22. déc., 2017

Introduction au concept de Justice Juvénile Restauratrice, intérêt et influence de l’Afrique

La CIDEplus particulièrement son article 40 comporte l'exigence pour les États, de mettre en place un système de justice des mineurs spécifique différent de celui des adultes.

Cependant au-delà de cette exigence la CIDE n'impose pas aux États un modèle type, sauf quelques références.

Cependant bien avant la date d'avènement de la CIDE, la réflexion a occupé l'esprit pour la recherche du modèle le plus adéquat à pouvoir apporter une meilleure réponse sociale, au phénomène de la délinquance des mineurs.

Ainsi dans différentes parties du monde (Europe et Amérique du Nord) du fait d'évolutions socio-économiques particulières, différentes approches se sont développées pour la prise en charge du phénomène de de la délinquance juvénile.

Des approches se sont donc fait jour, et sont autant d'hypothèses à soubassement idéologique. Ces approches permettent de réfléchir et de rechercher selon chaque lieu, quel modèle se trouve plus adapté au contexte et à l'esprit de de cette prise en charge de l'enfance en conflit avec la loi.

Aujourd'hui on peut sur ce plan, distinguer 4 modèles qui sont les suivants et faire une sommaire présentation de chacune:

  • · le modèle protectionnel:Pour les législations fondées sur ce modèle, le mineur en conflit avec la loi, est perçu comme victime des circonstances ayant donné naissance à l'acte délictuel, et que donc en se centrant sur ses besoins, il convient de le protéger, de l'aider et non de le punir.

La réponse sociale sera alors basée sur une éducation « un traitement », se manifestant par des mesures à l'opposé de peines pénales.

  • ·le modèle pénal:Ce modèle est tout à l'opposé du modèle protectionnel et s'appuie sur des notions de rétribution, dissuasion, responsabilité morale. Il va comporter un recours plus accru à l'emprisonnement, afin de rechercher une vie sociale plus protégée. Le mineur en conflit avec la loi est considéré donc comme responsable, et doit subir les conséquences de ses actes par la sanction. Mais les garanties judiciaires lui sont attribuées, comme par exemple l'assistance d'un conseil à chaque stade de la procédure.
  • ·le modèle de sanction (alternative) constructive (appelé aussi modèle mixte):Il s'appuie sur l'exigence, pour le mineur en conflit avec la loi, d'avoir en contrepartie du délit, à devoir accomplir, une prestation gratuite, un travail pour la collectivité. Et les finalités du modèle sont donc diverses, étant tant répressives, réparatrices, éducatives.
  • ·le modèle restaurateur: Il comporte la grande différence d'avec les autres modèles précédents, qui est de porter un intérêt accru pour la victime.

Ainsi si l'on s'intéresse particulièrement à ce dernier modèle, on peut noter à titre d'illustration, ses caractéristiques suivantes:

1.      Au titre des parties prenantes: il introduit la victime comme acteur principal, dans la définition de la solution du problème posé par le délit.

L'accent est mis sur le fait que le délit crée un conflit entre le délinquant et une victime, conflit dans lequel la collectivité a un intérêt.

2.      L'élément central du modèle est le dommage; ce dommage donc sera réparé dans un processus de médiation entre l'auteur et la victime, avec l'aide d'un médiateur.

Ce processus de médiation est à l’analyse, comme une communication instaurée entre la victime et l'auteur ; et cette communication contribue à des échanges permettant de rendre intelligible l'acte posé.

Et ainsi cette communication va aider à trouver une solution commune, acceptable et juste à un conflit,  solution pour en apaiser les conséquences, et qui fait espérer que le comportement de l'auteur ne se reproduira plus.

Tout cela induit une référence à la responsabilisation du mineur mais aussi à sa protection.

Il devient donc nécessaire de prendre en considération son âge, sa maturité, sa capacité intellectuelle, la présence éventuelle de troubles psycho pathologiques.

Il est notable que le dommage cause la perturbation de la paix, et donc de la qualité de la vie dans la société. Il sera donc réparé par le travail du mineur au profit de la communauté.

Ainsi le débat sur ces différents modèles comporte l'intérêt d'une réflexion toujours actuelle.

Réflexion qui vise à  rechercher l'angle qui doit être le meilleur, pour appréhender et solutionner le phénomène de la délinquance juvénile.

Mais aucun modèle ne prime sur l'autre et chaque modèle peut être sujet à des critiques de fond, comme de forme.

Toutefois l'organisation de la justice juvénile reflétant les choix de société, et surtout la place que la société donne au jeune dans sa vie sociale, chaque société doit faire le choix d'un modèle, le plus proche de ses convictions et aspirations.

La justice restauratrice est-elle dans son principe,  est bâti sur le modèle restaurateur.

Il s'est donc tenu en juin 2009 à Lima, un congrès mondial qui a réfléchi sur l'intérêt d'une influence accru de ce modèle en justice juvénile.

C'est ainsi que la déclaration de Lima en conclusion de ce congrès a rappelé les principes fondamentaux suivants:

  • · la nécessaire généralisation de l'usage et des pratiques de la justice restauratrice
  • ·la recommandation de l'expansion son usage à tous les niveaux de la procédure.
  • ·La formation et la sensibilisation de tous les acteurs dans ce sens.

 

En Afrique francophone les systèmes législatifs se sont pour l'essentiel, inspirés du droit français, sans élaborer une théorie fondamentale sur la justice juvénile.

 

Cependant ce niveau de l’analyse permet de se poser une question majeure, celle de l’intérêt de la justice restauratrice pour l’Afrique, dans la mise en œuvre des principes de la CDE.

En effet la Justice Juvénile Restauratrice induit une nouvelle vision dans le traitement judiciaire des affaires des mineurs.

Il est à dire que cette vision est assez proche des méthodes traditionnelles africaines de résolution des conflits.

Et au vu des difficultés à trouver des moyens,  dans la mise en œuvre de la Convention relative aux Droits de l’Enfant relativement au coût des réformes structurelles, de la formation  des ressources humaines rendues nécessaires, les principes de la justice restauratrice ne sont-elles pas une voie moins onéreuse que  la seule voie du système judiciaire classique

Il semble dès lors fort utile  d’asseoir une réflexion, dans la mise œuvre de ce concept de justice restauratrice en Afrique ; tout en  recherchant dans cette réflexion, l’intérêt indéniable qu’un tel concept peut avoir localement, dans la solution de prise en charge des mineurs en conflit avec la loi.

Mais également la contribution que l’Afrique pourra y apporter.

Car la justice restauratrice repose essentiellement, sur les principes  de base suivants que sont : une responsabilisation de l’auteur de l’acte délictueux, qui  reconnaît le trouble causé et manifeste sa volonté de participation constructive à la réparation du dommage ; ce qu’accepte  la victime, par  la recherche commune de la solution,  de  la réparation du dommage causé.

Et puisqu’en Afrique aussi, la coutume traditionnelle donne déjà une forte place à la conciliation préalable, voire à la médiation, il y a que dans tout cela, l’attention à la victime est fort présente. ( Voir ci dessous notre article consacré à la Justice coutumière et à la place à lui accorder dans le système judiciaire dit moderne.)

Ces attitudes locales sont  prônées par la justice restauratrice en ses principes, avec l’avantage en plus, d’éviter autant que possible, la solution purement répressive et carcérale, qui a la caractéristique en plus d'être plus coûteuse.

Tenant compte de tout cela, il y a donc un fort intérêt en Afrique, de s’inspirer de ce concept non éloigné des coutumes locales, et qui en plus permet de réaliser à moindre coût les évolutions fonctionnelles rendues nécessaires par l’adoption de la Convention relative aux Droits de l’enfant.

 

On peut d'autant plus penser cela, si nous si nous méditons sur cette pensée de Monseigneur Desmond Tutu qui disait à propos de la justice africaine traditionnelle, qu'elle comporte les caractéristiques suivantes: « elle vise à guérir les plaies, redresser les déséquilibres, rétablir les relations rompues; ce type de justice cherche à réhabiliter les victimes et les criminels, qui doivent se voir accorder la possibilité de réintégrer la communauté qu'ils ont blessée par leurs infractions »

 

Dès lors la justice restauratrice en ses principes,  peut aisément trouver là une bonne porte d’entrée en Afrique.

Et être un outil salutaire assurant chaque fois que possible, une bonne prise en charge judiciaire des mineurs en conflit avec la loi, avec le double avantage d’être culturellement proche de la sociologie locale.

La mise en œuvre au plan pratique de cette forme de justice, aurait enfin l’effet de réduire le coût de la prise en charge des mineurs concernés, tout en associant plus étroitement la  communauté à la solution du problème.

 

Cette prise en compte du concept peut aussi être facilitée par le contexte actuel, qui fait que les législations de la plupart des pays, sont en cours d’harmonisation avec la Convention des Nations Unies relative aux Droits de l’Enfant, après les ratifications intervenues.

 

 

PROFIL DE LA JUSTICE JUVENILE RESTAURATRICE, JUSTICE DE REHABILITATION

La Justice selon cette vision perd dès lors son caractère répressif et sa visée première de rétribution, pour un nouvel habit  Voilà à titre comparatif cette nouvelle image de la Justice, décrite  ci-dessous :

VOILA DONC CE QUE DEVIENT LA JUSTICE JUVENILE SELON QU’ELLE EST IMPOSEE OU NEGOCIEE c'est-à-dire restauratrice.

  

 

IMPOSEE

Donc RETRIBUTIVE

NEGOCIEE

Donc REHABILITATRICE (RESTAURATRICE)

Alors elle recherche

La sanction DE LA VIOLATION DE LA LOI

Elle parvient à mettre en rapport des PERSONNES à créer DES RELATIONS

Elle vise la reconnaissance de la CULPABILITE

Elle fait admettre la RESPONSABILITE

Elle réalise la PUNITION

Elle vise la REPARATION

Elle est surtout ORIENTEE VERS LE PASSE

Elle a une VISION VERS LE FUTUR

Elle fait ressentir QUE LA PUNITION AJOUTE LE MAL AU MAL

Elle fait accepter que la réparation aboutisse à la COMPENSATION POUR LE MAL FAIT

Elle veut que l’AUTEUR SOIT DENONCE

Elle dénonce L’ACTE et non l'auteur

Elle aboutit à ce que LA JUSTICE DIVISE

Elle a pour conséquence que la JUSTICE REUNIT

Elle aboutit à ce que les BESOINS DE LA VICTIME SOIT NEGLIGES

Elle prend en compte LES BESOINS DE LA VICTIME

Elle aboutit à ce que le procès SEPARE LES PARTIES

Elle obtient que la JUSTICE RECONCILIE LES PARTIES

Elle vise à ce que LE MAL CAUSE PAR L’AUTEUR SOIT COMPENSE PAR LA PUNITION

Elle aboutit à ce que le fait délictueux soit COMPENSE PAR L’ACTE POSITIF de l’auteur du fait.

Pour cette JUSTICE L’ETAT A LE MONOPOLE de régler LE CONFLIT

Cette JUSTICE PROMEUT la reconnaissance du ROLE DE L’AUTEUR DE LA VICTIME ET DE LA COMMUNAUTE

 Me François Mactar Diassi