaires devant lui assurer protection et assistance par tous.

 

Mais en quoi consiste  les garanties résultant de la minorité : quelles sont ses sources ?

 

Le corpus légal consacrant les garanties légales et judiciaires est d’abord la CIDE et ses textes connexes, c’est le texte d’obligation exigeant une  protection et d’assistance  des mineurs, de la part de tous les acteurs   concernés.

 

En effet si on analyse bien la CIDE on  constate qu’elle atteint 5 objectifs :

 

  • Elle crée un droit international et de nouveaux droits pour l’enfant.
  • Elle regroupe tous ces droits en un seul instrument.
  • Elle prévoit dans certains domaines préoccupant pour la vie et le développement de l’enfant, des normes contraignantes en termes de garanties.
  • Elle énonce des principes généraux applicables à tous les enfants.
  • Elle contient des articles spécifiquement consacrés à la justice des mineurs.

 

Et à ce titre de l’organisation de la justice pour mineurs selon la CIDE, l’institution judiciaire doit donc assumer en droit pénal pour l’enfant les missions suivantes :

 

  • Sanctionner les infractions et asseoir la réinsertion des auteurs et victimes.

 

Et en particulier dans le  jugement des infractions pénales et relativement à l’enfant, la Justice doit :

 

  • Assurer l’aide nécessaire aux mineurs et favoriser leur réinsertion sociale.
  • Promouvoir pour cela dès lors, une justice spécifique aux mineurs par des institutions et juridictions spéciales (c’est-à-dire organisées dans une certaine forme définie).

 

Sur cette dernière exigence, la CIDE, organise donc ce modèle de justice spécifique à l’enfant.

Il existe en effet plusieurs raisons pour lesquelles l’enfant peut se retrouver face à la justice.

Il peut s’agir de régler des dysfonctionnements ou de sanctionner des violations de la loi  entravant le développement de l’enfant, dans la famille ou bien hors de la famille.

 

Mais quoiqu’il en soit, l’intervention de la justice est alors, un appel à assumer son rôle de protection de l’enfant.

 

Et iI y a ainsi 4 postures ou état de justiciable de l’enfant face à la justice pénale : soit comme enfant victime ou témoin d’infraction pénale, ou enfant en danger, ou enfin enfant en conflit avec la loi.

 

Examinons ces différents profils.

 a.    Cas de l’enfant victime

Il s’agit de l’enfant subissant les conséquences préjudiciables d’infractions commises sur sa personne.

Ces infractions peuvent résulter d’abus[2], et les présumés auteurs de ces infractions peuvent être un ou des titulaires de l’autorité parentale, ou une personne tierce.

 

C’est le cas par exemple de l'enfant victime de maltraitance ou d’abus sexuels par le ou les titulaires de l'autorité parentale en principe ses père et mère, ou son tuteur.

 

Et dans cette première hypothèse, le juge saisi peut recevoir la constitution de partie civile du titulaire de l'autorité parentale non auteur des faits incriminés, ou d’un tuteur ou d’un administrateur même désigné ad hoc, pour la défense des intérêts de l’enfant.

 

Car il existe un principe général de l'incapacité du mineur édicté dans un but de protection, faisant que l'enfant ne peut exercer ses droits qu'au travers de l'action de son représentant légal, c'est-à-dire le ou les titulaires de l'autorité parentale, ou le tuteur désigné.

 

Cependant sans être fondé sur un abus, le préjudice subi par l’enfant, peut émaner  simplement de faits de nature infractionnelle quelconque, exemple des blessures involontaires suite à un accident de circulation.

 

Dans toutes ces situations donc, que ce soit dans la famille ou hors d’elle, certains enfants  peuvent, être victimes de quelqu’un qui a violé la loi à leur égard.

Ces enfants viennent alors devant la justice pour que cette personne, adulte ou enfant, soit punie. Mais plus important encore, ces enfants demandent la réparation de leurs droits et une compensation, souvent financière, pour les aider à se reconstruire[3].

 

La justice devra alors assurer un rôle de veille, de sauvegarde, de correction ou rectification des situations débilitantes ayant motivées sa saisine, et assurer la protection des droits de l’enfant.

 

 b.    Cas de l’enfant témoin

L’enfant peut être témoin, c’est-à-dire qu’il a vu ou entendu ce qui  s’est passé, ou qu’il sait quelque chose qui peut aider à connaitre la vérité sur ce qui s’est passé, lorsque la loi a été violée.

 

Ce témoignage de l’enfant sera nécessairement recueilli par la justice, appelant ainsi la présence de cet enfant devant elle.

 

Cela peut se faire devant le juge pénal (sanction d’une infraction) ou devant le juge civil pour des faits non infractionnels.

 

Autrement sans être témoin, l’enfant peut simplement être concerné par une procédure en cours, et est alors appelé à exprimer son opinion.

Il s'agit là particulièrement de l’application du droit d'expression du mineur, affirmé par l'article 12 de la CIDE.

 

Ainsi le mineur peut être appelé à donner son consentement dans certaines procédures qui l'intéresse personnellement (adoption, modification de garde, changement de nom ou de prénom. etc..).

 

 c.Cas de l’enfant en danger

 

Un enfant peut être en danger, car il est considéré comme présentant un « risque de délinquance », soit en raison de son comportement, ou de l’endroit où il vit ; par exemple les enfants en rupture familiale et vivant dans les rues.

 

La loi permet alors au juge des enfants de prendre toutes mesures d’assistance éducatives au profit d'un mineur, « si sa santé, sa sécurité, sa moralité sont en danger ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises ».

 

 d.    Cas de l’enfant en conflit avec la loi

Un enfant est en conflit avec la loi pour de nombreuses raisons.

 

Souvent, parce qu’il a commis une infraction, comme un vol, une bagarre entrainant des blessures, ou la consommation de stupéfiants. Mais la majorité des infractions attribuées à des mineurs ne sont pas très graves. On estime que seuls 5 à 10% des enfants détenus dans le monde auraient commis des crimes.

 

Cet enfant a donc droit, dès son inculpation, à l'assistance. Il s'agit même pour le mineur d’une garantie judiciaire en sa faveur résultant de l’art. 37 et 40 de la CIDE.

 

Il est donc possible au regard de ces 4 situations susvisées de déterminer les règles de protection contre tout risque de  vulnérabilité pour ces justiciables enfants, mais également d’organiser le cadre d’intervention juridictionnel à leur égard; ce sont ces deux niveaux d’analyse qui justifient cette présente étude sur la prise en charge judiciaire de ces justiciables mineurs au Sénégal.

 

A ce titre l’analyse du Code de Procédure Pénale (art.565 et s.), fait ressortir en première constatation, les dispositions existantes et qui sont spécifiquement destinées aux mineurs en conflit avec la loi ou en danger :

 

Car les procédures clairement codifiées, leur sont explicitement réservées.

 

Ainsi la procédure relative à un mineur en conflit avec la loi fait  intervenir le Parquet au titre de la poursuite, le juge d’instruction, si sa saisine s’impose, et le juge des enfants aux fins de jugement. Toutes ces autorités collaborant étroitement avec le service socio judiciaire de l’Assistance Educative en Milieu Ouvert, installée structurellement auprès de chaque Tribunal pour enfant.

 

Pour les mineurs en danger également, le Code de procédure pénale prévoit une brigade spéciale de protection des mineurs sous la tutelle des officiers de police judiciaire, pour conduire les dits mineurs chaque fois que de besoin, devant le Président du Tribunal départemental, le Procureur de la République, ou le Président du Tribunal pour enfants du lieu de découverte le plus proche.

 

Et ces agents assermentés de la brigade spéciale de protection des mineurs, ont le droit de pénétrer de jour et de nuit en tous lieux où, en raison d’indices sérieux et précis, ils sont amenés à penser que peuvent se trouver des mineurs en danger, pour les y retirer et les mettre à la disposition du Procureur de la République ou du Centre de Ginddi[4] pour une prise en charge adaptée.

 

Plus clairement donc, dans la loi applicable en procédure pénale (Code de procédure Pénale susvisée), ce sont les enfants en conflit avec la loi où en en danger qui sont visées par toutes ces procédures ci-dessus décrites, sans aucun champ d’intervention clair et défini pour les enfants victimes ou témoins.

 

En plus, il n’y existe aucune disposition juridique établissant  l’autorité et le devoir des services sociaux judiciaires  (AEMO) d’intervenir pour soutenir ces enfants et leurs familles, autres que sur ordre du juge.

 

Le fait notable donc, est que pour les enfants victimes ou témoins aucun un mandat n’est ni explicitement conféré, ni affirmée pour leur prise en charge.

 

Néanmoins, à l’article 593 du Code de Procédure Pénale, il est disposé que: « dans les crimes ou délits commis sur les mineurs de 21 ans.. » le juge saisi, peut (faculté) s’il l’estime utile prendre des mesures de garde du mineur, et en informer le Président du Tribunal pour Enfant de son ressort.

 

Il n’est prévu dans ce texte, aucune autre mesure d’assistance particulière comme conséquence de l’état de minorité.

 

On peut cependant relever quelques mesures prévues dans la loi n° 2005-06 du 10 mai 2005 relatif à la lutte contre la traite des personnes.

 

On y admet :

- la possibilité d’ordonner le huit clos pour la protection de l’identité et de la vie privée des victimes ou témoins ;

- la possible requête du ministère public de mise sous tutelle ou administration légale des victimes sans représentant légal connu ;

- la recevabilité des enregistrements audio vidéo comme moyens de preuve, etc…

 

Il résulte de ces constats que pour les enfants victimes, les procédures applicables au titre de la saisine des autorités judiciaires, seront dès lors régies par le droit commun.

 

Et en fonction de l’auteur présumé mis en cause, l’autorité judiciaire en charge de la sanction des infractions commises sur l’enfant sera, pour un majeur le Tribunal correctionnel s’agissant de délits, et la Cour d’assises pour ce qui est des crimes.

 

Et pour un présumé auteur mineur, il s’agira du Tribunal pour enfant.

 

Maintenant que réservera dès lors à ces enfants victimes la mise en œuvre du droit commun, au plan procédural.

 

  • Les mineurs et leurs représentants légaux en qualité de partie civile, et en charge de la mise en mouvement de la procédure, vont donc souvent comparaitre sans maitrise de l’information, sans assistance juridique (sauf à leurs frais) ;

 

  • Dans cette situation également, les structures socio judiciaire (AEMO par exemple), vont leur faire défaut pour toute assistance préalable. Car l’appui de ces structures est moins affirmé à leur égard, du fait du mandat insuffisamment défini. Et en cas de saisine, leur intervention dépendra de l’autorisation du juge des enfants.

 

  • Avec cet handicap les mineurs victimes et leurs représentants légaux, souffrent alors de la méconnaissance des procédures et du dispositif possible de la prise en charge.

 

  • Ensuite les mesures d’investigation existantes sont non adaptées à l’enfant, et ni encadrées comme il sied, produisant souvent un traumatisme supplémentaire.

 

  • De même les personnels en charge de l’audition (police, parquet, juge d’instruction…), ne disposent pas d’une formation adéquate pour le recueil de la parole de l’enfant.

 

  • Et encore les salles d’audience ne sont pas adaptées, et la publicité de l’audience applicable en droit commun, produit des atteintes graves à la dignité et à la confidentialité : aboutissant notamment à la publication d’informations devant normalement être protégées par la loi (par exemple par la presse surtout sur internet, où les faits sont traités en toute banalité et même sans cacher l’identité de l’enfant). Toutefois il a été relevé que parfois le huis clos est ordonné par le Président du tribunal lorsque  la victime est un enfant.

 

  • Et si ce type d’enfants est en zone rurale sa situation est encore plus catastrophique.

 

 

Quid de l’enfant témoin ?

 

Il est assujetti comme l’enfant victime au droit commun, si le mis en cause est un majeur, ce pour les mêmes raisons juridiques sus évoquées.

 

Et il subit dès lors toute l’absence d’assistance qui en découle.

 

La prise en charge judiciaire actuelle de ces différents justiciables mineurs susvisés, rend donc nécessaire une remise en conformité du cadre légal national avec les normes standards requises par la CIDE et ses instruments complémentaires.

Me François Diassi

Avril 2013


[1] CIDE, c’est la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant.

[2]Il a été généralement relevé comme types d’abus répréhensibles subis par ces enfants victimes: l’exploitation économique, ou sexuelle,  le mariage précoce, la mutilation génitale féminine/excision, les sévices sexuels, les sévices physiques/violence, la maltraitance, la violence familiale, la négligence, les violences basées sur le genre…etc. 

[3] Il est à noter aujourd’hui, que le droit international a évolué pour exiger une meilleure prise en charge de la victime, en faisant ressortir que la sanction du coupable, ne soit pas seulement rétributif, mais gagne un aspect restaurateur. C’est pourquoi la prise en charge tient plus compte de l’accompagnement dans tout le processus judiciaire. Pour l’enfant cela s’est traduit concrètement par la mise en place de « lignes directrices » d’orientation de la procédure, impliquant un accompagnement judiciaire adapté.

[4] Le centre Guindi est un centre d’accueil, d’information et d’orientation pour enfants en situation difficile, créé en 2003 à l’initiative du Chef de l’Etat de l’époque. Le centre est chargé principalement de l’accueil, l’assistance et l’accompagnement psychosocial des enfants des rues, mais reçoit aussi d’autres enfants et jeunes femmes victimes de maltraitance, de sévices et/ou d’exploitation. Il dépend du Ministère de la Famille. Et ce centre n’existe qu’à Dakar, ce qui limite son rayon d’action.

 

Me Diassi influence des standards internationaux sur le système et la pratique de la JJ au Sénégal (site)

ETUDE SUR LE STATUT JURIDIQUE DES MINEURS VICTIMES OU TEMOINS

Le statut juridique des mineurs victimes et témoins au Sénégal

Introduction : 

Pour l’enfant quel que soit le milieu d’évolution, la CIDE[1] crée  une obligation générale de protection et d’assistance.

Et  parmi ces milieux on peut noter celui de la justice, car plusieurs raisons expliquent que l’enfant puisse se retrouver face à la justice, et une de ces raisons, est d’être une victime ou un témoin dans un procès.

C’est pourquoi lorsque cette présence de l’enfant devant la justice devient nécessaire, un cadre légal défini, doit lui garantir cette protection requise.

Cette situation tend à être courante, car l’évolution actuelle du monde produit plusieurs sources de victimisation pour l’enfant, appelant alors à une nécessité de renforcement de sa protection.

Il est dès lors utile de savoir le statut juridique conféré à ce type d’enfants au Sénégal, pour évaluer au besoin l’état de leur prise en charge, et les perspectives d’amélioration si c’est nécessaire.

Toutefois auparavant il est bon de s’entendre sur les profils juridiques d’un mineur victime ou témoin, avant de déterminer les formats adéquats de prise en charge.

 

1/Qui est donc l’enfant victime ou témoin ? Quel est le profil juridique de ces types d’enfants?

 

L’enfant victime est celui qui a subi une ou des infractions commises sur sa personne, par une ou des personnes majeures telles que ses parents ou des tiers, ou bien mineures.

(NB : cette victime deviendra une partie civile lorsqu’elle exerce les droits qui lui sont reconnus en cette qualité devant la juridiction compétente).

 

Cet enfant souffre alors des conséquences préjudiciables de ces faits ou abus délictueux, dont l’origine peut être interne à la famille, et émaner d’un ou des titulaires de l’autorité parentale, ou être  externe à la famille et provenir d’une personne tierce.

 

NB : En s’intéressant à l’élément matériel de ces types d’infractions, on constate que leur fondement est constitué par des abus (mauvais usage de sa position ou de son pouvoir).

Il a été généralement relevé comme types d’abus répréhensibles[2] subis par ces enfants victimes: l’exploitation économique, ou sexuelle,  le mariage précoce, la mutilation génitale féminine/excision, les sévices sexuels, les sévices physiques/violence, la maltraitance, la violence familiale, la négligence … 

 

Mais également l’état de victime peut aussi survenir aussi d’autres types d’infractions pénales de quelque nature que ce soit, portant simplement une atteinte dommageable, (exemple les blessures involontaires, suite à un défaut de maitrise du conducteur entrainant un accident de la route).

 

L’enfant victime de ces infractions justifie le besoin d’une prise en charge particulière.   

Cela s’explique naturellement, par le fait que du point de vue physique et psychique l’enfant est plus vulnérable que les adultes.

Nous pourrons déterminer plus tard les conditions et le cadre de cette prise en charge.

 

Maintenant voyons ensuite qui est l’enfant témoin ? :

Il est différent de l’enfant victime, car il n’a pas, forcément vécu les stigmates d’une vulnérabilité préalable en termes d’abus, ou un préjudice directement subi. 

Il est témoin parce que lorsque la loi a été violée :

  • il a vu ou entendu ce qui  s’est passé,
  • ou qu’il sait quelque chose qui peut aider à connaitre la vérité sur ce qui s’est passé,

Et ce témoignage de l’enfant, en termes de relation des faits, sera nécessairement recueilli par la justice, appelant ainsi la présence de cet enfant devant elle.

 

Ce qu’il a vu, entendu ou vécu, entraine pour lui très probablement des états émotionnels lourds, c’est pourquoi son accompagnement sera donc forcément nécessaire dans ce milieu judiciaire.

 

Partant de ces deux profils juridiques, on peut s’interroger dans le cadre du contexte sénégalais de la forme de prise en charge qui leur est actuellement dévolue.

 

2/Les formats actuels de la prise en charge judiciaire des enfants victimes ou témoins au Sénégal, forces et limites :

L’étude  de la question entrainera de devoir préciser l’état du cadre juridique, c’est-à-dire les bases de protection empêchant  un état de victime à l’enfant.

Au Sénégal, il est à relever sur ce plan une base normative et aussi, des services institutionnels mis en place à cet effet.

Rappelons d’abord cette base normative, pour ensuite faire la description de l’armature institutionnelle de prise en charge.

 

Quel est donc le cadre normatif  de protection et de la sanction des faits préjudiciables à l’enfant?:

Le Sénégal a développé un cadre juridique assez complet pour la protection des enfants.

Le pays a en effet signé et ratifié toutes les conventions internationales et protocoles essentiels concernant les enfants. 

Ainsi la Constitution du 7 janvier 2001 affirme la reconnaissance des droits de l’enfant, rendant l’Etat garant de leur respect ; cela notamment en ses articles 17 à 22.

Il y est clairement reconnu, l’importance de la famille, et l’obligation de l’Etat et des communautés d’appuyer les parents dans leurs responsabilités envers les enfants.

Et au final comme signe fort de l’engagement de l’Etat, la CIDE ratifiée en 1990, a été incorporée dans le préambule de la Constitution de 2001, comme instrument auquel l’Etat affirme son adhésion rendant ainsi toutes ses dispositions juridiquement contraignantes et d’application directe.

 

Au-delà de la Constitution, le Sénégal n’a cependant pas créé un code spécifique de l’enfant.

Mais c’est dans plusieurs textes légaux et réglementaires, que se retrouvent les instruments juridiques nationaux de la protection de l’enfant. 

Ainsi les textes législatifs les plus pertinents sont les suivants:

 

       Le Code de la famille d’abord, (loi n°72-61 du 12 juin 1972), qui est en vigueur depuis cette date, mais souvent modifié pour intégrer toutes nouvelles dispositions nécessaires sur la protection des enfants. C’est la loi fondamentale de référence en matière juridique du statut personnel, pour les personnes physiques. Ses dispositions intéressent l’enfant qu’il soit indemne de tout risque ou en danger (art.293 et s. sur l’assistance éducative), menacée, ou sous l’emprise d’une vulnérabilité ; cela pour lui garantir les droits reconnus. C’est donc dans ce texte de loi que se trouvent institués les différents droits relatifs à  l’identification juridique des personnes humaines (nom, domicile,…) ; les règles applicables au mariage (formation du mariage, régimes matrimoniaux, divorce, successions, donations, libéralités, testaments, filiation, la parenté, alliance, incapacités des mineurs et majeurs incapables). Cette loi complète donc la CIDE  relativement à toutes ses exigences quant aux droits de statut personnel reconnus à l’enfant.

 

       Le Code du travail ensuite, (loi n°97 – 17 du 1er décembre 1997), applicable dans les relations d’emploi, et dont les dispositions fixent les conditions du contrat d’apprentissage[3] relatifs aux enfants placés en apprentissage d’un métier. Des textes lui sont complémentaires, pour fixer les protections requises sur ce plan : car le Sénégal ayant ratifié en 1999, la convention de l’OIT (138) sur l’âge minimum du travail des enfants,  conséquemment l'âge minimum du travail est fixé à 15 ans révolus[4]. Egalement, la Convention de l’OIT (182) portant interdiction des pires formes de travail des enfants a été ratifiée en 2000. 

Il se trouve donc posé une règle d’incapacité de l’enfant, à pouvoir contracter par un contrat de travail, ou même d’apprentissage, en dessous de l’âge légal ci-dessus précisé et institué par la loi. Et l’arrêté portant interdiction des pires formes de travail, détermine les sanctions prévues pour les contrevenants (et Voir en cela la loi n°06/2005 du 10 mai 2005 relative à la traite des personnes).

 

 

 

       Enfin le Code de Pénal (loi n°65 – 60 du 21 juillet 1965) et le Code de Procédure Pénale (loi n°65 – 61 du 21 juillet 1965).

Ces deux lois constituent  l’instrument juridique pour la  protection pénale de l’enfant. Le Code Pénal prévoit ainsi des sanctions sévères contre toutes formes de violences de sévices ou exploitation de l’enfant.

L’enfant se trouve donc protégé dans son intégrité physique par diverses catégories infractions pénales prévues et punissant les auteurs. On peut ainsi distinguer comme types d’infractions : l’infanticide (art.285 du CP) ; l’avortement (art.305 du CP) ; la non déclaration de naissance, la non déclaration à l’Officier de l’Etat civil d’un enfant trouvé, le délaissement d’enfant (art.338 et s. CP), l’abandon de famille (art 350 CP). Les blessures et violences faites à un enfant (articles 298 à 299 du CP) ;  les enlèvements d’enfants (art.346 CP); la mendicité (art.245 et s du CP) ; le vagabondage (art.241 et s. du CP).

Par la suite la loi n° 99-05 du 29 janvier 1999 modifiant différents articles du CP, a interdit l'excision (art.229 bis CP), le harcèlement sexuel (art.319 bis CP), la pédophilie et les agressions sexuelles, ainsi que toutes les formes de mutilations sexuelles, les violences sexuelles et la corruption de mineurs (voir art 318 et s. CP).

Idem pour la loi n ° 2005-06 du 10 mai 2005 modifiant aussi le CP, qui interdit la traite des êtres humains et assure la protection des victimes.

Le Code de Procédure Pénale quant à lui, complète l’application du Code Pénal avec les dispositions relatives au jugement des actes des auteurs d’infractions, et par celles relatives aux enfants auteurs présumés d’infractions, tout autant que les mesures d’assistance aux enfants en danger.

 

Au total donc, la base normative existe.

Et l’autorité judiciaire compétente dispose de moyens légaux pour protéger et sanctionner les infractions commises sur l’enfant. 

 

Mais alors quelle procédure ou format d’intervention s’appliquera dans cette prise en charge judiciaire ?

A ce titre l’analyse du Code de Procédure Pénale (art.565 et s.), fait ressortir en première constatation, des dispositions spécifiquement destinées aux mineurs en conflit avec la loi ou en danger :

Car les procédures clairement codifiées, leur sont explicitement réservées.

Ainsi la procédure relative à un mineur en conflit avec la loi fait  intervenir le Parquet au titre de la poursuite, le juge d’instruction, si sa saisine s’impose, et le juge des enfants aux fins de jugement. Toutes ces autorités collaborant étroitement avec le service socio judiciaire de l’Assistance Educative en Milieu Ouvert, installée structurellement auprès de chaque Tribunal pour enfant.

Pour les mineurs en danger également, le Code de procédure pénale prévoit une brigade spéciale de protection des mineurs sous la tutelle des officiers de police judiciaire, pour conduire les dits mineurs chaque fois que de besoin, devant le Président du Tribunal départemental, le Procureur de la République, ou le Président du Tribunal pour enfants du lieu de découverte le plus proche.

Et ces agents assermentés de la brigade spéciale de protection des mineurs, ont le droit de pénétrer de jour et de nuit en tous lieux où, en raison d’indices sérieux et précis, ils sont amenés à penser que peuvent se trouver des mineurs en danger, pour les y retirer et les mettre à la disposition du Procureur de la République ou du Centre de Ginddi[5] pour une prise en charge adaptée.

 

 

Plus clairement donc, dans la loi applicable en procédure pénale (Code de procédure Pénale susvisée), ce sont les enfants en conflit avec la loi où en en danger qui sont visées par toutes ces procédures ci-dessus décrites, sans aucun champ d’intervention clair et défini pour les enfants victimes ou témoins.

En plus, il n’y existe aucune disposition juridique établissant  l’autorité et le devoir des services sociaux judiciaires  (AEMO) d’intervenir pour soutenir ces enfants et leurs familles, autres que sur ordre du juge.

Le fait notable donc, est que pour les enfants victimes ou témoins aucun un mandat n’est ni explicitement conféré, ni affirmée pour leur prise en charge.

Néanmoins, à l’article 593 du Code de Procédure Pénale, il est disposé que: « dans les crimes ou délits commis sur les mineurs de 21 ans.. » le juge saisi, peut (faculté) s’il l’estime utile prendre des mesures de garde du mineur, et en informer le Président du Tribunal pour Enfant de son ressort.

Il n’est prévu dans ce texte, aucune autre mesure d’assistance particulière comme conséquence de l’état de minorité.

 

On peut cependant relever quelques mesures prévues dans la loi n° 2005-06 du 10 mai 2005 relatif à la lutte contre la traite des personnes.

On y admet :

* la possibilité d’ordonner le huis clos pour la protection de l’identité et de la vie privée des victimes et témoins ;

* la possible requête du ministère public de mise sous tutelle ou administration légale des victimes sans représentant légal connu.

* la recevabilité des enregistrements audio vidéo comme moyens de preuve…etc.

 

 

Il résulte de ce constat que pour les enfants victimes, les procédures applicables au titre de la saisine des autorités judiciaires, seront dès lors régies par le droit commun.

 

Et en fonction de l’auteur présumé mis en cause, l’autorité judiciaire en charge de la sanction des infractions commises sur l’enfant sera, pour un majeur le Tribunal correctionnel s’agissant de délits, et la Cour d’assises pour ce qui est des crimes.

Et pour un présumé auteur mineur, il s’agira du Tribunal pour enfant.

 

Maintenant que réservera à ces enfants victimes la mise en œuvre du droit commun, au plan procédural.

  • Les mineurs et leurs représentants légaux en qualité de partie civile, et en charge de la mise en mouvement de la procédure, vont donc souvent comparaitre sans maitrise de l’information, sans assistance juridique (sauf à leurs frais) ;
  • Dans cette situation également, les structures socio judiciaire (AEMO par exemple), vont leur faire défaut pour toute assistance préalable. Car l’appui de ces structures est moins affirmé à leur égard, du fait du mandat insuffisamment défini. Et en cas de saisine, leur intervention dépendra de l’autorisation du juge des enfants.
  • Avec cet handicap les mineurs et leurs représentants légaux, souffrent alors de la méconnaissance des procédures et du dispositif possible de la prise en charge
  • Ensuite les mesures d’investigation sont non adaptées à l’enfant et ni encadrées comme il sied, produisant souvent un traumatisme supplémentaire.
  • De même les personnels en charge de l’audition (police, parquet, juge d’instruction…), ne disposent pas d’une formation adéquate pour le recueil de la parole de l’enfant.
  • Et encore les salles d’audience ne sont pas adaptées, et la publicité de l’audience applicable en droit commun, produit des atteintes graves à la dignité et à la confidentialité : aboutissant notamment à la publication d’informations devant normalement être protégées par la loi (par exemple par la presse surtout sur internet, où les faits sont traités en toute banalité et même sans cacher l’identité de l’enfant ). Toutefois il a été relevé que parfois le huis clos est ordonné par le Président du tribunal lorsque  la victime est un enfant.
  • Et si ce type d’enfants est en zone rurale sa situation est encore plus catastrophique.

 

Quid de l’enfant témoin ?

Il est assujetti comme l’enfant victime au droit commun, si le mis en cause est un majeur, ce pour les mêmes raisons juridiques sus évoquées.

Et il subit dès lors toute l’absence d’assistance qui en découle.

 

 

Dès lors partant de ces constats, le cadre normatif ainsi tracé et le système judiciaire de prise en charge, révèle des limites sérieuses relativement aux enfants victimes ou témoins d’infractions pénales.

Car si le principal objectif de des lois de protection relevées, est d’interdire et de sanctionner certains actes préjudiciables infligés aux enfants ; elles ne traitent cependant pas de la fourniture de services de prévention et d’intervention nécessaires en faveur des enfants victimes ou témoins et de leurs familles concernées.

Et la principale limite provient de l’absence de dispositions légales, leur assurant la protection complète au plan procédural, selon les exigences de la CIDE et des directives édictées à cet effet.

 

La réalité juridique découlant de ce constat est que le statut d’enfant victime ne confère pas de droits spécifiques qui soient garantis dans l’administration de la procédure.

Le mineur victime est traité comme un justiciable majeur, et ne jouit alors que des droits reconnus à la partie civile dans la procédure pénale.

Il est sujet au droit commun et ne dispose pas dans l’administration de la procédure, de la protection spécifique devant découler de sa minorité.

 

Ce n’est qu’à postériori relativement à la sanction de l’auteur de l’infraction, que ce fait de la minorité de la victime contribuera à faire subir une aggravation de la sanction, si cela est légalement prévu.

Et cette lacune relative à la protection de la victime mineure durant le déroulement de la procédure, produit également la conséquence que les acteurs judiciaires en charge dudit justiciable, n’ont pas de formation spécifique requise pour sa prise en charge.

 

 

Par conséquent une base normative est à définir pour une action sérieuse et complète de prise en charge des enfants victimes ou témoins.

 

 

3/Quelles sont alors les  normes standard  de prise en charge des enfants victimes ou témoins ?

 

Le procès pénal doit être ouvert à toute victime, mais une victime mineure doit pouvoir exercer les droits de la victime, dans les conditions adaptées à sa minorité.

C’est cette exigence qui commande toute la particularité de sa prise en charge.

Il y a donc le besoin de toujours protéger davantage ces enfants victimes,  pour leur permettre de se défendre contre les auteurs des infractions, et être accompagnés tout au long de la procédure, en bénéficiant du soutien nécessaire.

Il est donc clair et justifié, d’asseoir un service en leur faveur pour contrecarrer les difficultés relevées.

Voilà pourquoi il existe des directives[6], appelant à asseoir un accompagnement spécifique à cette cible.

La mise en œuvre pratique de ces règles directrices, appelle donc au respect pour les enfants victimes ou témoins, des 10 exigences suivantes:

  1. Le droit d’être traité avec dignité et compassion
  2. Le droit d’être protégé contre la discrimination
  3. Le droit d’être informé
  4. Le droit d’être entendu et d’exprimer ses opinions et préoccupations
  5. Le droit à une assistance efficace
  6. Le droit à la vie privée
  7. Le droit d’être protégé contre les épreuves pendant le processus de justice
  8. Le droit à la sécurité
  9. Le droit de bénéficier de mesures préventives spéciales
  10. Le droit à la réparation.

NB : Les lignes directrices complètent la CIDE pour préciser les garanties judiciaires nécessaires à la prise en charge des mineurs victimes ou témoins.

Ces directives servent de cadre d’évaluation de notre pratique.

Examinons dans le détail la mise en œuvre de ces exigences.

 

1/Le droit d’être traité avec dignité et compassion

 

La vulnérabilité du mineur, le choc émotionnel subi et ses répercussions possibles sur son développement dans l’avenir, justifie que sa prise en charge repose sur une attention particulière. C’est pourquoi tout enfant victime ou témoin doit être traité avec bienveillance et sensibilité, d’une manière respectueuse de sa dignité, tenant compte de ses besoins immédiats et particuliers, de son âge, de son sexe, de son handicap, de sa maturité intellectuelle.

Son intérêt supérieur doit être la considération prioritaire orientant toute décision le concernant.

2/Le droit d’être protégé contre la discrimination cf : art 2 CIDE, art 39 CIDE

Exigeant :

*de lutter contre toute discrimination ;

*de produire des soutiens adaptés ;

*de ne pas exclure le témoignage du seul fait de l’âge.

 

Aucune discrimination n’est admise, qu’elle soit fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres ou les origines nationales, ethniques ou sociales, la fortune, les handicaps, la naissance ou autre situation personnelle ou des parents ou représentants légaux.

Pour cet objectif, le processus de justice et les services de soutien disponibles pour les enfants victimes et témoins et leurs familles devraient être adaptés.

Ils devraient prendre considération pour agir : l’âge, les  souhaits,  la faculté de compréhension, le sexe,  l’orientation sexuelle, le milieu ethnique, culturel, religieux, linguistique et social,  la caste,  la situation socioéconomique et le statut d’immigrant ou de réfugié de l’enfant, ainsi que les besoins particuliers, y compris ceux qui touchent sa santé, ses aptitudes et ses capacités.

Les professionnels devraient être sensibilisés à ces différences situations et formés pour s’y adapter.

Toujours dans ce souci d’adaptation, dans certains cas, il sera nécessaire d’instituer une protection et des services spécialisés pour tenir compte du sexe de l’enfant (dimension genre) et de la spécificité de certaines infractions commises contre lui, telles que les agressions sexuelles.

 

L’âge également ne devrait pas constituer un obstacle au droit d’un enfant, de participer pleinement au processus de justice. Tout enfant devrait, sous réserve d’un examen, être traité comme étant apte à témoigner et son témoignage ne devrait pas être présumé irrecevable ou non fiable du seul fait de son âge.

Le témoignage doit être admis, dès lors que l’âge et la maturité lui permettent de témoigner de manière intelligible et crédible, avec ou sans l’assistance d’aides à la communication ou de toute autre assistance nécessaire.

 

3/Le droit d’être informé cf : art 37, 40 39 CIDE 

exigeant de produire l’information :

*sur les services d’assistance ;

*Sur les procédures applicables ;

*Sur les mécanismes de soutien ;

*sur les lieux et moments d’intervention ;

*sur les droits ;

*sur l’obtention du feed back ;

*sur les formes d’obtenir réparation.

 

Dès le premier contact avec le processus de justice et tout au long de celui-ci, les enfants victimes et témoins, leurs parents, tuteurs ou représentants légaux devraient être dûment et rapidement informés, dans la mesure où cela est possible et opportun:

a) De l’existence de services sanitaires, psychologiques, sociaux et autres services pertinents ainsi que des moyens leur permettant de bénéficier de ces services et, parallèlement de conseils ou d’une représentation juridiques ou autres, d’une indemnisation ou d’une aide financière d’urgence, le cas échéant;

b) Des façons de procéder du système de justice pénale pour adultes et mineurs, notamment du rôle des enfants victimes et témoins, de l’importance, du moment et des modalités du témoignage, de même que des façons dont “l’interrogatoire” sera mené, pendant l’enquête et le procès;

c) Des mécanismes de soutien à l’enfant existants lorsque celui-ci dépose une plainte et participe à l’enquête et à la procédure judiciaire;

d) Des lieux et moments précis des audiences et d’autres événements pertinents;

            e) De l’existence de mesures de protection;

f) Des mécanismes existants de réexamen des décisions concernant les enfants victimes et témoins;

g) Des droits pertinents concernant les enfants victimes et témoins en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant et de la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir.

 

En outre, les enfants victimes, leurs parents ou tuteurs et représentants légaux devraient, dans la mesure où cela est possible et opportun, être dûment et rapidement informé:

a) De l’évolution et de l’aboutissement de l’affaire les concernant, y compris en cas d’appréhension, d’arrestation, ou de détention du mis en cause  et de tout changement pouvant intervenir à cet égard, ainsi que de la décision du procureur, des développements pertinents après le procès et de l’issue de l’affaire;

b) Des possibilités d’obtenir réparation du délinquant ou de l’État, par le biais du processus de justice, d’actions alternatives à mener au civil ou par d’autres moyens.

 

 

4/Le droit d’être entendu et d’exprimer ses opinions cf : art 12 CIDE

Garantissant :

*le droit à l’expression selon les capacités et aptitudes ;

*et la prise en considération de cette expression

Les professionnels devraient tout faire pour permettre aux enfants victimes et témoins d’exprimer leurs opinions et leurs préoccupations concernant leur participation au processus de justice, y compris:

a) En s’assurant que les enfants victimes et, , témoins soient consultés sur toutes questions nécessaires;

b) En s’assurant que les enfants victimes et témoins puissent, librement et à leur manière, exprimer leurs opinions et leurs préoccupations quant à leur participation au processus de justice, et faire part de leurs préoccupations concernant leur sécurité par rapport à l’accusé, de leur préférence sur la façon de témoigner, ainsi que de leurs sentiments concernant l’issue du processus;

c) En prenant dûment en considération les opinions et les préoccupations de l’enfant et, il faut s’il ne leur est pas possible d’y répondre, en expliquer les raisons à l’enfant.

 

5/Le droit à une assistance efficace cf : art 6, 37, et 40 CIDE

Exigeant :

*une assistance totale et complète : juridique, financière, psychologique, médicale…

*le travail en coordination des acteurs ;

*des soutiens spécialisés ;

*la protection des intérêts.

Les enfants victimes et témoins, les membres de leurs familles devraient avoir accès à une assistance fournie par des professionnels ayant reçu une formation adéquate.

Ces services pouvant comprendre l’assistance financière et juridique, des conseils, des services de santé, d’aide sociale et éducative, de réadaptation physique et psychologique ainsi que d’autres services nécessaires à la réinsertion de l’enfant.

Cette assistance devrait répondre aux besoins de l’enfant et lui permettre de participer efficacement à toutes les étapes du processus de justice.

 

Les professionnels qui aident les enfants victimes et témoins devraient tout faire pour coordonner leur travail afin de limiter le nombre d’interventions à l’égard de l’enfant.

 

Les enfants victimes et témoins devraient, dès le dépôt du rapport initial et pour tout le temps nécessaire, recevoir l’aide de personnes de soutien comme les spécialistes des questions relatives aux enfants victimes et/ou témoins.

Les professionnels devraient développer et appliquer des mesures facilitant le témoignage des enfants, pour améliorer la communication et la compréhension, autant avant le procès qu’aux différentes étapes de ce dernier, ce qui nécessite entre autres:

a) Que les spécialistes des questions relatives aux enfants victimes et témoins répondent aux besoins particuliers de l’enfant;

b) Que les personnes de soutien, y compris les spécialistes et les membres appropriés de la famille de l’enfant, accompagnent celui-ci pendant son témoignage;

c) Que des gardiens ad litem soient nommés, pour protéger les intérêts juridiques de l’enfant.

 

6/Le droit à la vie privée cf : art 37, 40

Garantissant : le respect total et absolu de la confidentialité.

La protection de la vie privée des enfants victimes et témoins devrait être une question prioritaire.

 

Les informations relatives à la participation de l’enfant au processus de justice devraient être protégées.

Pour cela, il faut respecter la confidentialité et limiter la divulgation d’informations qui pourraient mener à l’identification d’un enfant victime ou témoin participant au processus de justice.

 

Des mesures devraient être prises pour éviter aux enfants d’être trop mis en contact avec le public, par exemple en excluant le public et les médias de la salle d’audience pendant que l’enfant est auditionné ou témoigne.

7/Le droit d’être protégé contre les épreuves pendant le processus de justice cf : art 6, 37, 40 CIDE 39 CIDE

Exigeant :

*d’éviter un traumatisme supplémentaire ;

*d’informer juste ;

*d’assurer un traitement correcte de la cause de manière adaptée et en célérité

*de limiter les entrevues ;

*d’user de moyens moins traumatisants pour les investigations ;

*de protéger durant l’audition.

Les professionnels devraient prendre des mesures pour éviter des épreuves aux enfants victimes et témoins lors de la détection, de l’enquête et des poursuites, afin que leur intérêt supérieur et leur dignité soient respectés.

 

Les professionnels devraient faire preuve de sensibilité dans leurs rapports avec les enfants victimes et témoins, afin de:

a) leur fournir un soutien y compris en les accompagnants dans tout le processus de justice lorsque cela est dans leur intérêt supérieur;

b) Donner aux enfants victimes et témoins un maximum de certitude, en leur indiquant clairement ce qu’ils peuvent attendre du processus. La participation de l’enfant aux audiences et au procès devrait être planifiée à l’avance et tout devrait être fait pour assurer la continuité dans les relations entre les enfants et les professionnels qui sont en contact avec eux pendant tout le processus;

c) S’assurer que les procès se tiennent dès que cela est matériellement possible, à moins que des délais ne soient dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Les enquêtes sur les infractions dans lesquelles des enfants sont victimes et témoins devraient être accélérées et il devrait y avoir des procédures, des lois et des règles procédurales permettant d’accélérer les affaires impliquant des enfants victimes et Témoins;      

d) Procéder au traitement judiciaire de la cause, d’une manière adaptée aux enfants, par exemple, en utilisant des salles d’entrevue prévues pour eux, en fournissant, en un même lieu, des services interdisciplinaires pour enfants victimes, en modifiant l’environnement des cours de justice pour tenir compte des enfants témoins, en ménageant des pauses pendant le témoignage de l’enfant, en tenant les audiences à des heures raisonnables pour l’enfant eu égard à son âge et à son degré de maturité ; en utilisant un système de notification approprié pour que l’enfant n’ait à se présenter devant le tribunal que lorsque cela est nécessaire et en prenant d’autres mesures appropriées pour faciliter le témoignage de l’enfant.

 

Les professionnels devraient aussi appliquer des mesures:

a) Pour limiter le nombre d’entrevues: il faudrait mettre en œuvre des procédures spéciales pour recueillir des éléments de preuve auprès des enfants victimes et témoins, afin de réduire le nombre d’entrevues, de déclarations, d’audiences et, en particulier, les contacts inutiles avec le processus de justice, par exemple en recourant à des enregistrements vidéo;

b) Pour faire en sorte que les enfants victimes et témoins ne soient pas soumis, si cela est compatible avec le système juridique et conforme aux droits de la défense, à un contre-interrogatoire mené par l’auteur présumé de l’infraction: et lorsque cela est nécessaire, on devrait procéder aux entrevues et interrogatoires des enfants victimes et témoins sans que l’auteur présumé de l’infraction puisse les voir, et des salles d’attente et d’entrevue séparées devraient être aménagées à cet effet;

c) Pour faire enfin en sorte que les enfants victimes et témoins soient interrogés d’une façon qui leur soit adaptée et permettre qu’une supervision soit exercée par les juges, pour faciliter le témoignage et réduire les possibilités d’intimidation, par exemple en utilisant des aides au témoignage ou en désignant des psychologues spécialisés.

 

8/Le droit à la sécurité cf : art 6 CIDE

Exigeant :

*de protéger contre le mis en cause et contre toutes possibilités d’intimidations.

Lorsque la sécurité d’un enfant victime ou témoin risque d’être menacée, des mesures appropriées devraient être prises pour que les autorités compétentes soient informées d’un tel risque et agissent pour en protéger l’enfant avant, pendant et après le processus de justice.

 

Il faudrait que les professionnels qui entrent en contact avec les enfants soient tenus d’informer les autorités compétentes s’ils soupçonnent qu’un préjudice a été causé, est causé ou pourrait être causé à un enfant victime ou témoin.

 

Les professionnels devraient être formés pour reconnaître et prévenir les intimidations, menaces et préjudices dont les enfants victimes et témoins peuvent être l’objet. Lorsque c’est le cas, des mesures appropriées devraient être mises en place pour garantir la sécurité de l’enfant. De telles mesures de protection pourraient inclure les éléments suivants:

a) Éviter, pendant tout le processus de justice, un contact direct entre les enfants victimes et témoins et les auteurs présumés des infractions;

b) Utiliser des ordonnances restrictives du tribunal et les faire inscrire dans un registre;

c) Ordonner la détention préventive des accusés et imposer des conditions interdisant tout contact pour la mise en liberté conditionnelle;

d) Placer l’accusé en résidence surveillée;

e) Faire protéger les enfants victimes et témoins par la police ou par tout autre organisme compétent, lorsque c’est possible et s’il y a lieu, et ne pas divulguer l’endroit où ils se trouvent.

 

9/Le droit de bénéficier de mesures préventives spéciales cf : art 3 CIDE, art 39 CIDE

 

Outre les mesures préventives qui devraient être mises en place pour tous les enfants, des stratégies spéciales sont requises pour les enfants victimes et témoins qui sont particulièrement exposés à une nouvelle victimisation ou de nouvelles infractions.

 

Les professionnels devraient développer et mettre en application des stratégies et des interventions globales spécialement conçues pour les cas d’enfants qui risquent d’être de nouveau victimes. Ces stratégies et interventions devraient prendre en compte la nature de la victimisation, y compris lorsqu’il s’agit de sévices dans la famille ou en institution, d’exploitation sexuelle et de trafic d’enfants. Ces stratégies peuvent comprendre celles dont l’État, les quartiers ou les citoyens prennent l’initiative.

 

10/Le droit à la réparation

 

Les enfants victimes devraient, lorsque c’est possible, obtenir réparation pour permettre le rétablissement de la situation antérieure, la réinsertion et la réadaptation. Les procédures pour obtenir réparation et en exiger l’application devraient être adaptées aux enfants et leur être facilement accessibles.

Pour autant que les procédures soient adaptées aux enfants et respectent les présentes Lignes directrices, il faudrait encourager des poursuites jumelées au pénal et en réparation ainsi que des poursuites dans le cadre de la justice informelle ou communautaire comme la justice réparatrice.

 

Les mesures de réparation peuvent comprendre: une compensation ordonnée par le tribunal pénal au délinquant, une aide par des programmes d’indemnisation des victimes administrés par l’État et le paiement de dommages et intérêts ordonnés par un tribunal civil.

Lorsque cela est possible, la question des coûts de la réinsertion sociale et éducative, des traitements médicaux, des soins de santé mentale et des services juridiques devrait également être abordée.

Des procédures devraient être instituées pour permettre l’exécution des ordonnances de réparation et le paiement des réparations, sous peine d’amendes.

 

Conclusion :

Il se trouve donc parfaitement justifié au regard des exigences ci-dessus rappelées, la nécessité de la mise en place au Sénégal, d’une assistance aux enfants victimes ou témoins conforme aux standards ci-dessus.

Et à ce titre les points urgents à réformer doivent être les suivants :

  • D’abord la garantie d’une bonne protection de la loi par rapport à la gestion de la révélation des faits et la saisine de l’autorité judiciaire.

En effet, pour l’enfant victime (si la source de la victimation consiste en des abus), ou même en danger la saisine judiciaire, découle d’une étape majeure, qui est la révélation des faits.

Car lorsque qu’un mineur est victime d’une infraction, les faits peuvent être rapportés par l’enfant lui-même, ou un majeur de son entourage.

Mais qu’en est-il si le mineur reste silencieux ?

Et cette situation ne doit pas favoriser l’impunité.

Il revient donc aux majeurs et surtout aux professionnels qui entourent l’enfant, de détecter ces signes et de les signaler  pour que soit mise en place la protection du mineur.

La contrainte de la loi doit donc garantir cette révélation des faits, pour assurer la saisine de la justice.

Il est notable que pour l’enfant en danger la loi a prévu une forme de signalement, et même l’auto saisine du Président du Tribunal pour Enfant.[7]

Mais pour l’enfant victime la mise en mouvement de l’action publique, ne découlera que de la plainte de la victime, et c’est au détenteur de l’autorité parentale que revient cette charge  déposer cette plainte, cela  même si l’enfant peut être admis à signaler les faits (numéro vert d’appel).

Il est donc souhaitable en codifiant la procédure de signalement, d’assurer la garantie par la loi de la révélation des faits et la saisine de l’autorité judiciaire.

A cela s’ajoute aussi :

  • L’urgente formation des acteurs en charge de la procédure à pouvoir recueillir la parole de l’enfant dans le respect de son intérêt supérieur, dans la dignité et la compassion.
  • La mise en place de procédures conformes aux exigences des directives susvisées.
  • La formation et la mise en place de format d’intervention organisée par des équipes multidisciplinaires de prise en charge.   

Tout cela comporte donc l’exigence d’une législation aux normes.

 

Me François M. Diassi

Dakar le 5 novembre 2012.



[1] La Convention internationale relative aux Droits de l’Enfant.

[2]Cette énumération n’est pas une liste d’infractions mais constituent des faits source possible d’infraction : ainsi par exemple, l’exploitation économique est un des éléments matériel de l’infraction de traite des personnes, comme aussi l’exploitation sexuelle.

[3] Le contrat d’apprentissage est régi par l’article L.73 du code du travail.

[4]C’est par un arrêté distinct hors code du travail portant le n°3748 du 6 janvier 2003 relatif au travail des enfants, qu’il est fixé l’âge légal d’admission au travail pour les enfants. Un autre arrêté n°3749 de la même date interdit les pires formes de travail des enfants.

 

[5] Le centre Guindi est un centre d’accueil, d’information et d’orientation pour enfants en situation difficile, créé en 2003 à l’initiative du Chef de l’Etat de l’époque. Le centre est chargé principalement de l’accueil, l’assistance et l’accompagnement psychosocial des enfants des rues, mais reçoit aussi d’autres enfants et jeunes femmes victimes de maltraitance, de sévices et/ou d’exploitation. Il dépend du Ministère de la Famille. Et ce centre n’existe qu’à Dakar, ce qui limite son rayon d’action.

[6] Voir Les Règles minima des Nations Unies de protection des enfants victimes et témoins d’infractions criminelles :

Lignes directrices en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels Adoptées par le Conseil économique et social dans sa résolution 2005/20 du 22 juillet 2005

 

[7] Voir l’article 595 CPP applicable pour l’enfant en danger uniquement.

le carré des mineurs réalisé par le BICE à Diourbel sous la coordination de Me Diassi et des activités d'ergothérapie initiées

D'AUTRES ÉVOLUTIONS NÉCESSAIRES DU SYSTÈME SUR LA PROTECTION GÉNÉRALE DE L'ENFANT

LE DROIT A LA PARTICIPATION[1] DE L’ENFANT AU SENEGAL

Le droit international par la CIDE[2], a consacré un statut rehaussé de l’enfant au sein de la famille et de la société. L’enfant occupe une place juridique nouvelle dans la société contemporaine, lui reconnaissant une participation accrue à la vie sociale et aux procédures produisant des conséquences sur sa vie.

Conformément à l’article 12 de la CIDE, son droit à la participation est exigé dans toute la vie sociale.

La présente analyse de ce droit à la participation, permettra d’en déterminer les contours, par la définition de son sens (I), puis de préciser le cadre et les contraintes de son application au Sénégal (II), et enfin de proposer les voies d’amélioration de cette application (III)

I/ DETERMINATION DE LA NOTION  DU DROIT DE PARTICIPATION DE L’ENFANT :

Il s’agit là de savoir ce qu’il signifie d’une part et d’autre part les conditions facilitantes de son application :

1.    Contenu et sens du droit à la participation de l’enfant

Depuis le 20 novembre 1989 date d’adoption de la CIDE, l’enfant est installé dans un nouveau statut juridique, avec la qualité de sujet de droits.

Ce statut juridique de l’enfant, pour sa  protection et assistance par tous, lui confère des garanties légales dont le droit à la participation, ce pour agir comme acteur à la maitrise de son destin.

L’article 12 de ladite convention rappelle en effet, que l’enfant a le droit dans toute question ou procédure le concernant, d’exprimer librement son opinion, de voir cette opinion prise en considération.

Il en ressort que l’enfant bénéficie donc, du droit de participer aux procédures le concernant, et c’est un droit tant d’expression, que de participation.

Et cette expression requise est d’abord fondée sur le respect de l’article 13 de la CIDE, lui reconnaissant l’aptitude d’avoir des opinions et de pouvoir les exprimer sans restriction.

 

Concrètement il s’agira de reconnaître à l’enfant :

* d’avoir le droit (ce n’est pas une faculté) ;

d’avoir aussi les moyens[3] (ce qui suppose préalablement son information et le respect par les acteurs concernés de son droit à l’information conformément à l’article 17[4] de la CIDE),

*en plus la place[5], la possibilité[6], et si nécessaire le soutien (d’où organisation donc de tout un cadre de réception de cette parole).

 

Tout cela étant garanti pour permettre à l’enfant de pouvoir :

*exprimer librement ses opinions  (librement car ce n’est pas une obligation machinale, mais un choix pour l’enfant, choix aussi exercé sans manipulation);

*être entendu (d’où une disponibilité et qualité d’écoute évitant toute re - victimisation, mais aussi protection contre des représailles).

 Et conséquemment lui permettre de contribuer aux décisions à prendre sur toutes les questions le concernant ;

Qu’au total, et en finalité, que les opinions émises par l’enfant, soient alors prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.

En retenant que l’âge quel qu’il soit  n’est pas un frein à l’exercice par l’enfant de ce droit[7].

Voilà donc comment entendre et comprendre le droit à la participation, qui dans sa mise en œuvre, s’appuiera sur le respect préalable du droit à l’information et sur l’appréciation du discernement de l’enfant.

Car la condition préalable à ce droit d’être entendu[8], c’est le respect essentiel du droit de l’enfant, à l’information prévu à l’article 17 de la CIDE.

C’est en effet la pleine information  de l’enfant qui éclaire sur la portée de la participation (c’est-à-dire les effets qui en découlent), ses limites, ses résultats réels attendus.

Il s’agit d’une information  préalable d’abord, puis ensuite en retour information sur la façon dont l’opinion donné a été pris en compte.

 

Préalablement toujours, cette participation de l’enfant doit être appréciée en référence à son discernement avéré ou non.

Mais cette appréciation du discernement n’est ni un frein ou une exclusion à l’application du droit; elle impose seulement un devoir d’évaluer les aptitudes, la capacité de l’enfant de se forger une opinion.

Cette capacité doit aussi être présumée, c’est-à-dire qu’aucune contrainte n’est imposée à l’enfant, pour en faire la preuve préalable.

 

Enfin l’opinion exprimée par la suite par l’enfant, devra être en prise en considération, pour analyser ce qui doit constituer son intérêt supérieur.

Et l’explication justificative de cette analyse, vient de ce que le mineur est certes admis à pouvoir exprimer son opinion, mais à la différence de l’adulte, il n’est pas considéré comme étant le mieux placé pour définir lui-même ses intérêts[9].

Au total, le droit à la participation ainsi présenté, est une obligation, une garantie juridique due à l’enfant.

Et dont l’Etat ne peut faire l’économie de sa mise en œuvre, d’où la question de savoir,  selon quels moyens, il lui nécessaire de l’assurer ?

 

Il y a donc à prendre en compte, des corollaires d’application de ce principe, à savoir son lien avec les autres principes directeurs de la CIDE d’une part, et d’autre part le devoir d’assurer une certaine qualité d’intervention dans son application.

Reprenons ces 2 points :

2.    Le lien essentiel du droit de la participation avec les principes directeurs de la CIDE.

Ce droit à la participation ne s’apprécie et ne s’applique qu’en lien avec les autres droits de l’enfant, mais plus particulièrement encore, avec la notion d’intérêt supérieur et tous les autres principes fondamentaux de la CIDE.

En effet le principe posé par l’article 12 fait partie intégrante des 4 autres principes fondamentaux directeurs de la CIDE, à savoir : le principe de non-discrimination, du devoir de respect de l’intérêt supérieur, et bien sûr du droit au développement.

C’est pourquoi l’analyse de la qualité de son application, fera nécessairement le lien[10] avec ces principes susvisés d’intérêt supérieur, et de droit au développement.

La référence à ces deux principes est en effet une garantie d’évaluation de la parfaite expression de l’enfant par rapport au respect de ses droits.

Car il sera impossible de garantir ces deux principes dont s’agit sans écouter et entendre l’enfant.

Et il est  à rappeler que l’intérêt supérieur doit être la finalité des décisions prises au profit de l’enfant individuellement comme collectivement.

En plus de ces pré requis sus évoqués aucune discrimination n’est admise, dans la mise en œuvre du droit à la participation, l’attention accrue étant demandée  d’éviter les stigmatisations ou les disparités de prise en charge.

 

Il devient donc évident que l’’article 12 enfin influe sur tous les autres droits de l’enfant, car leur mise en œuvre ne sera pas, si l’enfant n’est pas respecté, en tant que sujet et aussi dans l’expression de ses propres opinions.

 3.    Les autres exigences pratiques de la mise en œuvre du droit de participation

Pour l’exercice de ce droit à la participation le cadre et les pratiques professionnelles vont fondamentalement devoir être réformés selon un mode opératoire nouveau.

Car ce droit à la participation intéresse toutes questions relatives à l’enfant, et dans toutes les procédures administratives ou judiciaires le concernant.

Dès lors aucun espace de vie ou d’évolution de l’enfant n’en est exclu, que l’enfant soit acteur ou sujet de la cause, agissant individuellement ou collectivement dans un groupe d’enfants.

Sa mise en œuvre va donc bouleverser tous les modes opératoires habituels, entrainant le besoin d’user d’un guide d’application.

C’est pourquoi l’accompagnement de l’enfant à ce titre devra être conçu non comme une intervention ponctuelle, mais comme un processus à mettre en place, avec certaines qualités attendues dans l’action des acteurs à savoir :

  • Garantir une transparence, par la mise à disposition pour l’enfant de toutes les informations nécessaires sur le contenu du droit conféré et les conséquences de son usage.
  • Respecter  la volonté de l’enfant d’user ou de refuser l’usage de son droit à l’expression, avec la garantie de ne jamais être manipulé dans cette situation.
  • Assurer le respect[11] de l’enfant dans les modalités de la réception de son opinion tant du point de la forme que du contexte.
  • Rechercher la pertinence, en ce que l’opinion à émettre soit en lieu avec ce qui fait présentement la vie de l’enfant, son centre d’intérêt, cela pour l’aider au développement de ses connaissances et capacités.
  • Garantir l’adaptation des moyens en usage, des méthodes et environnement de travail aux capacités de l’enfant, pour permettre sa bonne préparation et son soutien dans la participation.
  • Assurer un accompagnement à la participation, exclusif de toute discrimination et garantissant l’égalité des chances.
  • Assurer une formation de tous les acteurs intéressés à posséder les compétences requises pour assurer cet accompagnement.
  • Garantir la protection de l’enfant contre tous les risques pouvant résulter de l’expression de l’opinion émise.
  • Assurer l’évaluation et le retour d’information sur toute cette participation conférée à l’enfant.

Telles doivent donc être les conditions facilitantes de la mise en œuvre du droit à la participation de l’enfant.

En tout cela l’appui de l’Etat est fondamental pour l’encadrement des acteurs, ainsi que pour parvenir à la réalisation de la garantie.

 

Partant donc de cette présentation conceptuelle, il importe maintenant de déterminer l’état de la mise en œuvre du droit à la participation dans le contexte sénégalais.

 

II/ETAT ACTUEL DU DROIT A LA PARTICIPATION AU SENEGAL

Par cette analyse, il est à distinguer un espace d’application non judiciaire, puis judiciaire.

 

A/ S’agissant de l’espace de vie  non judiciaire de l’enfant:

Ces espaces sont la famille, ou les cadres de substitution à la famille, l’école, les centres de santé, de sport, de culture ou de loisirs. Il s’agit d’y étudier le niveau de la mise de ce droit à la participation.

1.    En famille il est notable que, le droit à la participation est  légalement admis, mais sans  format d’application ou de sanction définis. 

  • Son domaine d’usage dans la famille, est à trouver dans l’exercice de l’autorité parentale conféré pour le gouvernement de l’enfant

 

En effet c’est dans le devoir d’attention des parents aux besoins de l’enfant pour  son développement, que s’ouvre un domaine d’usage du droit à la participation. Il s’agit que s’expriment les opinions de l’enfant dans la recherche des solutions à la satisfaction de ses besoins.

Les sujets de l’obligation, sont les parents ; mais de quel modèle, devraient-ils s’inspirer pour réaliser l’application de la participation? Ce modèle peut être tiré de la tradition comme de l’outil juridique.

Pour ce qui est de la tradition, par référence tiré de la sagesse populaire africaine qui prend école sur la Nature ; il est enseigné par une belle définition, l’exercice de l’autorité parentale, tant en termes de respect du droit d’expression de l’enfant, que  d’illustration de l’accompagnement de l’enfant par les parents. Ce qui démontre que la tradition intégrait bien cette dimension de la participation de l’enfant.

Cette sagesse populaire rappelle ainsi que : « Comme l’arbre[12] notre enfant a besoin d’être protégé. Il a besoin d’être nourri, habillé, soigné.

Et  en cela l’éduquer, c’est aussi le former,  le redresser, guider l’enfant pour qu’il devienne capable de faire le bien qu’il désire…Et comme on ne fait pas pousser des mangues sur un bananier. De même nous ne forcerons pas notre enfant à devenir ce que nous avons décidé sans lui demander son avis.

Nous l’aiderons à devenir ce que son cœur lui dit. Car comme le dit le proverbe : on n’a pas besoin d’apprendre à l’arbre quel fruit donner. Eduquer ce n’est donc pas forcer, c’est respecter et aussi avoir confiance.

Ainsi pour que notre enfant devienne lui-même nous mettrons à sa disposition ce que nous avons de meilleur : nos connaissances, nos qualités, notre amour.

Mais sans jamais nous impatienter, car même si on tire sur le palmier, on ne le fera pas grandir plus vite !...Le métier de jardinier s’apprend ; le métier de parents aussi[13]. »

 

Au-delà de la tradition, c’est dans le droit qu’il faut rechercher le mode opératoire à ce droit à la participation.

Ainsi dans la famille première cellule de protection, les parents sont donc appelés à assumer les fonctions spécifiques  d’éducation et d’encadrement[14] en usant du    pouvoir légal issu de l’autorité parentale sur l’enfant.         

Cependant l’autorité parentale avec le nouveau statut juridique de l’enfant n’est plus sa simple soumission aux parents, mais  comporte aussi l’obligation de ces parents de reconnaitre et respecter les droits de l’enfant, ce pour agir à la préservation de ses intérêts.

Ce nouveau sens de l’autorité parentale, concourt à l’épanouissement de l’enfant en le préparant à la vie d’adulte, tout en lui garantissant son droit de participation.

Mais le modèle issu de l’outil juridique comporte toutefois une insuffisance.

 

  • Car l’autorité parentale dans son expression légale actuelle au Sénégal, n’intègre pas expressément le droit à la participation de l’enfant

 

En effet au Sénégal malgré cette parentalité[15] admise, le format de la participation de l’enfant selon l’article 12 de la CIDE, n’a pas un contour légal défini.

Car l’autorité parentale est instituée sans référence expresse à la forme ou aux modalités à respecter pour la mise en œuvre du droit à la participation de l’enfant.

La loi dit simplement que : « …il (c’est-à-dire le parent) ne peut faire usage des droits de la puissance paternelle[16] que dans l’intérêt du mineur» ; voir article 283 CF.

Il n’y a pas de référence dans ce texte de loi, à un format d’application suggéré induisant la participation de l’enfant dans l’exercice de cette autorité parentale.

Pour trouver le fondement de son admission[17], il faudra tendre vers l’interprétation du  contenu de la notion d’intérêt de l’enfant retenu par le texte de la loi. Et à ce titre s’appuyer  par analogie[18], sur le principe plus connu d’intérêt supérieur, compris comme incluant la nécessité d’une participation de l’enfant[19].

En l’état de ce silence légal, constatons aussi, qu’en cas de non-respect par les parents de la participation requise de l’enfant, aucune forme ou règle n’est définie pour veiller à sa garantie.

Il n’y a donc pas dans la loi, de suggestions et éclairages sur les modalités d’exercice de la participation requise.

Mais au vu du caractère d’obligation de cette exigence de la CIDE, il en résulte, la nécessité concrète d’imaginer voire d’inventer le format  d’application nécessaire.

  • Une révision du cadre d’intervention est donc nécessaire sur plusieurs plans, pour une garantie effective du droit à la participation

Le silence légal constaté, implique en effet un besoin de révision de la loi, des pratiques et des politiques.

La loi, les politiques ou programmes destinées aux familles et pouvant concerner l’enfant, doivent donc définir un espace ou une forme d’exercice du droit de participation de l’enfant.

Mais cet effort de révision, ne devra pas méconnaitre le contexte socio culturel[20], en ayant le souci de l’inculturation de ce droit selon des formats et par une expression de l’enfant respectueuse des valeurs culturelles et sociétales.

 

Il doit donc s’aménager dans la famille avec l’appui de l’Etat des formes et modalités de mise en œuvre cette participation de l’enfant aux décisions le concernant.

La nouvelle parentalité rôle qui s’apprend[21], justifie cet accompagnement nécessaire.

 

Car les familles actuelles au Sénégal, nées d’une recomposition sociale crée par l’urbanisation croissante[22], sont de plus en plus coupées dans l’éducation, des liens et apport de la tradition[23], d’où nécessité dès lors de leur besoin d’être accompagnées dans leur rôle auprès de l’enfant.

L’Etat doit prendre le relais de substitution[24], en l’absence ou en cas de faiblesse relevée de ces cadres de socialisation.

 

Cette parentalité devra s’exercer selon des droits et devoirs déterminés par la loi[25] réformée dans sa rédaction, pour une prise en compte plus explicite du principe. Le texte de la loi doit asseoir une domestication accrue du principe.

Les parents sont donc appelés pour faciliter la socialisation de l’enfant, à une parentalité qui garantit la préparation de l’enfant à exercer son droit d’être entendu.

Le Sénégal au-delà de la réforme de la loi, est donc astreint à appuyer les familles dans un apprentissage de leur rôle à ce titre, et les médias doivent aussi participer à cet appui.

 2.    Hors le cadre familial et dans les autres espaces de vie de l’enfant sénégalais, le droit à la participation est encore dans un format non déterminé.

 

a/Etat de la question dans les institutions d’accueil :

En l’absence de la famille ou hors le cadre familial, les institutions d’accueil de l’enfant ont une mission de protection de remplacement.

Et à ce titre ils doivent assurer une participation de l’enfant aux décisions qui peuvent le concerner, tant au titre de la détermination de la mesure de placement que dans le déroulement des différents formats de prise en charge.

Il doit s’y exercer le contrôle de cette mise en œuvre par la voie interne et externe, et au besoin le juge pourrait intervenir. Mais en pratique, cette attente n’est pas conforme à la réalité, car l’enfant y reste souvent soumis à la décision prise d’autorité.

S’agissant des centres sous mandat judiciaire: ce rôle[26] y est dévolu à l’AEMO[27] et tend généralement à être respecté[28], mais des insuffisances comme l’absence de ressources, de moyens en personnels ou en formation peuvent constituer un handicap.

 

 

b/S’agissant de l’école, des centres de santé, espaces de jeux, de culture ou de sport

Normalement pour l’école, la prise en charge scolaire, ou éducative doit exiger la participation, l’association de l’enfant au déroulement de programmes adaptés.

Ainsi les programmes doivent être exécutés avec un rôle participatif et interactif de l’enfant, dans le respect d’un code de conduite non discriminatoire.

 

Mais actuellement au Sénégal, le constat est  que d’abord l’école moderne n’intègre pas tous les enfants d’âge scolaire ; et les structures traditionnelles alternatives[29] sont dans un format non intégrateur de cette norme de la CIDE.

En plus l’école publique dans son modèle, vit encore la transition entre l’éducation ancienne plus directive et celle dite moderne.

Elle subit également la démotivation[30] du personnel enseignant, résultant souvent de l’absence de vocation préalable à l’exercice de la profession[31].

Il s’y ajoute aussi que les programmes et supports d’enseignement évoluent sans cesse sans détermination ou intégration formelle de schémas  de mise en œuvre de ce droit à la participation; car au plan de l’expression l’élève n’a préalablement aucune voix dans la confection du type et contenu d’enseignement ; le schéma participatif n’y est pas installé.

Enfin les conseils de classe ne donnent pas aussi une part d’expression à l’élève.

Conséquemment de tout cela, l’écoute due pour répondre aux divers besoins de l’enfant en ce cadre scolaire, n’est pas la première des priorités, encore moins son droit à la participation, et cela rend nécessaire une formation des acteurs sur ce plan.

 

S’agissant des services publics de santé, l’enfant plus que l’adulte, y subit tout l’arsenal curatif sans voix au chapitre.

Le médecin et les personnels de santé ne sont pas encore installés dans une dimension de dialogue avec le malade. Conscient de leur savoir ils se préoccupent plus du résultat curatif à atteindre, avec une part très réduite à un temps d’explication du processus.

Il faut noter cependant à leur décharge, le poids du nombre et l’inadaptation des structures de prise en charge, ne facilitant pas ce rapport, cette relation d’écoute ou d’exercice d’un droit à la participation.

 

S’agissant des jeux et sport, l’enfant s’il en dispose[32], est confronté au choix quelquefois inadapté des adultes, plus soucieux d’eux-mêmes, que de la place des enfants[33].

Et même les lieux et espaces potentiellement ludiques des quartiers de vie sont squattés par ces derniers, en garages, commerces et autres formes d’occupation ; en ne laissant aux enfants aucune place, encore moins un temps pour donner leur avis.

 

Par rapport enfin à la culture, les activités sont largement déterminées par les adultes selon des formats  préparées à l’avance, et dans lesquelles les enfants s’invitent.

 

Au final donc le grand écueil sur tous ces plans, découle de l’absence de conscience de ce droit de l’enfant et de l’absence de formation des personnes en charge de la préoccupation.

En plus les textes en vigueur relatifs à ces différents espaces de vie relevés, n’ont ni précisé, ni intégré en termes d’exigence le droit à la participation.

 

 

 

 

B/ Quid maintenant du droit à la participation dans l’espace judiciaire sénégalais ?

La justice pour assurer la protection des droits de l’enfant, a un rôle de veille, de prévention, de sauvegarde, de correction ou rectification des situations débilitantes.

Le juge a la mission de veiller sur l’exercice normal de la parentalité, et doit intervenir pour prévenir sa défaillance, d’où sa proximité avec la famille.

Dans ce cadre judiciaire les mineurs doivent donc pouvoir exprimer leur opinion et voir leur intérêt pris en compte. La mise en œuvre de l’article 12 de la CIDE, entrainera alors à leur égard une  prise en charge judiciaire spécifique.

Mais en justice, un régime particulier de protection est imposé à l’enfant en raison de son âge et de sa faiblesse, il est ainsi considéré comme juridiquement incapable.  Néanmoins le droit à la participation lui est reconnu et doit être garanti[34].

Il se pose donc la question de sa représentation et assistance intégrant ce droit à la participation.

Il s’agira alors d’organiser sa représentation légale devant la justice, et de trouver les voies et moyens de garantir l’expression son opinion lors des auditions et  procédures.

En pratique et au plan général du fait de cette incapacité d’exercice relevé, le mineur est  représenté par ses parents titulaires de l’autorité parentale, ou par une autorité désigné en substitution (administrateur ad hoc), lorsque ses intérêts sont en opposition avec ceux de ses représentants légaux.

Deux situations sont à analyser sur ce plan, à savoir le cas d’une intervention devant le juge civil ou encore devant le juge pénal

 

  • Distinguons d’abord la présence de l’enfant devant le juge civil :

Au Sénégal, les textes légaux de sa prise en charge en droit civil, sont le Code de la Famille (pour les affaires familiales) et le Code de Procédure Civile pour l’aspect procédural.

A ce niveau l’incapacité des mineurs, implique  une représentation normalement par le parent, à défaut par un tuteur ou un administrateur ad hoc.

Le juge civil se suffit pour l’instant de la présence de ces représentant légaux, car les règles de procédure actuellement applicables n’exigent ni ne comporte son astreinte à mettre en œuvre le droit de participation dans le contenu défini par l’article 12 de la CIDE. L’enfant n’est donc quasiment pas entendu.

Cela s’illustre clairement dans la revue des dispositions légales des différentes procédures civiles, comme l’attribution de la garde de l’enfant suite au divorce de ses parents, la mise en tutelle, en  administration légale, en émancipation, la procédure de filiation, d’adoption ou de changement de nom[35].

 

 

  • Le cas de la présence de l’enfant devant le juge pénal

Dans la procédure pénale actuelle, la prise en compte du droit à la participation est encore minimaliste en l’absence d’une législation conforme à l’exigence de l’article 12 de la CIDE. Cela peut s’illustrer selon les différents justiciables concernés.

 

  • Pour l’enfant en danger

Il est partie à la procédure et conséquemment et devra jouir de son droit à la participation ainsi que des droits procéduraux[36] dont l’exercice par lui-même reste subordonné à sa capacité de discernement.

Toutefois dans la réalité procédurale actuelle, il dépendra aussi du pouvoir discrétionnaire du juge installé dans une procédure non formalisé sur les exigences du droit à la participation.

En ce sens le juge peut s’auto saisir, et dispose de larges pouvoirs d’investigation pour procéder à l’instruction de l’affaire, pour prendre des décisions significatives pour le mineur, comme l’assistance éducative ou le placement ; il doit simplement veiller à décider en stricte considération de l’intérêt de l’enfant et rechercher l’adhésion de la famille.

 

  • Pour l’enfant victime ou témoin devant le juge pénal

Pour ces justiciables[37] il faut distinguer leur prise en charge.

Pour l’enfant victime, c’est l’incapacité d’exercice qui s’applique, sans référence ni intégration dans la procédure du droit à la participation.

Ainsi en pratique l’enfant victime agit par la représentation de son parent, tuteur ou administrateur ad hoc, exerçant l’action au nom, pour le compte de l’enfant et dans son intérêt.

Ce représentant dispose des droits procéduraux comme celui de demander l’accomplissement de certains actes ou celui de faire appel des décisions.

Mais cette incapacité d’exercice comporte le risque d’un mauvais exercice des droits du mineur par son représentant ; et alors le non-respect du droit à la participation minore les moyens d’une protection à ce titre.

 

L’enfant témoin quant à lui, n’est pas partie à la procédure, mais doit être entendu, selon des modalités d’ailleurs non encore spécifiquement définies par la loi actuelle.

Le format procédural actuel doit ce qui le concerne, être adaptée aux exigences du droit à la participation, et notamment par le respect préalable du droit à l’information, et à l’accompagnement nécessaire pour un témoignage respectueux de son état.

 

  • Pour l’enfant en conflit avec la loi

Il est partie à la procédure mais cependant la procédure actuelle s’impose d’autorité à son égard, et il reste totalement soumis au pouvoir discrétionnaire du juge[38], et des autres acteurs intervenants (police, et autres autorités de la poursuite).

Et les décisions procédurales même prises en sa présence émanent de l’expression de ce pouvoir discrétionnaire, sans l’émission de son avis ou opinion préalable.

 

 

Au total dans toutes ces procédures prévues le droit à la participation n’est pas codifié dans le format exigé pour son exercice.

Et conséquemment, c’est donc tout le droit procédural civil comme pénal qui doit être réformé pour intégrer cette exigence.

Il en est de même des pratiques professionnelles, voire de l’organisation structurelle et fonctionnelle des juridictions.

 

Dès lors les nécessités d’amélioration suivantes peuvent être proposées à titre de recommandations, pour aboutir à une totale domestication de cette exigence de la CIDE.

 

 

 

 

 

III/LES AMELIORATIONS NECESSAIRES POUR LA GARANTIE DU DROIT A LA PARTICIPATION.

Il résulte de la réalité actuelle relevé et illustré, que la justice sénégalaise ne donne pas encore une pleine effectivité à la participation des mineurs dans les procédures les concernant.

Car il reste à s’appliquer dans leurs différents espaces de vie, une prise en considération de leurs opinions dans l’élaboration des décisions les concernant, ce conformément à l’exigence de la CIDE.

Des dispositions sont à prendre à prendre pour mieux garantir l’effectivité de ce droit. Et pour cela les axes de réforme suivants se dessinent.

D’abord des réformes juridiques et judiciaires, sont nécessaires pour la domestication du droit à la participation.

Et dans la révision légale à préparer, il sera important d’asseoir les mesures suivantes, d’abord dans le champ judiciaire, ensuite dans l’espace non judiciaire :

 a.    Il faut garantir la correcte mise en œuvre du droit à l’information[39]

Il faut garantir un réel accès au droit en réalisant un audit du dispositif actuel pour bien apprécier ses inconvénients, ses limites dans la mise en œuvre du droit à la participation. Et ensuite trouver les voies de sa modernisation pour son accessibilité aux mineurs.

 

Car l’accès au droit par les mineurs suppose préalablement une bonne compréhension des procédures et décisions.

Dans cette voie, il faut donc une adaptation au langage judiciaire, ce qui n’est pas le cas de ces mineurs, souvent issus de milieux socio-économiques défavorisés.

Et la compréhension par le mineur, mais aussi par ses parents, du langage de la justice est un gage d’acceptation et de bonne application des décisions judiciaires.

Tout autant cela constitue aussi la première étape du droit de participation, qui ne peut valoir expression, que sur d’abord sur ce que l’on comprend.

 

Ainsi la communication orale et écrite de la justice doit être adaptée pour les enfants.

Une réflexion sur la terminologie juridique[40] est donc nécessaire, ainsi que sur les formats et structuration des décisions. Par exemple il est à créer pour cela des feuillets explicatifs, en appui à la compréhension.

A ce niveau également la présence de l’avocat[41] prend toute son importance en plus. Il faut garantir donc la présence de l’avocat auprès des mineurs pour appui à ce droit à l’information.

 

Mais au-delà de la disponibilité de l’information juridique, il faut surtout rendre obligatoire  l’information du mineur sur son droit à être entendu et déterminer les modalités pratiques de la mise en œuvre de ce droit : convocation pour information, ou courrier dans un langage adapté à son âge, ou par tout autre forme à prévoir.

 

 

 

 

 b.    Il faut en plus renforcer la formation[42] des acteurs, ainsi que la coordination de leur action

En plus de la réforme légale, il est nécessaire de renforcer les capacités[43] des acteurs, sur les spécificités du droit des enfants.

Et cette formation devra concerner tous les acteurs, en particulier les magistrats tant au titre de leur formation initiale, continue ou de reconversion.

Ainsi l’ensemble des magistrats devrait être outillé à connaître le contentieux impliquant des mineurs et toutes ses exigences.

Et cela non plus seulement pour les juges pour enfant, qui en particulier doivent bénéficier en soutien de manière régulière d’une formation continue ou d’une spécialisation.

Mais ces formations doivent être rendues obligatoires et préalables pour tout magistrat appelé à exercer des fonctions proches de questions de la famille et de l’enfance.

 

Au titre des thématiques de formation, une maîtrise doit particulièrement être recherchée sur des notions essentielles de la psychologie infantile, de la communication avec le mineur ; il sera au total visé à faire acquérir les qualités techniques et humaines indispensables au bon accomplissement de la mission.

 

Les outils d’investigation et d’analyse doivent aussi être élaborés pour mieux aider le magistrat à  recueillir la parole, puis ensuite déterminer l’intérêt de l’enfant.

Car présentement chaque magistrat s’appuie sur sa propre méthode de travail, alors que des modèles types de trames réadaptables[44] peuvent aider à structurer l’information afin de mieux permettre de guider sur le processus de sa collecte, puis aider à  évaluer l’intérêt de l’enfant dans chaque cas.

Ces modèles sans être exhaustif viseraient à lister un ensemble d’informations indispensables à vérifier, puis à compléter et modifier selon le cas d’espèce.

Et ces modèles par la suite peuvent servir à établir un système d’évaluation des investigations réalisées.

Tout ceci devant contribuer à améliorer la qualité des décisions.

 

Il faut enfin réaliser de manière concertée, un guide des bonnes pratiques  à l’attention des juges  et des autres acteurs. Car certaines pratiques efficaces demeurent mal connues du fait du cloisonnement des juridictions et de l’absence d’outils de vulgarisation.

Il est à également à créer les conditions et les moyens d’une évaluation de la qualité de l’activité individuelle des magistrats et de l’action collective des services des tribunaux en instaurant des indicateurs de la performance.

 

Toujours dans le même volet de la formation, celle des avocats doit également être améliorée, pour aller au-delà d’une démarche volontaire et aboutir à une liste d’avocats spécialisés.

Il faut les inciter à se former aux questions liées à l’enfance et promouvoir puis faciliter leur spécialisation par des formations continues mises en place au sein de l’ordre des avocats.

 

La formation des autres acteurs, notamment policiers, administrateurs ad hoc, personne de soutien, médiateur, enquêteur, éducateur, devraient être pris en compte et autant que possible comme un préalable avant  leur intervention.

 

Il faudra enfin améliorer la coordination de l’action de tous les acteurs, promouvoir une dynamique réseau, pour renforcer leur adaptation à la spécificité de l’enfant, et créer la cohérence dans la prise en charge.

Cela entrainera à rompre la tendance d’agir isolationniste et individualiste, et les obstacles à la communication préjudiciables à la qualité du service.

 

A ce même titre des formations conjointes de tous les acteurs doivent favoriser l’émergence culture commune de la bonne prise en charge de l’enfant.

c.    Enfin il faut améliorer les conditions d’accueil des mineurs dans les juridictions

La justice sénégalaise actuelle n’offre pas un accueil adapté aux enfants, tant au niveau de leur particularité, que dans la qualité des espaces de leur audition ; alors que l’adaptation des locaux  des tribunaux aux enfants,  est aussi un impératif pour une justice de qualité.

Il n’existe actuellement pas de lieux d’accueil consacrés aux mineurs, il y a une absence de signalisation, de pièce dédiée, d’espace privé pour les entretiens ou attente.

Et ce manque d’infrastructures entraine des délais d’attente, une tension, une absence de confidentialité ; tout cela impliquant un besoin d’amélioration du cadre des Tribunaux pour la prise en charge des enfants.

A ce titre, il faut donc arriver à la définition d’un référentiel comprenant des standards d’accueil pour les mineurs.

Et pour cela il faut auditer toute la chaine de l’accueil, définir à chaque étape, les conditions matérielles requises pour satisfaire les normes de ce référentiel.

Mais au-delà de l’infrastructurel, l’aptitude du personnel à l’accueil des mineurs doit être capacité.

Relativement maintenant à la qualité de l’audition, il faut aider l’enfant à avoir une parole libre, par la création de conditions susceptibles de rendre l’audition sereine et rassurante.

Un guide d’audition insistant sur les précautions devant entourer le recueil et l’analyse de la parole de l’enfant en raison de sa spécificité, est aussi à créer comme cadre de référence.

Le guide des bonnes pratiques[45], pourrait l’intégrer et serait ensuite très indiqué à aider à une généralisation d’usage de ces conditions.

Enfin l’enregistrement de l’audition devrait être systématisé.

 

Telles sont donc les mesures proposées pour valoir sur l’espace judiciaire.

 d.    Hors maintenant le champ judiciaire, un énorme travail de sensibilisation est nécessaire :

Dans un plan général, il est notable qu’en Afrique l’imprégnation de la CIDE, de ses principes et règles, dont celui du droit à la participation, exigera de travailler pour que se réalise la transition en cours, des institutions traditionnelles garantes du patrimoine éducationnel vers les nouvelles à venir.

Et à ce titre il sera nécessaire de passer par la voie de l’inculturation, pour incorporer les règles nouvelles émanant de ces droits conférés.

Pour cela, la seule approche juridique dans la promotion des droits de l’enfant sera insuffisante, il faut la renforcer par l’approche culturelle pour accentuer l’imprégnation des droits dans les pratiques, actions coutumes, et faciliter leur application.

Et  l’usage des outils de transmission et d’intégration issus de la tradition : comme le récit, le conte, le chant, seront d’un grand apport, ainsi que l’appui de nos communicateurs traditionnels.

 

Dans un plan plus pratique, il faut aussi asseoir un réel plan de mise en œuvre des exigences de la CIDE [46], dont il faudra faire des évaluations périodiques.

 

Il faudra adopter aussi une démarche de veille au renforcement du droit à la participation, en s’assurant de sa prise en compte par les structures de prise de décisions, de définitions des politiques, ou de fournitures des services aux familles et aux enfants.

CONCLUSION

Le constat majeur résultant de cette étude est de noter l’absence depuis son adoption par le Sénégal, d’une totale imprégnation des principes et règles de la CIDE, d’où le moment venu de travailler sérieusement à la domestication de cet outil.

Par Me François M. Diassi

Dakar le 10 avril 2013

Annexes 

1/Encadré explicatif des fonctions de base de la famille, et du rôle d’encadrement des parents.

Il est en effet important de rappeler, les 7 fonctions de la famille dans l’éducation de l’enfant :

*il y une première fonction dite essentielle, qui est d’apporter la réponse à tous les besoins primaires de l’enfant, à savoir ses besoins de base : alimentation équilibrée, eau potable, toit, accès aux infrastructures de soins de santé primaires, et d’éducation…;

*il y a une deuxième fonction dite affective et relationnelle, fondée sur la relation de confiance: relation du nouveau-né avec la mère. Et sur le rôle des parents auprès de l’enfant, s’exprimant dans le sentiment de sécurité de confiance et d’amour procuré ; cette relation se poursuivant pendant l’enfance et l’adolescence,

*il y a une fonction éducative et pédagogique, venant du rôle de réalisation des premiers apprentissages, et de l’éveil à la vie ; de l’initiation au Jeu et loisir: essentiel au développement intellectuel, physique et social de l’enfant.

*il y a une fonction de structuration, d’orientation positive: pour aider l’enfant à devenir un adulte et un citoyen responsable. Les parents, exprimant des figures d’autorité, à côté de l’école et des institutions religieuses, pour donner les repères, le cadre d’évolution, les interdits qui facilitent la vie sociale ;

*il y a une fonction temporalisante qui instruit sur la notion du temps, de l’évolution dans la durée pour un bon développement ;

*il y a une fonction de solidarité qui apprend la notion d’interdépendances entre les membres d’une même famille ;

*il y a une fonction de socialisation qui instruit sur l’adaptation à la vie, à la vie sociale, par l’intégration des règles, des valeurs et des normes. Ce qui encourage les enfants à se sentir en sécurité et à développer leur potentiel.

2/Encadré explicatif des évolutions de la famille source de sa nouvelle recomposition sociale.

Dans la plupart des sociétés ouest africaines, c’est l’éducation selon la coutume qui se chargeait d’inculquer à l’enfant le sens de la vie et les règles de son intégration. Un encadrement socio-éducatif s’occupait de ne laisser aucune place à la déviance et cela grâce à la surveillance de tous les membres de la communauté, partenaire actif de la famille dans l’accompagnement éducatif de l’enfant.

L’enfant dans ce cadre, grandit donc évolue et s’intègre dans son environnement socio culturel, encadré par des mécanismes de contrôle et de régulation soucieux de son développement progressif, dans le respect de son âge et de ses capacités.

Cet équilibre traditionnel a été rompu par l’exode rural en direction des villes, et  l’urbanisation croissante de la société.

En effet la famille élargie, espace de compétences multiples de savoirs et de connaissances sur les besoins de l’enfant, a disparu au profit d’une recomposition sociale fondée sur un nouveau modèle avec des méthodes nouvelles d’éducation des enfants.

La vie urbaine a isolé les familles de la communauté, rompu les règles de régulation et laissé l’enfant à lui-même, sous un plus faible encadrement  que la famille actuelle ne pouvait seule assumer.

De plus les familles sujettes à des difficultés économiques croissantes, ont relâché leur prise en charge étant plus préoccupés à assurer leur subsistance.

D’autres facteurs socio culturels (divorce) favorisent également l’instabilité familiale, et la faible prise des enfants issus de ces familles devenues monoparentales.

Ainsi en général, les ménages urbains confrontés aux difficultés économiques, deviennent moins sensibles aux besoins et aux demandes de leurs enfants, et la pauvreté, plus encore le dénuement des familles migrantes des villes, accentuent la dilution de l’autorité parentale.

Il y aura donc un accompagnement nécessaire des familles, au plan économique et culturel  pour une intégration de ce droit à la participation de l’enfant.

3/Encadré explicatif sur les procédures civiles applicables sans intégration du format du droit à la participation

1er cas : L’enfant concerné par une procédure de divorce de ses parents

Dans ce cadre, la question de sa présence résulte des articles 180, 170 et 287 du Code de la Famille relative à la garde et la transmission de la puissance paternelle suite au divorce. Mais la procédure instituée ne fait pas exigence d’application du droit de participation telle que définie, ni n’en codifie le processus relativement aux décisions à prendre.

Il est seulement prévu pour le juge recherchant à déterminer la situation de l’enfant, de pouvoir commettre toute personne qualifiée pour recueillir des renseignements sur la situation matérielle et morale de la famille, les conditions de vie, de garde, d’éducation des enfants.

Et l’avis de cette personne permettra de prendre les mesures pour l’attribution de la garde.

Ainsi l’enfant est concerné par les décisions à prendre, mais en pratique il est très rarement et pas directement entendu par le juge. Cette réserve des juges peut s’expliquer par le format de l’audience caractérisée par sa brièveté, la crainte d’une manipulation de l’enfant par un des parents ou enfin du fait des difficultés certaines de recueil, puis retranscription de la parole de l’enfant non formellement codifié.

 

2ème cas : L’enfant devant le juge des tutelles, ou administration légale

Pour l’administration légale (article 300 et s. du CF) et pour la procédure de tutelle (article 305 et s. du CF), c’est l’incapacité d’exercice du mineur qui s’applique dans la loi actuelle et il sera représenté par l’administrateur légal, et le tuteur, sans l’exigence formelle d’une application du droit à la participation.

Il est cependant admis à l’article 314 du CF, que le mineur de 17 ans peut assister au conseil de famille pour être entendu, si le juge l’estime utile. On peut considérer que c’est une amorce vers la participation, mais la limite en réside dans l’appréciation préalable du juge.

3ème cas : L’enfant en procédure d’émancipation (article 335 et s. CF)

En cette procédure également, c’est l’incapacité d’exercice qui s’applique sans référence ni intégration dans la procédure du droit à la participation. Mais il est concevable d’admettre, que le juge  lorsqu’il décide d’émanciper le mineur, l’entende avant de statuer. Toutefois là encore le magistrat a  l’initiative de l’audition[47], ce qui n’est pas encore conforme au format requis par le droit à la participation.

Toutefois dans l’émancipation survenue par le mariage le droit à la participation ne peut être évité.

 

4ème cas : L’enfant en procédure de filiation ou d’adoption

En procédure relative à la filiation, l’incapacité d’exercice s’applique aussi, sans intégration dans la procédure actuelle du droit à la participation[48] (cf. : 318 CF, action en indication de paternité ou 208 CF, action en réclamation de paternité.)

En procédure d’adoption (article 223 et s. CF, la même règle s’applique sauf qu’il est requis le consentement  de l’enfant de plus de 15 ans, article 231 du CF, mais il n’est pas déterminé la forme procédurale pour l’audition à cet effet. Les dispositions de l’article 232 du CF exigent simplement un acte authentique devant le notaire ou le juge de paix.

La procédure prévoit également une enquête (article 237 CF) mais le droit de participation tel que définie n’est pas formellement intégré dans le format procédural.

Toutefois on peut induire du fait que le consentement soit exigé, que la décision du juge, ne peut être prise sans l’accord du mineur et qu’il doit être présent et l’exprimer,

5ème cas : L’enfant en procédure de changement de nom ou de prénom[49] (article 9 et s.)

Dans la procédure actuelle, c’est l’incapacité d’exercice qui s’applique sans référence ni intégration  du droit à la participation.

 


[1] Article 12 de la CIDE.

[2] CIDE, c’est la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant, ratifiée par le Sénégal.

[3] Il s’agit là de la base argumentaire, pour construire son opinion.

[4] L’information doit être à disposition dans une forme adaptée à l’âge de l’enfant et tenant compte de ses capacités cela dans tout ce qui peut les préoccuper. L’Etat doit rechercher les moyens de satisfaire cette exigence, et les professionnels de l’information doivent contribuer à en faciliter l’application.

[5] Il s’agit de l’espace, des conditions relatives au lieu, au cadre où l’enfant aura à s’exprimer, car ce cadre peut être oppressant au point de gêner l’expression attendue.

[6] Là, il question de l’opportunité qui lui est donnée pour pouvoir s’exprimer.

[7] La compréhension de l’enfant n’est pas liée à son âge biologique, pour preuve on qualifie souvent l’enfant face à certaines de ses déclarations d’être précoce.

[8] Pour être entendu il faut préalablement l’objet d’une audition, d’où ce caractère préalable de l’information dont on doit comprendre préalablement le, les modalités et les conséquences.

[9] Cela en raison naturellement de son immaturité, de son évolution.

[10] Car l’enfant lorsque sera entendu, la vérification sera aisée pour déceler  l’inexistence de toutes entraves à son développement, puis de son discours jaillira une claire conscience de ce qui serait son intérêt supérieur.

[11] La référence est ainsi faite aux conditions de dignité et de compassion nécessaire à respecter dans le recueil de la parole.

[12] En Afrique la proximité à la Nature source de toute vie, permet par des images analogiques de véhiculer des messages porteurs.

[13] Cf : « Nous éduquons chaque enfant d’une façon personnelle » par Simone Sarrazin et Armel Duteil, Editions Redaja

[14] Voir l’encart explicatif en annexe, sur les fonctions de base de la famille et du rôle des parents.

[15] Il faut entendre par ce concept de parentalité, tout le rôle attendu des parents, et l’illustration en ainsi est donné.

[16] Le texte légal fait encore référence à la puissance paternelle, au lieu de l’autorité parentale.

[17] Cette recherche du fondement est possible en partant de  ce que la Constitution sénégalaise a intégré la CIDE et ses principes dans le bloc de constitutionnalité, rendant ses dispositions directement applicables.

[18] Cette référence au principe de l’intérêt supérieur prévu par la CIDE est normale, parce que la CIDE en ses principes, est incorporé par la Constitution dans le corpus législatif.

[19] Voir nos développements précédents notamment le point 3 ci-dessus : lien du droit à la participation avec les autres principes directeurs de la CIDE. La recherche de l’intérêt supérieur devra induire le respect du droit à la participation conformément à l’exigence de la CIDE.

[20] La CIDE ne fait pas obstruction au respect des valeurs culturelles, voir l’article 5 de la CIDE.

[21] D’où le concept « d’école des parents »

[22] Voir en annexe ci-dessous, l’encart explicatif sur l’évolution des familles suite à l’urbanisation croissante.

[23] La tradition a été un immense cadre de savoirs de compétences pour aider à créer un profil adéquat du parent actif dans la communauté, faisant intervenir toutes les personnes utiles à l’encadrement.

[24] Il s’agira pour l’Etat d’inventer de nouveaux cadres d’écoute et d’accompagnement.

[25] Ces droits sont déterminés au Sénégal par le code de la Famille.

[26] Il s’agit du rôle de protection de remplacement défini.

[27] L’assistance éducative en milieu ouvert.

[28] En effet les éducateurs recherchent au moins sur le principe et généralement dans les faits l’adhésion de l’enfant aux mesures prises, cela participant à la réussite du projet éducatif.

[29] Structures traditionnelles comme les daaras ou autres, mais des voies s’explorent pour une modernisation.

[30] Il est à noter à ce titre les crises persistantes dans le milieu scolaire.

[31] L’enseignement est devenu une simple fonction et non un métier avec l’intégration des différentes exigences de valeurs nécessaires.

[32] Il s’agit des jeux ou d’un espace ludique, car tous les enfants n’en disposent pas.

[33] Il s’applique souvent sur ce plan, la loi du plus fort, pour la maîtrise de l’aire de jeu.

[34] Choix du législateur sénégalais à la constitutionnalisation de la CIDE.

[35] Voir en annexe3, une description détaillée de ces procédures civiles prévues dans le Code de la Famille, sans intégration d’un format d’application du droit à la participation.

[36] Droit de saisir le juge, qui peut même s’auto saisir, droit d’audition, droit de faire appel de la décision du juge.

[37] Voir sur ce thème notre exposé publié dans le module 1 de cette formation 12 – 22 novembre 2012 pages 52 et s.

 

[39] Il s’agit avant tout de permettre de savoir de quoi on parle, sens des termes, des procédures, conséquences qui en découlent.

[40] Eviter particulièrement les mots et expressions stigmatisantes.

[41] Voir notre exposé sur la présence de l’avocat  dans le module 1 de cette formation p. 136 et s.

[42] L’assimilation des exigences de la loi implique une pratique professionnelle appropriée et adaptée ne pouvant naître que de la formation enrichi par l’échange d’expériences et des bonnes pratiques ; formation qui devra aussi être évolutive.

[43] La formation en envisagée doit particulièrement être axée sur le comment faire, comment procéder.

[44] Ces types de documents peuvent être élaborés ad experimentum, par des ateliers techniques installés au sein de l’école de formation. Idem pour le guide des bonnes pratiques qui pourrait résulter d’ateliers thématiques.

[45] Il a déjà été fait référence à ce guide au titre des outils de formation des acteurs particulièrement les magistrats.

[46] L’existence d’un ministère d’un ministère chargé de la Famille et de l’Enfant doit en permettre le pilotage.

[47] Ceci doit alors s’interpréter comme une faculté et non comme un droit conféré à la participation de l’enfant.

[48] Il faut noter que la spécificité de ces  actions tendant à sécuriser le lien de la filiation et sa stabilité, c’est donc le souci de protection qui justifie la représentation.

[49] Il faut un intérêt légitime et l’incapacité d’exercice s’applique ; en cas d’adoption l’adoptant a qualité de demandeur (changement de prénom). 

le carré des mineurs réalisé à Kaolack avec le représentant local du BICE à l'époque Mr Jean Ndour et le Régisseur Mr Ba

Une image typique du Sénégal "le car rapide" nom donné à la voiture décorée assurant le transport urbain de passagers