3. mars, 2021

Texte

UNE VISION PANORAMIQUE DE LA QUESTION DES MESURES ALTERNATIVES ET DE LA REINSERTION SOCIALE DES DETENUS AU SENEGAL

INTRODUCTION

LA TENDANCE ACTUELLE CONSTATEE DANS L’ADMINISTRATION DE LA SANCTION PENALE, EST LA LIMITATION DU RECOURS A L’EMPRISONNEMENT PAR L’USAGE ACCENTUE DES MESURES ALTERNATIVES.

En effet depuis 1970 en Droit pénal il est offert au juge[1] dans le respect du principe de personnalisation et d’individualisation de la sanction, la possibilité de prononcer, des peines dites alternatives ou encore peines de substitution.

L'idée est de mettre l'accent sur les solutions alternatives à la prison pour les détenus condamnés à des peines courtes. C'est une recommandation qui résulte des standards internationaux[2], mais qui se heurte encore à des blocages culturels puissants[3]. Car il est souvent noté que la sanction pénale véritable dans l’esprit commun est la prison.

 

Mais on s’est cependant efforcé, au cours des vingt dernières années, de limiter le recours à l’emprisonnement, car le contexte de hausse de la population carcérale, est devenu difficilement supportable et l’exigence du recours aux mesures alternatives s’est inscrit dans ce processus de désengorgement de la prison.

Toutefois si l’effort de diversification des sanctions s’est imposé sous le poids de la nécessité (la surpopulation carcérale), il a également été porté aussi par une nouvelle approche sociale de la sanction pénale. En effet l’objectif de resocialisation est apparu comme une véritable priorité, sous l’influence notamment d’un mouvement de pensée, de “la défense sociale nouvelle” (Marc Ancel).

C’est pourquoi la fonction d’amendement de la peine a dans les esprits, peu à peu pris le pas sur la fonction rétributive, même s’il est encore admis que la fonction intimidatrice et éliminatrice de la peine d’emprisonnement doit jouer son rôle dans certains cas, les plus graves.

Ainsi le dispositif législatif relatif aux mesures alternatives apparaît de plus en plus riche et diversifié. Il offre au juge, une gamme de sanctions permettant d’apporter des réponses adaptées, personnalisées et individualisées.

Différents instruments juridiques internationaux vont favoriser ce mouvement et accompagner leur élaboration.

 

-        Les instruments juridiques internationaux de promotion et d’appui au recours aux mesures alternatives :

  • Au plan des Nations Unies

Car depuis le milieu des années 1950, l’ONU élabore des règles et des normes pour encourager le développement de systèmes de justice pénale respectant les normes fondamentales relatives aux droits de l’homme.

A ce titre sur le plan pénitentiaire, furent élaborées les premières d’entre elles à savoir, les Règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (1955) ; mais elles ne traitent que de l’emprisonnement. On peut ajouter à  leur suite, en 1988 l’adoption de l’Ensemble des Principes pour la protection des personnes soumises à une forme de détention ou d’emprisonnement[4].

Ainsi aujourd’hui nombre d’instruments juridiques Onusiens existent, et porte sur tous les aspects du système de la justice pénale et de la prévention de la criminalité.

Plus spécifiquement sur les mesures alternatives, il faut citer les Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo)[5]; qui[6] appuient aussi les programmes de réadaptation et de réinsertion.  

 

Il convient également de rappeler toujours sur ce plan les recommandations issues de la résolution 2014/16 adoptée par le Conseil économique et social des Nations Unies le 16 juillet 2014 sur l’ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, dans son paragraphe 16 et 17 pour que « les États Membres s’efforcent de réduire la surpopulation et le recours à la détention provisoire, lorsque cela est approprié ; encouragent un accès accru aux mécanismes de justice et de défense ; renforcent les alternatives à l’emprisonnement, comme les amendes, le travail d’intérêt général, la justice réparatrice et la surveillance électronique... ».

 

Enfin en 2015 pour clôturer le processus l’adoption de l’ensemble des Règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela, 2015)

  • Sur le plan régional africain

En Afrique on peut se référer à la Déclaration de Kampala sur les conditions de détention en Afrique 19 et 21 septembre 1996, reprise dans la résolution 1997/36 de l’ECOSOC relative à la coopération internationale pour l’amélioration des conditions de détention,  puis « La déclaration de Ouagadougou » pour accélérer la réforme pénale et pénitentiaire en Afrique (2002), demandant que soient prises des mesures pour réduire la population carcérale, et insistant pour dire que : “Les différents organes de la justice pénale devraient collaborer plus étroitement afin de moins recourir à l’emprisonnement.. ».

Tous ces instruments juridiques ne sont certes pas contraignants mais gardent une influence certaine sur la politique criminelle des Etats, et le Sénégal s’en est largement inspiré dans ses textes pénitentiaires.

 

-        Le dispositif légal sénégalais en faveur de l’usage des mesures alternatives :

Il faut distinguer deux niveaux :

Sur le plan général : on peut faire référence au instruments intégrés dans la Constitution de la République qui certes ne traitent spécifiquement du sort des détenus condamnés ou provisoires mais sont plus axés sur les droits fondamentaux, tout en garantissant la protection de la liberté, de la dignité et l'intégrité de la personne humaine quelle que soit sa situation, et ensuite prohibent les peines, traitements inhumains ou dégradants, tout comme les arrestations et détentions arbitraires.

On peut citer à ce titre : les déclarations des droits de l’homme de 1789 et 1948, les Pactes des Nations Unies ; la Convention internationale des Droits de l’Enfant ; la Charte Africaine droits de l’homme et des Peuples. Tous ces instruments sont intégrés dans le bloc de constitutionnalité de la République du Sénégal et font partie de son ordonnancement juridique. Il s’y ajoute enfin la Convention contre la Torture ratifiée par le Sénégal.

Autrement sur le plan plus spécifique : sont particulièrement concernés les textes sénégalais en matière pénale, à savoir : le Code Pénal, Le Code de Procédure Pénale, et surtout deux lois de modification de ces deux textes précités adoptés le 29 décembre 2000 que sont la loi n°2000-38 et la loi n°2000-39 ; auxquels s’ajoute un décret d’application daté du 4 mai 2001 relatif aux procédures d’exécution et d’aménagement des sanctions pénales.

 

-        Néanmoins malgré l’existence de tous ces instruments juridiques, il prévaut dans la pratique la faiblesse du recours aux mesures alternatives :

En effet, le recours aux peines de substitution connaît encore une limite dans l’usage, puisque celles-ci ne représentent encore qu’un faible pourcentage du total des condamnations prononcées même dans les pays les plus avancés sur l’usage.

 

ON DENOTE AINSI UNE SOUS UTILISATION DES MESURES ALTERNATIVES.

Au Sénégal sur ce plan, il est difficile de donner des statistiques exactes justificatives de l'application des alternatives par les juridictions ...mais différents rapports de situation[7] attestent de par leurs constats cet état de fait de non application, et cela surtout lorsqu'en plus les statistiques carcérales tirées du Rapport annuel du Ministère de la Justice démontrent l'engorgement des prisons justifiant alors par cela a posteriori, cette non application de ces mesures.

 

Cependant malgré tout la tendance relevée du recours à la limitation des peines d’emprisonnement s’impose impérativement vu l’état croissant de la surpopulation carcérale.

Toutefois au-delà du choix de l’usage, le développement des solutions alternatives à l’incarcération nécessite toutefois, que l’on s’attache à les rendre efficaces et crédibles.

POUR CELA IL FAUT LE RESPECT DE CERTAINS PARAMETRES PREALABLES DONT LE DEFAUT OU LA NON PRISE EN COMPTE HANDICAPE L’EFFICACITE ET LA REUSSITE DE LA MISE EN ŒUVRE DES MESURES ALTERNATIVES.

D’abord, avant tout l’alternative doit être codifiée, insérée dans le cadre légal, car à défaut elle ne peut être appliquée.

Ensuite la procédure l’instituant doit être explicite et réalisable en ses différentes conditions usuelles et pratiques.

Enfin il faut marquer une attention sérieuse à certains facteurs ou conditions qui contribuent à l’efficacité de l’usage des mesures alternatives :

1/les préalables : le travail sur l’adhésion individuelle du bénéficiaire de la mesure

Les juridictions en général ont parfois le sentiment que les sanctions alternatives sont inefficaces parce que dans les pays ou l’application est courante :

-        Les sursis avec mise à l’épreuve sont peu ou mal suivis par les services de probation,

-        Il n’y a pas de retour sur l’accomplissement des TIG,

-        Les interdictions sont mal respectées…

Ce sentiment n’est pas toujours infondé.

Car si l’emprisonnement est par définition exécuté de façon autoritaire, l’exécution d’une mesure alternative intégrant la visée préalable de l’amendement repose beaucoup sur l’adhésion (compréhension et acceptation) du condamné, dont la situation personnelle et professionnelle a une influence directe sur la manière dont il pourra accomplir sa peine.

Il faut donc s’attacher à promouvoir l’adhésion personnelle du bénéficiaire dans le recours aux mesures alternatives.

A ce titre on pourrait aussi relever et souligner comme aspect complémentaire et incident à l’adhésion, la prise de conscience du coupable se manifestant dans la responsabilisation et l’apprentissage de la loi, et tout ceci nécessite un travail d’accompagnement nécessaire sur le chemin du repentir.

 

Cependant sur ce travail plus particulièrement dans le cas du Sénégal : la démarche est encore embryonnaire, bien que soit instituée l’option d’individualisation de la sanction pénale, en premier lieu par le juge. Ainsi l’adhésion individuelle n’est quasiment pas encore une préoccupation, or c’est une donnée psychologique à intégrer dans la décision. C’est l’absence de la pratique dans le dispositif d’action judiciaire qui explique certaines difficultés de mise en œuvre des mesures alternatives. Mais la nouvelle réforme introduite en l’année 2000 ouvre cependant des perspectives.

 

2/Des procédures définies et adaptées à l’usage par des outils appropriés.

L’efficacité des mesures alternatives, suppose des modalités de traitement des procédures et d’exécution des peines adaptées à cet objectif. Il faut donc privilégier l’enquête sur la personnalité pour avoir un meilleur profilage afin d’aider à mieux cerner le mis en cause et pouvoir réagir dans l’aide à son encadrement : la dimension psychologique est essentielle : tant pour l’autorité judiciaire, que pour la personne incriminée.

Le traitement procédural doit donc intégrer cette connaissance de la personnalité pour être adaptée, et ouvrir le champ à la resocialisation. il faut donc une étude sérieuse de la personnalité[8] avant condamnation.

Or au Sénégal les enquêtes pré sentencielles ne sont pas pratiquées pour cerner la personnalité, par le biais des services dédiés à une activité de probation, qui n’existent encore que de nom dans la loi.

Il n’existe pas chez les majeurs, d’enquêtes sociales préalables à la comparution devant le juge, il n’y a pas de suivi présentenciel, par le biais d’un service de probation mis à disposition des Parquets et des Cabinets d’Instruction.

Le développement des enquêtes de personnalité doit donc être accentué. Ainsi des enquêtes présentencielles pourront par exemple, être diligentées par des travailleurs sociaux qui interviendront dans le cadre d’une permanence d’orientation pénale (POP) instituée au niveau de chaque tribunal de grande instance.

Cette question mérite encore un travail de fond de préparation et d’introduction de cette pratique.

On peut toutefois trouver une voie d’intégration dans la nouvelle réforme introduite en l’année 2000, surtout avec l’option introduite de l’individualisation de la peine. Car c’est un champ de compétence dévolue au comité de suivi en milieu ouvert qui doit maintenant etre instrumentée.

 

3/ la céléritédans l’exécution des peines.

Pour que des peines alternatives soient prononcées, il importe que la situation personnelle et professionnelle des prévenus soit bien connue du tribunal, mais aussi et surtout que cette situation n’ait pas changé entre le moment des faits et la comparution de l’intéressé devant la juridiction.

Cela implique : – Une planification des audiences des affaires dans des délais relativement brefs, afin que la sanction ait un sens pour l’intéressé.

L’immédiateté, ou en tout cas la rapidité de l’exécution après le prononcé de la sanction, plus encore que l’accélération des poursuites, est de nature à accroître l’efficacité des peines alternatives.

Cela implique :

– De recourir fréquemment à l’exécution provisoire qui permet, avant l’expiration du délai des voies de recours, également de mettre en œuvre immédiatement la sanction,

– De prévoir les moyens de cette exécution immédiate, en organisant par exemple une permanence du comité de probation et d’assistance aux libérés pour la prise en charge des condamnations à des TIG, des sursis avec mise à l’épreuve, Il faut en faire un véritable service au niveau de chaque TGI avec des délégués de probation, sous la direction et la supervision d’un juge de l’application des peines.

– De mettre en œuvre le plus rapidement possible la saisine du juge de l’application des peines afin que soient tout de suite examinées les modalités d’exécution de la peine.

Au Sénégal cette dynamique d’action autour du prévenu et du condamné n’est nullement intégrée dans la pratique. La lenteur des procédures est un reproche courant au système judiciaire. Plus encore l’esprit de la sanction est resté rétributive limitant le champ d’ouverture vers la complémentaire prise en compte de l’encadrement par la préparation du bénéficiaire à l’amendement et à la resocialisation.

 

4/ La compréhension et l’adhésion sociale

La défiance parfois ressentie par les citoyens à l’égard de leur justice tient parfois à ce que les décisions des tribunaux correctionnels sont ressenties comme insuffisamment sévères (la sévérité étant encore mesurée à l’aune de la durée de l’emprisonnement).

Or, une politique pénale allant trop à l’encontre des aspirations de la société est à terme vouée à l’échec. Les juridictions doivent s’efforcer donc de développer leur action dans deux directions ; d’une part la communication et d’autre part la sensibilisation.

Il doit être assuré le développement d’une politique de communication en faveur des alternatives 

L’autorité judiciaire doit non seulement lutter, par les réponses qu’elle apporte, contre la délinquance et à l’insécurité, mais elle doit également lutter contre la représentation que les gens s’en font.

Au plan local cela suppose un effort de communication, d’information, qui pèse principalement sur les parquets.

Le développement des actions partenariales avec par exemple le milieu scolaire, les groupes communautaires, le tissu économique avec des associations de commerçants ou industriels permet à la Justice au parquet de faire comprendre le sens de son action, le sens de sa politique pénale.

Cette politique de communication permet aussi de susciter au sein de la population une compréhension et un intérêt pour ces mesures et ainsi donc de faciliter la collaboration avec les partenaires de l’institution (création de postes de TIG – accueil de mineurs pour des mesures de réparation…. Au-delà cette communication locale, une communication nationale, sur un thème donné de sensibilisation, peut permettre de promouvoir les alternatives.

Par exemple, la grande manifestation organisée en France au mois de mars 1994 à l’occasion des 10 ans du TIG a permis de redynamiser cette mesure.

D’autre part il s’agit ensuite de sensibiliser par l’approche culturelle, que vu le poids de la gestion carcérale et son handicap sur les couts budgétaires alloués, il y a intérêt pour des besoins financiers de rechercher la voie d’usage  des mesures alternatives pour réduire les dépenses de la gestion carcérale,  au profit d’autres actions de développement social ; ce qui entraine en conséquence la compréhension et l’adhésion communautaire au regard de son intérêt pour le développement économique et social.

 

5/la prise en compte des victimes et le rôle des associations

Le succès des alternatives aux poursuites (médiation) et plus précisément de l’ensemble des solutions alternatives (sursis avec mise à l’épreuve – libération conditionnelle) repose sur une bonne prise en compte des intérêts des victimes.

Il convient ici de souligner le rôle important joué par les associations de victime dans les pays européens. 

Ces associations interviennent souvent à un double titre, en assurant une aide aux victimes d’infraction mais aussi en réalisant, sur mandat du parquet, des médiations ou des classements sous condition. Elles sont reconnues dans ce travail perçoivent même des subventions publiques.

Les associations sont à cet égard un relais efficace des autorités judiciaires pour expliquer aux victimes le sens d’une réponse judiciaire, et pour leur faire comprendre que, souvent, le recours à une solution alternative rejoint leur intérêt dans la mesure où il facilite leur indemnisation.

 

Mais les associations sont aussi des relais de l’Administration Pénitentiaire pour s’occuper des détenus et des sortants de prison dans de nombreux domaines : mise en place d’activités (enseignement, formation, culture, sport) ; écoute et soutien (visiteurs des prisons) ; éducation à la santé et à la prévention ; accompagnement pour préparer la sortie de prison ou dans l’aménagement des peines ; maintien des liens familiaux ; soutien des personnes âgées, isolées, handicapées, hospitalisées ; lutte contre toute discrimination.

Toutes ces interventions préviennent la récidive et favorisent l’inclusion sociale.

 

Au total le jugement ou la décision de détention au regard des paramètres de personnalisation à prendre en compte préalablement, oblige à refuser une administration mécanique de la sanction, pour installer une démarche plus personnalisée.

 

Au Sénégal notre pratique est encore très loin de ce modèle et la vision rétributive habite encore plus l’esprit.

 

Au regard de tous ces aspects et pour mieux analyser les contours de notre système pénal sénégalais, dans une réflexion tendant à en améliorer la dynamique nous proposons d’en faire une revue état des lieux.

A cet effet, nous souhaiterions donc dans cette brève intervention, atteindre deux objectifs :

 

-        Tout d’abord présenter nos ressources légales prévues comme alternatives à l’emprisonnement, depuis les poursuites jusqu’à l’instruction et l’exécution de la peine.

-        Puis, dans un second temps, effectuer une analyse objective des moyens et limites parfois rencontrées dans leur mise en œuvre.

 

 

 

I/ QUID DES LORS DE L’USAGE DES ALTERNATIVES, AU SENEGAL, SITUATION LEGALE ET MATERIELLE ACTUELLE :

Partant de ce qui précède le Sénégal ne peut en effet s’exclure de la tendance observée de limitation du recours à l’emprisonnement.

Mais qu’en est-il dans la réalité de son cas dans l’état de la gestion carcérale ? Recherchons les réponses d’abord par l’analyse des statistiques.

 

 

D’ABORD RELEVES DES CONSTATS RESULTANT DES STATISTIQUES CARCERALES SENEGALAISES

 

Le ministère de la Justice a publié comme habituellement le rapport de ses activités pour l’année 2017. Le document fait état d’une population carcérale de 10 045 prisonniers dont 41,6 % de détenus provisoires.

Ainsi selon le rapport d’activité 2017, la population carcérale du Sénégal enregistre un effectif de 10 083[9] détenus, à la date du 31 décembre de l’année dernière. Le nombre de personnes sous le coup d’une longue détention de 3 ans et plus est estimé à 391 prisonniers contre 374 en 2016, soit 9 % des détenus provisoires. Le rapport relève une population essentiellement composée d’adultes.

En effet sur un total de 10 045 individus[10], 94,69 % sont des hommes, 3,45 % des femmes et 1,8 5% des mineurs. Parmi les détenus, les 4 175, soit 41,6 %, sont en détention provisoire dont 92 % d’hommes, 5 % de femmes et 3 % de mineurs.

Ce groupe des détenus provisoires représente ainsi près de la moitié de l’effectif ; ce qui dénote qu’un usage plus accentué des mesures alternatives sur cette étape procédurale produirait une réduction du flux.

L’effectif des condamnés s’élève à 5 870, soit 58,4 %. Il est constitué de 96,6 % d’hommes, 2,7 % de femmes et 0,7 % de mineurs.

Il y a à identifier dans ce groupe, le lot catégoriel de ceux éligibles à l’aménagement de la peine, soit selon la loi ceux disposant du 1/3 restant à purger. Mais le principe de l’individualisation impose de promouvoir un traitement pénal adapté même pour ceux non encore éligibles.

Les statistiques pénitentiaires révèlent qu’à la même date, les étrangers représentaient 9,8 %, et 70 % d’entre eux sont des condamnés. Il est à noter qu’entre 2012 et 2017, soit en 6ans, 9 064 prisonniers ont été graciés par le chef de l’Etat et 1 274 ont bénéficié d’une libération conditionnelle.

A propos maintenant des conditions carcérales, on constate que le taux d’occupation des prisons a diminué. Il est passé de 244% en 2016 à 238% au 31 décembre 2017. Ce taux a encore connu une baisse en 2018 avec 232%, soit une amélioration nette de 6% entre le 31 décembre 2017 au 31 juillet 2018.
Cette baisse du taux d’occupation des prisons s’explique par l’augmentation de la capacité officielle d’accueil des établissements pénitentiaires grâce à des constructions et réhabilitations, également l’application des modes de l’aménagement des peines comme les libérations conditionnelles avec 1274 détenus condamnés bénéficiaires entre 2013 et 2017 et les mesures de grâces collectives dont 8205 condamnés ont été éligibles entre 2013 à 2017

 

 

En partant des développements précédents et l’état des lieux ainsi fait de ces statistiques démontrent que : Le système pénitentiaire sénégalais a des problèmes structurels et d’organisation[11].

  • Le système pénitentiaire subit d’abord les carences et dysfonctionnements du système judiciaire : 1/par la détention provisoire longue durée (391 détenus), et même classique très fort numériquement (41,6%) existe encore ; 2/ le fort usage des peines d’emprisonnement au-delà des capacités du système carcéral (voir le chiffre du taux d’occupation, même s’il est baisse).

Mais le système pénitentiaire a aussi ses carences spécifiques :

  • Inadéquation entre capacité d’accueil et effectif : voir le chiffre du taux d’occupation, même s’il est baisse[12].
  • Insuffisance du personnel pénitentiaire et encore fort orienté sur l’aspect sécuritaire et bien moins sur l’aspect psychosocial
  • Problèmes de formation adaptée sur l’aspect psychosocial ; manque de personnels d’appui sur ce plan (travailleurs sociaux, éducateurs spécialisés, psychiatres, psychologues, instituteurs, sociologues, informaticiens).
  • Prise en charge très insuffisante, inexistence d’un budget de réinsertion sociale,
  • Difficultés sécuritaires dans la gestion du personnel.
  • Vétusté et inadaptation des locaux, surtout au vu de l’option légale d’individualisation à promouvoir.
  • Manque de moyens de mobilité pour assurer les extractions et le suivi médical (véhicules).

Toutes ces remarques traduisent parfaitement la faiblesse voire l'inefficacité de la protection de tous les droits fondamentaux des détenus au Sénégal, et nous sommes tous interpellés. Ceci dénote une discordance entre la réalité carcérale et les textes destinés à protéger le détenu.

 

Ainsi en constatant l’inadéquation entre la capacité d’accueil et l’effectif, on relève donc qu’en dépit des mesures juridiques prises par l’Etat pour désengorger les prisons en usant de grâces, ou de libérations conditionnelle, un certain nombre de facteurs empêchent une mise en œuvre efficiente, des peines alternatives et de mesures d’aménagement des peines. .

 

Or l’objectif du recours aux alternatives, est d’agir dans les conditions permises par la loi pour éviter la prison : avant le procès ; idem lors du procès ; durant le jugement ou l’exécution de la peine.  Alors que faire au Sénégal, pour opter pour un usage accentué des Mesures alternatives ?

 

EXAMINONS POUR CELA LE DISPOSITIF LEGAL ACTUEL DES MESURES ALTERNATIVES AU SENEGAL DANS SES FORCES, SES FAIBLESSES ET SES VOIES DE SON AMELIORATION

 

-        LE CADRE LEGAL D’INTRODUCTION DES MESURES ALTERNATIVES, SES FORCES ET SES INSUFFISANCES

Au Sénégal l’introduction des mesures alternatives ne débute de manière plus accentuée pour les majeurs que par la loi n° 2000-38 du 29 décembre modifiant le code pénal et qui a introduit dans le système judiciaire de nouveaux organes que sont : le juge d’application des peines, le comité de l'aménagement des peines, la commission pénitentiaire consultative de l'aménagement des peines et le comité de suivi en milieu ouvert.

 

A ce titre la loi n° 2000-39 du 29 décembre 2000 a aussi modifié le titre III du code de procédure pénale et intègre dans ses articles 726, 727, 732 et 734 les nouveaux modes d'aménagement des peines (dispense de peines, ajournement, sursis ou probation)

 

Voir ci-dessous à titre illustratif et récapitulatif un tableau des alternatives légalement disponibles

 

 

 

 

 

1/ REVUE GENERALE DES MESURES ALTERNATIVES APPLICABLES AU SENEGAL

De quoi dispose t’on comme types de mesures alternatives selon les étapes procédurales et quels sont les organes intervenants.

MINEURS ET MAJEURS catalogue général DES TYPES DE MESURES ALTERNATIVES

SELON                   LES STANDARDS INTERNATIONAUX,

 (Liste non exhaustive)

 

SENEGAL : POUR LES MAJEURS :

ETAT D’ADOPTION DES TYPES DE MESURES ALTERNATIVES AU SENEGAL

SENEGAL : POUR LES MINEURS :

ETAT D’ADOPTION DES TYPES DE MESURES ALTERNATIVES AU SENEGAL

A       –       Mesures          applicables           à la   PHASE d’intervention de la POLICE et du PARQUET : Alternatives aux poursuites

 

Mesures générales possibles :

  • Arrangement à l’amiable / conciliation
  • Avertissement, réprimande, admonestation
  • Classement sans suite sur décision du Parquet après information reçue de la police.
  • Rappel à la loi
  • Orientation vers les soins
  • Stages de citoyenneté
  • Réparation
  • Confiscation
  • Composition pénale
  • Amende transactionnelle

 

A L’ETAPE POLICE :

NB : Noter la limite légale tirée de l’Art.18, et

32 alinéa 1 CPP : posant l’obligation des OPJ de rendre compte au Parquet, et de transmission des PV de police.

Il s’ensuit l’inexistence d’alternatives codifiées à la Police à cette étape.

 

 

A L’ETAPE POLICE :

NB : Noter la limite légale tirée de l’Art.18, et

32 alinéa 1 CPP : posant l’obligation des OPJ de rendre compte au Parquet, et de transmission des PV.

Il s’ensuit l’inexistence d’alternatives codifiées à la Police à cette étape.

 

ETAPE PARQUET :

CPP : Art 32 dernier alinéa, Classement sans suite

CPP : Art 32 Médiation pénale par le Procureur lui-même ou son Délégué

PARQUET :

CPP : Art 33 Classement sans suite 

 

PARQUET :

DECRET   n° 2007-1253 du23 octobre 2007 sur les Maisons de Justice, art 5.

Rappel à la loi

 

PARQUET :

CPP : art.572 ali.2 : avertissement admonestation sans poursuites.

CPP : 32 alinéa 2 et s du CPP ; 570 pour les Mineurs

Médiation pénale :

Applicable au niveau du Parquet et sous  la surveillance du Parquet, mesure   applicable sur faits de faible gravité (contraventions ou délits non graves)

 

 

B – Mesures applicables à la PHASE DE L’INSTRUCTION : Alternatives à la détention

Alternatives à la détention

 

Mesures générales possibles :

  • Médiation pénale,
  • Réparation
  • Contrôle judiciaire
  • Liberté provisoire
  • Remise aux parents
  • Placement familial provisoire
  • Placement institutionnel provisoire

JUGE D’INSTRUCTION :

CPP : art 127 ter, le contrôle judiciaire

 

JUGE D’INSTRUCTION :

CPP : art 128 à 141, la liberté provisoire

JUGE D’INSTRUCTION :

Art 574 CPP

Avertissement, réprimande, admonestation

 

JUGE D’INSTRUCTION :

Art 574 alinéa 2 CPP : liberté surveillée

 

JUGE D’INSTRUCTION :

Art 575 alinéa 2 CPP : Remise aux parents provisoire

Placement familial provisoire : tuteur, gardien, personne digne de confiance

 

JUGE D’INSTRUCTION :

Art 575 alinéa 2 CPP : Placement institutionnel provisoire : centres d’accueil, institution publique ou privée, établissement hospitalier, établissement de formation ou de soins publique ou

agrée

C –  Mesures applicables à la PHASE DU JUGEMENT et durant son EXÉCUTION : Alternatives à l’incarcération

 

Mesures générales possibles :

  • Admonestation, avertissement, réprimande
  • Remise aux parents
  • Ajournement ou sentence suspendue
  • Sursis simple (à l'exécution d'une peine)
  • Sursis avec mise à l'épreuve (Probation)
  • Amende, avec ou sans sursis
  • Liberté surveillée, probation, assistance éducative
  • Libération conditionnelle
  • Travail d'intérêt général (TIG) ou travail communautaire

Arrêts domiciliaires avec surveillance électronique

 

Juridiction correctionnelle Instance ou Grande Instance :

CP : Art 44-2 ; CPP : Art 704 à 707-36

Sursis

Probation

Travail au bénéfice de la société

Semi-liberté

Fractionnement de la peine

Dispense de peine

Ajournement

 

NB : ces mesures ne peuvent être prescrits en cas de :

-         Récidive

-         Ou en matière criminelle.

Et en matière correctionnelle, ils sont exclus pour les infractions suivantes : le détournement de de deniers publics ; les délits douaniers ; le viol ; l’attentat à la pudeur ; la pédophilie ; les délits relatifs aux stupéfiants.

 

PRESIDENT DU TRIBUNAL POUR ENFANT :

Art 580 CPP et art 581 CPP : Remise aux parents, Placement familial : tuteur, gardien, personne digne de confiance

 

 

PRESIDENT DU TRIBUNALPOUR ENFANT :

Art 575, 580 CPP et art 581 CPP : Liberté surveillée

 

 

PRESIDENT DU TRIBUNAL POUR ENFANT :

Art 580 CPP et art 581 CPP : Placement institutionnel : centres d’accueil internat ; institution publique ou privée de formation ;

établissement hospitalier ou médico pédagogique

Commentaires et appréciations sur le dispositif légal d’adoption des mesures alternatives :

 

-         Par le visuel du tableau on peut noter la faiblesse des ressources et mesures alternatives sur cette étape de la poursuite, comme sur celle de l’instruction : cet état de fait d’indisponibilité des mesures prévues et codifiées, accroit les probabilités d’un choix de la détention provisoire. Cela peut expliquer la constante hausse constatée du flux des détenus provisoires.

-         Les organes créés : JAP/CS : sont inactifs sur la période de l’instruction alors qu’ils peuvent intervenir au titre de POP pour des enquêtes de personnalité, suivi des mesures de contrôle judiciaire et dans les compétences d’un BEX

-         L’option légale de limiter l’aménagement de la peine sur le 1/3 de la durée restante à purger, reste sélectif dans le choix des bénéficiaires des mesures et en limite l’élargissement du nombre d’éligibles.

-         Cependant pour garantir le respect du principe de l’individualisation et du contrôle du traitement pénitentiaire il y a le besoin de prise en charge de la portion catégorielle non encore éligibles à l’aménagement de la peine. En effet l’institution de ces principes et l’obligation de leur mise en œuvre par le JAP ouvre le champ à la généralisation progressive d’un accompagnement personnalisé, mais l’écueil bute sur la faiblesse des ressources humaines, la formation du personnel, et la non opérationnalité des organes dédiés, notamment le CPP qui doit recevoir un meilleur appui du Service social.

-         Plus généralement les textes applicables sont marqués par une diversité de sources CP, CCP, Décret sur l’Administration pénitentiaire, ce qui ne facilite pas une lecture aisée.

-         Le choix de ce format excluant l’existence d’un Tribunal d’application des peines et un recours en appel et en cassation, enlève au détenu le droit d’usage du second et 3eme degré de juridiction.

-         Le respect du principe du contradictoire et de l’assistance juridique dans l’intervention du JAP n’est pas codifié ; et même la présence du détenu devant le CPC est une simple faculté offerte à l’appréciation du JAP (art.73 alinéa 3) et cette comparution n’est pas codifiée devant le CAP.

 

NB: Sur ce plan des alternatives la prise en charge des mineurs manifeste plus de diversité en termes de mesures disponibles.

 

 

2 / REVUE DES ORGANES LEGAUX SUR L’AMENAGEMENT DES PEINES ET LA REINSERTION SOCIALE DES DETENUS MAJEURS

 

Le Comité de l’aménagement des peines (ressort chaque Cour d’Appel) : il doit en exister 6 pour toutes les Cours d’Appel du Sénégal

CCP : Art 683 bis ; Décret 2001-362 du 4 mai 2001, art 69 ;

-         Mission : il est chargé de l’aménagement des peines prononcées par les juridictions.

-         Compétence sur les prisons de son ressort (Cour d’appel de localisation)

-         Présidence par le Premier Président de la Cour d’Appel

-         Membres Procureur Général près la Cour d’Appel ; un représentant du Ministre chargé de la Police ; un représentant du Ministre chargé de la gendarmerie ; un représentant des collectivités locales ; le Greffier de la C.Ap. assure le secrétariat

-         Périodicité réunion : tous les 15 JOURS.

-         Saisine : sur transmission dossier et Rapport par Juge d’Application des Peines

 

NB : le Comité d’aménagement des peines est un organe administratif et non juridictionnel.

La compétence d’intervention est limitée à une catégorie de détenus :

-         A la personne condamnée pour laquelle il reste à subir 1/3 de la peine prononcée (art.692-1).

-         A la personne condamnée, qui a purgé les 2/3 de la peine.

Sa compétence est fixée sur les mesures alternatives suivantes :

-         Fractionnement de la peine (art.730-31 CPP ;44-2 CP),

-         Semi-liberté (art 707-28 à 707-30 CPP ; et 44-2 CP) ;

-         Le travail au bénéfice de la société (art.707-25 ; et 44-2 CP).

Il n’existe pas de Chambre d’Appel sur l’application des peines.

 

Juge d’Application des Peines (ressort, siège chaque TGI) :

CCP : Art 683 bis alinéa 2 et s ; Décret 2001-362 du 4 mai 2001, art 68. 71 à 73

-         Nomination : par arrêté du Ministre de la Justice.

-         Mission : Il est chargé du suivi exécution des peines et du contrôle de l’application des décisions du Comité de l’aménagement des peines ; il doit assurer l’individualisation de l’exécution de la sentence pénale judiciaire en orientant et en contrôlant les conditions de son application ; il décide des principales modalités du traitement du condamné.

-         Assistance du JAP : commission pénitentiaire consultative de l’aménagement des peines ; comité de suivi en milieu ouvert.

 

  • Sur le suivi exécution des peines et du contrôle de l’application des décisions du Comité de l’aménagement des peines 

C’est la mission relative à d’aménagement des peines, principalement décidé par le Comité d’aménagement des peines.

  • Sur l’attribution du JAP relative à l’individualisation des peines :

L’art.24 du décret 2001-362 du 4 mai 2001 précise que l’individualisation de la peine repose la constatation de la bonne conduite des intéressés et des efforts qu’ils manifestent en vue de leur reclassement.il exige un plan individualisé d’accompagnement à mettre en œuvre. Il implique un traitement adéquat appuyé par une prise en charge psycho sociale. Cela est confirmé par l’exposé des motifs de la loi n°2000-39 qui affirme que : « le reclassement du condamné amené à réintégrer sa société est une mission fondamentale désormais assignée à la sanction pénale.

L’ensemble des détenus sont donc bénéficiaires de ce régime d’individualisation. cf art. 31 décret 2001-362 du 4 mai 2001 et le JAP est la compétence en charge du pouvoir de décision sous la prescription de tenir compte que de la peine subie ou qui reste à être subie, sans référence aux aptitudes des condamnés. Ce système installe une judiciarisation de l’exécution des peines avec un rôle éminent du JAP. Il dispose sur ce plan de l’appui de deux organes :

-         La Commission Pénitentiaire consultative (art.73 décret 4 Mai 2001.) : voir ci-dessus.

-         Du Service Social Educatif (art.266 décret 4 Mai 2001) : ils fournissent au JAP au sein de chaque établissement pénitentiaire, les éléments lui permettant de mieux individualiser la situation pénale des détenus. Ils peuvent ainsi aider aux actes préparatoires à l’intervention de la Commission Pénitentiaire Consultative (CPC) et travailler sous sa supervision.

 

  • Sur la mission de contrôle du JAP :

Le JAP est investi en plus d’un pouvoir de contrôle et de surveillance sur la détention; il peut determiner pour chaque condamnés et auprès de chaque établissement de son ressort les principales modalités du traitement pénitentiaire

NB: Il faut deplorer que s’agissant d’un organe nouveau dans dispositif judiciaire précédent, le caractère très général opéré de la determination de ces attributions, sans precision concrete des procédés et methodologie à sa disposition. Il n’existe pas de Tribunal application des peines, ni de voies de recours au 1er, 2ème, et 3ème degré.

Commission Pénitentiaire consultative: art.73 (décret 4 Mai 2001) siege dans chaque établissement pénitentiaire (37):

-         Présidence : JAP

-         Membres de droit : Procureur de la République ; chef de l’établissement pénitentiaire

-         Autres membres : les membres du personnel de direction de l’établissement, un chef de cour, un membre du personnel de surveillance, les travailleurs sociaux, un membre du personnel soignant. Il peut être fait appel à toute personne de compétence sur décision du JAP en accord avec le chef d’établissement.

-         Siège : dans chaque établissement pénitentiaire.

-         Contact du JAP avec le détenu : par comparution ordonnée devant la commission pour audition ;

NB : saisine directe du JAP par détenu non codifié, action permanente de suivi personnalisé de tous les détenus non codifié mais appliqué au titre des attributions reconnus au JAP sur l’individualisation. Il n’est pas des responsabilités spécifiques dédiés aux membres.

-         Sur le plan de la compétence :

Elle est chargée de contrôler la situation de chaque condamné et d’en informer le juge d’application des peines. Elle doit donner son avis dans les mesures d’aménagement des peines prises par le CAP et le JAP. Mais elle n’intervient pas dans l’application qui est du ressort du CS assistant le JAP

 

-         Sur le plan du fonctionnement :

Le détail de son fonctionnement n’est pas codifié, ce qui est une limite. Il n’est donné aucune précision sur le travail préparatoire à l’examen du dossier du détenu et les responsabilités des différents membres à cet effet. On suppose un rôle accru du JAP, mais dont l’effectivité ne peut résulter que de l’apport essential des agents d’administration pénitentiaire. Il doit en effet etre dévolu à ce service une mission d’évaluation des profils des détenus et ensuite le travail de l'établissement d'un plan individualisé d'accompagnement. La configuration de ce comité sans l’appui d’autres structures comme le Service socio-éducatif dans sa mission peut être source de limites, et au vu du nombre de détenus et l’état de non permanence des réunions de la structure est un risque d’action en sous capacités.

 

 

Comité de suivi en milieu ouvert (ressort, siège TGI) : Art 683 bis dernier alinéa : assistance du JAP, art 310 du décret susvisé et 312 à 315 (pour les missions).

-         Présidence : JAP et chargé de l’animation art.323 décret susvisé.

-         Membres : plusieurs agents de suivi désignés par le Ministre de la Justice parmi les assistants sociaux et les éducateurs spécialisés de ce ministère. Il peut être fait appel à des délégués vacataires nommés par le DAP, sur proposition du JAP, ou à des délégués bénévoles agrées par le JAP sous les conditions fixées à l’art 317 ; des membres actifs et des membres d’honneurs ou bienfaiteurs.

-         Siège : auprès de chaque TGI

-         Périodicité de réunion (art 321 décret) au moins 1 fois par semestre sur convocation JAP (format restreint) ; 1 fois par an (séance plénière).

-         Secrétariat du comité par un agent du greffe du TGI.

 

NB : C’est la plateforme de l’exécution des peines, le soubassement du service de probation.

-         Sur le plan de la compétence :

La mission générale du comité de Suivi en milieu ouvert est de favoriser la réinsertion sociale des personnes prises en charge, de mettre en œuvre les mesures de contrôle (relativement au sursis avec probation, à l’ajournement avec probation, au TBS, aux libérés conditionnels, aux semi libres)

Le comité de suivi en milieu ouvert dispose de missions élargies : il peut aussi exécuter toutes investigations qui lui sont demandées pour l’exécution des peines privatives de liberté ; ou encore des mesures préalables au jugement notamment les enquêtes de personnalité ou des contrôles judiciaires. Il peut également apporter à leur demande une aide aux sortants de prison.

-         Sur le plan du fonctionnement :

Il faut déplorer la faiblesse de détermination de la structuration de l'action de l’organe en termes de définition des taches, des responsabilités dédiées, et de contrôle de l'exécution des tâches assignées. Tout est laissé à la discrétion du JAP, ce qui est une limite opérationnelle. Le volet présentenciel de son action est quasi inexistant (l’enquete de personnalité) ou autres types d’intervention.

 

On peut entrevoir dans ce format les missions et rôles d’un Service de Probation près le TGI :  intégrant en plus celle d’un Bureau d’exécution des peines[13], ou une Permanence d’Orientation Pénale[14].

 

Ministre de la Justice : CPP : Art 699 et s. libération conditionnelle.

-         Compétence d’octroi et de modification et de révocation le Ministre de la Justice chargé de l’Administration Pénitentiaire

-         Bénéficiaire :

  • Exigence de conditions assorties : condition spéciale d’éligibilité à la mesure spécifiques au condamné (art.699 CPP) 
  • D’un délai d’execution de la peine plus
  • Et d’un accord personnel du condamné.

-         Suivi : JAP chargé de mesures provisoires urgentes et du suivi courant avec assistance du comité de suivi en milieu ouvert

 

 

Cette nouvelle architecture judiciaire née de la réforme est une amorce dans l’usage des ressources alternatives à l’incarcération. Mais cette réforme est encore à minima et encore théorique, avec une faible emprise sur la réalité[15]. On peut relever les limites suivantes pour illustrer ce constat ; en effet :

-        L’organisation et le fonctionnement des organes crées (CAP, CPC, CS) manquent d’orientations détaillées dans leur fonctionnement pratique, car les dispositions adoptées sont restées sommaires[16]. Il faut déplorer la faiblesse de la structuration de l'action des organes en termes de définition des taches, de précisions des responsabilités dédiées, et de contrôle de la réalité de l'exécution des tâches assignées.

 

-        L’aménagement des peines est du ressort du comité de l’aménagement des peines : organe d’administration non juridictionnel. On note une absence de voies de recours[17] sur ces décisions.

Ensuite le JAP, sur la compétence d’aménagement des peines, dépend pour agir du Comité de l’aménagement des peines, tout comme de la Commission Pénitentiaire Consultative[18] : ce qui peut être source de blocage ou de léthargie, en cas de lenteurs émanant des structures susvisées.

-        En plus le champ de l’aménagement n’est étendu qu’au tiers de la peine restante. Ainsi son application est encore sélective et catégorielle sur l’aspect aménagement de la peine.

-        Et aussi il y a de sérieuses limites d’action du système carcéral sur la prise en charge psycho social en raison de la faiblesse des ressources humaines qualifiées ; et le lien de l’organe de la Commission Pénitentiaire Consultative (CPC), avec le Service Social Educatif est faiblement codifié. .

-        Le cadre infrastructurel et ses limites : l’application des mesures alternatives est tributaire de la fonctionnalité des infrastructures notamment pour respecter la répartition catégorielle pénale (détenus provisoires et condamnés dans des quartiers distincts) ; ceux soumis à la semi-liberté (dans des quartiers à créer) et surtout par l’exigence d’application du principe de l’individualisation ; et cet état de fait de bonne conformité fait défaut, d’où des causes de dysfonctionnement dans la mise en œuvre des alternatives provenant essentiellement de l’état inadaptée des infrastructures.  

 

Le JAP est le pivot central dans le système sénégalais, mais il fait face à des limites opérationnelles nées de l’action des organes qui l’assiste relativement au traitement pénitentiaire, dans le suivi en milieu ouvert, comme à l’échelle interne de la prison.

 

Et sur l’espace carcéral le constat le plus marquant se situe sur la faiblesse dans l’accueil, la réception du détenu au plan psycho social.

COMMENTAIRES SUR LE TRAITEMENT PENITENTIAIRE DANS L’ESPACE CARCERAL SENEGALAIS

L’engorgement actuel des prisons rend difficile la gestion de l’espace carcéral.

Cependant il est nécessaire d’y organiser et former les structures internes de la prison à un travail programmatique de gestion des détenus, sur le plan psycho social : par une activité d’accueil, de répartition catégorielle, et de mise en route d’un accompagnement individualisé.

Il manque en amont à cet effet en termes de compétence, un service interne de la prison en charge de ces obligations. Ce travail est valable pour tous les détenus : ceux éligibles à l’aménagement des peines, comme ceux non encore éligibles.

 

Il n’est pas évident que la Commission Pénitentiaire Consultative joue actuellement un tel rôle (vu l’absence de permanence, sa périodicité d’intervention limitée, son sous-effectif, et l’absence des ressources humaines qualifiées sur ce plan)

Le service socio- éducatif existant est aussi en sous capacités numérique, est aussi faiblement outillé en formation psycho sociale et peu organisé à assumer ce rôle.

 

Or dans ce service à construire doivent intervenir des travailleurs sociaux en plus des surveillants de prisons, des médecins des psychologues en vue de l’évaluation des profils des détenus et ensuite travailler l'établissement d'un plan individualisé d'accompagnement.  Ainsi par l’action de ce service :
-Le détenu bénéficie ainsi d'un suivi personnalisé pour la mise en œuvre de ce plan d’accompagnement dont la finalité est d'aboutir à sa totale réinsertion sociale par un amendement..
-Le service développe à cet effet divers outils d'intervention à l'intérieur de la prison se matérialisant par un plan d'activités préparatoires du détenu établi suivant l'évaluation de ses besoins, et reposant pour la mise en œuvre sur un réseau de partenaires extérieurs.
-L'action menée en lien avec la dynamique de l'exécution de la peine est par conséquent sous la direction et le contrôle des compétences judiciaires que sont le Procureur de la république et le juge d'application des peines...
-L'action repose sur les principes d'appui à la réhabilitation des détenus par les moyens juridiques de l'aménagement des peines et de l'humanisation de la détention.
Tout ceci qui compose le traitement pénitentiaire, participe à la mise en œuvre d'une politique criminelle de réhabilitation sociale en faveur des détenus et des populations à risque...afin d’éviter le basculement définitif dans la délinquance. Et c’est pourquoi l'action peut comporter aussi des activités de prévention.

 

Il manque ainsi dans les dispositifs d’intervention sénégalais une démarche programmatique, réalisée par une structure interne à la prison et organisée pour assurer cet encadrement.

En pour qu’une telle démarche soit fonctionnelle et réussie, cela requiert les outils d’intervention suivants :

  • Prise en charge sanitaire, psychologique et l’évaluation des besoins de chaque détenu dès son accès à la prison : préparer l’adhésion.
  • Des activités du maintien du lien social et du soutien moral et religieux.
  • Des activités de suivi judiciaires d’appui à la réinsertion.
  • Des programmes d’éducation et de formation pour tous les détenus.
  • Des activités d’emploi des détenus.
  • Des programmes de prise en charge des catégories vulnérables et spéciales.
  • Des activités d’appui par des services extérieurs pour la préparation à la sortie et le suivi post carcéral.

NB : pour les détenus qui purgent une courte peine, disposant donc de peu de temps pour entamer des activités utiles on donne la priorité à la protection des liens avec la famille et avec le monde extérieur.

Partant de cet éclairage sur ce qui est à faire, il ne ressort donc pas de la réforme du cadre légal, que l’attention et les moyens soient disponibles et formés aujourd’hui pour une prise en charge et un accompagnement individualisé de chaque détenu dans le processus de la vie carcérale.

Et les structures actuelles prévues sont faiblement aptes et outillées à réaliser cet objectif défini. Il serait pour cela nécessaire comme solution, d’appuyer le service socio-éducatif et l’organiser à cet effet dans une relation avec la Commission Pénitentiaire consultative.

 

QU’AU TOTAL EN RESUME DES INSUFFISANCES IL Y A DONC A RELEVER :

-        Une absence de complétude : inexistence du dispositif interne organisé d’encadrement et d’accueil méthodique sur le plan psycho social dans la prison.

-        Une absence de programmation permettant des activités de prise en charge : par des outils et personnels ; des protocoles d’intervention.

-        Une absence de lignes directrices organisant les liens structurels des organes créés, leurs objectifs d’action, et un cadre opérationnel des structures (définie dans document de stratégie).

-        Une absence de mobilisation sociale.

 

OR UNE DYNAMISATION DU RECOURS AUX MESURES ALTERNATIVES ET UNE REINSERTION SOCIALE DES DETENUS REQUIERT :

(1) de réduire les flux d’arrivée à la détention par conviction et volonté d’usage des alternatives, en favorisant la mobilisation des acteurs judiciaires et sociaux sur cet objectif ; (2) Il faut un suivi personnalisé en détention ; (3) la compréhension que l’action de réinsertion doit bénéficier aux détenus à chaque niveau de son temps de présence carcérale ; (4) de travailler sur la prévention et la sensibilisation.

Tout cela permettrait de corriger toutes les incohérences de la législation pénale actuelle souvent inadéquate, lacunaire en matière de prise en charge et protection des droits des détenus.

 

II/ ALORS QUELLES VOIES D’AMELIORATION DU SYSTEME SENEGALAIS D’USAGE DES MESURES ALTERNATIVES

Partant des constats relevés ci-dessus il est urgent d’avoir à travailler sur 3 voies d’amélioration:

 

-        UNE VOIE D’AMELIORATION AXEE SUR LE MEILLEUR TRAITEMENT PENITENTIAIRE DES DETENUS

  • PAR UNE ACTION SUR LE SYSTEME JUDICIAIRE POUR GARANTIR UNE RESTRICTION DANS L’USAGE DE LA DETENTION PROVISOIRE

L'engorgement des prisons est évidemment l'un des problèmes de fond majeur du système carcéral sénégalais.

 

Pour rectifier cela il y a à mener l’action sur le système judiciaire car il est noté qu’une forte proportion du flux provient des détenus en situation de détention provisoire[19].

Or la détention provisoire est une mesure, qui doit être exceptionnelle, visant à emprisonner une personne mise en examen dans l’attente de son procès, mais dans des conditions légales définies.

Et que de plus la détention provisoire n’est pas une sanction, mais une mesure visant à préserver une procédure pénale. Elle est régie par les articles 127 et suivants du code des procédures pénales (CPP)[20], et 576 du même code pour ce qui concerne les mineurs.

 

C’est pourquoi certaines législations pour assurer le contrôle sur l’usage de la détention provisoire, ont opté pour des restrictions des conditions de mise en œuvre du contrôle judiciaire et de la liberté provisoire et en plus ont institué un examen obligatoire de la mesure de détention provisoire à des échéances fixées sous la compétence d’un juge des libertés et de la détention.

Cet organe est inexistant dans le cadre légal sénégalais, et il faut le déplorer. En somme il y a au Sénégal un réel besoin de parfaire l’usage orthodoxe de la détention provisoire, pour garantir contre les risques d’abus et les pratiques peu protectrices de la liberté, qui est le principe. Cela ne peut résulter cependant que d’une réforme de la loi.

 

  • PAR UNE ACTION SUR LE SYSTEME PENITENTIAIRE EN ASSURANT UN MEILLEUR TRAITEMENT PENAL

Au Sénégal il est certes créé un service socio-éducatif dans les prisons.

Ensuite le document de la Politique sectorielle Justice pour le service socio-éducatif lui définit comme objectif de réforme les activités suivantes :

-        Redéfinition du cadre de ses activités, planification des activités de réinsertion, dynamisation, prise en charge accentué du volet réinsertion avec plus de lien le comité consultatif pénitentiaire et le comité de suivi, supervision du service socio-éducatif ;

-        Formation conseiller d’insertion et de probation.  

-        Elaboration document de suivi en milieu ouvert ; guide action[21] service socio-éducatif et comité de suivi.

 

Ces constats impliquent une redynamisation et un meilleur appui du service socio-éducatif à la Commission Pénitentiaire Consultative pour un suivi accentué de l'ensemble des détenus et ainsi permettre au JAP d’agir pour un meilleur exercice sur sa mission de contrôle et d'individualisation des peines en faveur de tous les détenus. Il faut donc plus de personnel dédié à cette tâche et plus de formations.

 

En appui à ce travail interne préparatoire du service socio-éducatif, il y a le besoin de spécialiser le JAP pour un suivi rapproché des services internes d’encadrement des détenus dans les prisons, afin d’asseoir, le suivi et l’exécution de chaque peine.

Il y a donc un choix de redynamisation du JAP, et une structuration plus poussée de son action dans le traitement pénitentiaire.

 

-        UN PLAIDOYER POUR UNE REFORME LEGALE PLUS COMPLETE

La mise en œuvre de la réforme a révélé des insuffisances sur les options d’organisation structurelle, les outils à mettre en œuvre. Il est nécessaire d’opérer les identifications de toutes les limites et travailler à résorber les faiblesses légales constatées.

 

-        UNE VOIE D’ACTION SUR L’ADHESION COMMUNAUTAIRE

L’action par la seule loi ne suffit pas à assurer la réussite du système judiciaire dans la mise en œuvre des mesures alternatives.

En effet le fonctionnement de la justice implique le refus du cloisonnement, de la vision simplement technique de la solution du problème.

Son action doit intégrer et promouvoir l’intervention de la communauté nationale. Car rien ne réussira sans l’implication de la communauté.

Et c’est l’adhésion des populations bénéficiaires par leur compréhension de la construction législative qui sera garante de l’effective application de la loi.

Et cette adhésion facilite aussi la bonne application des décisions résultant du système de justice.

C’est l’intérêt de l’approche culturelle à développer. Or ce chantier est encore peu entamé quasiment dans tous les pays[22].

 

Au FINAL le constat le d’état des lieux du Sénégal tant sur la question des alternatives, que sur celui de la réinsertion est :

-        D’abord l’existence certes d’une Politique Sectorielle Justice (document stratégique et plan d’action pluriannuel 2017 - 2022) mais avec une situation carcérale non adéquate et une non évolution de la mise en œuvre des alternatives malgré la réforme du cadre légal intervenue depuis 2000.

-        Ensuite sur le volet administration Pénitentiaire, absence de Plan d’action. Et au plan le plus abouti il y a le besoin d’une politique nationale de réinsertion sociale des détenus ou tout au moins une stratégie nationale de réinsertion sociale. C’est pourquoi du fait de son inexistence, la situation actuelle est juste une gestion palliative d’action sur les urgences ; ce qui ne peut assurer une efficience.

 

OR IL Y A DES OBLIGATIONS JUSTIFICATIVES DU RECOURS AUX ALTERNATIVES ET A L’ACTION DE REINSERTION :

En effet les prisons doivent être des lieux où il existe un programme complet d’activités constructives qui aident les détenus à améliorer leur situation, cela par un programme de vie active en prison.

 

Car au minimum l’expérience de la prison ne doit pas mettre les détenus dans une situation pire que celle dans laquelle ils se trouvaient au début de leur condamnation. (Art. 10, 3 PIDC) ; Règles 65 et 66 Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.

A cet effet il n’est pas suffisant que les autorités pénitentiaires traitent les détenus avec humanité, elles doivent également fournir aux détenus la possibilité de changer et de se développer, de s’améliorer.

 

Un détenu réinséré n’est pas un détenu qui apprend à survivre mais une personne qui réussit dans le monde extérieur à sa libération. Les activités fournies par la prison doivent chercher à donner les ressources et les aptitudes nécessaires pour bien vivre hors de la prison, il faut lier le travail que font les détenus aux possibilités de travail à l’extérieur.

Alors quels préalables pour un usage accentué des mesures alternatives ?

D’abord une affaire de volonté politique, et des convictions.

Car pourquoi encore développer l’usage des mesures alternatives : 1 d’abord parce que la prison coute cher (voir l’image proposée ci-dessous) ; 2 aussi il n’y a pas de fondement culturel africain à la prison ; la prison est un apport de la colonisation et non une construction endogène de notre société, nous ne sommes pas obligés d’en faire recours systématiquement, nous avons des modes alternatifs à promouvoir ; 3 enfin il y a des obligations de respect des normes résultant des standards internationaux auxquels nous avons souscrits, qui promeuvent les mesures alternatives.

Une étape est donc franchie avec l’adoption du nouveau cadre légal ; mais il y a une autre étape qui est à venir pour une mise en œuvre concrète grâce au déploiement de ses dispositifs stratégiques et opérationnels par une politique de réinsertion sociale des détenus.

 

FAIT A DAKAR CE 28 NOVEMBRE 2019

Par MAITRE MACTAR DIASSI



[1] En Europe, particulièrement en France « Le législateur s’est efforcé, au cours des vingt dernières années, de limiter le recours à l’emprisonnement ; Ce mouvement a été amorcé dans les années 1970, pour se poursuivre durant les trente dernières années. » La réflexion sur la prison en France a commencé dans les années 1970. C'est notamment un livre, Surveiller et punir de Michel Foucault, qui a lancé le débat.

Les premières peines alternatives ont été instituées par la loi du 11 juillet 1975, qui a créé différentes peines privatives ou restrictives de droit.

[2] Voir ci-dessous les sources au plan international.

[3] Mais « Les mesures destinées à faire obstacle à la prison sont presque aussi vieilles que la prison » rappelle l’ancien Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue. En effet, depuis le sursis instauré en 1891 à la récente contrainte pénale, en passant par le sursis avec mise à l’épreuve ou encore le travail d’intérêt général, les magistrats disposent d’un panel de sanctions alternatives à l’incarcération qui se sont développées au fil du temps. Néanmoins, loin de réduire le recours à l’emprisonnement, celles-ci ont plutôt contribué à davantage de contrôle social.

Les peines alternatives ne se substituent pas mais s’ajoutent aux peines de prison. Elles sont en outre toutes référencées à l’emprisonnement, le non-respect de leurs conditions pouvant entrainer un placement en détention. II doit être visé de « sortir de la centralité » de la prison.

 

[4] la résolution du 9 décembre 1988 de l’AG des Nations Unies

[5] Cf. : MANUEL DES PRINCIPES FONDAMENTAUX ET PRATIQUES PROMETTEUSES SUR LES ALTERNATIVES À L’EMPRISONNEMENT (UNODC) : Les Règles de Tokyo ne sont pas le seul instrument des Nations Unies directement applicable aux alternatives à l’emprisonnement. Parmi les autres figurent :  -La Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir ; - Les Principes fondamentaux concernant le recours à des programmes de justice réparatrice en matière pénale.

Et Dans des domaines spécialisés, une très grande attention a été accordée aux alternatives à l’emprisonnement pour:  Les mineurs: l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) ;  Les toxicomanes: la Déclaration sur les principes fondamentaux de la réduction de la demande de drogues de l’Assemblée générale des Nations Unies;  Les malades mentaux: les Principes pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale et Les femmes: la Septième conférence des Nations Unies sur la prévention du crime et le traitement des délinquants.

[6] Ces règles ont été examinées pour la première fois au septième Congrès pour la prévention du crime et la justice pénale et adoptées ensuite par l’Assemblée générale (résolution 45/110 du 14 décembre 1990) 

[7] Les rapports annuels de l’Administration pénitentiaire, des organismes de défense des droits humains, de l’Observatoire de lieux de privation de liberté, du Ministère de la Justice...

[8] Plus que les traditionnelles notices remplies par les services enquêteurs, ces enquêtes par exemple sont obligatoires en France pour les majeurs de moins de 21 ans avant toute réquisition de placement en détention provisoire (art. 41 du code de procédure pénale français) et permettent aux juridictions d’adapter et d’individualiser la sanction.

 

[9] Soit l’effectif au 31 décembre 2016.

[10] Soit l’effectif de 2017.

[11] Source des constats : Lettre de Politique sectorielle secteur de la Justice : 2018 - 2022.

[12] Mention déjà indiquée ci-dessus.

[13] Le BEX : est un service permettant l’appui à la décision d’exécution des peines agissant soit avant condamnation pour informer et orienter, encadrer sur la préparation à l’audience, avant le prononcé du jugement, soit après condamnation en lien avec le JAP.

[14] Le POP : est un service permettant la réalisation d’enquête rapide sur la personnalité du prévenu en lien avec le JAP.

[15] Les mesures alternatives et le système de mise en œuvre adoptée, contribue faiblement au changement de la situation.

[16] Elles sont simplement déclaratives des principes, sans précision sur les actes opérationnels de la mise en œuvre ; en France rien que sur le principe de l’individualisation, une loi en définit tout le cadre opérationnel de mise en œuvre.

[17] Voir commentaire sur le Tableau descriptif des mesures alternatives applicables au Sénégal : Le respect du principe du contradictoire et de l’assistance juridique dans l’intervention du JAP n’est pas codifié ; et même la présence du détenu devant le CPC est une simple faculté offerte à l’appréciation du JAP (art.73 alinéa 3) et cette comparution n’est pas codifiée devant le CAP.

[18] Au Sénégal il n’y a pas de Conseiller de probation, le travail préparatoire à la décision du JAP sur le traitement pénitentiaire, peut etre limité sans l’appui du service socio-éducatif au CPC.

[19] C’est pourquoi l'amélioration des conditions d'incarcération doit passer principalement par la lutte contre l'engorgement carcéral en agissant d’abord sur le système judiciaire pourvoyeur mais aussi par l'encouragement de la communication entre détenus et administration pénitentiaire au titre du suivi personnalisé facilitant l’aménagement des peines.

[20] Ainsi, en cas de délit, lorsque l’infraction concernée est punissable d’une peine inférieure ou égale à trois ans, l’inculpé ne peut être retenu en détention provisoire plus de 5 jours après sa première comparution devant le juge d’instruction. Cette règle est applicable lorsque l’inculpé est régulièrement domicilié au Sénégal (article 127 al 1 CPP).

Cette disposition connait cependant une limite énoncée par l’alinéa 2 de ce même article. Pour les crimes, l’article 127 bis vient ensuite ajouter que, sauf exception, si la détention provisoire est ordonnée, elle ne peut durer plus de 6 mois maximum et non renouvelables ; passés ces délais prévus par la loi, la mise en liberté est en principe de droit.

[21] NB : il faut même aller plus loin et créer un guide pratique du travail des agents pénitentiaires sur la gestion de toutes les activités intéressant des détenus.

 

[22] Les populations sont encore faiblement informées, associées à ce processus dont ils constituent des acteurs essentiels et restent en retrait non impliquées. La sensibilisation à encore un long chemin à parcourir.