Une bonne nouvelle: le bracelet électronique au Senegal !!!

12. Mars, 2021

la loi n°2030-28 du 7 juillet 2020 a introduit le placement sous surveillance électronique comme mode d'aménagement des peines.
Nous procéderons sous peu à son étude.

Rapide histoire de l'introduction de la prison dans la justice pénale en Afrique occidentale

La création de prisons coloniales a été rendue légale par un senatus consulte du 22 juillet 1867 étendant au Senegal (Saint louis et Gorée)  la contrainte par corps. Un decret du 12 aout 1891 du ministre des colonies étendra à toutes les colonies francaises les dispositions du texte de 1867. Saint louis du Sénégal était la seconde colonie instituée dès 1659 après la Nouvelle France née en 1608 en Amerique du Nord.

Les populations africaines d'alors étaient attachées a l'idée de sanction communautaire. C'est pourquoi cette forme d'enfermement d'encellulement individuel était rejetée et demeure perçue comme une remise en cause de l'honneur de la sociabilite attachee a la condition d'homme. C'est une peine degradante et mortifere assimilable à l'obscurite prémonitoire du tombeau. Elle est donc rejetee culturellement representant l'isolement contraire a la vie de la sociéte fondée sur le groupe, produisant aussi une angoisse du fait des mauvais esprits qu'elle recèle et de la honte qu'elle suscite. Il s'ensuit que la prison en afrique coloniale n'a pas de vocation ni de resultat de réhabilitation contrairement a la vision de l'europe. Le colonisateur l'a plutot utilise comme un outil d'encadrement des populations, de prophylaxie sanitaire, de travail obligatoire, de réduction des opposants.

Les societes africaines coutumières par contre ont plutot priviligié la réparation plutot que la rétribution lors de la résolution des conflits. La prison n'a donc pas été un instrument du controle social dans la tradition africaine.
Mais le pouvoir colonial va l'imposer progressivement. D'abord en tentant de récuperer la tradition de la justice coutumière pour mieux la controler. Ainsi viendra le decret du 10 novembre 1903 pris par le ministre francais des colonies pour l'AOF, qui va amputer le pouvoir juridictionnel des notables africains en faisant présider les tribunaux indigènes par un administrateur judiciaire et en désignant ses assesseurs  coutumiers d'autorité. Et par la suite en 1946 toute la justice pénale est transferee aux tribunaux de droit francais dans l'AEF et AOF. (Voir ouvrage de JP Alline la prison en Afrique francophone PUF)

Me Diassi

Un enfant en prison, un echec dans la solution de son problème

En effet la prison est une privation de liberté, or un enfant c'est une liberté à éduquer; la privation de liberté devient pour lui l'étouffement d'un devenir. C'est lui oter progressivement l'oxygène de vie, tuer la vitalite en lui.

L'article 37 de la CIDE  nous rappelle cette vérité fondamentale, en disposant la privation de liberté d'un enfant est une mesure de dernier ressort et doit être la plus brève que possible.

On ne peut donc demander à la prison de régler les déficiences de la société, les limites rencontrées dans la mise en oeuvre du projet éducatif de l'enfant. Donc c'est hors du champ carcéral que l'on doit chercher les solutions aux différentes interrogations que pose l'état d'enfant en conflit avec la loi.

Nous avons visité pendant nos vingt ans d'action  en Justice juvénile différentes prisons d'Afrique, et y avons déploré la situation des enfants africains en prison. En effet nos prisons sont inadaptées, vétustes, sans activités de prise en charge, ...les enfants y sont abandonnées à l'oisiveté, et en plus sujets à des mauvais traitements et abus; ce qui constitue une double victimisation. Dans des pays on s'est evertue à tout faire pour nous empêcher cette visite du milieu carcéral...cela en dit long sur l'état de la prison de ce pays, dont nous tairons le nom par respect du principe de confidentialité.

Quoiqu'il en soit même une prison dorée reste une atteinte  à la liberté, dont la solution n'est que la libération la plus rapide qui soit. L'exemple de l'oiseau est là pour nous le rappeler...car enfermé dans une cage avec tout ce qu'il faut, il prend son envol et sa liberté des que la porte de la cage est ouverte.

Donc la solution pour l'enfant n'est pas la prison quel qu'en soit l'état; mais doit être un usage plus accentué aux alternatives à la détention et à l'incarcération. A défaut appliquer l'article 37 de la CIDE stricto sensu qui fait de la privation de liberté une mesure de dernier ressort et également marquée du sceau de la briéveté de la mesure.

C'est pourquoi les magistrats porteurs de la décision judiciaire, tout autant que les politiques faiseurs des lois, ont besoin d'être formés à l'imprégnation de ce principe révolutionnaire de la CIDE sur l'utilsation de l'outil carcéral par rapport à l'enfant.

Les prisons en Afrique....

La douloureuse situation d'inadaptation des prisons en Afrique, l'état de prise en charge déplorable des enfants dans ces lieux implique la nécessité d''une politique pénale adaptée aux exigences de la CIDE.

L’état des prisons en Afrique est dans une situation d’obsolescence très avancée, découlant d’infrastructures inadaptées et vétustes, de personnel en sous formation, ainsi que d’un modèle ou format de prise en charge plus répressif et sécuritaire que réhabilitatrice, enfin souffrant d’une surpopulation résultant de la vocation rétributrice du système pénal.

Ces caractéristiques enlèvent toute efficience à l’outil, plus enclin désormais  à faciliter l’émergence de récidivistes, de criminels endurcis, contribuant ainsi à augmenter son facteur risque social et lui permettant de faillir ainsi de plus en plus à l’atteinte de l’objectif de protection sécuritaire et social attendu de son fonctionnement ; tout cela encore exacerbé par son état fortement budgétivore en faveur d’une population improductive.

Toute cette situation et ces effets devraient pousser les états africains à réfléchir en efficience, et opter pour des politiques pénales favorisant la réhabilitation plutôt que la  simple répression.

Pour les enfants en particulier ce choix est encore plus impérieux.

En effet leur faiblesse et vulnérabilité exige une prise en charge particulière, de plus nécessitée par les dispositions de la CIDE. En conséquence des choix plus accentuées d’alternatives à l’incarcération et à la mise  en place d’une justice pénale restauratrice, sont des voies idoines vers cette prise en charge plus adaptée aux enfants.

Cette option implique pour les états africains de devoir reformer leur cadre légal en y faisant ressortir ces choix politiques et stratégiques dans ses principes de fonctionnement, ensuite de former les acteurs à l’admission de la mise en œuvre de ces principes dans leurs décisions et actions, enfin de sensibiliser et mobiliser les communautés et populations en leur adhésion aux nouvelles exigences et règles.

C’est un long travail nécessaire à promouvoir et réaliser au bénéfice d’un fonctionnement apaisé par une maitrise conséquente du fait délictueux et infractionnel, puisque les acteurs seront plus présents, plus réactifs et travailleront en synergie et en inclusion, plutôt que de manière parcellaire et compartimentée.

Le système pénal fonctionnera avec moins de pression et d’attention individuelle sur les cas personnels étant plus accentué à favoriser une prise en charge plus adaptée à chaque bénéficiaire.

Les acteurs plus formés fairont des choix méthodologiques et pratiques plus en efficience produisant des résultats mieux conformes aux besoins des cibles accompagnées.

Le résultat social sera de loin plus bénéfique et efficient, que le choix de l’option actuelle du tout carcéral, gouffre économique doublée d’une inadaptation culturelle, produisant défiance et vécu compartimentée des populations évoluant dans un pluralisme de systèmes ne favorisant pas l’unité et le progrès devant naître d’une convergence de vision et d’action.

Rappel sur les objectifs de la peine en droit pénal et sur les droits de la personne détenue

Le principe de base qui justifie l’application de la peine, c’est d’une part de susciter l’expiation, mais d’autre part et surtout de rechercher par ce moyen le reclassement social du détenu.

Il est donc exigé que l’emprisonnement s’aménage de façon à permettre au condamné d’avoir la chance et les moyens de se reclasser dans la société, pour à nouveau y assurer un rôle normal.

En conséquence la peine doit avoir pour but plus de « guérir », que de punir simplement.

C’est d’ailleurs pourquoi on perçoit une nécessaire évolution vers des alternatives à l’emprisonnement, avec d’autres mesures en remplacement de la peine classique : comme les mesures de sûreté.

 

Il faut dire que ce principe implique aussi l’exigence du respect du droit à la dignité reconnu à tout individu, à toute personne humaine, même privée de sa liberté du fait d’une condamnation à l’exécution d’une peine judiciaire.

 

Comprendre tous ces objectifs appelle donc à un respect par l’administration de ses obligations vis-à-vis du détenu.

Car la gestion des détenus est un mandat reçu de la société suite à la décision de condamnation du juge, c’est pourquoi, elle comporte aussi l’obligation de rendre compte.

Et cette obligation de rendre compte induit également le devoir au respect des droits du détenu.

Mais quels sont ces droits du détenu ?

La détention ne prive le détenu que de son droit d’aller et de venir, elle n’enlève en rien le devoir de respect de tous les autres droits humains.

Spécifiquement les droits suivants sont dus au détenu dans sa détention.

  • Le droit à la protection de sa vie
  • Le droit à la protection contre toute violence, torture, mauvais traitements

Ces 2 droits ne sont susceptibles d’aucune dérogation.

  • Le droit à la dignité se manifestant par la protection contre toute discrimination, le droit à un accueil dans l’institution carcérale dans des conditions d’admission puis d’enregistrement humain ; le droit à la tenue régulière du dossier le concernant, sa gestion efficace dans le respect des droits humains, et la confiance.
  • Le droit à la séparation, au classement et au traitement juste.
  • Le droit à des locaux de détention humains.
  • Le droit à une alimentation décente.
  • Le droit au contact avec l’extérieur, aux visites.
  • Le droit aux soins de santé.
  • Le droit à une consultation juridique, à un jugement rapide et équitable, à une condamnation juste, et à une peine non privative de liberté au besoin.
  • Le droit à une discipline humaine, à la réception et à l’examen de ses plaintes.
  • Le droit à des inspections, à une supervision indépendante, à un transfert et une libération en dignité.
  • Le droit à la réinsertion.

Tels sont donc les droits auxquels l’administration pénitentiaire est astreinte vis à vis de tous les détenus.

Comprendre les exigences légales impératives à respecter lors d'une détention de mineur

En détention préventive toutes les garanties et les droits reconnus au mineur en détention doivent être respectés.

La détention n’enlève au détenu que le droit d’aller et de venir.

En conséquence les enfants en détention ont le droit de jouir de tous les droits dont jouissent leurs pairs dans la collectivité.

Ils disposent donc du droit à la protection, à la santé, aux soins, au contact avec leur famille, à l’éducation et à la formation, et de jouir des loisirs.

Les jeunes privés de liberté doivent donc avoir accès à tout une gamme d’activités intéressantes et à un plan individualisé établi pour les aider à progresser vers une prise en charge de moins en moins restrictive, ce afin de les préparer à la libération et à la réinsertion dans la société.

Les activités qui les occupent doivent promouvoir leur santé physique et mentale, renforcer leur respect d’eux-mêmes, favoriser leur sens des responsabilités et les encourager à adopter des attitudes ou à acquérir des compétences qui leur éviteront la récidive.

Ces enfants doivent donc être en en bonne forme physique et avoir accès à des services et à des structures leur permettant d’assurer leur développement éducatif et leur épanouissement personnel.

- La séparation avec les adultes doit être absolue, ainsi qu’avec les détenus condamnés.

- Il doit être pourvu aux soins et à toute l’assistance nécessaire sur tous les plans.

NB: Voir ci dessous un tableau récapitulatif  des différentes exigences  et leur sources légales tirées des standards internationaux.

 

En détention suite à la condamnation les conditions légales suivantes sont applicables.

Bonnes conditions de détention : respect de la dignité et traitement humain

Avoir des Objectifs d’assistance, de protection, d’éducation et de réinsertion

- pas de détention illégale ou arbitraire

Art. 9.1 PIDCP

Art. 37.b CDE

Art. 6 CADHP

- mesure de dernier recours et limitée à des cas exceptionnels

Art. 37.b CDE

Règle 2 de la Havane

Règle 13.1 de Beijing (préventive)

Règle 17 de la Havane (préventive)

Règle 19.1 de Beijing

- d’une durée aussi courte que possible

Art. 37.b CDE

Règle 2 de la Havane

Règle 13.1 de Beijing (préventive)

Règle 17 de la Havane (préventive)

- recours contre décision de détention, y compris revue régulière de la situation

Art. 9.4 PIDCP

Art. 37.d CDE

- séparation adultes/enfants (limite : intérêt de l’enfant)

Art. 37.c CDE

Art. 17.2 CADBE

Règle 13.4 de Beijing (préventive)

Règle 17 de la Havane (préventive)

Règle 26.3 de Beijing

Règle 29 de la Havane (après condamnation)

- libération conditionnelle/ anticipée, y compris le retour dans la communauté

 

Règle 28.1 de Beijing

Règles 2, 79 de la Havane

- régimes de semi-détention/liberté

 

Règle 29.1 de Beijing

- inspections régulières et indépendantes

Art. 11 CCT                                    

Règles 14, 72, 73, 74 de la Havane

- spécialité du personnel (statut, rémunération, organisation, formation, etc.)

Règles 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87 de la Havane

- interdiction d’employer la force ou la contrainte (y compris torture) + limites

Règles 63, 64 de la Havane

(Art. 7 PIDCP, Art. 37.a CDE, CCT)

- le personnel ne doit pas porter d’armes

Règle 65 de la Havane

- accès à l’assistance juridique

Art. 37.d CDE

Règle 18 de la Havane

- contact avec l’extérieur et en particulier la famille ou le tuteur (correspondance, visites, etc.)

Art. 37.c CDE

Règle 26.5 de Beijing

Règles 59, 60, 61 de la Havane

- respect de sa vie privée, y compris avoir des effets personnels

Art. 40.2.b.vii) CDE

Règle 8.1 de Beijing

Règls 35, 36 de la Havane

- protection spéciale et appropriée des filles

Règle 26.4 de Beijing

- formation scolaire, professionnelle ; travail rémunéré, etc.

Règle 26.6 de Beijing

Règles 18, 38, 39, 40, 42, 43, 44, 45, 46 de la Havane

- assistance d’un interprète

Règle 6 de la Havane

- droit aux loisirs

Règles 18, 47 de la Havane

- être informé et comprendre le règlement intérieur

Règles 24, 25 de la Havane

- confidentialité de son dossier

Règle 19 de la Havane

- mention dans le registre

Règles 20, 21 de la Havane

- pas de transfert arbitraire

Règle 26 de la Havane

- information des parents ou du tuteur

Règle 22 de la Havane

- traitement approprié et adapté

Art. 17.2 CADBE

Règles 27, 28 de la Havane

- environnement adapté

Règle 32 de la Havane

- état des cellules/chambres/dortoirs la nuit

Règle 33 de la Havane

- sanitaires

Règle 34 de la Havane

- alimentation convenable (selon besoins) et accès à eau potable

Règles 37 de la Havane

- religion

Règle 48 de la Havane

- accès aux soins médicaux appropriés (préventifs et curatifs)

Règles 49, 51, 53, 54 de la Havane

- examen par un médecin dès l’admission

Règle 50 de la Havane

- obligation de signalement pour les médecins

Règle 52 de la Havane

- administration de traitement médical (nécessité et consentement)

Règle 55 de la Havane

- notification à la famille en cas de maladie, accident, décès

Règles 56, 57, 58 de la Havane

- droit à l’information

Règle 62 de la Havane

- limites et conditions aux mesures disciplinaires

Règles 66, 67, 68, 69, 70, 71 de la Havane

- droit de porter plainte et d’introduire des réclamations

Règles 75, 76, 77, 78 de la Havane

NB: Principales sources légales internationales et régionales citées: Pacte international des droits civils et politiques (PIDCP), Convention contre la torture et autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant (CCT), Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), Charte Africaine des droits et du bien-être de l’enfant (CADBE), Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles de la Havane).

A l'analyse, tout cela démontre à suffisance combien nos situations carcérales en Afrique sont encore loin des standard internationaux requis en la matière.

Voilà pourquoi il est donc urgent de ne pas faire de la prison le seul outil pour la solution pénale, et s'obliger dès lors à explorer les voies proposées des alternatives.

Les standards internationaux promeuvent l'usage des alternatives à la détention

Afin d’établir des exigences pour l’usage des mesures non privatives de liberté, des instruments internationaux ont été élaborés.

L’instrument international le plus important à cet effet, est celui dénommé l’ensemble des Règles Minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de Liberté, adoptées par l’Assemblée Générale en décembre 1990 et connues également comme Règles de Tokyo.

Ses Règles stipulent des protections légales, pour assurer que les peines non privatives de liberté soient appliquées avec impartialité, ce dans un système légal clair, qui garantit  la protection des droits du délinquant et un recours à un système de plainte formelle quand leurs droits ont été bafoués.

Ces Règles contiennent certains principes de base, pour promouvoir l’application des mesures non privatives de liberté.

 

Pour rendre plus parfaite la connaissance de ces règles, et en faire un utile usage, il est très important d’en faire la comparaison avec la législation nationale pour en tester « l’état », et savoir s’il se révèle des insuffisances, par rapport à la norme internationale, pour dès lors déterminer les voies d’une amélioration de celles-ci.

Rappel donc des Règles minima des Nations Unies pour l'élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) Date d’adoption : 14/12/1990

Analyse résumée de ces règles :

Toutes ces règles ont comme objectifs de développer une meilleure participation de la communauté en ce qui concerne la gestion de la justice pénale ainsi que d’encourager chez les délinquants le sentiment de leur responsabilité envers la société.

Pour appliquer les Règles, il faut prendre en compte les conditions politiques, économiques, sociales et culturelles de chaque pays et également les intentions et objectifs de son système de justice pénale.

 

Les Etats Membres doivent essayer d’atteindre un équilibre adéquat entre les droits des délinquants, les droits des victimes et l’intérêt de la société concernant la sécurité publique et la prévention du délit.

L’introduction des mesures non privatives de liberté a comme objectif de réduire l’application des peines de prison et de rationaliser les politiques de justice pénale, toujours en respectant les droits de l’homme, les exigences de la justice sociale et les nécessités de réhabilitation du délinquant.

 

Les dispositions pertinentes des présentes Règles s'appliquent à toutes personnes faisant l'objet de poursuites judiciaires, d'un procès ou de l'exécution d'une sentence, sans discrimination de race, de couleur, de sexe, d'âge, de langue, de religion, d'opinion politique ou autre, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou autre situation.

La mise au point de nouvelles mesures non privatives de liberté doit être envisagée et suivie de près, et leur application faire l'objet d'une évaluation systématique.

 

L'autorité judiciaire, ayant à sa disposition un arsenal de mesures non privatives de liberté, tient compte, dans sa décision, du besoin de réinsertion du délinquant, de la protection de la société et des intérêts de la victime, qui doit pouvoir être consultée toutes les fois que c'est opportun.

Les autorités compétentes peuvent prendre les mesures suivantes:

a) Sanctions orales, comme l'admonestation, la réprimande et l'avertissement.

b) Maintien en liberté avant décision du tribunal.

c) Peines privatives de droits.

d) Peines économiques et pécuniaires, comme l'amende et le jour- amende.

e) Confiscation ou expropriation.

f) Restitution à la victime ou indemnisation de celle-ci.

g) Condamnation avec sursis ou suspension de peine.

h) Probation et surveillance judiciaire.

i) Peines de travail d'intérêt général.

j) Assignation dans un établissement ouvert.

k) Assignation à résidence.

l) Toute autre forme de traitement en milieu libre.

m) Une combinaison de ces mesures.

 

La participation de la collectivité doit être encouragée car elle constitue une ressource capitale et l'un des moyens les plus importants de renforcer les liens entre les délinquants soumis à des mesures non privatives de liberté et leur famille et communauté.

Les pouvoirs publics, le secteur privé et le grand public doivent être encouragés à seconder les organisations bénévoles qui participent à l'application des mesures non privatives de liberté.

Des conférences, séminaires, symposiums et autres activités doivent être régulièrement organisés afin de faire mieux sentir que la participation du public est nécessaire pour l'application des mesures non privatives de liberté.

Il convient de se servir des médias sous toutes leurs formes pour faire adopter au public une attitude constructive débouchant sur des activités propres à favoriser une large application du traitement en milieu libre et l'intégration sociale des délinquants.

Tout doit être fait pour informer le public de l'importance de son rôle dans l'application des mesures non privatives de liberté.

 

Il convient de chercher à enrôler les entités tant publiques que privées dans l'organisation et la promotion de la recherche sur le traitement des délinquants en milieu libre, qui constitue un aspect essentiel de la planification.

La recherche sur les problèmes auxquels se heurtent les individus en cause, les praticiens, la communauté et les responsables doit être menée de manière permanente.

Les services de recherche et d'information doivent être intégrés au système de justice pénale pour recueillir et analyser les données statistiques pertinentes sur la mise en œuvre du traitement des délinquants en milieu libre.

Les programmes relatifs aux mesures non privatives de liberté doivent être planifiés et mis en œuvre de façon systématique en tant que partie intégrante du système de justice pénale dans le processus de développement national.

Les programmes doivent être régulièrement revus et évalués afin que l'application des mesures non privatives de liberté soit plus efficace.

Un examen périodique doit être effectué pour évaluer le fonctionnement des mesures non privatives de liberté et voir dans quelle mesure elles permettent d'atteindre les objectifs qui leur ont été fixés.

Préparé par Me François M. Diassi

 

ETUDE DES MESURES ALTERNATIVES A LA PRIVATION DE LIBERTE

Le traitement judiciaire pénal du mineur en conflit avec la loi, rend nécessaire de déterminer des mesures et dispositions à prendre, par les autorités judiciaires relativement à sa liberté.

A ce titre et légalement des exigences sont précisées par la CIDE notamment dans ses articles 37 et 40, et il s’agit alors d’assurer que :

  • Que l’arrestation soit une mesure de dernier ressort, et pour une durée aussi brève que possible.

  • Aussi de promouvoir des solutions extrajudiciaires dans le respect de la loi.

  • Enfin de promouvoir des mesures alternatives.

     

    Et pour arriver à cette fin, différentes mesures sont existantes pour permettre l’usage d’alternatives à la poursuite ou à la détention du mineur.

    Ces exigences procédurales trouvent des justifications à leur mise en œuvre.

     

     

Les justifications de l’usage des alternatives : les limites de l’incarcération comme solution efficiente.

 

Il nous est possible de trouver des justifications juridiques, économiques, sociales et culturelles à l’usage des alternatives à la détention.

 

D’abord la prison est un outil, par conséquent on doit d’interroger sur son utilité sociale, son efficacité, son efficience.

  • D’un point de vue économique la gestion de l’emprisonnement est coût énorme pour le budget de nos états, qui sont alors contraints d’affecter de si importantes ressources à une population carcérale improductive.

Or vu la rareté des ressources aujourd’hui, nos états africains en développement ont grand intérêt de pouvoir user de toute formule du point de vue de l’efficience pour alléger les coûts de gestion.

L’intérêt  pour la société est aussi d’associer cette population improductive à l’effort de développement de la nation.

  • D’un point de vue social aussi la prison n’a pas garanti au profit de la société, d’être le moyen assurant le reclassement social et la réintégration réussie de ses pensionnaires, mais elle démontre le contraire, au vu des récidives et de la contamination criminelle, qui sont des risques très courant résultant de son fonctionnement.

 

  • D’un point de vue culturel enfin, la prison dans nos états est un pur produit de l’état moderne post colonial, et traditionnellement n’était pas la forme la plus adaptée pour asseoir les moyens de l’amendement ; d’où la nécessité de réfléchir à d’autres moyens alternatifs.

 

Et pour clore sur ces justifications, comprenons que la prison comme outil doit répondre aux attentes suivantes synthétisées en 7 principes d’action :

  • En ce lieu il doit être recherché la correction des pensionnaires par l’amendement et aussi leur reclassement social.

  • Egalement la gestion des prisons doit s’appuyer  sur une classification, par une répartition des pensionnaires, dans une diversité d’établissements et selon différents critères (âge, sexe, gravité de l’acte…).

  • La sanction de détention peut aussi ne pas être systématique, et s’appliquer en modulation selon différentes étapes ; soit une privation de liberté, ou une assignation à résidence, ou une libération conditionnelle.

  • Les pensionnaires en prison doivent y exercer un travail, car le travail doit contribuer  à la réinsertion mais sans être effectué sous une contrainte  non justifiée.

  • Dans la prison, la prise en charge, doit viser l’éducation car le traitement d’un condamné doit avoir pour but sa resocialisation.

  • Un personnel  spécialisé doit y être à l’œuvre.

  • Il faut enfin une collaboration de l’administration pénitentiaire, avec des institutions annexes, car il faut apporter une assistance au détenu lors de sa sortie pour appuyer sa resocialisation.

 

Tenant compte de tout cela, qui est nécessaire et demandé pour une bonne gestion du milieu carcéral, il est d’évidence qu’en Afrique aucune prison n’est aux normes, pour asseoir le total respect des dits principes.

 

En tout état de cause et selon donc les exigences de la CIDE, le principe doit être d’éviter autant que possible la détention du mineur. Mais alors pourquoi ?

 

Car il est à noter que la Justice pénale pour mineurs recherche un équilibre difficile entre le souci de sanctionner le fait répréhensible commis par l’enfant, et aussi le devoir de lui offrir les moyens d’une réhabilitation.

Et le juge pour enfant, au moment de décider sur le cas soumis à son examen, porte l’énorme responsabilité de ne devoir appliquer à l’enfant, une sanction qui entraîne sa « chute » irrémédiable dans la délinquance.

C’est pourquoi d’une part, il ne doit pas agir seul, et doit être entouré de compétences spécialisées dont notamment le travailleur social.

Tout l’art du travailleur social sera alors de lui livrer un portrait des plus complets de la personnalité de l’enfant et de l’environnement qui l’a vu grandir.

Ce n’est que nanti de tous ces repères, que le juge serait à même de se prononcer.

Certes à ce moment, la gravité du fait commis et dont il est question de juger, peut avoir l’influence de peser fortement sur le choix de la sanction à prononcer, mais l’équilibre à rechercher pour l’enfant, est moins de penser au seul poids du fait commis, que de lui donner à l’avenir toutes les chances de s’amender.

Le respect du principe de proportionnalité est une des clés de la solution à ce niveau.

 

En effet les décisions du Juge des enfants doivent respecter le principe de la proportionnalité :

  • Appropriées aux circonstances

  • Appropriées à l’Enfant

  • Appropriées aux faits

  • Appropriées aux fins (réinsertion, réhabilitation)

     

    C’est donc pour favoriser toute cette vision de réhabilitation, que dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’enfant, il est préconisé, que la sanction pénale privative de liberté ne soit prise qu’en dernier ressort.

     

    Cela encore s’explique, en partant du principe que le but de la sanction doit être plus de guérir que de punir simplement, et particulièrement doit viser de reclasser socialement le mineur.

    Et il a été déjà souligné que la prison offre le moins possible, en tant que cadre ou structure, tous les moyens d’une resocialisation future de l’enfant.

    De plus au vu du risque de contamination criminelle qu’il génère, la prison coûte chère à la nation parce que contribuant à la prise en charge d’une population improductive.

    Et d’ailleurs, l’incarcération des enfants est non seulement inefficace pour lutter contre les comportements délictueux, mais elle peut contribuer à leur développement et nuire à la santé de ces enfants.

     

     

    Voilà donc pourquoi, relativement aux sanctions applicables aux faits pénalement répréhensibles commis par l’enfant, les recommandations restent fortes de recourir aux mesures alternatives à la privation de liberté.

     

    Et appliquer ces alternatives n’est que se conformer aussi, au principe qui est  de ne recourir à la détention que comme une mesure de dernier ressort (art. 37 et 40 CIDE).

    Il faut donc à cet effet, développer les mesures de substitution à l’incarcération, que sont les alternatives.

     

    Mais quelles sont ces mesures alternatives ?

     

    Il n’y a pas un catalogue uniforme, et ces mesures peuvent différer suivant les législations nationales.

    Toutefois, il faut retenir qu’il s’agira de toute décision qui n’aura pas pour effet, de contraindre l’enfant à subir en un lieu déterminé, une privation de liberté, d’aller et de venir et visera à le laisser être avec ses parents, dans son milieu originel de vie.

    Le cadre légal doit donc intégrer plusieurs types de mesures variées, visant par exemple, la surveillance, le conseil, la probation, le TIG, l’ordonnance de traitement, de participation à des activités d’encadrement, de placement, de thérapie, d’orientation…

    Car il est évident que l’incarcération ne peut être une mesure de dernier ressort, s’il n’existe qu’un nombre limité de mesures de substitution prévues dans le cadre légal.

     

    Moment d’application de ces mesures alternatives :

     

    Elles doivent pouvoir intervenir avant le jugement de la cause, ou être décidées par le jugement.

    Il faut noter qu’avant le jugement, dans la période préparatoire, depuis le déferrement du mineur au Parquet, jusqu’à l’intervention proprement dite du juge des enfants (Tribunal), il y a le réflexe très habituel de placer le mineur en détention préventive ou sous ordonnance de garde provisoire entre les mains du Régisseur.

    Or, c’est dans cette période, suivant la commission des faits, que l’enfant est le plus fragile, manifestant le plus grand besoin d’un encadrement psychoaffectif pour sa stabilisation.

    L’option d’une privation de liberté ne compliquera que davantage sa situation, hypothéquant même les chances de réhabilitation rapide.

    C’est pourquoi, c’est à ce moment qu’il reste plus que jamais nécessaire d’appliquer ces mesures ; avec une insistance pour l’accompagnement par un travailleur social.

    Au moment du jugement ensuite, le juge pour enfant disposant de plus d’éléments d’appréciation devrait être à même, avec le soutien du travailleur social, de déterminer la mesure la plus appropriée.

     

    Le caractère révisable de la décision du juge des enfants :

     

    C’est une caractéristique fondamentale de la justice pénale applicable à l’enfant, que les mesures décidées au profit de l’enfant, sont toujours révisables dans le sens de son plus grand intérêt. Elles ne sont pas définitives.

    C’est pourquoi, il doit rester toujours possible au juge des enfants même après une décision privative de liberté de pouvoir réviser cette décision, pour une mesure non privative de liberté.

    Généralement, cette décision intervient après le rapport du travailleur social, déterminant des signes favorables d’amendement manifestés par l’enfant.

    C’est là une voie à développer.

     

En résumé :

Par définition l’alternative, est toute mesure visant à éviter la privation de liberté.

Sa justification légale est que, c’est une exigence des articles 37 et 40 de la CIDE, d’où il découle que le principe doit être d’éviter autant que possible la détention du mineur.

La sanction doit viser dès lors plus que tout, la réhabilitation.

Comme types d’alternatives, il n’y a pas de catalogue uniforme chaque pays fait son choix.

Du point de vue de l’application, il peut être fait usage d’alternatives à tous les niveaux de la procédure.

Dans cette application l’alternative conserve un caractère révisable et modulable au profil du mineur.

Exemples de types d’alternatives : arrangement à l’amiable, avertissement, réprimande, admonestation, classement sans suite, la médiation pénale, la liberté provisoire avec ou sans placement, la remise à parent, le placement familial provisoire, le placement institutionnel, le rappel à la loi, le contrôle judiciaire, l’ajournement ou sentence suspendue, le sursis simple à l’exécution d’une peine, le sursis avec mise à l’épreuve, l’amende avec ou sans sursis, la liberté surveillée, la probation, l’assistance éducative, la libération conditionnelle, le Travail d’intérêt général.