Le Burundi et la Mauritanie...mais d'abord le Sénégal!

Mon parcours de formation en Justice juvénile m'a placé nécessairement en face d'expériences de vie qui ont constitué pour moi de véritables défis. 

Ces expériences ont été l'occasion de faire face à des contraintes, pour les relever puis aplanir, d'apprendre sur des lieux et des hommes, de grandir dans des rencontres faites de joies et de peines.

Une leçon apprise est que le temps a été le meilleur allié, et qu'ensuite la patience, la persistance et la persévérance conduisent toujours à des résultats.

En Mauritanie et au Burundi l'action a été axée sur l'appui à l'appropriation d'un cadre légal rénové de prise en charge des mineurs, et au Sénégal sur l'amélioration de leurs conditions de détention plus particuliérement.  

Il a été ainsi possible par ces interventions d'agir sur le chantier de l'harmonisation du cadre légal, et ensuite progressivement d'ouvrir celui également de la spécialisation des acteurs.

Passons donc en revue ces différentes expériences.

Me François Diassi au centre est accompagné de André Dunant, et de Jean Zermatten Président du Comité des N. Unies pour les droits de l'enfant.

Quid du Sénégal de 1996 à 2002...

Initié sur le mandat  du BICE, l'action au Sénégal  a consisté à améliorer toute la chaine de prise  en charge  du mineur en conflit avec la loi.

En effet la situation au début de notre intervention était caractérisée par une prise en charge carcérale difficile des mineurs d'abord, d'abord en ce que la disposition légale de séparation avec les adultes en prison, n'était pas effective, sauf dans certaines villes à savoir Dakar et Saint louis, et cela même avec des limites.

Et ailleurs dans les autres localités, les mineurs étaient mélangés aux adultes avec tout ce que cela pouvait supposer. Au delà la prise en charge comportait aussi des limites tirées de l'absence d'activités ergothérapiques entretenant un vide dans la gestion du temps.

Il y avait aussi une absence d'équipements: matelats, lits etc..et l'état sanitaire des cellules était déplorable.

Tout cela nécessitait une action vigoureuse de remise en état et d'amélioration de la prise en charge carcérale.

Nous avons donc commencé l'action par un état des lieux avec l'administration pénitentiaire, identifié des priorités et entamé un programme d'action.

En effet il était illusoire de pouvoir penser empêcher que l'enfant ne soit condamné à une peine privative de liberté, alors en réaction le devoir appelait à améliorer les conditions de la détention.

Après cela il devenait plus aisé de ttravailler à améliorer toute la chaine de prise en charge pour réduire le flux d'arrivée vers la prison. 

C'est ainsi que le premier volet de l'action du programme a consisté en la réalisation de pavillons d'accueil des mineurs à Kaolack, à Diourbel, à Tambacounda,  et à Kolda. Nous avons également réhabilité Saint louis et Dakar où nous avons fait carreler toutes les cellules pour permettre un nettoyage hygiénique adéquat, installé un banc mural dans la salle de séjour, construit pour le volet ludique un terrain de basket. Et pour finir pour toutes les prisons concernées nous avons assuré la fourniture de nattes et matelats.

Dans la deuxièmé étape de notre action, nous avons lancé la collaboration avec l'AEMO, pour faciliter son action à travailler pour la réduction du flux d'arrivée des mineurs en prison.

Nous avons d'abord pour cela identifié avec elle les sources du problème, et compris que souvent les limites de son action proviennent de ce que la structure manquait de moyens d'intervention, pas de voiture, pas de moyens financiers pour des déplacements ou de la communication afin de toucher les parents ou même les aider à se convoyer à l'audience du Tribunal. Nous avons donc déterminé avec elle un plan d'action et mis à disposition les moyens financiers manquants.

Et cela s'est traduit par des effets bénéfiques dans l'accompagnement psycho social des mineurs et le respect de la garantie de la présence des parents.

Cette action a également été adjointe à une autre en amont destinée à la police, pour faciliter sa meilleure collaboration avec l'AEMO, l'incitant à faire appel à ses services dès l'interpellation du mineur, car certains commissariats le faisait, mais d'autres pas effectivement, et nous avons travaillé à standardiser et renforcer la pratique.

Nous nous sommes ensuite intéressé aux juges des mineurs pour les sensibliser à la matière des droits de l'enfant, avec l'exigence d'avoir à faciliter toute l'action que nous menions déjà en amont et en aval de son intervention.

Nous avons complété ce volet d'action sur la prise en charge par une formation à l'écoute de tous les intervenants.

Cette action dirigé au début vers les mineurs adolescents, bénéficiera ensuite à une cible plus jeune les bébés accompagnant les mineurs leurs mères incarcérées, trouvés dans l'espace carcéral et sans accompagnement adéquat.

Nous avons alors installé à leur bénéfice une prise en charge adaptée en appui médical pour la couverture vaccinale, le soutien en médicaments pédiatriques, puis appui en complément d'alimentation, en habillement et en fournitures de matériel ludiques.

Pour faciliter le suivi de toute cette action nous avons réalisé des publications périodiques de notre activité, en articles, en rapports en compte rendus de toute notre intervention, en diffusant ces écrits, auprès de toutes les personnes d'influence pouvant aider à renforcer l'action.

Ainsi tout ce travail réalisé de 1996 à 2002 a produit des résultats et a été magnifié par les autorités en charge puis gratifié par une médaille honorifique, la décoration au grade de chevalier dans l'Odre National du Lion pour moi et mon équipe.

Nous avons en effet travaillé avec une équipe dynamique dont les membres méritent d'être rappelés:  Feu Jean Ndour de Kaolack, Louis Joseph Badji, de Louga, Jean Mbar Dione de Thiès, Jean Napel de Kolda, Pathé Diallo de Dakar, et Yagala Niang.

Nous avons aussi bénéficié de l'appui technique de Cheikh Saadibou Doucouré de la DAP, etdu soutien de du Colonel Djiby Diop des personnes remarquables de grande humanité.

Aujourd'hui ce travail est achevé, comme toutes les actions menées sur base d'un programme de financement. Mais cela a laissé des marques indélébiles et favorisé des réactions à agir par d'autres personnes, aboutissant au constat d'une amélioration des moyens logistiques d'intervention de l'AEMO, au renforcement de la dynamique d'action et d'attention à la prise en charge carcérale des mineurs.

Sur tout cela, nous avons joué notre partition, et c'était cela notre devoir. Et après cela nanti de cette expérience, nous sommes apprêtés à aider d'autres pays manifestant un besoin d'appui. 

Maintenant les leçons apprises dans tout cela:

D'abord un constat de départ l'état déplorable de nos prisons en Afrique. Comme première leçon apprise donc, cela sera de dire que l'amélioration des conditions détention est essentielle, parce que permettant dans cet espace carcéral lorsque l'enfant y est malheureusement présent, de lui assurer un accompagnement respectueux de sa dignité lui ouvrant les voies de l'amendement et de la réhabilitation.

Il est en effet regrettable de constater en afrique que par le fait d'un déficit de formation, le choix de l'incarcération soit un réflexe automatique, alors que l'incarcération sans le respect de la dignité dans le milieu carcéral, est une violation des droits de l'enfant; parce que constituant une entrave à son droit à un développement harmonieux qui doit être garanti même dans l'espace carcéral; et conséquemment c'est aussi une violation du principe du devoir de respect de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Une autre leçon apprise est la nécessité d'installer le travail des acteurs dans une dynamique synergique en favorisant la collaboration entre eux.

Enfin dernière leçon apprise celle de devoir toujours associer  les autorités à l'action en veillant à leur compréhension du processus d'intervention, et ainsi leur participation fait gagner leur appui, et apporte une source de motivation subséquente à leurs collaborateurs.

Conclusion:

Cette action a été bénéfique pour le Sénégal, car après 2002 à la fin du programme, l'Etat initiera une action d'appui à l'amélioration des moyens ogistiques d'intervention des AEMO, qui aujourd'hui disposent de moyens de déplacement, ainsi que d'un budget de fonctionnement amélioré, ce qui constituait auparavant, un véritable point d'insuffisance.

De même l'empreinte laissée sur l'administration pénitentiaire avec les carrés des mineurs construit, a conduit à une humanisation progressive de la prise en charge carcérale.

Témoignage d'histoire sur les formations en justice juvénile réalisées pour le Burundi de 2002 à 2013.

 

L’évolution humaine se bâtit par l’action des hommes placés à un moment, en un lieu, pour y accomplir des actes porteurs de germes de changement futurs. Ces hommes sont souvent aussi portés par les fortes aspirations d’organisations, mobilisées par des objectifs d’appui à l’évolution, c'est le cas de l'ONG Terre des hommes, car cette histoire la concerne aussi.

C’est donc dans un pareil cadre en 2002, que s’est dessinée l’organisation d’une table ronde de lancement  d’un projet de justice juvénile au Burundi. Cela a eu lieu à une époque où un tel sujet ne pouvait être la préoccupation du moment, au vu des raisons conjoncturelles dudit pays.

Mais le Délégué de Tdh de l’époque Mr Alfonso, nonobstant ces circonstances difficiles aura cru nécessaire de l’organiser, forcé en cela dans sa conviction par une étude préalable de la situation mené par un avocat fils du pays Me Léopold Mbarirande. Ce document existe dans nos archives et sa lecture permet de mesurer l'état de lieux de départ.

Mr Alfonso s’appuiera pour cela sur des personnes ressources identifiées lors du premier atelier de capitalisation en justice juvénile, organisé par Tdh à Lyon en France, et c’est ainsi qu’il forma le trio d’animation de l’activité composé de Mme Renate Winter, André Dunant et Me François Diassi.

Cette équipe sur place y retrouvera le Professeur Gervais qui précédemment avait coulé une réflexion de réforme sur la thématique non prise en compte par les autorités décisionnelles.

Ensemble ils contribueront à un fort moment de sensibilisation au lieu-dit ENA de Bujumbura. Mais par la suite l’évolution des événements ne produira pas grand effet. Me Léopold Mbarirande jouera un rôle très appréciable dans l'organisation contribuant fortement à sa réusitte. Chose très marquante malgré la situation sécuritaire de l'époque, il organisa pour nous autres, à savoir Me François Diassi et André Dunant une excursion jusque dans la contrée d'Ijenda, nous plongeant même dans son intimité familiale. Cet homme est vraiment un burundais exceptionnel, ce fait mérite d'être relevé et c'est pourquoi je lui témoigne personnellement, une véritable fraternité. Ce souvenir en tous cas reste indélébile en nous.

Le déclic interviendra  par la suite à partir de 2004.

En effet à partir de cette date, le nouveau Délégué de Tdh Mr André Faust, précédemment actif en Mauritanie, où il avait déjà lancé un projet de justice juvénile, toujours avec l’appui technique des personnes ressources comme André Dunant et Me François Diassi, décida d’organiser un premier séminaire de formation pour impulser la dynamique, ce sur la thématique justice juvénile et au lieu-dit Cercle nautique de Bujumbura.

Toutes les personnes intervenantes sur cet aspect au niveau national y furent conviées pour une session d’une semaine de travail.

A partir de cette date et au vu de l’intérêt suscité, mais plus en raison encore de la situation alarmante déjà constatée en 2002 et qui aura fortement en plus empirée, il a été nécessaire d’opter pour une sensibilisation des acteurs judiciaires pour obtenir une humanisation de la prise en charge judiciaire des mineurs. Les circonstances de l’époque ne pouvaient en effet produire un plaidoyer réussi pour une réforme du cadre légal, car le pays était encore profondément meurtri par la crise qui y a sévi ; toutefois les recommandations post formation rappelaient toujours l’urgence d’un nouveau cadre légal.

André Faust aura donc été un acteur déterminé pour aider à asseoir une forte action de sensibilisation, portée sur les hommes chargées de la mise en œuvre de la loi, principalement les magistrats. C’est ainsi qu’une série de sessions de formation seront organisées par lui, pour aider à un renforcement de capacités porteur, d’une réforme des méthodes d’action et aussi induisant un changement de vision. Ces ateliers se dérouleront en 2005, 2006,2007, toujours conduits par le binôme André Dunant et Me François Diassi.Quelquefois dans une année il est arrivé même que deux ateliers soient organisées. Et pendant ces années c'est avec de grands risques que nous acceptâmes de voyager de la capitale, vers les provinces au vu de la situation sécuritaire. Et des fois c'est dans des convois sous escorte militaire que nous voyagions. Mais rien ne nous arrêtait tant notre conviction était forte.

Et par la force de la persistance ces ateliers produiront du fruit, car la prise en charge judiciaire des mineurs va commencer à s’améliorer d’abord par une réduction des très longues détentions, ensuite par une régularisation de la tenue des audiences et même par le début d’usage du sursis pour éviter les peines de détention. Parallèlement à l'action de formation Terre des hommes débuta l'accompagnement judiciaire de l'enfant par la mise à disposition d'un avocat, et ensuite par une assistance psycho sociale avec l'intervention d'un assistant social. Le binôme avocat et assistant était ainsi entrain d'être installé, tel que le recommandait les formations. L'enfant n'était plus seul dans la procédure, Terre des hommes s'est énormément investi dans ce processus d'accompagnement judiciaire ce jusqu'à la réinsertion.

Pour donner de la force au travail ainsi entamé et le poursuivre même après le départ des consultants internationux surtout avec ceux n'ayant été participants, nous confectionions à la fin de chaque atelier un mémorandum de synthèse qui regroupait toutes nos interventions et les execices pratiques afin de laisser une mémoire vive sur le message transmis.

C'est un donc un travail sérieux organisé et opiniatre que nous evertuâmes à laisser à la dispositions des bénéficiaires de ces formations.

En ce moment particulièrement en 2007, une province commença donc  à produire un effet très probant de l’effort de formation, c’est la province de Ngozi. Il est notable que en 2007 à Ngozi s'est déroulé une formation mémorable animée par Me François Diassi et qui sera source d'un engagement très fort des acteurs à vouloir changer la situation. Des personnalités comme le Président TGI Prime et le Président de la Cour d'Appel d'alors marqueront leur empreinte en cela.

C’est fort de ce constat que le BINUB qui a entrevu les effets avantageux du travail entamé par Tdh depuis 2002, a décidé de se lier avec elle dans un partenariat pour monter un projet pilote centré sur la province de Ngozi pour renforcer les effets déjà prometteurs. Ce projet démarrera en 2008 jusqu’en 2009. Me Diassi et André Dunant viendront encore en assurer les formations de base.

Toute cette partie historique est d'ailleurs relatée en partie par le film documentaire réalisé par la suite par Terre des hommes sur son action en Justice juvénile.

A partir de l’année 2009 vers 2010, beaucoup d’acteurs vont manifester un gros intérêt à vouloir intervenir dans la thématique justice juvénile, où chercher y renforcer leur positionnement. Il s’enclenchera  donc dans cette époque, des actions tendant à faire produire une évolution du cadre légal. Ces actions aboutiront en 2009 d’ailleurs à l’adoption d’un nouveau Code pénal portant en son sein une vision et des dispositions tendant à une prise en charge judiciaire améliorée des mineurs, notamment par un recours plus affirmée aux mesures alternatives à la détention entre autres.

Mais curieusement l’adoption du Code pénal obtenu, n’a pas été accompagnée par celle du Code de procédure pénale, et cela va produire l’effet procédural de ne pas permettre aux magistrats d’appliquer en totalité, les innovations intégrées au Code pénal au profit des mineurs.

La forte conclusion de cette période est la naissance d’une nouvelle dynamique d’intervention qui sera désormais, de plus centrer l’action sur la construction du système de justice juvénile. L’époque en était maintenant propice après le fort effort de sensibilisation précédemment menée par Tdh, doublée d’un renforcement continu des capacités (référence aux différentes sessions de formation organisées de 2004 à 2008).  

En 2009 sera aussi créé la cellule de protection judiciaire des enfants. Pour la petite histoire, il est à savoir que l’idée de sa création fût suggérée par Me Diassi autour d’un plat de fromage à l'hotel Alexestel de Bujumbura, à Mr Gérard qui en sera nommé par la suite premier responsable. Ce dernier en honnêteté ne saura dénier ce fait. 

Cette même période 2009 verra l’arrivée d’un nouveau Délégué Mr Olivier Tor ; et il va être acteur dans la grande mobilisation d’action pour pousser  à une réforme du système. Il sera appuyé en cela par la mise en place d’un nouveau partenariat financier apporté par DFID.

Une limite fera cependant  jour, et qui sera celle de ne pas adjoindre à cette vision système, celle précédente du renforcement des capacités des acteurs.

Ainsi les sessions de formation d'auparavant ont été interrompues et ce fût un grand écueil, car certains bons effets de la prise en charge judiciaire vont se déprécier, du fait de l'intervention dans la chaine pénale d'acteurs en sous capacités . Et encore la conséquence sera même, que le bénéfice nait de l’adoption du nouveau Code pénal, ne sera pas implémenté à la base au profit des acteurs judiciaires.

Enfin l’action d’Olivier Tor sera entravée par plusieurs oppositions personnelles, qui entraineront l’effet d’un ralentissement de l’action, mais il aura le grand mérite grâce à son courage exemplaire et sa persévérance, d’avoir mobilisé des moyens pour permettre de pouvoir reprendre après son départ, l'action précédemment interrompue du renforcement de capacités des acteurs.

C’est alors à Jérôme Combes nouveau Délégué de Tdh de poursuivre l’œuvre. Jérome est un manager hors pair, sensible et de très forte humanité. Homme de conviction, chef d'équipe sachant déléguer, chef d'orchestre sachant écouter et épauler quant c'est c'est nécessaire, pour que l'oeuvre final rayonne de toute sa beauté.

Il aura le grand mérite de contourner le blocage institutionnel installé avant sa venue, et ayant empêché la mise en œuvre du projet d’appui à la mise en place d’un système de justice juvénile.

Et laissant ainsi en veilleuse cette option système, il va reprendre en force le renforcement de capacités des acteurs précédemment interrompu.

Ainsi en 2012  en 12 sessions d’affilée, plus de 400 acteurs en bénéficieront et les avantages  des réformes du cadre légal de 2009 (nouveau Code pénal) seront largement diffusés pour une vraie amélioration de la prise en charge des mineurs.

Me Diassi prendra une part fort active comme animateur principal de ces formations de 2012.. En 2013 un nouveau Code de procédure pénale sera enfin adopté. Et Me Diassi reviendra selon le même format de 2012, parachever son œuvre de formation en conduisant la vulgarisation imprégnation du nouveau cadre légal, auprès des acteurs.

Pendant cet effort de formation Me Diassi produira un ouvrage technique d’appui, à savoir le Mémento. Cela lui a valu un énorme effort de travail, à savoir 8 semaines de fortes concentrations,  et au final il offrira gracieusement ce produit intellectuel au bénéfice de l'activité de formation, cela pour le plus grand profit des bénéficiaires. Quoiqu'on puisse dire sur cet outil, cela restera une oeuvre pionnière et cela encore, c'est l'histoire qui l'aura voulu. 

Ce récit de tous ces événements démontre l'immensité des sacrifices consentis par Terre des hommes d'une part, la forte implication des personnes ressources notamment André Dunant et ensuite Me François Diassi, qui par la force de leur conviction, leur détermination, ont travaillé sans relache à rendre le terreau fertile pour toutes autres actions, et ainsi favoriser que toutes les promesses de germination et de développement des meilleurs fruits y soient désormais possibles.

Pour la petite histoire, il faut savoir que l'origine de l'usage des fardes de couleurs pour différencier les dossiers des mineurs d'avec ceux des adultes, est née de la suggestion de André Dunant.

Saluons aussi l'oeuvre de beaucoup burundais, qui en même temps que nous autres étrangers ont adhéré aux principes enseignés et ont travaillé dur pour en faire des résultats concrets, il s'agit là des personnels de Terre des hommes, ses partenaires et des institutions publiques concernées. Car tout cela est un travail d'équipe.

Aujourd’hui cette œuvre suit son cours, et c’est cela la voie naturelle de l’histoire. Toutes ces personnes venues d'ailleurs l'ont été que pour contribuer, et n'étaient donc là que pour jouer leur partition et ils l'ont bien fait. Personne ne pourra dire le contraire.

Cependant il reste utile que de mémoire l’on oublie jamais les personnes et les efforts qui ont permis que se construisent ces événements. Ce d'autant que certains d'entre eux,  ne font plus partie de ce monde, mais ayons l'amabilité de faire vivre leur souvenir.

Moi pour ma part, pour avoir été témoin et acteur, mon devoir est aussi de partager avec les autres ces moments d’histoire vécus. Je dédie donc ce récit à mon Ami et Frère André Dunant pour les souvenirs des moments exaltants de travail vécus ensemble.

Quant au Burundi c'est Dieu un jour de notre vie qui nous a appelé  là bas par l'entremise de Terre des hommes, et nous y avons été pour jouer notre rôle sans aucune autre prétention. Nous y avons laissé des amitiés fortes que rien ne pourra jamais effacer même à distance, car notre mémoire est fidèle, et nous prions toujours, pour sa très bonne évolution dans ce domaine de la justice juvénile au bénéfice de ses enfants.

Et que dire maintenant de Terre des hommes. Cette organisation en ces faits a encore illustré dans toute cette histoire, toute la force de ses convictions et  également de sa foi en sa Charte, c'est à dire toujours apporter le meilleur à l'enfance meurtrie; notre joie personnelle est donc immense de l'avoir accompagné là bas dans cette noble mission.

Tentons pour conclure de tirer des leçons apprises de toute cette expérience:

D'abord notons le contexte de départ marqué par la pauvreté du milieu exacerbé par une situation post crise. Egalement un cadre légal inadapté caractérisé par une lourdeur des sanctions pénales expliquées par le manque d'ouverture sociétal d'une société communautaire et rural, entrainant le refus absolu de toute déviance signe qualifié de comportement social non harmonisé.

Donc le premier challenge était de provoquer un changement de mentalités des autorités judiciaires pour une option d'humanisation de la sanction pénale, en suscitant une compréhensionde l'exigence d'application des principes de la CIDE, qui ne pouvait admettre une sanction méconnaissant le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant.

L'option de travail a donc été un renforcement de capacités des acteurs, ce qui est l'explication de tout le travail réalisé.

En même temps que cette vision de travail, un plaidoyer sera adjoint pour une modification du cadre légal inadéquat.

Cette conjonction d'efforts produira l'amélioration progressive de la prise en charge pénale du mineur, avec en plus l'installation dans la chaine d'intervention, de l'accompagnement psycho social apportée par le travailleur social désormais admis comme acteur..

Ces acquis ont par la suite été codifiés dans le nouveau cadre légal amélioré, qui a fait l'option d'intégrer les alternatives à l'incarcération comme mesures; choix judicieux qui permet d'éviter la prison à l'enfant, lorsque l'état déplorable des conditions de détention ne peut être amélioré en raison de son coût infrastructurel lourd.

Il est donc attesté que la compréhension mêlée à une volonté d'evolution acquise, peut avec des moyens limités, produire des changements importants, cela est une leçon apprise.   

Me François Diassi

NB: J'attends votre contribution après lecture.

André Faust et son épouse Sofy. André Faust fut Délégué Tdh au Burundi de 2004 à 2008

A Gitega remise de certificats à la fin d'une formation en 2012, avec Jérôme et Bernard.

Exercice de capitalisation pour le Burundi

Etat  des lieux de la Justice juvénile au Burundi en Octobre 2014

 NB: Tout ce travail réalisé et relaté dans cet article est encore à magnifier, car aujourd'hui en 2016 malgré la crise profonde qui sévit dans ce pays, il est encore magnifique de constater que les fruits de ces efforts passés demeurent intacts; des échos de l'action actuelle des acteurs le confime. Donc les capacités acquises leur permettent d'agir malgré les gros défis, pour assurer une prise en charge judiciaire des enfants dans un contexte de crise humanitaire. Quelle belle leçon ...

 

                                                                                                                       

1.0 Introduction : Après la ratification de la CIDE par le décret-loi n°1/032, le  16 Août 1990, Le Burundi a réalisé selon l’exigence de cette convention, une profonde et bénéfique réforme d’harmonisation de son système pénal de prise en charge judiciaire des mineurs. Cette évolution conduite par des efforts progressifs, constitue aujourd’hui une riche expérience d’édification d’un système de Justice juvénile, née sous l’impulsion d’une forte volonté d’agir, même avec la limite de moyens réduits. C’est pourquoi la richesse et la profondeur des résultats obtenus, face aux défis d’origine de la situation de départ, justifie amplement la nécessité de capitaliser sur ces acquis, tant à titre rétrospectif que prospectif. Tel est donc en objet  l’économie de cette présente étude, qui entend relater la situation de la justice pour mineurs au Burundi depuis ses prémisses jusqu’à ce jour.

Car depuis 2009, le gouvernement de la République du Burundi a fait de l’objectif de la création d’un Système de Justice pour Mineurs  une des priorités de sa réforme judiciaire, et c’est pourquoi  cela a été inscrit  comme tel, dans la Politique Sectorielle du Ministère de la justice (2011-2015). Mais cette option et détermination ainsi affirmée, découle cependant d’un processus entamé bien avant 2009 ; bien que cette année 2009, marque une étape majeure et une amorce d’une série  d’évolutions significatives dans la réalisation  de l’objectif d’édification du système de justice susvisé,  en effet c’est :

  • Le 22 avril 2009, qu’un nouveau Code Pénal a été adopté, introduisant relativement aux mineurs des dispositions nouvelles plus conformes aux principes édictés par la CIDE, renforcées encore avec la promulgation du nouveau Code de procédure pénale en mai 2013. Il débutait ainsi depuis cette date,  la  réforme du cadre légal pénal obsolète qui prévalait auparavant.

  • Ensuite suivra en juin 2010, la création d’une Cellule Nationale de Protection Judiciaire de l’Enfant (CNPJE) au sein du Ministère de la justice, embryon d’un cadre socio judiciaire de protection de l’Enfant.

  • Puis en 2014, en conformité avec  le nouveau cadre légal (CP[3] et CPP[4]), ont été mis en place d’une part,  des Sections du Parquet et des Chambres Spéciales pour mineurs dans tous les TGI du pays.

  • Le Ministère de la Justice aussi, pour asseoir une démarche synergique, animer la réflexion et la concertation, a mis en place un groupe de travail « Justice pour Mineur » pour coordonner l’action des acteurs intervenant dans la Justice pour Mineurs au Burundi.

  • Enfin pour l’année 2014, un plan d’action a été validé, reprenant toutes les activités menées dans ce secteur par les différents partenaires techniques et financiers.

Tout cela démontre que depuis 2009, s’est bien mise en place au Burundi une dynamique pour conduire, le projet d’édification d’un système opérationnel de justice juvénile.

Et toutes ces réformes engagées  constituent aujourd’hui, une énorme avancée, nécessitant une capitalisation, dans une présentation historique de l’évolution de la Justice pour Mineur au Burundi.  

A cette fin, pour mieux comprendre la profondeur et la portée de la dynamique ci-dessus décrite, il convient d’abord, de connaitre par une présentation, l’identité et les capacités du pays afin d’évaluer ses efforts fournis  et ensuite ouvrir une rétrospective sur la période ayant précédant  l’année 2009 pour identifier les fondements source de la naissance de la dynamique ultérieurement amorcée. Ainsi donc :

    1. Présentation du pays :

1.2 Géographiquement  en Afrique Centrale entre le Rwanda au Nord, la RDC[5] à l’ouest et dont il est séparé par le lac Tanganyika, le Burundi est délimité à l’est et au sud par la Tanzanie. Pays de collines et plateaux au climat équatorial tempéré par l’altitude, il occupe la ligne de séparation des eaux entre le bassin du Congo et du Nil.

1.3 Economiquement Le Burundi est un pays essentiellement rural avec des activités  d’élevage et d’agriculture. Les productions agricoles sont constituées de  cultures vivrières, auxquelles s’ajoutent des cultures d’exportation dont principalement le café, le thé et le coton. Et ces activités occupent près de 90% de la population. Troisième pays le plus pauvre du monde[6], il peine encore à pouvoir satisfaire les besoins fondamentaux de sa population. Cette pauvreté favorise l’exode rural. Cependant si la croissance économique a timidement repris depuis 2001, la situation économique reste encore fragile, du fait qu’avec un taux de croissance de 3,6%, s’ajoute une inflation se fixant à 10% en 2011. Et la crise économique, ainsi que  la flambée des prix, affectent fortement les populations. En plus en fin janvier 2013, l’incendie du Marché Central de Bujumbura a fortement altéré l’économie locale et rendu inactif plusieurs milliers de ménages.     

Au total, c’est donc plus de 65% de la population burundaise qui vit en dessous du seuil de pauvreté[7] et la croissance démographique rend encore l’accès à la terre de plus en plus difficile pour les nouvelles générations.

Toutefois le Burundi, a rejoint officiellement en 2007, l’EAC (Communauté Est Africaine qui regroupe l’Ouganda, le Kenya, le Rwanda et la Tanzanie) et cela devrait  lui faire bénéficier de cette dynamique économique régionale.

1.4 Au plan administratif : le Burundi est divisé en 17 provinces, 117 communes et 2638 collines. La capitale est Bujumbura, et d’autres villes importantes sont Gitega, Ngozi, Muyinga et Ruyigi

1.5 Au plan politique : Le pays a connu depuis l’indépendance une alternance cyclique de troubles politiques ayant largement influé sur le fonctionnement institutionnel. Mais depuis le retour à une vie constitutionnelle normale, la nouvelle dynamique politique instituée contribue à un fonctionnement régularisé des institutions. Et cette situation nouvelle a facilité la mise en œuvre d’importantes réformes.

Car durant la crise politique qui a secoué le Burundi dans les années 90, les institutions publiques ont subi des difficultés de fonctionnement, et les institutions judiciaires ont aussi été ébranlées.

C’est donc dans les années 2000 par le retour à la constitutionnalité avec les accords d’Arusha du 28 août 2000 que la phase de reconstruction des institutions s’est amorcée dont en particulier celles des institutions judiciaires.            

 

2.0 Les étapes préparatoires à l’édification du système de Justice juvénile

Cet effort de reconstruction institutionnelle post crise, a ainsi ouvert le chantier d’une grande réforme du système pénal, marquée par deux grandes étapes majeures 2009 et  2013, constituant respectivement les dates d’adoption du nouveau Code Pénal et Code de Procédure Pénale.

Mais cette réforme bien qu’importante,  comportait en plus l’exigence d’harmonisation du cadre légal pénal du pays avec la CIDE ratifiée.  Dès lors, la modification nécessaire du dispositif légal et institutionnel de prise en charge des mineurs, s’imposait dans la réforme née de l’adoption des Codes susvisés.

Et une rétrospective permet de mieux comprendre au point de vue formel, les contours des formats intégrés par la réforme. Car pour alimenter le contenu matériel des évolutions, l’inspiration a été tirée des activités de formation en Justice juvénile, entamées dès 2002[8] . Cesformations[9]  vont contribuer à dessiner les contours des formats de base de la réforme  survenue plus tard aux dates susvisées. Un regard descriptif sur l’état précédent de l’ancien cadre légal permet également d’identifier l’ampleur de cette contribution, et à mieux déterminer les raisons justificatives de ces évolutions.

Partant donc de ces repères préalables fixés, on peut dès lors, s’interroger sur l’état de ce système pénal de justice pour mineurs au Burundi.

A ce titre son tableau descriptif illustre le constat d’un long parcours d’amélioration progressive.  Car parti d’une justice pénale inadaptée pour les mineurs, le système a évolué vers l’instauration d’une justice réformée, rendue conforme aux exigences de la CIDE.

Son observation analytique fait aussi percevoir des espoirs et avancées progressives, quelquefois limitées par des contraintes du contexte ou du tissu institutionnel, pouvant empêcher le bon fonctionnement du système.

Partant donc de cette progressivité, et pour mieux percevoir le jalonnement historique de ses étapes d’édification, il est possible d’en distinguer les différentes phases. Dès lors deux étapes sont à relever, à savoir l’étape initiale de départ allant des années 2002 à 2008 ; ensuite celle même de la construction du système de 2009 à 2014.

 

2.1 L’étape initiale de sensibilisation et de motivation des acteurs  de 2002 à 2008 :

Cette étape se situe de  2002, à  2008. Cette phase constitue le fondement de toute l’action évolutive vers la naissance d’un système de justice juvénile au Burundi. Son premier jalon est la première Table ronde sur la justice juvénile[10]  organisée à Bujumbura par Terre des hommes les 20 et 21 mai 2002.

2.2 Impact de la Table ronde de 2002, pour une réforme de l’ancien cadre légal :

Ce premier atelier sur la thématique marque donc le déclic de l’action, et s’est caractérisé par une découverte par les acteurs judiciaires de la matière des droits de l’Enfant, ce qui justifiera ensuite la  réalisation d’un travail constant de sensibilisation pour l’appropriation des principes de la CIDE et particulièrement ceux régissant le fonctionnement de la justice juvénile[11]. Cette exigence de formation sur la thématique et de renforcement des capacités s’expliquait impérativement par l’état du cadre légal pénal de l‘époque à savoir le décret-loi du 4 avril 1981 portant réforme du Code pénal, et la loi 1/015 du 20 juillet 1999 portant Code de Procédure Pénale, dont on peut faire une brève description pour permettre de sentir l’ampleur  de l’obsolescence et la nécessité de sa réforme.

Ce système découlant des dites lois, était procéduralement  articulé sur 4 phases de déroulement de la procédure pénale, à savoir l’enquête judiciaire, l’instruction, le jugement et l’exécution du jugement. Il faisait intervenir les acteurs suivants dans les rôles ainsi définis : d’abord la police (pour l’enquête préliminaire) et le Ministère public en phase d’enquête judiciaire par le biais de l’Officier du Ministère Public ; lequel était aussi chargé de l’instruction et de la saisine du tribunal aux fins de jugement. Le jugement était rendu par le Tribunal composé des magistrats du siège et du représentant du Ministère Public à savoir l’Officier du ministère public officiant comme Procureur. L’exécution du jugement de condamnation pénale d’emprisonnement était assurée par l’administration pénitentiaire sous le contrôle du Ministère public

Au titre de l’assistance, le justiciable bénéficiait des services de son avocat. Et à défaut des experts intervenant sur commission des juges, aucun autre acteur n’est admis à intervenir dans la procédure. L’assistant social était un acteur inconnu dans la dite procédure, d’où la lacune résultant de son absence relativement à la prise en charge du mineur.

Cette procédure pénale ainsi décrite a constitué le droit commun régissant au pénal les justiciables, et le mineur notamment y est demeurait soumis, sans aucune spécificité particulière dans sa prise en charge. La Table ronde sur la Justice juvénile de mai 2002, contribuera à faire relever le caractère inadapté de ce cadre légal, et à motiver les acteurs à agir pour son amélioration et sa réforme

 

2.3 le traitement inadapté des mineurs soumis au droit commun procédural de l’ancien cadre légal et les exigences de sa réforme:

En 2002, les acteurs judiciaires de la chaine pénale au Burundi, dans leur relation avec l’enfant, agissait donc selon ce droit commun applicable aux adultes et sans le respect d’aucune spécificité de traitement du mineur, si ce n’est le seul usage de l’excuse de minorité au titre de la détermination de la sanction applicable si la culpabilité était avérée.

Il est aussi à relever l’absence codifiée dans ce système susvisé, d’alternatives à la détention, ce qui aboutissait à n’avoir comme solution pénale privilégiée qu’uniquement l’incarcération,[12] autant en phase d’enquête à la police (par usage de la garde à vue systématique), que devant l’Officier du Ministère public (détention préventive courante), ou devant le juge, post jugement (peines lourdes d’emprisonnement.) .

De cette pratique il a donc résulté de très longues détentions préventives, ou de lourdes condamnations carcérales après jugement. Malheureusement encore, dans des conditions d’emprisonnement inadéquates, puisque la situation économique du pays, particulièrement post crise politique,  ne pouvant permettre de réhabiliter les structures carcérales datant de la période coloniale et marquées par la vétusté.

Au total l’enfant était vulnérable dans ce système pénal  inadapté, et les acteurs étaient comptables  d’un déficit de formation, car non outillés à assurer à l’enfant, une prise en charge compatible avec son statut de mineur.

Egalement durant la procédure, les acteurs devant assurer son assistance étaient absents du processus d’accompagnement judiciaire, l’un étant inconnu du système à savoir l’assistant social, l’autre qui est l’avocat étant souvent indisponible pour ses services du fait de la pauvreté du justiciable et du fait de l’absence d’un système d’aide légale.

Enfin il n’existait aucune structure de prise en charge[13] en dehors de la réponse judiciaire carcérale pour le mineur en conflit avec la loi, et tout autant aucunement, pour le mineur en danger, encore moins pour les mineurs victimes ou témoins.

Le constat était l’inexistence de traitement spécialisé du mineur tout au long de la procédure pénale ; le mineur étant considéré comme un justiciable ordinaire, par tous les intervenants de la  chaine pénale, et  dépourvu de structures de prise en charge. Les enfants ont donc eu à souffrir particulièrement de cette situation.

En plus le nombre d’enfants face à la justice  connaissait une croissance inhabituelle résultant d’une délinquance juvénile croissante née de la situation économique et sociale post crise politique, et produit aussi par  un exode rural. D’où une mobilité des enfants de la campagne vers la ville, justifiée par la pauvreté, et augmentant le risque d’en faire des clients potentiels pour le système judiciaire.

Au total avant 2009 sous la juridiction de l’ancien cadre légal pénal, il prévalait ce contexte très faiblement protecteur du mineur en conflit avec la loi.

 

2.4 L’exigence dès lors d’un renforcement de capacités des acteurs, source d’une motivation pour la réforme du système pénal.

Un tel système pénal  tel que décrit ci-dessus devait nécessairement être réformé, pour se conformer aux exigences de la CIDE, afin de garantir au mineur la protection et l’assistance lui étant due. Pour permettre l’évolution, il fallait pour cela assurer une sensibilisation[14]des acteurs et leur formation. Ainsi la formation  des acteurs sera l’outil et le moteur de l’action  vers l’avènement d’un nouveau système pénal.

A la suite donc de la Table ronde des 20 et 21 mai 2002, un programme assidu d’activités de formation va se dérouler de 2004 à 2009. Ainsi près d’une dizaine d’ateliers de formation[15], seront successivement organisés et animés[16] par Terre des hommes en accord avec le Ministère de la Justice, et avec l’appui de l’Unicef, ainsi que d’autres partenaires techniques et financiers. L’objectif a d’abord été de renforcer les capacités des acteurs du système, en connaissances de la matière des droits de l’enfant, et ensuite de leur donner une aptitude à rendre aussitôt applicables les principes acquis en formation. Autrement dit les aider à comprendre pour mieux agir. Et c’est la persistance dans l’action de formation et sa répétition qui donnera du résultat[17] à cet effort.

 Les retombées  et impact  des dites formations seront : le  raccourcissement progressif des délais de traitement des causes des mineurs, la réduction de la durée des peines de condamnation, l’octroi plus fréquent de la liberté provisoire et du sursis, et déjà à partir de 2006, la tolérante admission de l’intervention informelle de l’assistant social dans la procédure à la Police d’abord, puis au Tribunal ensuite, ce par la réception de son enquête sociale par le biais de l’avocat[18] en charge du dossier.

Et en raison  donc de tout cet effort de formation, le tableau de la situation de la justice juvénile au Burundi va évoluer.

Cette évolution va susciter des espoirs dus à  la motivation manifestée de la plupart des acteurs dans l’acceptation des efforts de formation, et également par l’avancée constatée par le début d’intégration de l’assistant social à la procédure, avec l’usage de l’enquête sociale.

Mais malgré tout, l’état d’inadéquation du cadre légal, restait une contrainte, car ne permettant pas de prendre plus de mesures adaptées dans  traitement du au mineur  selon  les exigences de la CIDE. Néanmoins les acteurs judiciaires intégreront par ces formations la connaissance des standards requis, et leur action subséquente justifiée par leur motivation, produira une amélioration progressive de la prise en charge des mineurs[19].  Cela d’abord par un changement de mentalités et d’attitudes comportementales vis-à-vis du mineur, ensuite par une réformation des décisions vers plus d’humanisation : notamment par la réduction du recours systématique à l’incarcération tant en détention provisoire[20], que post jugement, avec d’une part le souci d’éviter le prononcé des condamnations à de longues peines[21], et aussi par application de la  mesure de mise en liberté provisoire, et du sursis, pour éviter l’incarcération[22].

                                                          

3.0 L’étape seconde d’édification du système de justice juvénile de 2009 à  2013 :

Cette deuxième période va de 2009 à ce jour  avec deux phases à savoir, celle allant de 2009 à 2013, puis celle contemporaine depuis 2014 à ce jour.

La première phase susvisée, fût consacrée à une consolidation des efforts d’amélioration de la procédure pénale entamés dans l’étape initiale (2002 à 2008) ; ensuite surviendra le 22 avril 2009, une modification conséquente du cadre légal.

Car l’impact des formations réalisées dans l’étape initiale, a d’une part favorisé les acquisitions de connaissances et de capacités, et d’autre part assuré un plaidoyer fort et soutenu depuis 2004 pour l’amélioration et surtout l’harmonisation du cadre légal avec les principes de la CIDE. A ce titre, tous les efforts acquis d’amélioration ponctuels  progressivement obtenus ont d’abord été salués que comme des avancées palliatives, dans l’attente de la réforme et l’adoption d’un nouveau cadre légal. Et durant toute la période initiale, pour mieux appuyer et renforcer les efforts de formation d’alors, des Memoranda étaient élaborés et remis aux participants comme aide-mémoire post formation, et par la suite un outil  didactique composée de plusieurs modules de formation appelé Mémento[23] sera encore réalisé en 2012.

 

3.1 Revue des efforts d’amélioration de l’ancien cadre légal pénal de 2008 à 2009 :

La consolidation  des acquis de formation de la période initiale, se manifestera par leur conservation dans les pratiques procédurales dans certaines provinces notamment Ngozi ; puis  viendra un approfondissement de ces avancées. Ainsi les modifications des formes d’intervention des acteurs judiciaires, vont davantage prendre corps dans la procédure : par le raccourcissement progressif des délais de traitement des causes des mineurs, la réduction de la durée des peines, un octroi plus fréquent de la liberté provisoire, ainsi que du sursis, une admission tolérante informelle de l’assistant social dans la procédure, par réception indirecte de l’enquête sociale réalisée, par le biais de l’avocat. 

En particulier, il surviendra  à partir de 2007 à Ngozi, l’instauration d’audiences spéciales pour mineurs à l’effet d’asseoir progressivement la spécialité du traitement du mineur, le respect du principe de la confidentialité avec l’application du huis clos ; et encore le début de systématisation d’une collaboration plus directe du Tribunal (Parquet et Siège), avec l’assistant social. Mais du fait du carcan du cadre légal obsolète de la période susvisée ces nouvelles évolutions palliatives ne vont pas pouvoir se généraliser partout dans les différentes provinces, contrainte gênante contre le mouvement  d’amorce ainsi constaté.

Mais ce travail de mutation constaté, fera qu’après des  formations très motivantes, certaines provinces demeureront des figures de proue à savoir Ngozi[24] d’abord, Gitega ensuite. Car il est notable particulièrement à Ngozi, une prise de conscience positive et résolument active des acteurs judiciaires amorcée depuis 2007¸ puis maintenue dans la pratique procédurale du TGI[25]. Cette prise de conscience favorisera un changement d’attitudes et de méthodes dans la prise en charge procédurale des mineurs en conflit avec la loi.

Ainsi dans ce processus d’amélioration de la procédure, la persistance des formations va aider à ouvrir des brèches, face à aux résistances au changement perçues notamment dans la capitale Bujumbura, et les pratiques nouvelles relevées ci-dessus dans la période initiale, vont commencer également  y prendre corps surtout à partir de 2008.

Le deuxième fait marquant de cette période susvisée a été ensuite, l’intervention accentuée de nouveaux partenaires venus s’allier à l’effort entamé par Terre des hommes,  à savoir (le BINUB[26], et la CTB[27])

 

3.2 L’intervention donc de nouveaux partenaires techniques à partir de 2007:

Cela  apportera des moyens supplémentaires d’action, et permettra d’user de nouvelles  stratégies; notamment la création de lieux d’incubation en 2008 dans une alliance de Terre des hommes et du BINUB, en accord avec le Ministère de la Justice : à savoir des provinces pilotes  (particulièrement Ngozi et Kayanza) où s’expérimentent la mise en application de la nouvelle forme de prise en charge judiciaire de l’enfant selon les améliorations procédurales ci-dessus relatées. La caractéristique de l’action de ce moment sera le développement du volet d’assistance au mineur par l’appui à une systématisation du travail de l’assistant social et son intégration progressive à la procédure, avec la mise à disposition continuelle de l’enquête sociale ;la présence procédurale de l’avocat[28] également accentuée. Et il s’ajoutera à cela l’instauration désormais plus admise des audiences spéciales pour le traitement regroupé des causes des mineurs[29]. Le recours à des alternatives à l’incarcération comme : la liberté provisoire, et l’octroi du sursis sera aussi plus fréquent. Enfin au titre des sanctions, la réduction à un  niveau admissible de la durée des peines prononcées, sera un signe d’usage plus constant du principe de la proportionnalité. 

Toute cette émulsion manifestée d’avancées palliatives et correctives justifiées par l’état inadéquat de la loi applicable, produira une réaction salutaire des autorités décisionnelles traduite par une réforme profonde du cadre légal qui surviendra le 22 avril 2009  avec l’adoption du Code pénal, contenant des dispositions nouvelles relatives aux mineurs. Et ainsi l’étape majeure de la construction du système de justice juvénile posait dès lors son premier fondement légal.

                                                                                                                                                                                

3.3 La modification du cadre légal pénal réalisée de 2009 à 2013 :

Le 22 avril 2009, est survenue l’adoption du nouveau Code Pénal créateur  d’un nouveau régime juridique pénal spécial pour les mineurs, mais dont toutefois l’effectivité  d’application de certaines nouvelles mesures adoptées, n’interviendra malheureusement qu’en 2013 avec l’adoption du Code de Procédure Pénale ; car la non disponibilité de ce dernier Code va empêcher la mise en œuvre intégrale des nouvelles mesures de protection contenues dans le Code Pénal.

Cependant ce premier jalon majeur de la réforme du cadre légal pénal aura l’avantage de  prendre en compte tous les points d’amélioration procédurale anciennement relevées comme avancées palliatives durant la période initiale et suscitées par les différentes formations. Et en plus d’autres mesures l’accompagneront, matérialisées dans les actions suivantes, pour affiner les fondements d’un cadre formel de prise en charge améliorée des mineurs :

  • Ainsi d’abord stratégiquement il y a la création en février 2009 d’un groupe thématique Justice Juvénile d’échange sur la problématique ; cette mesure s’expliquant par l’existence d’une multiplicité d’intervenants nouveaux et rendant nécessaire une concertation préalable avant la prise des décisions.

  • Puis viendra la création en juin 2010 d’une cellule nationale de protection judiciaire de l’enfance, devant être l’embryon institutionnel de base d’un service socio judiciaire chargé de la coordination et de l’accompagnement judiciaire de l’enfant.

  • Egalement dans l’appareil judiciaire et la procédure pénale, la mise en place de points focaux au niveau des phases procédurales majeures, (constitués de magistrats du Parquet et siège et d’officiers de Police Judiciaire), appelés à être spécialisés dans la protection de l’enfance au sein de leur service. 

  • Enfin pour la détermination des orientations fondamentales, l’élaboration d’une politique sectorielle sur la justice juvénile va être intégrée dans une politique globale de la Justice, et avec son plan d’action (2011-2015), signe désormais visible d’une prise en compte de la thématique susvisée par les autorités décisionnelles.

Dès lors des lignes de forces suivantes ressortent de toutes ces décisions majeures : à savoir d’abord une volonté politique manifestée des autorités décisionnelles d’entamer un processus de réforme fondateur d’un système de justice juvénile, avec un accompagnement des acteurs ; ensuite un nouveau cadre légal mobilisateur et créateur d’une spécialisation des acteurs de la chaine pénale, également une mise en place d’une structure institutionnelle de coordination comme la cellule nationale de protection judiciaire de l’enfant, enfin l’exigence de la formation continue des acteurs, et la volonté d’amélioration de la prise en charge de l’enfant par la prise en compte de la dimension sociale dans l’intervention.

Mais pour l’analyse, quelles avancées relever particulièrement de ce nouveau cadre légal ?

 

3.3 Rappel des caractéristiques du nouveau dispositif légal de prise en charge du mineur :

Le nouveau cadre légal, met en exergue la protection du mineur, et intègre plus encore le concept d’assistance dans le processus d’intervention.

Le fait nouveau, est l’introduction de la dimension psycho sociale dans la prise en charge du mineur, dans les différentes étapes de la procédure pénale. Ainsi de la  police, au parquet, comme devant le juge, il est institué la nécessité d’une enquête sociale pour cerner la personnalité du mineur d’une part et d’autre part de faire usage d’alternatives à vocation de réintégration sociale, comme le placement familial, l’assistance éducative ou le travail d’intérêt général.

L’exigence de cette prise en charge psycho sociale, astreint d’éviter le recours à la détention qui est rendue exceptionnel, par la collaboration avec structures d’accueil habilitées et même avec des entités privées en charge de la gestion de ces types d’outils. Et cette modification majeure introduit désormais la nécessaire intervention de nouveaux acteurs[30].

Concrètement le nouveau cadre légal instaure une nouvelle procédure de prise en charge judiciaire du mineur marquée par la reconnaissance de sa spécificité, et de ses droits consacrés par la CIDE. Et la garantie des droits de la minorité, fait alors obligation à tout acteur intervenant d’avoir à vérifier au préalable, par tous moyens l’âge du mineur afin d’éviter de le priver de ses droits consacrés. De nouveaux formats d’intervention sont ensuite définis pour les différents acteurs :

  • Ainsi à Police :si les actes de police judiciaire habituels restent codifiés dans le nouveau cadre légal, leur mise en œuvre appelle le respect de nouveaux principes, tels que l’exigence du respect de l’intérêt supérieur de l’enfant, celui de ne recourir à la privation de liberté, que comme une mesure de dernier ressort, ensuite d’avoir à veiller sur le respect de son droit à l’éducation même en détention.

    Et plus particulièrement la Police est tenue désormais d’instaurer dans sa pratique procédurale une vision psycho sociale matérialisée par  le devoir d’investigation sur la personnalité de l’enfant, dimension complétement étrangère dans l’ancien cadre légal caractérisé par le traitement uniquement pénal de la procédure. Et cela produit une collaboration nécessaire et maintenant effective entre la police et les assistants sociaux.

Egalement il y a une  rupture de l’isolement procédural  de l’enfant  par le respect de son droit à l’assistance, marquée par l’intégration obligatoire de nouveaux intervenants auprès de l’Officier de Police Judiciaire durant son enquête, à savoir le parent dont l’OPJ[31] doit justifier la présence, l’avocat dont la non présence est sanctionnée ; l’assistant social  dont  l’intervention est admise mais reste encore  une faculté.

Aptitude légale est aussi conférée à l’OPJ  pour prendre des mesures de protection nécessitées pour la prise en charge de l’enfant pendant la phase de policière ; mais également des actes de déjudiciarisation tels que l’avertissement, le rappel à la loi, l’amende, la remise à parent entrent maintenant dans la compétence de la police[32].

  • Avec le Ministère Public : La poursuite est confiée désormais à un Parquet spécial, avec  les mêmes actes procéduraux usuels  à savoir interrogatoire ; mise en détention préventive, saisine  de la Chambre du Conseil  pour confirmation de la détention. Mais le Parquet dispose désormais d’un contrôle plus défini et accentué des actes de police judiciaire, avec en plus des innovations sur la déjudiciarisation, par le recours prévu à des mesures comme : l’avertissement, le rappel à la loi, le placement. Il intègre en plus dans son champ procédural  d’autres acteurs intervenants  comme l’assistant social  même si cela reste une faculté,  en plus de l’avocat. 

  • Auprès du Tribunal à l’étape du jugement : il s’inaugure de profonds changements par l’instauration de juridictions spéciales à savoir la Chambre des Mineurs. Et une procédure nouvelle applicable qui respecte le principe de la confidentialité ; associe les parents ; garantit l’assistance du mineur par l’avocat et l’assistant social, en plus de l’exigence codifiée d’une intégration et exploitation dossier social assurant la prise en compte d’une investigation sur la personnalité du mineur. Enfin les sanctions à prononcer intègrent des mesures de protection, d’éducation et de surveillance (assistance éducative, suivi socio judiciaire..) ; tout autant que des alternatives à l’incarcération comme le travail d’intérêt général.

Il s’ajoutera à toutes ces innovations procédurales,  une amélioration pratique du traitement des dossiers des mineurs  notamment par l’usage de fardes de couleur spécifique[33] maintenant applicables dans 17 provinces du pays.

Et pour asseoir ces innovations un processus de formation accélérée des acteurs se déroulera encore, avec une série de 16 ateliers de formation organisés par Terre des hommes d’abord en 2012 de janvier à mars, puis ensuite de juin à juillet 2013, permettront de mettre à niveau près de 600 acteurs à la nouvelle procédure de prise en charge judiciaire de l’enfant.

Cet effort sera ensuite complété par d’autres formations à ce titre, sous la responsabilité de la CNPJE[34].

Le CFPJ[35] intégrera également cette même dynamique de formation[36].

Ainsi depuis 2013, des activités pour l’opérationnalisation du nouveau système de justice juvénile sont en cours.

3.4 L’opérationnalisation de la réforme de 2013 à ce jour :

Il s’est donc amorcé l’étape d’opérationnalisation, depuis l’adoption du nouveau cadre légal (CP[37] et  CPP[38]), jusqu’à ce jour.

Ainsi pour asseoir l’introduction du volet psycho social de la procédure, en plus des assistants sociaux de Terre des hommes déjà impliqués dans la procédure judiciaire et qui ont entamé l’action pionnière depuis 2005 ; il s’opère désormais la collaboration à cet effet, avec les assistants sociaux des structures des CDFC[39], cela  même dans les provinces. En plus un volet formation de cette catégorie professionnelle s’est ouvert avec les structures de formation comme l’ECOSOC de Gitega, afin d’améliorer le curricula de formation initiale de base.

L’assistance par avocat s’est mise en place, et généralisé dans 15 provinces, ainsi que s’institue  progressivement aussi, une structuration de l’aide légale avec une initiative au départ d’Avocats sans frontières, aujourd’hui en voie d’institutionnalisation publique par une dotation formulée à cet effet.

Pour l’amélioration du volet accompagnement durant en détention, il s’est réalisé la  construction du quartier pour mineurs à Ngozi avec l’appui du CICR, et hors le milieu carcéral, des centres de rééducation à Rumongé et Ruyigi ont été édifiés avec l’appui de l’Unicef, devant bientôt entrer en phase de fonctionnement.

Enfin pour la vulgarisation de l’action menée, il a été réalisé par Terre des hommes, la production d’un film documentaire sur les différentes activités menées en 2013 et 2014, également utilisé comme outil de formation. Et des perspectives d’action complémentaires suivantes s’ajoutent à la modification fondamentale de la procédure pénale instituée, notamment:

  • La mise en place d’un plan et des outils de formation pour consolider le renforcement des capacités des acteurs, dans une optique d’intégration de la matière des droits de l’enfant dans les curricula de la formation  initiale des  écoles professionnelles : magistrature, police, écoles des travailleurs sociaux.

  • L’élaboration en cours d’un code de protection de l’enfant.

  • La détermination de la politique nationale de protection de l’enfant.

  • Les nouvelles mutations  de l’organe de la CNPJE vers la création d’une DPJ[40].

  • Les réflexions  pour un système de prise en charge de mineurs en danger, victimes et témoins

Il demeure cependant quelques  limites, car malgré tous ces progrès relevés, certaines lenteurs et freins empêchant  l’usage de tout le potentiel du nouveau système :     

  • Notamment l’absence d’un système fiable d’état civil, se répercutant sur la sûreté des procédures légales relatives à la détermination de l’état de minorité pénale.

  • La structuration encore lente des composantes du système, sur le volet socio judiciaire d’encadrement des mineurs auprès des tribunaux, empêchant de rendre applicables certaines nouvelles mesures pénales, comme l’assistance judiciaire, le suivi socio judiciaire et même le travail d’intérêt général. En effet le Ministère de la Justice ne dispose pas d’un corps d’assistants sociaux, lesquels dépendent statutairement du Ministère de la Solidarité, et une finalisation administrative de la collaboration entre les deux départements ministériels tarde à s’institutionnaliser.

  • L’état encore inadéquat des structures carcérales marquées toujours par la faible qualité de la prise en charge interne. La non spécialisation et non formation adéquate du personnel pénitentiaire non préparé à l’accompagnement du mineur dans la dynamique de sa réinsertion.

  • l’usage non encore généralisé et diversifié des mesures alternatives légalement prévues,  pour assurer la réinsertion du mineur en conflit avec la loi.

  • Enfin l’absence d’une prise en charge légale adéquate des mineurs  en danger, victimes ou témoins.

  • La non effectivité de la totale intégration de la communauté dans l’intégralité du processus.

 

 

 Conclusion :

Aujourd’hui le constat majeur est que le système de Justice juvénile au Burundi existe et fonctionne, la meilleure preuve en étant qu’aujourd’hui dans les structures de détention, il y a plus de mineurs condamnés qu’en détention préventive, alors que le contraire  fût longtemps la tendance caractéristique.

Et l’analyse des actions menées pour parvenir à cet état, en termes de leçons apprises démontre que :

  • La prise en compte de la spécificité de l’enfant et de ses droits consacrés à travers les principes fondamentaux de la CIDE bien compris grâce aux formations reçues, a été un fort vecteur de poussée vers les changements progressifs de la pratique d’intervention des acteurs. La bonne compréhension produit donc l’action.

  • La formation a donc été une activité primordiale pour les acteurs, qui même en l’absence d’un cadre légal adéquat, ont pu y puiser les bases constructives d’une réforme favorisant l’évolution ultérieure du système.

  • Les acquis de la formation déjà utilisées ad expérimentum, ont servi ensuite pour être intégrées dans la réforme ultérieure.

  • La formation des acteurs encore aujourd’hui demeure l’outil fondamental d’action pour renforcer leurs capacités dans leur nouvelle dynamique d’intervention.  

  • Le système de justice juvénile, a pu se construire en progressivité à partir de l’existant, avec le choix intelligent d’axer les innovations sur les règles de la procédure et le savoir-faire des acteurs, d’une part, et avec une option d’un meilleur usage des alternatives à l’incarcération et de faible investissement sur les composantes infrastructurelles couteuses. Ainsi il n’est donc pas besoin de tout avoir pour commencer à agir. Et la progressivité dans l’action est donc un atout pour avancer en efficience.

Le défi qui demeure maintenant est de renforcer les acquis, et d’œuvrer pour leur pérennisation avec une bonne utilisation des ressources humaines formées.

C’est ainsi au final une belle œuvre est née de tout ce processus, réalisée grâce à la conviction et détermination de fortes personnalités humaines, compris et soutenus par les autorités publiques dont la volonté politique est à saluer. Tous ont donc bien agi en synergie, animées de la seule volonté d’offrir aux enfants au Burundi quel que soit leur situation de vie,  les conditions d’un environnement protecteur.

Fait à Bujumbura ce 25/10/2014

Par Me François M. Diassi, Avocat et Consultant en Justice juvénile.



[1] C’est la Convention internationale relative aux droits de l’Enfant.

[2] C’est la cellule Nationale de la Protection Judiciaire de l’Enfant, installé au sein du Ministère de la Justice du Burundi

[3] C’est le Code Pénal.

[4] Et le Code de Procédure pénale.

[5] C’est la République démocratique du Congo.

[6] Le Burundi est au 185ème rang sur 187 au classement IDH – PNUD - 2011

[7] Enquête QUIBB 2006

[8] C’est pourquoi il est dit à ce titre au Burundi, que la pratique a précédé et modélisé la réforme.

[9]C’est une série de 8 ateliers qui furent organisées aux dates suivantes : Bujumbura 1er au 5 juin 2004; Bujumbura : 26 au 30 septembre 2005; Ngozi  avril 2006 ;Gitega : 12 au 16 décembre 2005 ;Bujumbura :23 au 27 avril 2007 ;Ngozi : 3 au 8 décembre 2007 ;Bujumbura 19 au 23 mai 2008 ;Ngozi :20 au 25 avril 2009 pour les avocats. Ainsi près de 400 participants ont bénéficié de ces formations animées par le binôme de Formateurs André Dunant et Me François Diassi experts internationaux.

[10] Cette Table Ronde a été animée par les experts internationaux suivants : Mme Renate Winter, Juge TPI Sierra Léone et Présidente de l’AIMJF, Feu Mr André Dunant Ancien Magistrat de la Jeunesse, Consultant en Justice juvénile, et Me François Diassi Avocat et Consultant en Justice Juvénile ; à ces experts fût joint localement le Professeur Gervais Gatunange qui travaillait sur un projet de réforme. Elle a regroupé deux jours durant, 78 professionnels et 23 recommandations y furent adoptées en clôture.

[11] La Table Ronde suscitera l’engagement à agir de nombre de partenaires dont en tête de file l’Unicef qui se mettra en partenariat avec Terre des hommes.

[12] Cependant la particularité des détentions constatées à l’époque était marquée par une disproportionnalité entre les faits commis et la peine de condamnation ; par exemple, un vol d’une denrée agricole (récoltes sur pied), était ainsi un vol qualifié pouvant valoir jusqu’à une 10 d’années de détention, et de nombreux mineurs subissaient cette situation.

[13] Par exemple des structures, telles des centres de rééducation ou d’adaptation sociale des mineurs sont inexistantes dans le pays.

[14] Particulièrement la détention des mineurs se caractérisait par une non séparation avec les adultes en prison, il fallait donc sensibiliser à plus d’humanisation de la peine et créer le réflexe d’user d’alternatives à la détention.

[15]Ces formations se dérouleront successivement en alternance cyclique, à Bujumbura, Ngozi et gitega. Voir la note de bas de page n°9.

[16] Feu Mr André Dunant et Me François Diassi en seront les experts internationaux Formateurs de 2002, jusqu’en 2009.

[17] Et dès à partir de 2005 à l’issue de chacune des formations, un document de synthèse des modules et travaux appelé Mémorandum de la formation était remis à chaque participant à titre d’aide mémoire.

[18] Dès à partir de 2005 Terre des hommes a commencé à mandater des avocats pour la défense des mineurs, et la présence de l’avocat a été utilisé comme première porte d’entrée pour l’adjonction de l’assistant social à la procédure.

[19] Le constat de toutes ces améliorations est relevé et consigné dans le rapport d’évaluation rédigé par André Dunant en décembre 2007.

[20] Les acteurs ont été amenés à comprendre que la détention était un outil procédural ne devant être utilisé qu’à des conditions précises et non de manière systématique.

[21] S’agissant des longues et lourdes peines, l’attention fût portée sur le devoir de respect du principe de proportionnalité.

[22] Il a fallu à ce titre, rappeler l’exigence de la CIDE faisant de la détention une mesure ultime de dernier recours.

[23]Le Mémento a constitué l’outil de base des formations réalisées en 2012 par Terre des hommes pour l’appropriation par les acteurs judiciaires du Nouveau Code Pénal, et en une seconde version il a accompagné les formations sur le Code de Procédure Pénale en 2013.L’auteur du Memento Me  François Diassi a gracieusement mis l’outil à la disposition des acteurs judiciaires pour leur formation. Ainsi près de 700 acteurs ont été formées sur les deux cycles de formation avec l’appui technique de cet outil.

[24] A Ngozi le Président du TGI, Mr Prime et de la Cour d’Appel d’alors Mr Diomède ont été des personnalités marquantes dans ce processus.

[25] C’est le Tribunal de grande instance situé au chef-lieu provincial.

[26] C‘est le Bureau Intégré des Nations Unies pour le Burundi.

[27] C’est la coopération technique Belge.

[28]Sur ce plan particulièrement en 2008, Avocats sans frontières se joindra à ce processus entamé par Terre des hommes, visant à rendre disponibles les avocats pour la défense, ainsi que l’APRODH. L’idée ensuite commença à germer d’une réflexion plaidoyer pour la mise en place d’un système d’aide légale.

[29] Cela fût très utile en l’absence de juridictions spéciales pour mineurs,et cela amorçait un début de spécialisation dans la pratique judiciaire.

[30] L’article 226  du Code de Procédure Pénale donne ainsi de nouveaux moyens d’encadrement du mineur au titre de sa garde, comme les familles d’accueil ou centres spécialisés, nouveaux intervenants en appui aux acteurs.

[31] C’est l’officier de police judiciaire chargé de l’enquête préliminaire de police.

[32] (cf. : art 30 CP): mais NB : ces mesures ne sont toutefois pas spécifiquement déclarées applicables par la Police par l’article susvisé, bien leur sens technique les affecte à cette compétence.

[33]Ces fardes de couleurs qui concourent à la spécialisation et l’amélioration du traitement des causes des mineurs, sont nées d’une idée émise, lors d’une visite faite au TGI de Bujumbura en mai 2002, par feu Mr André Dunant, lors d’une interpellation du Président du TGI de l’époque, sur comment faire pour distinguer les causes des mineurs en l’absence d’audiences spéciales et afin de leur faire bénéficier d’une célérité de traitement. Ce n’est finalement qu’en 2012, avec l’appui de la CTB et de l’Unicef que l’application commencera à devenir effective.

[34] Cellule Nationale de Protection judiciaire de l’Enfant.

[35] C’est le centre de formations pour les professions judiciaires.

[36]Le CFPJ dans le créneau des formations destinées aux magistrats, va initier un module de formation initiale des magistrats avec l’appui de l’Unicef et de la CTB.

[37] C’est le Code Pénal

[38] C’est le Code de Procédure Pénal

[39] Centre de Développement Familial et Communautaire

[40] Direction de la Protection Judiciaire de l’Enfant

Bujumbura et le lac Tanganyika

La Mauritanie,les Formations et assistance technique réalisées en Mauritanie de 1999 à 2009...

La Mauritanie bénéficiera de l'accompagnement de Me Diassi, dans le cadre d'un programe de justice juvénile lancé en 1998 par Terre des hommes, à partir d'une Table ronde initiale de sensibilsation sur l'urgence d'une prise en charge judiciaire améliorée des mineurs dans ce pays. Ainsi à partir de 1999 au vu des faibles capacités relevées chez les acteurs sur la thématique, une série de formations tendant au renforcement de leurs capacités  va permettre d’outiller de plus en plus les intervenants  sur la thématique.  La première de cette série   d'ateliers de formation, débutera en 1999. 

 

De la Table ronde de 1998 donc à cette date de 1999, le binôme Me Diassi André Dunant s’investira fortement sur cet effort de capacitation des acteurs, cela jusqu’en 2003. Il associeront à l’effort de formation celui d’un fort plaidoyer pour la réforme du cadre légal, car celui en vigueur à l'époque était loin d’être en harmonie avec les principes de la CIDE, et les conditions de détention des mineurs étaient très dures.

Après 2003 Me Diassi sera associe à Me Leila Khalfallah pour mieux sensibiliser encore, en passant par le vecteur de la langue arabe. Me Diassi comme team leader veillera à associer l’expertise locale, dont les compétences seront encadrées à cet effet, ainsi Me Fatoumata Mbaye, et Ahmed Salem Bouhoubeyni seront affectés à cet exercice.

En 2005 il survient l’adoption du nouveau cadre légal novateur et plus en harmonie avec les principes de la CIDE. Et Me Diassi sera encore sollicité pour conduire tout le travail d’imprégnation des acteurs au nouveau texte de loi ce dans les différents ressorts judiciaires de Nouakchott, Nouadhibou et Kiffa, ce programme s’étendra jusqu’en 2009. A ce travail de formation il sera associé ensuite une assistance technique à la DPJE (Direction de la Protection Judiciaire de l'Enfant) pour améliorer ses performances en accompagnement des mineurs au plan judiciaire et social. Le mandat se conclura par une évaluation globale de l’état du système de justice juvénile ce afin d’identifier les points d’action en amélioration future.

Tel aura été en résumé, l’expérience d’accompagnement vécue en Mauritanie pour les acteurs sur demande de Terre des hommes.

Me François Diassi

Témoignage amical...

NB: Ce texte fut rédigé en 2009 après l'important travail d'appui à l'imprégnation du nouveau cadre légal mauritanien de prise en charge des mineurs, à savoir l'OPPE datant de 2005.

Il est souvent dit, les hommes passent mais les institutions demeurent ; mais il est aussi dit que les institutions ne valent, que par les hommes ou les femmes qui les dirigent.

Cet adage a trouvé encore, toute sa véracité dans la période récemment vécue par l’institution Terre des Hommes en Mauritanie, entre 2005 et 2009.

Pour avoir été, un témoin privilégié de l’action menée en cette période, il m’est un devoir d’en témoigner, au moment où celle qui  a représenté l’organe de direction de l’activité de la dite institution, est entrain de la quitter pour raison de fin de mission.

Ainsi Federica Riccardi Déléguée de la Fondation Terre des Hommes dans la période susvisée, marquera de manière indélébile  l’évolution de la justice des mineurs en Mauritanie dans cette dite période.

En effet sa prise de fonction, a coïncidé avec la promulgation de l’ordonnance de protection pénale de l’enfant, et à cette époque, le grand défi était de réaliser la mission de mise en application de cet outil, fort attendu et nécessaire à une meilleure prise en charge judiciaire de l’enfant en Mauritanie.

Consciente de cette mission, fort importante aussi, pour l’institution placée sous son autorité, elle s’est investie corps et âme, pour mettre en place un plan d’opération, garantissant l’accompagnement, par la formation, de tous les intervenants ; ce afin d’asseoir, une appropriation de l’outil et sa mise en œuvre, la plus efficace possible, dans les zones importantes du pays, que sont Nouakchott, Nouadhibou et Kiffa.

Ainsi c’est pas moins d’une centaine d’intervenants, qui ont bénéficié de ces ateliers, pour mieux s’imprégner de l’outil et en amorcer le début d’application nécessaire, afin d’augurer les mutations fondamentales qui y sont  en germe, et qui sont source d’une évolution bénéfique,  de la prise en charge des enfants, particulièrement les MCL en Mauritanie. 

Un document de base atteste de toute cette action menée, et est disponible comme outil d’appui à la compréhension nécessaire des exigences de la loi.

Cette même action sera conduite pour vulgariser tous les textes législatifs connexes à l’OPPPE, ce sur les alternatives à la détention, puis sur l’aide juridictionnelle etc…

Mais plus encore, au vu de la faiblesse de la structure institutionnelle mis en place pour accompagner la mise en œuvre de l’OPPPE , à savoir la DPJE, elle n’a ménagé aucun effort pour lui apporter les moyens de réaliser le rôle fondamental qui doit être le sien.

C’est à ce titre qu’elle aura diligenté une mission d’évaluation de ses faiblesses, propres à diagnostiquer les causes, afin d’apporter les solutions idoines nécessaires à promouvoir les renforcements nécessaires à la réussite de l’action de cette  structure.

C’est dire donc, que sur deux points majeurs d’évolution de la Justice des Mineurs en Mauritanie, Federica a apporté une présence, une détermination, une disponibilité remarquable, à faire constater et magnifier. Son action à un moment essentiel de l’évolution de la justice des mineurs en Mauritanie aura donné, un coup d’accélérateur essentiel dans la consolidation des deux mamelles, en constituant les bases, à savoir l’OPPPE et la DPJE.

Elle aura apporté un influx vivificateur, à l’action menée, au bénéfice de cette cible  (les enfants) si chère à l’institution Terre des Hommes,  qu’elle a représenté en cette période en Mauritanie.

Accompagnateur que nous avons été dans cette action, notre devoir envers elle et envers l’institution Terre des Hommes, nous aura obligé de témoigner honnêtement de ce que nous avons vu, entendu et construit avec elle.

Elle aura su bonifier l’héritage reçu d’autres pionniers avant elle, dont l’action aussi a constitué le terreau fertile d’où ont germé  les évolutions heureuses qui se dessinent si fermement  à l’horizon.

Que donc à ce moment du départ, et pour l’avenir, qu’encore et encore, bien des fleurs encore plus belles, jalonnent la route de Federica et de Terre des Hommes !!! 

  

Me François Diassi

 

Me Diassi en compagnie de Magistrats mauritaniens lors d'une formation à Nouadhibou

Un havre de paix à Nouadhibou...

Remise de tables de ping pong au Fort B à Dakar au titre de la prise en charge des mineurs.

Bien cordialement,

diassi francois